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Articles du Vendredi : Sélection du 18 mars 2016

L’entrée du préjudice écologique dans la loi est une « petite révolution juridique »

Lorène Lavocat Trois questions à Arnaud Gossement
www.reporterre.net/L-entree-du-prejudice-ecologique-dans-la-loi-est-une-petite-revolution

Mettons fin à l’ère des paradis fiscaux

Oxfam, le pouvoir citoyen contre la pauvreté
https://act.oxfam.org/france/petition-a-egalite?utm_source=oxf.am&utm_medium=Tw6m&utm_content=redirect

Vivre au sein d’une famille zéro déchet : un nouveau luxe pas si contraignant

Nolwenn Weiler
www.bastamag.net/Vivre-au-sein-d-une-famille-zero-dechet-un-nouveau-luxe-pas-si-contraignant

L’entrée du préjudice écologique dans la loi est une « petite révolution juridique »

Lorène Lavocat Trois questions à Arnaud Gossement
www.reporterre.net/L-entree-du-prejudice-ecologique-dans-la-loi-est-une-petite-revolution

En adoptant le principe d’un préjudice écologique, les députés permettent à la justice de considérer dorénavant l’environnement naturel comme une victime. L’avocat Arnaud Gossement explique à Reporterre en quoi consiste cette nouvelle disposition juridique.

L’inscription du préjudice écologique dans le code civil a été votée mardi 15 mars au soir à l’Assemblée nationale, lors de la deuxième lecture du projet de loi sur la biodiversité. Il est défini comme une « atteinte non négligeable aux éléments et aux fonctions des écosystèmes ainsi qu’aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement ».

L’État, l’Agence française pour la biodiversité, les collectivités territoriales, ainsi que toute personne ayant qualité et intérêt à agir pourront ainsi poursuivre en justice une personne morale qu’ils pensent responsable d’un dommage sur l’environnement. Le juge pourra décider d’une remise en état du milieu dégradé, suivant le principe du pollueur-payeur. Le délai de prescription est fixé à dix ans.
Né de la jurisprudence Erika, du nom du pétrolier de Total naufragé en 1999, le principe de préjudice écologique a été introduit dans la loi sur la biodiversité par le sénateur Bruno Retailleau (par ailleurs président du conseil régional des Pays de la Loire, et fervent défenseur du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes). Le gouvernement a ensuite tenté de le remettre en cause, suscitant un tollé. Le voilà donc rétabli et renforcé par les députés. Mais que va-t-il changer ? Arnaud Gossement, avocat en droit de l’environnement, nous répond.

Reporterre – Qu’est-ce que le préjudice écologique ?
Arnaud Gossement – Il désigne les dommages causés à la nature. Plus précisément, il y a deux critères de définition. D’abord, il s’agit d’un préjudice subi par l’environnement naturel sans qu’il y ait un préjudice pour l’homme ou la collectivité. La victime n’est donc plus l’homme mais l’environnement naturel. C’est une petite révolution juridique. Ensuite, ce préjudice concerne des atteintes non négligeables à l’environnement. Ce qui signifie que toutes les atteintes ne seront pas attaquables juridiquement. Car toute activité humaine porte atteinte à l’environnement : n’importe quelle construction ou n’importe quelle activité économique a un impact. Pourtant, il y a une différence entre manger de la viande de petits producteurs et pratiquer l’élevage intensif et industriel. Certaines activités remettent en cause les équilibres écosystémiques. La notion d’atteinte non négligeable est donc essentielle. Et il reviendra au juge, lors du procès, de définir au cas par cas si le dommage peut être considéré comme négligeable ou non.

