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Articles du Vendredi : Sélection du 30 septembre 2016

Des climatologues alertent : le réchauffement climatique va beaucoup plus vite que prévu

Afp
www.sudouest.fr/2016/09/29/des-climatologues-tirent-la-sonnette-d-alarme-la-hausse-des-temperatures-s-emballe-2518166-706.php

Objectif 1,5 – 2°C: il y a déjà « trop de gisements exploités » de charbon, pétrole et gaz


http://dr-petrole-mr-carbone.com/objectif-15-2c-il-y-a-deja-trop-de-gisements-exploites-de-charbon-petrole-et-gaz/

Nous vivons l’effondrement de « la Mondialisation malheureuse » : entretien avec Thomas Guénolé


https://mrmondialisation.org/mondialisation-malheureuse/

Urgence climatique : sans la mobilisation citoyenne, rien ne se fera

Jon Palais est un militant Bizi, ANV-COP21 (Action non-violente COP 21) et Alternatiba.
https://reporterre.net/Urgence-climatique-sans-la-mobilisation-citoyenne-rien-ne-se-fera

Des climatologues alertent : le réchauffement climatique va beaucoup plus vite que prévu

Afp
www.sudouest.fr/2016/09/29/des-climatologues-tirent-la-sonnette-d-alarme-la-hausse-des-temperatures-s-emballe-2518166-706.php

Sept éminents climatologues tirent la sonnette d’alarme et appellent à tripler les efforts pour limiter les émissions de gaz à effet de serre

La hausse des températures sur la Terre s’accélère et « il est nécessaire de doubler, voire tripler les efforts » pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, ont alerté jeudi sept éminents climatologues.

Ceux-ci tirent la sonnette d’alarme dans un communiqué de sept pages qui résume une nouvelle analyse détaillée intitulée : « La vérité sur le changement climatique ». « Le réchauffement se produit maintenant et beaucoup plus vite que prévu », a insisté Robert Watson, ancien président du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), porte-parole de ces sept scientifiques issus de plusieurs pays.

Troisième record annuel consécutif

La planète est en passe cette année de battre son troisième record annuel consécutif de chaleur depuis le début des relevés de température en 1880.

« Sans efforts supplémentaires par tous les principaux émetteurs de gaz à effet de serre, l’objectif de limiter la hausse de température à 2 degrés Celsius pourrait même être atteint plus tôt que prévu », a-t-il prévenu.

Les dirigeants de la planète ont initialement fixé à 2°C l’objectif de montée maximum du mercure d’ici la fin de ce siècle par rapport aux niveaux de l’ère pré-industrielle. Ils estiment que cela permettrait d’éviter les conséquences les plus néfastes du réchauffement, sécheresses, incendies, vagues de chaleur, inondations et autres ouragans.

Risque d’un désengagement américain

Même si tous les pays signataires de l’accord de Paris respectaient leurs engagements pour limiter la hausse des températures, les émissions globales de gaz à effet de serre ne diminueront pas assez rapidement au cours des quinze prochaines années, ont-ils souligné, citant un rapport des Nations unies de 2015.

Ainsi, l’objectif le plus ambitieux de l’accord de Paris de maintenir la hausse des températures sous 1,5°C est « presque certainement impossible et pourrait même être atteint au début des années 2030″, selon ces scientifiques.

Une grande inquiétude pour ces experts, c’est le risque d’un désengagement des Etats-Unis, deuxième -plus gros émetteur de gaz à effet de serre derrière la Chine, dont le rôle mondial dans la lutte contre le réchauffement est jugé indispensable.

« Même si Trump, qui nie la réalité du changement climatique, perd et qu’Hillary Clinton entre à la Maison Blanche, si les deux chambres du Congrès restent contrôlées par les républicains, cela posera un vrai problème pour l’accord de Paris » Robert Watson

Pour rester sous les 2°C, les émissions globales de CO2 devront être nulles d’ici 2060 à 2075, rappellent ces scientifiques, un objectif qui paraît compliqué étant donné que 82% de toute l’énergie mondiale provient à l’heure actuelle de la combustion du pétrole (31%) du charbon (29%) et du gaz naturel (22%).

