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Articles du Vendredi : Sélection du 3 juin 2016

Le lien caché entre antibiotiques et… réchauffement climatique

Pierre Barthélémy
http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2016/05/29/le-lien-cache-entre-antibiotiques-et-rechauffement-climatique

Climat : face à la forte pression de ses actionnaires, Exxon ne cède pas

Fannie Rascle
www.novethic.fr/lapres-petrole/energies-fossiles/isr-rse/climat-face-a-la-forte-pression-de-ses-actionnaires-exxon-ne-cede-pas-143927.html

Des renouvelables vraiment écologiques ?

Robin Delobel , Permanent au CADTM Belgique
http://cadtm.org/Des-renouvelables-vraiment

Les débats sur les violences prennent-ils trop de place à Nuit Debout ?


https://gazettedebout.org/2016/05/29/les-debats-sur-les-violences-prennent-ils-trop-de-place-a-nuit-debout/

Le lien caché entre antibiotiques et… réchauffement climatique

Pierre Barthélémy
http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2016/05/29/le-lien-cache-entre-antibiotiques-et-rechauffement-climatique

Après avoir entendu pendant des années le slogan « Les antibiotiques, c’est pas automatique », aura-t-on bientôt droit à une nouvelle formule, « Les antibiotiques, c’est pas écologique » ? C’est la question – un tantinet provocatrice, je l’admets – que l’on peut se poser après la parution, le 25 mai dans les Proceedings of the Royal Society B, d’une étude internationale mettant au jour un lien, jusqu’ici bien caché, entre l’utilisation des antibiotiques dans l’élevage et les émissions de gaz à effet de serre (GES). Et donc une influence possible sur le réchauffement climatique !

Cette équipe de chercheurs emmenée par Tobin Hammer (université du Colorado) est partie d’un constat simple : dans le monde, les animaux d’élevage consomment des antibiotiques en abondance, soit en cas de maladie, soit comme traitement préventif si une partie du troupeau est touchée par une bactérie pathogène, soit, dans certains pays, comme additif alimentaire car ces molécules permettent aux bêtes de prendre plus de poids avec la même quantité de nourriture et d’accélérer leur croissance. La conséquence la plus connue de ces pratiques répandues est le développement de la résistance aux antibiotiques chez de nombreuses souches bactériennes, mais Tobin Hammer et ses collègues se sont demandé si l’emploi de ces médicaments n’avait pas aussi des retombées insoupçonnées sur les écosystèmes par le biais… des excréments produits par le bétail.

Ainsi que ces chercheurs l’expliquent, les antibiotiques pourraient, en modifiant la flore intestinale des animaux, changer les propriétés de leurs crottes. Propriétés microbiologiques, chimiques mais aussi nutritives car il ne faut pas oublier qu’un certain nombre de « nettoyeurs » naturels se nourrissent de ces déjections, comme par exemple les bousiers. Les scientifiques se sont donc posé deux questions : les antibiotiques ont-ils des répercussions sur la santé de ces insectes coprophages et jouent-ils sur les gaz à effet de serre émis par les bouses de vaches, une interrogation pas anodine du tout quand on sait que l’élevage produit 15 % des GES issus des activités humaines ?

Lots de bouses

Pour le savoir, ils ont mené une expérience sur un petit troupeau de dix de ces ruminants. Cinq ont reçu pendant trois jours une antibiothérapie à base de tétracycline tandis que cinq autres vaches, non traitées, servaient de groupe témoin. Puis des bouses des dix animaux ont été collectées, divisées en plusieurs lots dans des sortes de seaux retournés où l’on mesurait l’émission de CO2, de méthane et d’oxyde nitreux – ces deux derniers gaz produisant un effet de serre bien plus important que le dioxyde de carbone. Auprès de certains de ces échantillons des bousiers étaient installés (6 mâles et 6 femelles) et on laissait la nature agir.

