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Articles du Vendredi : Sélection du 2 février 2018

Face à Trump, Bernie Sanders et les écologistes prononcent le « discours sur l’état du climat »

Yona Helaoua
https://reporterre.net/Face-a-Trump-Bernie-Sanders-et-les-ecologistes-prononcent-le-discours-sur-l

Le bio, la santé et le climat tout bonnement « oubliés » par le nouveau projet de loi sur l’agriculture

Barnabé Binctin
www.bastamag.net/Le-bio-la-sante-et-le-climat-tout-bonnement-oublies-par-le-nouveau-projet-de

Métaux rares : «Un véhicule électrique génère autant de carbone qu’un diesel»

Marine Ernoult
www.liberation.fr/planete/2018/02/01/metaux-rares-un-vehicule-electrique-genere-presque-autant-de-carbone-qu-un-diesel_1625375

Klimaren erotzeak kanporatutako etorkinei, guk hesi militarizatuak

Pello Zubiria Kamino
www.argia.eus/argia-astekaria/2583/klimaren-erotzeak-kanporatutako-etorkinei-guk-hesi-militarizatua

Face à Trump, Bernie Sanders et les écologistes prononcent le « discours sur l’état du climat »

Yona Helaoua
https://reporterre.net/Face-a-Trump-Bernie-Sanders-et-les-ecologistes-prononcent-le-discours-sur-l

Alors que le président Trump a prononcé son discours sur l’état de l’Union, des centaines de personnes se sont réunies autour de Bernie Sanders et de l’association 350.org pour montrer le visage d’une autre Amérique – et s’engager à lutter contre le changement climatique.

L’auditorium de l’université George Washington, dans la capitale américaine, était plein à craquer mercredi 31 janvier. Des centaines de personnes, principalement des étudiants, sont venues écouter un « discours sur l’état de l’Union » complètement différent de celui prononcé la veille par Donald Trump. Ce discours-là a été porté par plusieurs voix, réunies par l’association environnementale 350.org autour d’un thème commun : le lancement d’une campagne nationale de lutte contre les énergies fossiles, baptisée Fossil Free US.

Beaucoup ont été attirés par la star de la soiree, l’ex-candidat à la primaire démocrate Bernie Sanders. Il n’a pas manqué de rappeler que le président américain n’avait pas prononcé une seule fois les mots « changement climatique » lors de sa performance de mardi au Congrès. « Oui monsieur Trump, le changement climatique est réel », a martelé le socialiste de 76 ans, toujours aussi applaudi par la jeunesse. Mais Bernie Sanders n’était pas seulement là pour critiquer le chef de l’État. Il a aussi souligné les progrès en matière de lutte contre le réchauffement réalisés dans les villes et les États du pays, indépendamment du gouvernement fédéral. Selon le sénateur du Vermont, cela ne fait aucun doute : « le futur est avec nous ». Et pour pousser plus en avant cette dynamique, il n’y a qu’une solution, c’est de s’engager. « Je vous demande de vous impliquer dans le processus politique, a-t-il imploré. Présentez-vous à des mandats ! »

Tout au long de la soirée, retransmise en direct sur Internet et dans 300 « watch parties » (soirées de visionnement) à travers le pays, les militants associatifs et les artistes se sont succédé pour délivrer un message d’espoir. Ils ont ainsi relayé des exemples d’initiatives qui fonctionnent déjà ou qui sont prometteuses.

À Portland, dans l’Oregon, un chapitre local de 350.org a réussi à faire retirer des écoles les manuels qui nient le changement climatique. À Porto-Rico, une jeune femme a créé un mouvement visant à l’autonomie alimentaire de l’île ; l’ouragan Maria a dévasté son restaurant qui s’appuyait sur les fermiers locaux rejetant les produits chimiques. En Louisiane du Sud, les communautés amérindiennes se battent contre la construction d’oléoducs, suivant l’exemple des Sioux du Dakota du Nord qui ont marqué l’actualité en 2017. Dallas Goldtooth, un des leaders du camp de Standing Rock, a d’ailleurs délivré un message vidéo appelant le public à s’engager à rejoindre les Amérindiens le jour où ils en auront besoin. C’est ce qu’il a appelé la « promesse de protéger ».