Objectif 1,5 – 2°C: il y a déjà « trop de gisements exploités » de charbon, pétrole et gaz


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Une étude publiée par Oil Change International souligne que le respect de l’objectif de l’Accord de Paris sur le climat nécessite d’arrêter le développement des extractions, forages, pompages et autres fracturations pour les charbon, pétrole et gaz. Selon elle, certains gisements actuels devront même « cesser leurs activités avant leur exploitation complète ».

Selon Oil Change International, « arrêter les nouvelles exploitations et constructions ne signifie pas fermer les robinets du jour au lendemain (…) « Alors que les gisements et les mines d’énergies fossiles réduiront leur production, les énergies renouvelables se développeront au même rythme répondant ainsi à la demande mondiale », espère l’organisme.

Le contraste est saisissant. Alors que le monde se félicite que l’Accord de Paris sur le climat puisse rentrer en vigueur d’ici la fin de l’année, et que pour montrer le chemin se multiplient les sommets en parties financés par des industries sous perfusion de carbone (comme Climate Chance à Nantes avec Engie et GRDF, ou la prochaine COP22 à Marrakech avec Royal Air Maroc), l’organisme Oil Change International rappelle à travers un nouveau rapport intitulé « The Sky’s limit » ce que veut vraiment dire « limiter le réchauffement bien en dessous 2°C en visant 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels », grand objectif de cet Accord de Paris: sortir totalement du pétrole, du charbon et du gaz, dans les 35 ans qui viennent. Les signataires mesurent-ils vraiment ce que cela implique ?

« Les gisements actuellement exploités de pétrole, gaz et charbon représentent un potentiel d’émissions de gaz à effet de serre qui ferait dépasser la limite 2 °C »

« Les politiques sur le climat ont historiquement porté sur l’imposition de cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre, alors que la source de ces émissions n’était pas abordée. Cette approche n’est plus soutenable : les émissions à la source doivent être maintenant réduites », commente Oil Change International qui a réalisé son étude en collaboration avec 14 autres structures dont 350.org., Equiterre, Rainforest Action Network, Global Catholic Climate Movement, Bold Alliance, Earthworks…

Rappelant qu’il est nécessaire que les réserves mondiales connues d’énergies fossiles (charbon pétrole, gaz) restent sous terre au 4/5 environ pour limiter le réchauffement planétaire à moins de 2°C, Oil Change International invite les décideurs à « ne plus développer de nouvelles infrastructures d’exploitation ou de transport des énergies fossiles », et les gouvernements à « cesser d’en délivrer des permis ». Mieux encore: « certains gisements, particulièrement dans les pays riches, devront cesser leurs activités avant leur exploitation complète », affirme-t-il.

Pour réaliser son étude, Oil Change International a considéré deux budgets carbone: l’un offrant 66 % de chance de limiter les changements climatiques sous les 2°C, l’autre offrant 50 % de chance d’atteindre la cible de 1.5°C.

« Si elles étaient exploitées, les réserves mondiales connues d’énergies fossiles feraient augmenter les émissions bien au-delà de ces cibles. En effet, pour atteindre les limites des 2°C ou du 1,5°C, ces réserves doivent restées dans les sols à, respectivement, 71 % et 87 % », estime Oil Change International. L’étude se concentre donc « sur les quelque 30 % de ces gisements pétroliers et gaziers, ainsi que sur les mines de charbon déjà en opération ou en construction », indique l’organisme. « Il s’agit des gisements où les puits ont été (ou seront) forés, les fosses creusées, ainsi que des pipelines, des installations de traitement, des chemins de fer et des terminaux d’exportations déjà construits », précise-t-il.

Pour Oil Change International, « les gisements actuellement exploités de pétrole, gaz et charbon représentent un potentiel d’émissions de gaz à effet de serre qui ferait dépasser la limite 2 °C ». De plus, se passer uniquement du charbon n’est selon lui pas suffisant: « À eux seuls, les gisements de pétrole et de gaz représentent un potentiel d’émissions de gaz à effet de serre qui ferait dépasser la limite 1,5 °C », avertit-il.