Au bout du compte, l’étude apporte une bonne nouvelle et une mauvaise. La bonne, c’est que les bousiers ne semblent pas souffrir de la présence, dans leur nourriture, de résidus d’antibiotiques, même si ceux-ci ont un effet clair sur leur flore microbienne : on n’a pas mesuré d’effet significatif sur leur taille, leur reproduction, leur survie ou sur leurs larves. La mauvaise nouvelle, c’est que les bouses provenant d’animaux ayant suivi une antibiothérapie émettaient 1,8 fois plus de méthane que les excréments produits par les vaches du groupe témoin. Comme l’a expliqué Tobin Hammer au New Scientist, ce résultat assez spectaculaire s’explique probablement par le bouleversement du microbiote chez les bêtes ayant pris des antibiotiques : « Nous avons été surpris de trouver une augmentation si importante des émissions de méthane issu des bouses, dit le chercheur. Nous pensons que le traitement à la tétracycline, en réduisant le nombre de bactéries dans les intestins, favorise les archées (d’autres organismes unicellulaires, NDLR) méthanogènes. »

Bien sûr, cette étude a ses limites que les chercheurs reconnaissent volontiers : l’échantillon est réduit, il faudrait tester d’autres antibiotiques et aussi calculer l’impact global de ces molécules sur la production de méthane par les vaches (et notamment voir si cela touche les célèbres éructations et flatulences de ces ruminants). Néanmoins, ce travail a le mérite d’avoir mis en lumière un lien de causalité inattendu entre antibiotiques et GES. Quand, en 1928, le Britannique Alexander Fleming découvrit accidentellement la pénicilline, il était probablement loin de soupçonner que sa trouvaille pourrait avoir une influence sur le climat via les bouses de vaches.

Climat : face à la forte pression de ses actionnaires, Exxon ne cède pas

Fannie Rascle
www.novethic.fr/lapres-petrole/energies-fossiles/isr-rse/climat-face-a-la-forte-pression-de-ses-actionnaires-exxon-ne-cede-pas-143927.html

L’assemblée générale du géant pétrolier, le 25 mai à Dallas au Texas, a donné lieu à une démonstration de force des partisans d’une meilleure prise en compte du changement climatique. La résolution phare, pour la « mesure du risque carbone », a été rejetée, mais elle a tout de même recueilli 38,2% de votes favorables. « Le monde va devoir continuer à utiliser des énergies fossiles, que les gens aiment ça ou pas », a répété de son côté le PDG d’Exxon. 

Rex Tillerson, Pdg de Exxon Mobil, a dû faire face à la pression des actionnaires favorables à une meilleure prise en compte du changement climatique. Jamais dans l’histoire d’Exxon une assemblée générale d’actionnaires n’avait aussi peu été consacrée au… pétrole. Mercredi 25 mai à Dallas, au Texas, le changement climatique a été au cœur des débats. Avec une inquiétude résumée par sœur Patricia Daly, représentant 300 investisseurs institutionnels et plus de 100 millions de dollars d’actifs : « Tandis que le monde avance, Exxon reste encore sur le côté ».

Signe que la pression était maximale pour Exxon, dix des onze résolutions présentées par les actionnaires avaient un lien direct avec le climat. Pas de répit ensuite pour la séance de questions-réponses, presque intégralement consacrée elle aussi à cette thématique. Anna Kalinsky est ainsi venue rappeler que son grand-père, le scientifique James Black, avait alerté les dirigeants d’Exxon dès 1977 sur le changement climatique, les prévenant qu’ils avaient une « fenêtre de cinq à dix ans pour agir ». Renee Boschert, victime d’une crue qui a détruit sa maison au Texas, a elle pris la parole comme témoin direct : « Les effets du changement climatique sont réels et déjà là ».

Une seule résolution adoptée

Après 2h30 de discussion, une seule résolution des investisseurs responsables a été validée, mais elle constitue un signal important. Les actionnaires pourront désormais présenter des candidats pour entrer au conseil d’administration. Rejetée l’année dernière, cette disposition permettra peut-être à un investisseur pro-climat d’intégrer le saint des saints du groupe pétrolier.

D’autres propositions ont reçu des soutiens encourageants. C’est le cas de la résolution phare sur la « mesure du risque carbone ». Elle a recueilli 38,2% de votes favorables alors que le groupe pétrolier refusait de l’inscrire à l’ordre du jour. « Etant donné l’énergie déployée par Exxon pour combattre cette proposition, ce vote constitue un vrai revers. Cela met une pression considérable sur les épaules du conseil d’administration », analyse Andrew Logan, de Ceres, un réseau d’investisseurs mobilisés sur les questions environnementales.