BIll McKibben : « Le changement ne se fera pas depuis Washington »

« Le changement ne se fera pas depuis Washington », a confirmé Bill McKibben, le fondateur de 350.org. C’est donc un mouvement qui doit partir d’en bas, chacun agissant à son niveau. D’abord en poussant les autorités, les entreprises et les organisations locales à opérer une transition rapide vers 100 % d’énergies renouvelables. Ensuite en se battant contre tout nouveau projet d’extraction d’énergies fossiles. Enfin, en ne dépensant plus un centime pour ces énergies sales.

 

Le maire de New York, Bill de Blasio, qui a récemment promis que les fonds de pension de sa ville allaient se détourner des investissements dans les énergies fossiles, a lui aussi fait une apparition en vidéo pour soutenir cette nouvelle campagne. « Les groupes pétroliers pensent qu’ils vivent dans l’Amérique de Trump, a-t-il raillé. Ils se trompent : ils vivent dans votre Amérique ! »

La fin des investissements dans les énergies fossiles est une tendance de plus en plus forte. Comme l’a dit l’activiste Naomi Klein : « Il ne nous faut pas seulement surveiller le carbone. Il nous faut aussi surveiller l’argent. » 350.org estime à 6.000 milliards de dollars le montant déjà détourné des fossiles ou en voie d’être orienté vers d’autres placements.

Varshini Prakash : « Aucun politicien ne peut faire croire qu’il soutient notre avenir en continuant à accepter de l’argent des groupes pétroliers »

Varshini Prakash, créatrice du mouvement Sunrise (« Lever du soleil »), a raconté sur scène comment elle a appliqué cette logique à l’arène politique. Son association fait ainsi pression sur les candidats pour qu’ils refusent les financements de leur campagne par des groupes liés aux énergies sales. « Faisons de 2018 l’année où aucun politicien ne peut faire croire qu’il soutient notre avenir tout en continuant à accepter de l’argent des groupes pétroliers », a-t-elle plaidé. En coulisses, a-t-elle ajouté, Bernie Sanders, qui avait refusé l’argent lié aux énergies fossiles lors de sa campagne des primaires démocrates, a renouvelé son engagement et appelé ses collègues à se joindre à lui. Plus de 200 candidats aux États-Unis ont déjà signé une promesse en ce sens, selon Varshini Prakash.

Le bio, la santé et le climat tout bonnement « oubliés » par le nouveau projet de loi sur l’agriculture

Barnabé Binctin
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Rémunérer enfin les agriculteurs au « juste prix » : telle est l’ambition du projet de loi présenté ce 31 janvier en Conseil des ministres. L’enjeu est de taille alors qu’un tiers des producteurs vivent avec moins de 350 euros par mois et que les agriculteurs font les frais des promotions et des marges réalisées par les grandes surfaces. Ses détracteurs critiquent cependant un texte « sans vision » : une loi peut-elle se contenter de réguler les relations commerciales au sein d’un secteur agro-alimentaire en crise profonde sans prendre en compte les enjeux de santé publique pour les consommateurs, ceux du climat et de l’environnement ? Explications.

Serait-ce un retour en grâce de Philippe Risoli, célèbre animateur pendant les années 1990 de l’émission intitulée « Le juste prix » ? Avec la loi agricole attendue pour le mois d’avril à l’Assemblée nationale, le terme inonde les discours sur le sujet. À commencer par ceux du ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation en charge du texte de loi, Stéphane Travert, qui le présentera ce mercredi 31 janvier, en Conseil des ministres. Mêmes « éléments de langage » au plus haut sommet de l’État, lors de la visite dans le Puy-de-Dôme, jeudi 25 janvier, au cours de laquelle le président Macron a présenté ses vœux au monde agricole : « Chaque agriculteur doit être rémunéré au juste prix payé. Ils ne demandent pas des aides mais de ne pas être le seul secteur où la vente à perte est devenue la règle ».

Consécutif des Etats généraux de l’alimentation qui se sont tenus à l’automne, ce projet de loi se veut le résultat de ce processus de consultation, censé avoir réuni tous les acteurs du secteur pendant cinq mois – et ce en dépit de l’absence remarquée du ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot, lors de la clôture le 21 décembre dernier.

L’objectif : établir de nouvelles « relations commerciales » permettant de redonner un revenu décent aux producteurs. Une véritable gageure à l’heure où un agriculteur sur trois perçoit un revenu inférieur à 350 euros par mois [1].