 

Trois scénarios: la « gestion du déclin » des énergies fossiles, les « stranded assets » et le « chaos climatique »

« Chaque État doit faire sa part selon ses capacités à agir tout en respectant ses responsabilités historiques en termes de changements climatiques. Avec seulement 18 % de la population mondiale, les pays industrialisés ont causé plus de 60 % des émissions de gaz à effet de serre jusqu’ici et possèdent les ressources financières pour lutter contre les changements climatiques. » Raison pour laquelle la plupart des fermetures anticipées de gisements et de mines devraient donc « se faire dans les pays industrialisés ».

Selon Oil Change International, « arrêter les nouvelles exploitations et constructions ne signifie pas fermer les robinets du jour au lendemain (…) Alors que les gisements et les mines d’énergies fossiles réduiront leur production, les énergies renouvelables se développeront au même rythme répondant ainsi à la demande mondiale », espère-t-il, reconnaissant néanmoins qu’il sera pour cela au moins nécessaire de « soutenir politiquement les énergies renouvelables » et également d’avoir une transition énergétique « juste » pour ceux qui « dépendent actuellement de l’industrie des énergies fossiles ».

Oil Change International espère que les énergies renouvelable type éolien et photovoltaïque peuvent en grande partie remplacer les énergies fossiles.

Ca c’est pour le scénario « idéal », le scénario de la « gestion du nécessaire déclin » des énergies fossiles. Oil Change International évoque également deux autres scénarios envisageables. Dans le premier, les compagnies de l’énergie fossile poursuivent leurs activités mais les politiques de réduction des émissions connaissent du succès. Dans ce cas, de nombreux actifs du charbon, du pétrole et du gaz, vont se retrouver dévalorisés. C’est le scénario « stranded assets » (actifs perdus), avec crise économique, chômage, etc. Précision: à ce jour, « les investissements projetés dans l’exploitation et le transport des combustibles fossiles sont estimés à 14 mille milliards de dollars », chiffre Oil Change International.

Dernier scénario envisageable: les entreprises du pétrole, du gaz et du charbon poursuivent leurs extractions, forages, pompages et autres fracturations, et parallèlement les politiques de réduction des émissions -ou de développement massif de l’éolien et du photovoltaïque- sont un échec. Dans ce cas, « les émissions nous conduiront bien au-delà de 2°C, avec comme résultat une catastrophe économique et humaine », promet le rapport. C’est le scénario « chaos climatique ».

Nous vivons l’effondrement de « la Mondialisation malheureuse » : entretien avec Thomas Guénolé


https://mrmondialisation.org/mondialisation-malheureuse/

Paru ce 15 septembre, l’ouvrage du politologue français Thomas Guénolé déshabille la mondialisation telle que nous la connaissons. Entre paupérisation des populations, crise migratoire, et conflits économiques et politiques sur fond de catastrophe environnementale, celle-ci a tout aujourd’hui pour être recouverte de l’adjectif « malheureuse ». Ne se contentant pas de critiquer sans proposer de solution, Thomas Guénolé nous dévoile également quelques pistes pour, selon lui, mettre un terme à la morosité ambiante et avancer vers un « alter-système » salvateur.

Mr. Mondialisation : Bonjour Thomas Guénolé. Vous êtes politologue et professeur à Sciences Po Paris, agitateur d’idées dans des médias comme l’Obs et Néon, et vous en êtes aujourd’hui à la publication de votre quatrième livre : « La Mondialisation malheureuse ». Comment vous est venue l’idée de ce thème et que recouvre-t-il exactement ?  

Thomas Guénolé : À l’origine de ce livre, il y a une intuition cauchemardesque : celle qu’à cause de l’explosion des inégalités, j’allais voir de plus en plus de barbelés partout ; que ce soit entre les pays, dans les pays, entre les gens, et dans les têtes. J’ai donc écrit ce livre pour déconstruire et attaquer l’argumentation mensongère pro-mondialisation, qui prétend que c’est un bon système sous sa forme actuelle alors qu’il est injuste, inhumain, et écologiquement destructeur. Je m’efforce d’analyser cette « mondialisation malheureuse » à la fois sous l’angle économique, financier, géopolitique, humanitaire, et écologique, en abordant dans chaque chapitre des pistes concrètes pour humaniser ce système.