Le PDG d’Exxon ne voit pas d’alternative aux énergies fossiles

Face à cette pression tous azimuts, le PDG Rex Tillerson, de sa voix monocorde, a choisi de consacrer plusieurs minutes à la question climatique dans son introduction. Pour mettre en valeur les investissements autour de la capture du carbone ou des nouveaux agrocarburants. « C’est la première fois que vous commencez une assemblée générale en parlant du changement climatique, en reconnaissant son existence. Et vous savez que j’assiste à ces réunions depuis des années, a remarqué avec un soupçon d’ironie le père Crosby, un investisseur qui réclame depuis 1997 un reporting sur le risque carbone. Mais nous voulons maintenant des changements constructifs ».

Or, sur le fond, pas question pour la firme de modifier la stratégie à long terme. En écho à l’Accord de Paris, Rex Tillerson a défendu son point de vue : « l’objectif de deux degrés de réchauffement climatique ne repose pas sur une base scientifique » et les événements climatiques « pourraient être catastrophiques, mais sont encore inconnus. Le monde va devoir continuer à utiliser des énergies fossiles, que les gens aiment ça ou pas », a-t-il conclu, déclenchant les applaudissements d’une partie de la salle.

 

Pression de la Maison Blanche

Au même moment cependant, à Washington, l’administration Obama proposait une nouvelle réglementation pour obliger les entreprises qui décrochent des contrats publics à présenter, entre autres, un reporting sur le risque carbone. « Le timing est très intéressant, parce qu’aux Etats-Unis, le changement climatique reste un débat et ça laisse penser aux entreprises comme Exxon qu’il n’y a pas assez de volonté politique pour s’engager », décrypte Helen Wildsmith, de l’organisation CCLA, qui gère près de 9 milliards d’actifs pour des groupes religieux, caritatifs ou le secteur public.

Désinvestissement et menace judiciaire

Dans ce contexte, à quoi ressemblera l’assemblée générale d’Exxon en 2017 ? Pour l’organisation 350.org, un point de non-retour a été franchi : « l’heure est venue » d’accélérer le mouvement de désinvestissement des énergies fossiles. « Je préfère investir dans des entreprises qui reconnaissent l’existence d’un défi majeur pour le 21ème siècle plutôt que dans des groupes comme Exxon, qui veulent nous faire croire que ces défis n’existent pas », abonde Philip Warburg, ancien président du groupe de défense de l’environnement Conservation Law Foundation, qui a liquidé toutes ses actions Exxon.

Pour Mark Dunlea, l’avenir du géant pétrolier est désormais entre les mains de la justice, Exxon étant soupçonné d’avoir volontairement caché à ses actionnaires les risques liés au changement climatique. « J’attends de voir les procureurs américains finir leur enquête et renvoyer Exxon devant un tribunal », lâche, déçu, ce militant pro-désinvestissement.

Des renouvelables vraiment écologiques ?

Robin Delobel , Permanent au CADTM Belgique
http://cadtm.org/Des-renouvelables-vraiment

 « L’Afrique subit de plein fouet les conséquences du réchauffement climatique alors qu’elle n’est responsable que de 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, dont les pays riches sont historiquement responsables. Il existe une dette écologique que le monde doit régler à l’égard du continent africain »

Aussi étonnant que cela puisse paraître, ces phrases ne viennent pas d’une ONG environnementale mais ont été prononcées par François Hollande lors de la COP 21 à Paris.

Que propose-t-il pour résorber cette dette écologique envers l’Afrique ? Surtout pas l’annulation des dettes publiques totalement odieuses et encore moins d’enrayer la Françafrique et ses pillages des ressources du continent. Sa proposition ? Rien de plus original que des financements pour des énergies renouvelables.