Comment « le prix des pommes subventionne celui du Nutella »

Pour mieux répartir la valeur dans la chaîne de production alimentaire, le gouvernement met le paquet sur sa mesure phare : la fin des promotions dans les rayons de supermarché. Terminées donc les offres « un produit acheté, un produit offert », la réduction ne pourra désormais plus excéder 34 % maximum. « Il s’agit de lutter contre les promotions excessives qui pervertissent aux yeux du consommateur la notion de juste prix », expliquait ainsi Stéphane Travert dans un entretien accordé au Parisien, la semaine dernière. Le timing est parfait, en pleine polémique sur les pots de Nutella : la semaine dernière, une importante démarque de 70 % sur la pâte à tartiner appliquée par Intermarché avait provoqué ruées et bousculades dans les magasins.

L’épisode illustre un système dénoncé de longue date par les agriculteurs, et dont le PDG de l’enseigne d’hypermarché Système U lui-même s’était fait le contempteur : « Le pot [de Nutella, ndlr] de 400 grammes coûte à peu près 2,40 euros. Toute la distribution française prend une marge de 8 centimes d’euros. Vous prenez 1 kg de pommes, qui est vendu à peu près le même prix. Toute la distribution prend environ 80 centimes. Est-ce que vous trouvez normal que les produits agricoles, dont on fait l’apologie dans le cadre du plan nutrition santé, financent les produits les plus connus issus du marketing ? Nous sommes dans une péréquation infernale », détaillait ainsi Serge Papin dans une interview à Franceinfo. Ou comment « le prix des pommes subventionne celui du Nutella ».

Reste à « voir s’il y a un quelconque retour pour le producteur »

Pour lutter contre cet effet pervers, le gouvernement consacre le tout premier article de son texte de loi à rehausser le seuil de revente à perte. Là où un distributeur était jusque-là autorisé à écraser sa marge, voire à vendre à perte, sur certains produits (parmi lesquels figuraient également les boissons gazeuses), il sera désormais obligé de recouvrir l’ensemble de ses coûts (logistique, personnel, mise en rayon…) à hauteur de 10 % sur tous les produits. L’idée est de lisser l’effort sur l’ensemble des gammes, afin que les agriculteurs ne soient pas ceux qui supportent, seuls, l’impact de la marge : « On peut toujours espérer que cela fera descendre certaines marges excessives sur les produits agricoles ou sur le bio, mais de là à croire à un rééquilibrage… Ce n’est pas en donnant plus de latitude à la distribution que cela se répercute sur la production, on le sait depuis longtemps », analyse Nicolas Girod, secrétaire national à la Confédération paysanne, qui appelle à une évaluation rapide de cette mesure, dans les prochains mois, « pour voir s’il y a un quelconque retour pour le producteur ».

Autre mesure importante, « l’inversion du calcul du prix » telle qu’elle est portée depuis octobre par le gouvernement. Autrement dit, le producteur doit désormais pouvoir proposer son prix à l’acheteur, qu’il soit transformateur ou distributeur. C’est l’article 3 du projet de loi qui invoque les « critères et modalités de détermination du prix » : « Ceux-ci prennent en compte des indicateurs relatifs aux coûts de production, aux prix des produits agricoles et alimentaires constatés sur les marchés et à la traduction de la qualité, de la traçabilité, du respect des cahiers des charges », tel que le résume l’exposé des motifs. Une mesure qui va dans le bon sens, selon la Confédération paysanne, à condition qu’il existe un véritable arbitrage public dans ces relations commerciales. « L’État doit jouer son rapport de force et faire respecter cette disposition pour qu’elle ne soit pas seulement une déclaration de bonne intention », souligne Nicolas Girod.

Vers une remise en cause du label « Agriculture biologique » ?

À part tenter d’instaurer ce « juste prix », la loi demeure muette. Le mot « bio » n’apparaît qu’une seule fois, à l’article 10, consacré à la restauration collective. Celui-ci confirme la promesse de campagne d’Emmanuel Macron de proposer dans les cantines scolaires ou restaurants d’entreprise 50 % de produits dits bio ou locaux d’ici 2022. Problème, le projet de loi ne fixe pas d’orientations pour y parvenir. L’objectif de produits spécifiquement bio dans les cantines reste cantonné à 20 %, et sera ultérieurement précisé par décret. « Cela ne va pas assez loin, on demandait 30 % », rappelle Laure Ducos, chargée de mission agriculture à Greenpeace France.