J’appelle « mondialisation malheureuse » l’entreprise politique de pillage des ressources humaines et matérielles de notre planète par une infime minorité de l’humanité. Certains les appellent les 0,1%. Je préfère les qualifier d’« oligarques », car ils forment une oligarchie au sens d’Aristote : le règne d’un petit nombre à son seul profit. Les 62 plus grands oligarques de la Terre détiennent à eux seuls autant de richesses que la moitié la plus pauvre de l’humanité, c’est-à-dire 3,5 milliards de personnes.

Mr. M : L’action de cette minorité détentrice de capitaux serait donc, selon vous, au cœur de cette mondialisation malheureuse : comment se traduit-elle concrètement ?

  1. G. : Le programme économique de cette mondialisation malheureuse consiste à vendre à la découpe nos biens collectifs et nos services publics ; à abaisser les protections sociales des populations ; et à abattre tout obstacle aux activités prédatrices des grandes firmes en général, bancaires en particulier. C’est ce qui a été imposé aux pays d’Amérique du sud, sous l’égide du FMI, dans les années 1990. C’est aussi ce qui a été imposé à la Grèce, par le FMI et l’Union européenne, dans les années 2010. Et c’est ce qui est en train d’être imposé à de plus en plus de pays d’Europe, les uns après les autres : qu’il s’agisse de la France, de l’Italie, de l’Espagne, ou encore du Portugal.

Le résultat de cette politique est, si l’on s’en tient à l’essentiel : l’enrichissement spectaculaire des oligarques, la dégradation de nos services publics, l’affaiblissement de nos États, l’aggravation des inégalités Nord-Sud, l’aggravation des inégalités dans les pays riches, ainsi que la dégradation de plus en plus irréversible des équilibres écosystémiques.

Mr. M : En parlant d’équilibre écosystémique, vous abordez dans votre livre la question environnementale, qui selon vous subit également les conséquences d’une mondialisation effrénée. Pouvez-vous nous en dire davantage sur les mécanismes identifiés et qui nuisent aujourd’hui à la santé de la planète ?

  1. G. : Le taux de consensus des scientifiques sur l’existence d’un réchauffement climatique global issu de l’Homme est de 97%. Prétendre que la question serait encore débattue entre experts, c’est donc aussi absurde que de dire que la rotondité de la Terre serait encore en question du fait d’un ou deux hurluberlus encore persuadés qu’elle est plate. Nous sommes bel et bien entrés dans l’ère géologique de l’anthropocène dont la principale caractéristique est qu’elle constitue la sixième extinction de masse des espèces vivantes de la Terre. Mais pour la première fois, de nos jours, c’est l’impact des activités d’une des espèces – l’Homme – qui a déclenché et nourrit encore la disparition de plus en plus d’espèces vivantes. La mondialisation malheureuse aggrave ce phénomène, parce que sa mise en concurrence débridée de tous les producteurs de la planète les incite à écraser tous leurs coûts vers le bas, y compris les coûts de préservation de l’écosystème. Donc, à produit égal, les producteurs qui polluent le plus, que ce soit lors de la production ou du transport, obtiennent un avantage concurrentiel sur ceux qui respectent la Terre. Plus largement, nous sommes très loin de prendre les mesures nécessaires afin d’enrayer le processus de l’anthropocène. Il faut notamment, de toute urgence, sortir totalement de l’économie du pétrole au profit d’énergies renouvelables et pauvres en dégagements de gaz à effet de serre : c’est techniquement possible. Mais il faut aller beaucoup plus loin dans le changement des processus productifs et des modèles énergétiques. Je détaille les modalités d’une transition vers une « économie verte » dans un chapitre dédié.

Mr. M : Vous parlez aussi beaucoup des effets dévastateurs de la finance de marché sur la vie des populations au travers d’une économie mondiale sous le joug idéologique d’un libéralisme oligarchique. Pouvez-vous nous donner des exemples concrets où il existe une porosité directe entre la spéculation financière et les crises économique et sociale ?