Or, problème rarement soulevé, ces énergies renouvelables ont un impact environnemental lourd si l’on prend en compte l’ensemble de la chaîne de production, plus particulièrement la phase d’exploitation des métaux nécessaires à la production de ces énergies. Elles sont souvent mises en avant pour leur faible émission de CO2 à la consommation, mais en oubliant totalement l’ensemble du cycle de vie du produit. La phase d’exploitation nécessite également l’utilisation de nombreux produits chimiques et entraîne de graves pollutions à long terme. Notons également que l’extraction, le transport, et le raffinage des minerais représentent 8 à 10 % de l’énergie primaire mondiale. De plus, elles font appel à des métaux dont les réserves sont loin d’être infinies voire en déclin, sans oublier qu’elles sont la plupart du temps exploitées dans des régions pauvres sans respect des droits humains et sans contributions équitables à l’État où ces ressources sont puisées. Par exemple, le Congo RDC concentre 10 % des réserves de cuivre, 25 % du tantale, 30 % des réserves de cobalt et 75 % du coltan, ainsi que d’importantes réserves d’or, diamant, tungstène et étain. Le rôle de l’exploitation de ces ressources minières dans les conflits qui touchent la RDC et plus spécialement l’est du pays est à présent de notoriété publique. La Bolivie, concentre, elle, les plus importantes réserves de lithium au monde, minerai utilisé notamment pour les voitures électriques. Dans son article Dans l’ombre de la Pachamama |1|, Renaud Lambert explique comment le gouvernement bolivien autorisait l’exploitation de ses réserves par le groupe Bolloré à condition de travailler « en harmonie avec la Pachamama ».


De plus en plus d’énergie nécessaire pour extraire de l’énergie

Alors que se profile l’ère du pétrole rare et cher, il en va de même pour les métaux, ressources finies et de plus en plus coûteuses à extraire. Les prix anormalement bas du pétrole et des métaux depuis la fin de l’année 2014 masquent le fait que l’extraction de ces ressources est de plus en plus contraignante. Le calcul de l’énergie produite comparée à l’énergie investie, appelé taux de retour énergétique (TRE) ou EROEI – Energy return on energy invested – illustre cet imparable problème. Il y a un siècle, une seule unité d’énergie était nécessaire pour en récupérer 100, le pétrole des États-Unis avait un TRE de 100 pour 1. En 1990, il était de 35 pour 1 et aujourd’hui de 11 pour 1. Le TRE moyen de la production de pétrole conventionnel au niveau mondial se situe entre 10:1 et 20:1. Il est de 5 pour 1 en ce qui concerne le pétrole de schiste. Pour les agro-carburants, le bénéfice est quasi nul avec un taux compris entre 1:1 et 1,6:1.

Comme le dit Pablo Servigne, « tous ces TRE sont non seulement en déclin, mais en déclin qui s’accélère » ! Le rapport énergie produite sur énergie investie des renouvelables s’avère également très faible : 18:1 pour l’éolien mais surtout 1,6:1 pour le solaire à concentration (grandes exploitations de miroirs dans le désert) et 2,5:1 pour le photovoltaïque en Espagne.

Finitude des métaux

Comment expliquer le fait que les taux de retour énergétiques soient si faibles ? Les réserves, tant énergétiques que métalliques, sont limitées. Elles varient entre 10 et 20 ans pour certains éléments tels que l’antimoine, le zinc, l’étain, l’indium, mesurées en année de production actuelle. La plupart des réserves se situent entre 30 et 60 ans, mais comme pour le pétrole, « les problèmes arrivent plus vite que le nombre théorique d’années de réserve, car toute ressource limitée passe par un pic de production » note Philippe Bihouix dans son livre Quel futur pour les métaux.

Des infrastructures complexes et des ressources métalliques s’avèrent indispensables pour récupérer métaux et énergies nécessaires à la production des énergies renouvelables, sans oublier le fait que le taux de recyclage reste peu élevé malgré les promesses de l’économie circulaire. Comme l’explique William Sacher, coauteur de Noir Canada et de Paradis Sous Terre, « l’industrie minière est confrontée à ce grand paradoxe : d’un côté, les gisements importants s’épuisent. De l’autre, la croissance de la demande est toujours plus forte. Cette contradiction la contraint à adopter un modèle qui est celui de la mégaexploitation minière moderne. Ce modèle implique l’utilisation d’énormes quantités de réactifs chimiques, parfois très toxiques, mais aussi la génération d’énormes quantités de déchets. Les pollutions engendrées représentent souvent des dangers pour les décennies, voire des siècles à venir. Les impacts sociaux, économiques, politiques, voire même culturels ou psychologiques sont à la mesure de ce modèle de méga-exploitation ».