Au-delà de ces 20 % d’aliments bio, quels types de produits dits « locaux » composeront les repas en cantines scolaires et restauration collective pour atteindre ces fameux 50 % ? Ces aliments proviendront aussi bien d’exploitation en conversion vers le bio que de produits « bénéficiant d’autres signes de qualité ou mentions valorisantes ou présentant des caractéristiques équivalentes », stipule le texte. « Qu’est-ce qu’une équivalence ? Et qui la détermine ? C’est une formulation très ambigüe et de ce fait très dangereuse : cela peut être une façon de remettre en cause la certification des labels existants, et ainsi de les affaiblir. Il y a une vraie menace de détricotage du label AB », s’inquiète Sophia Majnoni, déléguée générale de la Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab). Un produit cultivé avec seulement un peu moins de pesticides sera-t-il jugé « équivalent » à un produit bio ? La notion de produits « locaux » n’est, elle, pas non plus définie.

Rien sur le climat, l’environnement ou la consommation de viande

L’engagement est d’autant plus faible qu’il ne dit mot des moyens concrets de réalisation. Augmenter la part des aliments bio en restauration collective signifie ainsi diminuer celle de la viande, dont la production bio demeure trop faible – environ 4% des élevages bovins sont en bio, 1% pour les poulets – pour répondre à cette demande. « Il n’y a rien sur la question des protéines animales et végétales, qui est pourtant fondamentale pour atteindre les 50 %. Comment voulez-vous mettre en place un tel objectif si vous ne vous attaquez pas à la consommation de viande ? C’est mathématique », s’interroge Sophia Majnoni.

Malgré un contexte orienté sur la baisse de l’alimentation carnée – voir les rapports successifs de Terra Nova et de Greenpeace à ce sujet –, le gouvernement fait la sourde oreille : pas le moindre mot à l’intention des végétariens. Un silence qui concorde entièrement avec celui qui entoure les enjeux d’environnement et de climat, également totalement ignorés par ce texte. « C’est un projet de loi qui se résume uniquement au premier chantier des EGA, sur l’économie, et qui délaisse tous les enjeux socio-environnementaux », résume Laure Ducos, de Greenpeace.

Une absence révélatrice du manque de « cap », selon le député insoumis François Ruffin qui défend en la matière « un nouveau contrat social entre les agriculteurs et la société ». « Toute cette agitation pour ça, au final ? Il y a bien deux ou trois mesures consensuelles, mais ce n’est vraiment pas lourd. On ne va pas s’opposer à ce qu’il y a dans la loi, le problème, c’est qu’il n’y a rien dedans… », confie le député de la France Insoumise à Bastamag.

Un texte « sans vision, sans souffle, sans ambition »

Ce dernier a publié la semaine dernière le projet de loi, qui n’était pas alors rendu public, sur son propre site, par « souci de transparence ». Dans un propos liminaire, il y dénonce un texte qui « ne propose rien, ou presque rien, pour aller vers un autre modèle d’agriculture. Il se concentre sur la “plomberie” : les relations agriculteurs/transformateurs/distributeurs, qui ont un intérêt comme mesure d’urgence, à court terme, mais sans vision, sans souffle, sans ambition.

 Autrement dit, le premier chantier des États généraux de l’alimentation, “création et répartition de la valeur”, est repris dans ce projet de loi. Mais du second chantier, à peine des miettes. »

Des miettes que tente de récupérer le gouvernement à grands coups de « plans » sans mise en cohérence. Le 18 janvier, le gouvernement lançait un plan de réduction de la dépendance de l’agriculture aux pesticides. D’autre part, une mission parlementaire doit se pencher sur la question de l’accaparement des terres et de la régulation du foncier (concentration des terres, spéculation foncière, grignotage urbain), à partir du 8 février prochain. Sans oublier un hypothétique plan « ambition bio », qui serait en cours de préparation : « Des annonces sont attendues pour le Salon de l’agriculture, mais nous n’avons absolument pas été sollicités, remarque à ce sujet Sophia Majnoni, de la Fnab. Si cela avance, cela se fait donc sans nous… ». Drôle de façon de saucissonner la politique agricole : parler économie et relations commerciales sans aborder les coûts environnementaux, sanitaires ou climatiques, ce n’est certainement pas le meilleur moyen d’obtenir le « juste prix »…

Métaux rares : «Un véhicule électrique génère autant de carbone qu’un diesel»

Marine Ernoult
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Dans son dernier ouvrage, «La Guerre des métaux rares», Guillaume Pitron dénonce «la face cachée de la transition énergétique et numérique». Pour le journaliste, éoliennes, panneaux solaires et voitures électriques se contentent de déplacer la pollution à l’autre bout du monde.