  1. G. : Sous Reagan puis Clinton, la séparation stricte entre les banques d’affaires, qui spéculent en Bourse, et les banques de détail, qui hébergent l’épargne et accordent des prêts dans l’économie réelle, a été abolie. Cela a donné naissance à des mastodontes de la banque, de l’assurance et de la spéculation boursière. Parallèlement, les différents grands marchés ont été déréglementés les uns après les autres, pour que la finance puisse y déployer ses capitaux avec de moins en moins de contrôles etde moins en moins d’encadrement. Résultats : les mastodontes de la finance ont accumulé les ivresses boursières et les gueules de bois des grands krachs, à la manière de noceurs qui ne savent pas boire ; des marchés entiers, par exemple celui de l’immobilier, ont été accaparés par des bulles spéculatives, au point de s’écrouler à force de déconnexion d’avec l’économie réelle. Et à force de gigantisme des firmes financières, l’écroulement d’une poignée d’entre elles, comme en 2007-2009, suffit à plonger l’économie de la planète entière, par effet-domino, dans un effondrement historique.

La spéculation a des répercussions directes sur les populations. Par exemple, à l’origine des printemps arabes, il y a le phénomène des « émeutes de la faim », qui a beaucoup touché ces pays. À l’origine de ces émeutes, il y a l’explosion des prix des denrées alimentaires de base. Et à l’origine de cette explosion des prix, il y a la libre spéculation boursière des grandes firmes bancaires sur les cotations de ces denrées. Ainsi, en 1996, 12% des positions boursières sur le marché du blé étaient détenues par de purs spéculateurs : en 2011 c’est 61%. En outre, le problème de la famine dans le monde, qui touche 795 millions d’individus, n’est pas tant lié à une insuffisance des ressources qu’à une mauvaise répartition des richesses.

Mr. M : Et ces inégalités sont aussi de plus en plus présentes, non seulement dans nos sociétés, mais aussi à l’échelle mondiale, n’est-ce pas ?

  1. G. : J’ai constaté que la mondialisation malheureuse nous fait graduellement évoluer vers le retour à des sociétés de castes. J’en compte neuf.

Les oligarques sont ces 0,1% qui accumulent une fortune gigantesque à force de prédations. Par exemple, celle de l’oligarque espagnol Amancio Ortega, propriétaire de Zara, pèse 16 millions de fois le revenu avec lequel les 3 millions d’Espagnols pauvres doivent survivre. Les ploutocrates sont les 10% les plus riches des différents pays : ils font partie des riches, mais ils sont aux oligarques ce que la petite Mars est à l’énorme Jupiter. Les apparatchiks, eux, sortent d’un petit nombre d’écoles qui propagent l’idéologie de la mondialisation heureuse. Ils sont tantôt cadres dirigeants de grandes firmes, tantôt hauts fonctionnaires, et ils naviguent d’un univers à l’autre. C’est par exemple Mario Draghi, tour à tour vice-président de Goldman Sachs pour l’Europe et président de la Banque centrale européenne. Les prêcheurs essayent pour leur part de faire passer l’idéologie oligarchistes pour l’expression de la Vérité unique et révélée. Ce sont surtout des économistes.  Les nomades sont les héritiers de ceux que l’écrivain Upton Sinclair appelait les « cols blancs » dans les années 30. Ils sont très diplômés, ils font des tâches de « manipulateurs de symboles », ils sont abrités du chômage, ils parlent facilement le « globish », ils vivent au cœur des grandes mégapoles, et l’expatriation leur est familière. Les précaires sont les héritiers, eux, des « cols bleus ». Ils appartiennent à la catégorie que le sociologue Guy Standing appelle le « précariat » : chômeurs ou travailleurs pauvres, ils ont des contrats fragiles et incertains, ils ont des débuts de mois difficiles, et leur visibilité sur leur avenir est presque nulle. Les fonctionnaires forment une caste hybride. Certains sont « manipulateurs de symboles » comme les nomades, d’autres sont plutôt des « cols bleus », mais tous sont protégés et sédentaires. Les laissés-pour-compte, dans les pays du Nord ce sont les jeunes «NEET» – ni emploi ni éducation ni formation – éjectés très tôt de l’économie ; et dans les pays du Sud, ce sont principalement des paysans sans terres. Quant à la neuvième caste, celle dont on ne parle jamais, ce sont les esclaves. Par exemple, les usines de la firme Foxconn, qui produit en Chine 40% des biens électroniques du monde pour Apple, pour Nokia et pour d’autres, sont qualifiées de camps de travail par des universitaires chinois eux-mêmes.