Des technologies souvent présentées comme salvatrices sont en réalité demandeuses de ressources rares et précieuses

Nombreuses sont les fausses alternatives basées sur une utilisation accrue des nouvelles technologies, ces dernières étant considérées, abusivement, comme des facteurs pour réduire l’empreinte écologique de tel ou tel domaine. Ces alternatives s’inscrivent dans des scénarios qui envisagent de changer de modèle énergétique en privilégiant les ENR au détriment des énergies fossiles. Cependant, ces projets « alternatifs » reposent sur l’idée de déploiements industriels massifs, qui bien que faisant appel aux ENR, s’avèrent déconnectés de la réalité physique, et très peu démocratiques par le gigantisme de leur exploitation : dévastation de zones habitées et pollution de l’eau et de larges territoires.

Extraire des énergies fossiles de moins en moins accessibles nécessite un besoin accru en métaux et inversement, des métaux de moins en moins concentrés demande de plus en plus d’énergies fossiles. Exploiter les ENR via des panneaux photovoltaïques ou des éoliennes nécessite d’avoir recours à des ressources métalliques rares telles que le néodyme, l’indium, le sélénium ou le tellure. Le dilemme « plus d’énergie nécessaire pour les métaux moins concentrés, plus de métaux nécessaires pour une énergie moins accessible » – représente un défi inédit pour un système hyper complexe et interconnecté qui devra faire face à un pic généralisé (peak everything), géologique et énergétique.

Les réserves d’argent, d’antimoine (utilisés notamment dans l’électronique), d’indium (utilisé dans les cellules photovoltaïques ou les écrans LCD) se limiteraient à 20 ans, pointe l’étude de Philippe Bihouix.

On le voit ici, des technologies souvent présentées comme salvatrices ne font qu’accroître la dette écologique et l’extractivisme. Plus ces technologies sont « performantes » plus elles sont demandeuses de ressources rares et précieuses : « les nouvelles technologies vertes sont généralement basées sur des nouvelles technologies, des métaux moins répandus et contribuent à la complexité des produits, donc à la difficulté du recyclage » précise Philippe Bihouix.

Quelle alternative viable dans ce cas ? L’ingénieur parle des low tech, des techniques simples. Ainsi, croire dans les énergies renouvelables pour relocaliser la production d’énergie est possible dans le cas de technologies simples (solaire thermique domestique ou petites éoliennes) mais impossible s’il s’agit des grandes technologies high tech développées actuellement. D’autres alternatives qui prennent en compte cette problématique des métaux pourraient être : « démachiniser les services », privilégier l’utilisation de matériaux renouvelables et recyclables, les objets réparables… Mais tout d’abord il faut partir des besoins, se poser la question quoi produire, pourquoi et comment.

Privilégier les low tech et les petites structures locales consiste aussi bien sûr à :

  • rejeter les grands projets d’infrastructures énergétiques qui provoquent un endettement illégitime tant au Nord qu’au Sud de la planète ;
  • prioriser la recherche sur des projets prenant en compte la finitude des ressources et leur impact écologique ;
  • arrêter de financer les recherches sur les agrocarburants, les énergies fossiles, les nanotechnologies (dont les besoins énergétiques sont loin d’être nanométriques) et aussi sur le nucléaire ;
  • un audit intégral, comprenant la dette écologique, amènerait une réflexion sur les choix énergétiques, qui, comme on l’a vu, ont de nombreux impacts écologiques, économiques, sanitaires ou sociaux sur la vie quotidienne des populations.

Les débats sur les violences prennent-ils trop de place à Nuit Debout ?


https://gazettedebout.org/2016/05/29/les-debats-sur-les-violences-prennent-ils-trop-de-place-a-nuit-debout/

TRIBUNE – Dicoasina, un participant de Nuit Debout, déplore la part grandissante qu’occupe la haine de la police dans les débats sur la place de la République, aux dépens des autres problématiques liées au mouvement. Il revient également en détail sur l’épisode de la voiture de police incendiée en marge de la manifestation des policiers du 18 mai. Une belle réflexion sur la violence qui fait débat depuis le début au sein de Nuit Debout.

Une occasion ratée peut-elle permettre une réflexion réussie ?

Dès que l’appel à la manifestation des syndicats de policiers a été connu, un grand nombre d’interventions en AG du soir place de la République à Paris ont porté sur la haine anti-flics, les casseurs et la violence légitime, l’usage de la violence face à la police etc. Où étaient passés les témoignages de la violence au travail, de la violence de l’argent, de l’assujettissement des êtres vivants aux impératifs du profit ?