Iridium, indium, platine, terres rares : ces métaux aux noms parfois méconnus sont essentiels pour les industries de pointe. Sans eux, pas de batteries électriques, d’éoliennes, de téléphones portables ou de fibre optique. Le journaliste Guillaume Pitron s’est intéressé aux conséquences environnementales et géopolitiques de l’extraction de ces métaux rares. A l’occasion de la sortie de son livre La Guerre des métaux rares, il revient sur six ans d’enquête à travers une douzaine de pays.

Les métaux rares, qu’est-ce que c’est ?

L’Union européenne fournit une liste de 27 matières premières rares (phosphore, cobalt, hélium, etc.), dont de nombreux métaux. Ce sont des minerais présents en quantité infime dans la croûte terrestre. Ils sont naturellement mélangés à d’autres métaux plus abondants (fer, aluminium, etc.). Pour en obtenir quelques kilos, il faut extraire des tonnes de terre. Les scientifiques parlent de rareté géologique mais aussi industrielle. Certains métaux abondants peuvent devenir rares si la demande explose.

A quoi servent-ils ?

Grâce à leurs propriétés chimiques uniques, ce sont les vitamines de la transition énergétique et numérique, le pétrole du XXIe siècle. Sans métaux rares, nos téléphones portables feraient la taille d’une brique, n’auraient ni écran tactile ni vibreur. Sans eux, impossible de propulser un TGV à 500 km/h. C’est hallucinant, ils nous ont envahis. Notre futur high-tech sera toujours plus tributaire de ces minerais dont la production ne cesse de croître.

Quel est le principal pays producteur de métaux rares ?

La Chine a le leadership sur la production d’une ribambelle d’entre eux. Elle contrôle notamment 95% de la production mondiale de terres rares.

En 1992, Deng Xiaoping (numéro un de la Chine de 1978 à 1992) aurait dit de façon prémonitoire, «le Moyen-Orient a le pétrole, la Chine a les terres rares». Historiquement, les Etats-Unis étaient leader sur le marché. Mais avec la prise de conscience écologique des années 80, les Occidentaux ne veulent plus de mines chez eux. Extraire des métaux rares est trop sale et coûteux en énergie.

Les Chinois, dans une quête de croissance effrénée, récupèrent le job. Pendant des décennies, au prix d’un dumping social et environnemental sans précédent, l’Empire du milieu inonde l’Occident de métaux rares très peu chers. Cette situation arrange tout le monde, d’un côté les pays occidentaux développent leurs nouvelles technologies à faible coût, de l’autre les Chinois s’enrichissent.

Tout va bien dans le meilleur des mondes, jusqu’à ce que la Chine prenne conscience des leviers économiques et géopolitiques qu’elle peut actionner avec ces ressources. Au tournant des années 2000, sa croissance et ses besoins en métaux rares explosent. Pour satisfaire sa demande intérieure et développer ses propres technologies, Pékin décide de fermer le robinet. Après avoir gavé l’Occident de métaux rares, le pays restreint ses exportations. C’est la fameuse politique des quotas qui chauffe les oreilles de l’Organisation mondiale du commerce.

La Chine en a profité pour développer sa propre transition énergétique…

Exactement, au détriment de la nôtre. Le mot innovation est devenu un mantra en Chine. Les technologies vertes et le numérique sont les nouveaux moteurs de la croissance chinoise, indispensable à la survie du Parti communiste. Pour assurer son avance industrielle, Pékin n’a pas hésité à s’approprier les technologies occidentales. En échange d’un accès direct et illimité aux métaux rares, de nombreux industriels ont migré vers l’Empire du milieu. Les Chinois ont accédé à leurs laboratoires de recherche. Sous couvert de co-innovation, ils ont sinisé les brevets européens et américains. Grâce à ce chantage aux métaux, la Chine est devenue le leader mondial de la transition énergétique. Le pays est sorti de l’âge de pierre auquel les Occidentaux voulaient le cantonner.