Mr. M : La mondialisation malheureuse est donc selon vous cet état qui regroupe et cause les différentes crises actuelles que nous connaissons : environnementale, économique, sociétale, migratoire — avec les pénuries et les bouleversements climatiques à sa source. Quelles solutions pouvons-nous envisager pour l’avenir ?

  1. G. : Concernant l’environnement, une mesure simple et de bon sens serait de créer des taxes anti-dumping écologique aux frontières des différents pays, pour pousser à relocaliser les productions.

Afin de réguler une finance débridée, j’explique dans mon livre qu’il faut, sans nul doute, rétablir les mesures par lesquelles après le Krach de 1929, provoqué par le même type de causes, Franklin Roosevelt avait su enfermer dans une camisole de fer ces grandes firmes incapables de s’autoréguler. Je pense en particulier au rétablissement de la séparation entre banques d’affaires et banques de détail ; mais aussi à la mise en place de barrières raisonnablement protectionnistes dans les divers pays, pour qu’ils ne soient pas sans cesse exposés aux stratégies de pillards des grandes firmes financières. 

Afin de protéger les peuples contre la spéculation sur les matières premières de géants économiques et de la pénurie alimentaire, des réformes très concrètes sont possibles. Il est possible d’organiser des petites villes en autosuffisance alimentaire : je pense au cas de Todmorden, en Angleterre. La culture de la spiruline, une algue trois fois plus riche en protéines que la viande, peut soulager la malnutrition : cela fonctionne dans la région du lac Tchad. Enfin, sortir de la dynamique inégalitaire nécessite de redistribuer les richesses. Une mesure possible est d’instaurer le revenu de base. Il a été récemment expérimenté en Inde sous l’égide de l’Unicef, via un programme piloté par le sociologue Guy Standing et l’entrepreneure sociale Renana Jhabvala. Les résultats sont extrêmement encourageants : la pauvreté et les maladies reculent, les gens continuent à travailler malgré le revenu de base, ils investissent pour créer des petites entreprises, les enfants ont de meilleures fournitures scolaires, et ainsi de suite. Une autre piste serait, par exemple, de mettre enfin en place la taxe Tobin sur les transactions financières : un taux très bas suffirait à capter des sommes gigantesques, affectables à la réductions des inégalités de richesse. Le projet le plus abouti est celui de l’Union européenne mais à l’heure où je vous parle, les lobbies financiers s’emploient à le torpiller avant qu’il aboutisse.

Mr. M : Pour finir sur une touche optimiste, vous envisagez malgré tout l’avenir de façon assez positive, sous l’égide d’un « altersystème » né de la convergence de diverses actions citoyennes et institutionnelles. En quoi consiste-t-il ?

  1. G. : Dans ce livre, j’appelle « altersystème » la somme de toutes les idées et de toutes les initiatives qui sont contraires à l’intérêt des oligarques, favorables à la préservation de l’écosystème, et bénéfiques au plus grand nombre d’êtres humains. Ces idées et ces initiatives peuvent exister à l’échelle individuelle, mais aussi à l’échelle des associations et des entreprises, ainsi que des gouvernements et organisations internationales. Les actions réalisées aux différents niveaux sont d’ores et déjà nombreuses. C’est à force d’accumulation des idées et des initiatives, qui vont toutes dans la direction de l’intérêt général humain et de la sauvegarde de notre écosystème, que se construit petit à petit l’altersystème qui va remplacer la mondialisation malheureuse. Je suis cependant convaincu qu’entre mondialisation inhumaine et mondialisation à visage humain, le grand basculement altersystème interviendra lorsqu’une grande puissance économique du Nord sautera le pas, franchira le Rubicon, pour devenir l’avant-garde du monde d’après. Or, à force de politiques d’austérité, de pillage et de précarisation des populations, j’observe que le système de la mondialisation malheureuse pousse lui-même dans cette direction, vers son propre renversement politique. L’effondrement de la mondialisation malheureuse au profit de l’altersystème est donc une hypothèse viable dans un horizon de temps assez proche.