Tout à coup, les discussions sur les besoins de transformation du monde, sur les rêves d’humanité, de solidarité, la promotion de la Liberté, de l’Égalité et de la Fraternité, passaient après ces prises de paroles obsessionnelles anti-flics. Des pollueurs de nos espaces de liberté physique comme intellectuelle ont essayé par tous les moyens de nous confiner à leurs terrains de jeux favoris : les films de cow-boys, les récits des bagarres entre gangs. Bref : leur slogan « Nique la police » était devenu « tout le monde déteste la police ». Nous sommes passés d’une éructation indéterminée à un énoncé : cette phrase résonnait comme un mot d’ordre !

Ce modèle est à la fois celui des religions qui, d’une injonction ordinaire, font une loi fondamentale (Les Dix Commandements), et celui de la pub, qui fait d’un réflexe langagier un ralliement commercial à une marque. Par conséquent pour les « envahisseurs » de l’AG, il suffisait de répéter, décliner, chuchoter, hurler, danser, chanter, imager, transformer cette  sentence pour qu’elle occupe l’espace public de nos débats. Comme si, tout à coup, on s’en foutait du capitalisme, du racisme, des individualismes, des ruptures d’humanité dont nous parlons dans les commissions. Comme si la refonte du monde, qui est notre préoccupation principale, n’avait plus d’importance pourvu qu’on crie sa haine de la police.

Quelle aubaine pour le pouvoir de Valls — qui connaît très bien la police pour en avoir été le patron. Quelle aubaine aussi pour les médias en quête de sensationnalisme : chaque jour, des images de casse, d’affrontements, de blessures, de larmes, d’armes, de gaz, de courses poursuites. Pour les chaînes dites d’info continue, quel filon ! Cette double chasse permet des surgissements de personnages de feuilletons d’autant que des caméras embarquées donnent des images insensées, jamais vues.

Pendant ce temps, sur la place, chaque soir, c’est : « gnagnagna la police gnagnagna y a pas de casseurs gnagnagna les coopérations provocateurs-répression cela n’existe pas ». Cela ne permet même plus de débats sur la relation entre les réfugiés et la population d’un quartier, ou sur les travaux de la commission Éducation. Chaque fois un pollueur anti-flic vient à nouveau répéter son catéchisme sous forme de verset ou de sourate.

De temps à autre, une oratrice ou un orateur, avec le sourire et le regard porté vers l’avenir, sort du rang pour exprimer son ras-le-bol de ce thème récurrent, ou pour conspuer ces casseurs, fauteurs de fausse violence insurrectionnelle mais de vrais troubles dans l’esprit des 75% de Français qui, comme nous, veulent dégager la loi El Kohmri, et des 60% qui, malgré toutes les images télévisées, ont de la sympathie pour le mouvement Nuit Debout. Une respiration intolérable pour les adeptes du masque à gaz, de la cagoule, de la bagarre et de la pensée unique qui reprenait le micro. A tel point que plusieurs équipes de médiation ont inventé le dispositif des débats thématiques afin que les AG reprennent leur place dans le processus démocratique que nous expérimentons.

Mais ne nous leurrons pas…

Hier (mercredi 18 mai) quelques-uns de ces casseurs ont eu la connerie trop lourde et cela doit nous permettre de les foutre dehors définitivement. Les syndicats des policiers étaient là pour rencontrer la population et confier leur incompréhension devant le sentiment anti-flics. Choisir la place de la République était pour eux doublement symbolique. Cela leur rappelle un moment de fraternisation entre policiers et manifestants et cela les amène à réfléchir à ce que B. Cazeneuve les oblige à faire pour réprimer le mouvement qui prend racine sur cette place depuis presque deux mois.

Pendant quinze jours, certains d’entre nous ont débattu sur la meilleure façon d’atteindre conjointement cet objectif annoncé. Il y avait ceux qui souhaitaient confronter les policiers aux morts dues à ce qu’il est coutume d’appeler des « bavures », ceux qui préféraient leur présenter ce dont nous discutons réellement ici, les relations entre sécurité publique et liberté publique. Ceux qui voulaient leur demander des comptes sur l’instrumentation par le gouvernement des provocations et des prétendus casseurs eux-mêmes, images à l’appui, afin de détériorer nos images respectives. Les uns et les autres avaient préparé des initiatives non violentes, parfois humoristiques, pour assurer la réussite de cette rencontre.