Trouve-t-on des métaux rares dans d’autres pays ?

Il y en a partout, du lithium en Bolivie et en Argentine, du cuivre au Chili, du cobalt en république démocratique du Congo. L’Indonésie est également une grande puissance minière qui regorge d’étain. Tous ces pays veulent s’inspirer de l’exemple chinois et capter la valeur ajoutée des métaux rares. Plus aucun Etat ne veut reproduire le schéma néocolonialiste selon lequel les pays en développement produisent les minerais bruts, le vendent une poignée de dollars aux Occidentaux ; et ces derniers le valorisent avec quelques brevets pour le revendre dix fois plus cher.

Au-delà des ambitions, c’est très dur à mettre en place car ça veut dire ouvrir des routes, installer des lignes électriques, faire venir des savoir-faire. En 2015, l’Indonésie a tenté un embargo sur l’exportation de minerais brut. Derrière, elle n’avait pas un tissu industriel suffisamment développé pour transformer la ressource. Elle a dû faire marche arrière deux ans plus tard. Seule certitude, les Occidentaux doivent accepter de partager le gâteau technologique auquel toutes les nations aspirent.

Quelles sont les conséquences écologiques de cette course aux métaux rares ?

Qui dit mine, dit dégâts environnementaux. C’est le revers de la croissance verte à tous crins. En Mongolie intérieure, la principale région minière chinoise, c’est un enfer de Dante. Aucune réglementation n’est appliquée. Les usines rejettent leurs effluents toxiques directement dans les sols. La population paye un lourd tribut avec un taux de cancer très élevé. Le problème c’est que le recyclage coûte plus cher que l’extraction.

Piégés par une logique du moindre coût, les industriels préfèrent renvoyer leurs déchets en Chine et s’approvisionner directement en nouveaux minerais.

La transition énergétique ne fait donc que déplacer la pollution ?

Cette transition est un leurre. Un fabuleux marketing nourrit l’illusion que les énergies renouvelables sont vertes. Nous oublions sciemment qu’elles sont tributaires de l’extraction de métaux sales. Nous avons juste délocalisé la pollution et faisons semblant de faire du propre. Prenez l’exemple des voitures électriques. Le terme «zéro émission» est délirant. Sur l’ensemble de son cycle de vie, un véhicule électrique génère autant de carbone qu’un diesel. Comment peut-on qualifier cette technologie de durable ?

La révolution numérique, essentielle au développement de nouvelles sources d’énergie, entretient aussi le mirage d’un monde moins physique. En réalité, derrière un courriel se cachent des milliers de kilomètres de câbles de cuivre. Nous oublions que la quantité de matière est finie. Les experts connaissent déjà le jour exact où on extraira le dernier minerai rentable. Les technologies pourront toujours évoluer et repousser la date butoir, mais à quel prix ? C’est une course de vitesse qui épuise la terre.

Au nom de la sobriété, du moindre impact de l’homme sur l’environnement, nous creusons toujours plus. Nous vivons en plein paradoxe. Les plus productivistes pensent déjà aux océans et aux astéroïdes où le potentiel minier serait gigantesque. Les grandes puissances sont en train de s’approprier des endroits que la communauté internationale s’était juré de laisser à l’abri des appétits industriels. En 2015, Barack Obama a ouvert la danse. Il a autorisé les citoyens américains à devenir propriétaires d’astéroïdes pour exploiter des gisements de métaux rares. C’est en rupture totale avec l’idée que l’espace est un bien commun de l’humanité.

Klimaren erotzeak kanporatutako etorkinei, guk hesi militarizatuak

Pello Zubiria Kamino
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Lehorte, uholde eta ekaitz erraldoietatik ihesi klimaren aldaketak kaltetutako gero eta jende gehiago datorrelarik mundu aberatserantz,  urte ederrak bizi ditu mugak gotortzearen industriak. Todd Miller kazetari eta migrazioetan adituak Hesiarekin borrokan liburuan azaltzen du frontearen gaurko argazki orokorra: zer galdurik gabe datozen etorkinen epopeia, multinazionalek mugen militarizazioarekin egiten duten urrea, justiziaren aldeko talde militanteen borrokak.