Urgence climatique : sans la mobilisation citoyenne, rien ne se fera

Jon Palais est un militant Bizi, ANV-COP21 (Action non-violente COP 21) et Alternatiba.
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Nous sommes en état d’urgence climatique : le dérèglement du climat est toujours en cours, et il continue de s’aggraver, de plus en plus rapidement. Alors que les alternatives existent, les moyens pour relever ce défi central pour l’humanité ne sont toujours pas mis en œuvre. Les citoyens doivent s’engager davantage pour débloquer cette situation, notamment par des actions de désobéissance civile non-violentes et déterminées. Et cette rentrée nous offre de nombreuses occasions de nous mobiliser !

 

La Chine et les États-Unis ont annoncé leur ratification de l’Accord de Paris début septembre, et en ont fait une annonce commune particulièrement médiatisée. Cet Accord est à nouveau présenté comme une solution au dérèglement climatique, susceptible de rassurer les populations, au moment où l’alerte devrait être lancée. Il faut rappeler que même si la limitation du réchauffement à 1,5 °C ou 2 °C maximum permettrait de ne pas franchir les seuils d’impact majeur du dérèglement climatique, il s’agira déjà d’une déstabilisation extrêmement grave des équilibres planétaires, qui renforcera la tragédie qui est déjà en cours pour des millions de personnes dans le monde, particulièrement dans les pays du Sud.

Il faut aussi rappeler que cet Accord ne doit s’appliquer qu’en 2020, alors que nous devrions déjà réduire de manière drastique nos émissions de gaz à effet de serre, et que les engagements volontaires des États nous précipitent actuellement vers un réchauffement de plus de 3 °C.

Il faut enfin rappeler que cet Accord de Paris ne contient pas de moyens qui nous garantissent d’atteindre cet objectif de 1,5 ou 2 °C, notamment parce qu’il ne met pas en place de mesures contraignantes. C’est la raison pour laquelle Laurence Tubiana elle-même, l’ambassadrice chargée des négociations sur le changement climatique à la COP21, disait de l’Accord de Paris qu’il devait être une prophétie autoréalisatrice [1]. Mais la prophétie s’autoréalise-t-elle vraiment ?

Les objectifs de l’Accord de Paris ne seront pas atteints sans l’intervention des citoyens

En France, nous avons commencé l’année 2016 par des manifestations contre l’exploitation des gaz de schiste et contre le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, deux symboles emblématiques de l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre et de la fuite en avant technologique dans laquelle les décideurs politiques et économiques nous entraînent encore. Quelques semaines plus tard, les plus grandes entreprises pétrolières du monde se réunissaient à Pau pour le MCEDD, le sommet du pétrole offshore, afin de discuter des moyens de forer toujours plus loin et toujours plus profondément les énergies fossiles, preuve que les plus grands industriels qui sont au cœur de la machine à dérégler le climat n’avaient tiré aucune leçon de la COP21, et qu’ils continuaient comme si de rien n’était… à l’exception que cette fois-ci, ce sommet du pétrole offshore a été perturbé trois jours durant par des actions non-violentes et déterminées menées par des centaines d’activistes [2]. Quelques semaines plus tard, c’était la salle de trading de la BNP qui était occupée toute une journée par des militants climat venus dénoncer la poursuite du soutien de la banque au secteur du charbon [3].

C’est de là que vient l’espoir. Les objectifs de l’Accord de Paris ne se seront pas atteints sans l’intervention des citoyens.