Nous savons en effet que, quelle que soit notre détermination, nous n’arriverons jamais à changer le monde si, à un moment ou un autre, nous n’emportons pas l’adhésion d’une partie des forces de police. Notre histoire républicaine démontre que la réussite d’une insurrection ou d’un soulèvement populaire dépend toujours du refus des forces de police de réprimer, au minimum, et au mieux de leur adhésion à la cause des insurgés.

Saisir cette occasion pour unir nos voix non pas à celles de « nos bourreaux » mais de fonctionnaires qui réfléchissent sur les raisons qui font que les ordres reçus ont pour objectif l’explosion de confrontations violentes et le dévoiement du mouvement anti-loi travail. Amener le flic de base à réfléchir au raisons qui, alors que chaque soir, aux confins de la place, il doit vérifier le contenu de nos sacs, les vendeurs de bières et autres boissons alcoolisées, eux, parviennent à faire plusieurs voyages de réapprovisionnement et de mise à l’abri de leur recette.

Le confronter aux films montrant la collusion entre des « casseurs » qui attendaient la manif du 1er mai en embuscade, d’un côté, et de l’autre le commandement des CRS, qui en a profitéa pour frapper tout azimut sur la tête de manif. Montrer comment les CRS ont accompagné cette bande de 50 à 60 personnes plutôt jeunes, excitées par des mecs « mûrs » au physique plus proche de Rambo que du grand Duduche.

Ces différentes solutions, portées par nous tous, tel.les que nous sommes, vivant.e.s, souriant.e.s, amoureux.ses de la paix, porteurs.ses de la convivialité et aimant la discussion, auraient eu l’avantage de créer les conditions d’un vrai débat sur la police dont la France de demain aura besoin. Et pourquoi pas, d’avoir à nos côtés des Policiers Debout comme nous avons des Avocats Debout, des Tailleurs de pierre Debout, des Professeurs Debout, des Comédiens Debout, des journalistes, des métallos, des routiers, des postiers etc.

Policiers debout ? Héritiers de ceux qui ont lutté contre le nazisme ou les putschistes ? Il est temps effectivement que nous les aidions à parler. Car eux aussi doivent se libérer du joug des capitalistes qui les utilisent pour protéger leurs coffre-forts et leur emprise sur le monde. Pour cela, nous avions décidé chacun à notre manière d’aller vers eux. Bien sûr, nous savions que les barrières physiques, affectives et intellectuelles, seraient là.

Mais les syndicats ayant fait les choses correctement, nous n’avons pas pu nous rencontrer. Nous n’avions plus qu’à chercher des espaces ailleurs, pas trop loin de la place pour qu’une fois la manif terminée, les policiers puissent venir nous voir. Au lieu de cela, par incohérence, innocence, ou inexpérience nous avons laissé le flou, la confusion, régner dans nos rangs. Si bien que ceux qui crurent bon d’aller contre-manifester, pour montrer notamment leur désapprobation envers les violences inadéquates qui se sont déroulées en marge des manifs anti-loi El Khomri, ont été embarqués par les provocateurs.

Manif non autorisée qui déambule sans que les gendarmes mobiles interviennent pour encadrer un cortège peu nombreux mais entouré de caméras de toutes sortes et des flics en civil de toutes obédiences. Sans compter les infiltrés dans les rangs des casseurs, qui jouent un rôle si important que le représentant du syndicat majoritaire de la police a pu affirmer dans l’émission du plus grand promoteur vallsien du PAF, Yves Calvi, que la police sait qu’il y a en gros 300 casseurs qui sont répertoriés, identifiés et suivis. Donc utilisés pour ce qu’ils savent faire : mettre le bazar pour permettre à la police d’intervenir contre des manifestants.

En l’occurrence, deux ou trois n’ont pas hésité à s’en prendre à deux flics ordinaires dans une voiture qui revenaient d’une mission de sécurisation sur le périphérique. La haine portée à son paroxysme ? Résultat : des casseurs casqués et armés, des bas du front, s’en prennent à deux personnes jusqu’à mettre le feu à leur voiture alors qu’elles ne s’en sont pas encore extraites, montrant par là qu’ils n’ont aucun respect pour la vie humaine et se plaçant donc au niveau des dérives qu’ils sont censés condamner en défilant malgré l’interdiction.