Don Bartlettik ‘Los Angeles Times’-en 1993an argitaratu zuen argazki hau: kontrata bateko obreroak Kaliforniako autopista zati horretan etorkinei pasabidea eragozteko hesia ari ziren eraikitzen, ondoan zeukatela aurreko urteetan alderdi haietan ezagunak ziren “Etorkinak korrika” bataiatutako afixetako bat. “Kontuz, etorkinak!” ere izendatu zitekeen irudiak auto gidariak ohartarazi nahi zituen, dozenaka baitziren gaueko lasterkaldietan bizia galtzen zuten latino ilegalak. 25 urte geroago, askoz militarizatuago daude mugak.

2016ko apirilean Tucsongo (AEB) epaitegian Ignacio Sarabia mexikarra epaitu zuten muga baimenik gabe zeharkatzeagatik. Auzia ondo pasa zedin abokatuak emandako aholkuak bat batean ahaztuta, hizketan hasi zitzaion Jacqueline Rateau epaileari: “Nire umeak lau hilabete dauzka eta AEBetako herritarra da. Bihotzeko arazo batekin sortu zen eta operatu egin behar dute. Horra zergatik nagoen hemen zure aurrean”. Saiatu zen bere ingeles kaxkarrezko hitzak osatzen keinuekin, baina gainean zeramatzan eskuburdinek eragotzi zioten.

Epaile andereak erantzun zion sentitzen zuela baina AEBetan ezin zela ilegalki sartu, etortzeko modu legalen bat aurkitu beharko zuela. “Semea hobetzen denean, emazteak eta biek bisitatu ahal izango zaituzte etxean, Mexikon. Edo bestela, espetxean bisitatu beharko zaituzte. Zeuk ikusi ea umearentzako hobea den handitzea bere aita bisitatuz presondegian”. Ondoren, Sarabia eta berekin epaitutako beste zazpi gizonak 60 eta 180 egun arteko espetxealdira zigortu zituen.

Tucsoneko egun hartako entzule bakanen artean zegoen Todd Miller kazetaria, etorkinen laguntza taldeetan ere inplikatua. Ordurako argitaratua zuen Mugako patruilen nazioa: barne segurtasunaren fronteko kronikak.

Oraintsu argitaratutako Hesiarekin borrokan: klimaren aldaketa, migrazioa eta barne segurtasuna liburu berrian kontatu du epaiketa hartan ezin zuela burutik kendu hilabete berean sortuak zirela bere semea eta Ignacio Sarabiak aipatzen zuena. Bakarrik, Sarabiarenak hurrengo aldiz aita ikusi beharko zuela espetxeren batean, “bere aita edukitzeagatik egunean 124 dolar irabazten dituen espetxe pribatuan”.

Todd Millerrek liburuan erakusten duenez, herrialde asko dirutzak ari dira inbertitzen mugen militarizazioan, aurrea hartzeko klimaren aldaketak Karibean bezala Afrikan eta beste askotan eragingo dituen populazioen mugimenduei. Filipinetan, Mexiko hegoaldean, Hondurasen, Frantzian edo AEB-Mexiko mugaldean ikusitakoekin, Millerrek josi ditu etxetik urrundutako jendeen historiak estatuek beren mugetan baina baita beren barnean ere ezarritako segurtasun eta militarizazio egituren deskribapenekin. Azken batean, elkarri lotuta baitoaz klimaren aldaketa jokatzen den biltzar dotoreen guneak eta bizirauteko aukera bila datozen jendeei bidea ixteko eraikitzen diren hesiak.

Klimaren aldaketaren aro honetan, dio Millerrek, mundu berean bizi gara alde batetik txit aberatsak, mugarik gabe kontsumitu, eduki eta xahutzen jarraitu nahi dutenak, baina baita klase ertainetakoak ere, jasangarriak ez diren bizimodu kontsumista daramatenak. Eta beste aldetik daude aipatu epaiketan ikusi ditugunak bezalako milioika, beren jaioterrietan biziraun ahal izateko zeuzkaten baliabide oro kendu dietenak. Eta batzuen eta besteen tartean daude militarizatutako mugaldeak, munduaren ordena bidegabe bat indartzeko antolatuak.