Nous ne devons surtout pas nous contenter d’attendre passivement que cet Accord de Paris soit ratifié par tous les pays du monde en espérant que ça résolve le problème climatique. C’est dès maintenant qu’il faut appliquer les changements de nos modes de production et de consommation nous permettant de rester sous la barre des 1,5 °C. Il nous faut intervenir partout où des projets entrent en contradiction avec cet objectif. Et les occasions de se mobiliser contre des projets climaticides, malheureusement, ne manquent pas.

Dimanche 18 septembre, une « fête des opposants à l’A45 » était organisée contre le projet d’autoroute A45, signé en contradiction complète avec les objectifs de l’Accord de Paris. Une mobilisation contre l’énergie nucléaire est prévue le 1er octobre à Flamanville. C’est aussi une mobilisation climatique, car l’énergie nucléaire bloque une transition énergétique véritablement ambitieuse. Le 8 octobre, c’est à Notre-Dame-des-Landes qu’un rassemblement est prévu, contre l’aéroport et son monde. C’est encore une mobilisation climatique.

La rentrée de Nuit debout, la reprise de l’opposition à la loi travail, les mobilisations contre les traités de libre-échange transatlantiques Tafta et Ceta, sont également inextricablement liées à la bataille climatique, en ce sens que tous les enjeux de paix, de démocratie, d’équité, de justice sociale, de liberté, sont conditionnés par le type de climat dans lequel nous vivons. Ce n’est pas la même affaire de lutter pour ses droits dans un monde à + 0,85 °C, comme celui que nous connaissons aujourd’hui, ou dans un monde à + 1,5, + 2, ou + 3 °C.

Mobiliser nos intelligences, notre créativité, nos capacités d’organisation collective… et des moyens financiers !

Les alternatives ne sont pas en reste en cette rentrée, notamment avec la Journée de la transition citoyenne, prévue le 24 septembre, ou l’Odyssée des alternatives, un périple international en voilier qui fera escale en France, à La Seyne-sur-Mer, le 21 octobre, avant de rejoindre Marrakech, où se tiendra la COP22. De nouvelles occasions de faire connaître toutes les alternatives qui existent pour relever le défi climatique, des alternatives qui sont déjà à notre portée, et que nous devons faire passer à grande échelle.

Nous avons besoin d’un engagement immense pour relever ce défi, de mobiliser nos intelligences, notre créativité, nos capacités d’organisation collective… et des moyens financiers ! Le sujet du financement de la transition sociale et écologique va être de nouveau d’actualité notamment par la tenue du procès de l’évasion fiscale qui sera organisé le 9 janvier à Dax.

Ce jour-là, je comparaîtrai devant le tribunal de grande instance pour « vol en réunion »… suite à une action non-violente de réquisition citoyenne de chaises qui a été menée dans une agence de la BNP, pour dénoncer le rôle des banques dans l’industrie de l’évasion fiscale [4]. Ce fléau accroît les inégalités en même temps qu’il assèche les finances publiques au moment même où nous avons besoin de nous rassembler largement pour empêcher la destruction des conditions de vie civilisée sur Terre. Au moment même où il nous faut investir massivement dans la transition sociale et écologique et la reconversion industrielle, 20.000 à 30.000 milliards de dollars sont cachés dans les paradis fiscaux. Alors que les grandes fortunes et les grandes entreprises qui pratiquent l’évasion fiscale continuent d’échapper à la justice, ce sont les lanceurs d’alerte et les activistes non-violents qui se retrouvent devant les tribunaux ! Voilà pourquoi, en parallèle de mon procès, les Faucheurs de chaises organiseront le vrai procès dont nous avons besoin : celui de l’évasion fiscale [5] !

Un peu moins d’un an après la COP21, alors que nous sommes toujours en état d’urgence climatique, nous devons poursuivre notre engagement citoyen pour créer la différence, pour créer l’impulsion d’un changement qui soit à la hauteur de l’enjeu. Pour défendre les lignes rouges du chaos climatique, partout où elles risquent d’être franchies. En agissant de manière non-violente et déterminée, nous pouvons faire changer les rapports de force, comme les rapports de consciences.