Tandis que ces trois ou quatre abrutis se déchaînaent, de jeunes pacifistes qui défilaient contre les violences policières se sont précipités, eux aussi au péril de leur vie, pour aider les deux policiers à sortir de cette nasse. Un geste courageux, humain, qui ne confond pas l’individu et le métier qu’il exerce; malheureusement, les journalistes qui en ont recueilli la trace audio ou vidéo n’ont pas encore trouvé de média qui veuille bien les diffuser en boucle, afin de souligner l’esprit de solidarité qui anime Nuit Debout.

Qui va se poser la question de savoir pourquoi, parmi les fauteurs de troubles, on trouve 3 des 9 personnes dont l’interdiction de manifester a été refusée le matin même par le tribunal administratif ? Qui va se demander pourquoi justement revenant du périphérique, ce véhicule siglé est passé devant les casseurs qui visiblement étaient suivis par une cohorte de caméramen et de photographes ? Qui va se poser la question des instigateurs de cet incident qui aurait pu virer au drame, si au lieu d’un policier courageux et expérimenté on avait eu affaire à un abruti identique à celui qui le frappait ? Car je ne crois pas que l’on passe aussi facilement du climat d’empathie, de solidarité et de construction dans lequel nous vivons à Nuit Debout à celui d’un box de chiens de chasse affamés, lâchés derrière du gibier. C’est ce comportement haineux que nous voyons se déchaîner en manifestations, lorsqu’après les avoir laissés être les cibles de quolibets et de projectiles, Cazeneuve lâche la force dite légitime. C’est ce même comportement que nous avons parfois vu dans nos rangs.

Ne les laissons ni les uns ni les autres se revendiquer de Nuit Debout ! Nous n’avons rien à voir, rien à faire, rien à débattre avec ceux qui en cassant un abribus croient faire la révolution alors qu’ils empêcheront simplement une femme enceinte de s’assoir le lendemain ou même un SDF de trouver un refuge de fortune le soir même. En plus grâce à leurs actions, Decaux pourra vendre un nouvel abribus à la commune de Paris, qui le paiera avec les contributions des citoyens . Pareil pour Bolloré et ses voitures électriques dont j’ai entendu dire sur la place par des idéologues de la violence qu’elles étaient des cibles à détruire.

Rien de tel pour ces figures emblématiques du capitalisme de faire un coup, car quoi de plus simple que de trouver parmi les victimes des gazages ou des matraquages celle ou celui qui mettra l’engin incendiaire que lui donnera celui qui l’accompagne depuis quelques temps dans ses virées punitives.

Nous avons ici et maintenant l’occasion de sortir de la confusion. Il faut choisir de virer les provocateurs. Il faut choisir entre l’humanisme et la barbarie. Nous n’avons pas à prendre les visages masqués que veulent nous voir endosser nos ennemis. Nous fabriquons un autre monde à visage découvert, sans haine ni violence particulière, sans conflit singulier qui égarerait nos pensées nous construisons. Que ceux qui veulent prendre d’autres voies les prennent, mais ailleurs.

Cela ne veut pas dire que nous allons offrir nos poitrines innocentes et nos têtes pensantes à la violence et aux armes de nos ennemis. Nous devons nous préparer à nous défendre lorsque la violence se déchaîne contre nous. Mais cette préparation comprend des éléments qui n’ont rien à faire des armements ou des techniques martiales. Le débat avec les flics fait partie de cette préparation. Ni plus ni moins que les discussions avec les riverains de la place de la République, ou que l’autodiscipline qui permet à chaque commission à la fois d’occuper un espace et de permettre aux autres de s’entendre également. Ou que nos capacités à respecter les horaires d’autorisation pour durer le plus longtemps possible dans notre occupation de la place.

A l’intérieur des forces de police il y a vraisemblablement des personnes qui aiment casser du manifestant, qui aiment cette relation haineuse à l’existence. Comme il y en a qui voudraient s’installer et prospérer dans nos rangs. A ceux qui se reconnaissent dans une police au service des citoyens, il faut faire en sorte d’extirper de leurs rangs les individus fauteurs de troubles provocateurs et malsains.

Pour Nuit Debout, nous ne devons plus accepter dans nos assemblées des provocateurs qui ne viennent que pour polluer nos idées nos combats et dénigrer nos intelligences.

@dicoasina