“Hedatuz doan estatu zelatatzaile honi iheslarien historia ez zaio axola. Honaino zergatik iritsi diren ez dio axola. Aurpegiak dauzkaten arren, aurpegirik gabeak dira. Zuk ikusi dezakezun bakarra da etorkin talde bat eskuak lotuta epaileen aurrera iristen, inporta duen informazio bakarra da ea hemen baimenarekin ala baimenik gabe sartu diren”.

Klimaren iheslariak, mehatxu globala

Ezein etorkini aitortzen ez zaion arren klimaren errefuxiatu izaera, estatuek ondo dakite badirela, eta gero eta gehiago izango direla. AEBetako militarrei dagokienez, Pentagonoak duela hamabost urte, 2003an, txosten bat zabaldu zuen izen honekin: “Klimaren aldaketa bortitz baten agertokia eta bere ondorioak AEBen nazio segurtasunerako”. Tartean zioen: “AEBen mugak oro indartu behar dira, atzera botatzeko Karibeko uharteetatik (arazo bereziki larria), Mexikotik eta Hego Amerikatik gure gogoz kontra datozen etorkin gosetuak”.

Klimaren aldaketak hainbat aurpegi erakusten ditu dagoenekoz: gero eta indartsuago jotzen duten super-ekaitzak, uholdeak, lehorteak, itsas mailaren igoerak irensten dituen lurrak, ur gezen gazitzea… Horien ondorioz 2008 eta 2015 artean urtero 26 milioi jendek alde egin zuen bere sorterritik. Gerrak lekualdatutakoenak baino kopuru handiagoak dira. Gehienak hurbileko herri eta hirietara doaz aterpe bila, batzuk ausartzen dira aberatsen paradisuetaraino.

2050erako kalkuluen arabera 250 eta 1.000 milioi pertsonak klimagatik ihes egitea espero da. Koko Warner Nazio Batuen Erakundeko unibertsitateko adituak esaten du, zenbaki zehatzen inguruan eztabaida egon arren, migrazioekin ikusiko dena harrigarria izango dela eta “historian ezagutu den beste edozer gaindituko duela”.

Herrialde aberatsetara hurbilduko direnek, hasteko, hesiekin egingo dute topo. Berlingo murru famatua bota zutenean, 1989an, 15 harresi handi zeuden munduan; gaur 70 dira, bi herenak 2011z geroztik eraikiak.

Daukaten hormigoi edo altzairuaz gain, ordea, orain mugen hesitzea high tech da: gauez ikusteko kamerak, energia termikoa behatzen dutenak, edozein mugimendu hautemateko radar sistemak, droneak, ibilgailu blindatuak, komando eta kontrol eraikuntzak, base militar operatiboak… Gehi horien bidez muga baimenik gabe zeharkatzen harrapatutakoak kopuru handitan atxilotzeko presondegiak eta kanporatzeko logistika osoa. AEBetakoa gai omen da urtean 400.000 pertsona kanporatzeko.

“XX. mende amaieratik hasita –idatzi du Millerrek–, XXI.aren historiak bilduko du nola nazio-estatuek itxi eta militarizatu zituzten beren mugak munduko jende txiro eta baztertuenentzako. Baina baita ere mugak erabat zabaldu zituztela munduko aginteen eta negozioen jabe diren klaseentzako”.

Europak ere, Apple bezalako multinazional batek 13.000 milioi euroko zergak kobratzeko sustantzia egiten ez duen Europak, bere mugak militarki gotortzeko estrategia bera darama, klase guztietako hesiak eraikitzearekin batera –Bilboko portukoa ez da izanen azkena– zuloren batetik sartu ostean harrapatutako etorkinak atxilotzeko espetxeak antolatuz, hala nola Espainiak azaroan Archidonan ireki duena.

Mugen militarizazioaren hurrengo atala etorkin ilegalei laguntzen dieten herritar eta taldeen kontrako kriminalizazioa izango da. Zehazkiago, izaten hasi da. Solidaritate delitua isun eta espetxez zigortzen hasi dira epaileak, erabaki balute bezala jende zintzoa izatea dela mendi elurtuetatik ia larru bizirik datozenei salda beroa edo itsaso zakarrean jostailuzko txalupetan arriskatzen direnei txikota eskaintzea.