Que va concrètement changer ce préjudice écologique ?
Il y a d’abord un aspect symbolique, mais le droit a besoin de symboles. Depuis 1804, le Code civil reconnaît comme principe fondamental la réparation d’un dommage causé à autrui. Tout fait humain qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Pour la première fois, et c’est historique, cet « autrui » n’est pas seulement une personne : cela peut-être l’environnement.
Au delà du symbole, on peut espérer un effet pédagogique sur les entreprises. Elles pourraient être dissuadées, afin de ne pas avoir à réparer – en nature ou en payant des dommages et intérêts –, de faire telle ou telle activité. Pour autant, il ne faut pas s’attendre à une révolution juridique. Car dans les faits, le préjudice écologique existe déjà dans le code de l’environnement, sous le nom de « dommages causés à l’environnement ». L’autorité policière peut d’ores et déjà inquiéter des entreprises pour délinquance environnementale. Le droit donne déjà les moyens à la police ; par contre, la police n’a pas les moyens de faire appliquer le droit.
Quelle est la nouveauté alors ?
L’amendement adopté entend organiser la réparation de ce préjudice écologique par le juge civil ou pénal. Il prévoit donc des sanctions, comme des obligations de dépollution ou de restauration du milieu endommagé. Le texte donne la priorité aux réparations en nature. Les dommages et intérêts ne viennent qu’ensuite, s’il est impossible de réparer le préjudice en nature, par exemple si le procès intervient des années après que le dommage a eu lieu. Cette précision vient d’une inquiétude des mouvements écologistes d’une possible financiarisation de la nature. Les ONG notamment souhaitent que ne soit pas posée immédiatement la question délicate de la valeur économique de la nature. Car, derrière le préjudice écologique, vient un problème philosophique : peut-on réparer le vivant ?

Mettons fin à l’ère des paradis fiscaux

Oxfam, le pouvoir citoyen contre la pauvreté
https://act.oxfam.org/france/petition-a-egalite?utm_source=oxf.am&utm_medium=Tw6m&utm_content=redirect

Nous avons toutes et tous recours aux services publics financés par nos impôts. Ces derniers financent l’éducation de nos enfants, nos soins de santé lorsque nous tombons malades ou nos moyens de transport pour nous rendre sur notre lieu de travail.
Les impôts sont essentiels pour garantir l’accès de toutes et tous à ces services publics indispensables. Ils sont primordiaux dans la lutte contre les inégalités extrêmes et pourraient permettre à des millions de personnes de sortir de la pauvreté. Une imposition juste profite au plus grand nombre.
Cependant, le système fiscal actuel n’est pas juste.
Il n’est pas juste pour les 896 millions de personnes[1] qui vivent dans l’extrême pauvreté. Ni pour les 11 millions de Français en risque de pauvreté ou d’exclusion.
Il n’est pas juste pour les 57 millions d’enfants privés d’éducation dans le monde.
Ou pour les 663 millions[2] de personnes à travers le monde qui n’ont pas accès à l’eau potable.
Parmi les 10 premiers pays dans lesquels investissent les entreprises françaises, 4 sont des paradis fiscaux. Ils reçoivent à eux seuls près de la moitié de ce qui est investi dans ces 10 pays. Un réseau international de paradis fiscaux permet aux multinationales et aux grandes fortunes de se soustraire à des centaines de milliards de dollars d’impôts. De nombreux Etats se rendent complices du maintien de ce réseau. En alimentant une concurrence fiscale dommageable, ils entrainent d’importantes pertes de recettes fiscales pour d’autres pays. Les pays les plus pauvres en subissent particulièrement les conséquences puisqu’ils sont privés des fonds qui leur permettraient de financer leurs services de santé et d’éducation et de lutter contre la pauvreté.
Ensemble, nous devons nous mobiliser et appeler les dirigeantes et dirigeants mondiaux à éradiquer définitivement le recours aux paradis fiscaux.
Aussi, nous demandons à François Hollande de prendre des mesures concrètes en 2016, aux niveaux français, européen et international, pour mettre un terme à l’ère des paradis fiscaux:

– Une transparence fiscale complète pour connaître l’activité réelle des entreprises dans les paradis fiscaux et les impôts qu’elles paient (le reporting pays par pays public);
– La fin des incitations fiscales qui alimentent une concurrence fiscale dommageable, préjudiciable à tous;
– Le développement d’une approche commune de taxation des multinationales au niveau européen pour qu’elles paient leurs impôts là où elles ont une activité économique réelle;
– La création d’un organisme fiscal international qui contrôle que les grandes entreprises paient leur juste part d’impôt à hauteur de leur activité économique réelle.

Nous remettrons cette pétition au niveau européen au printemps 2016, ainsi que lors de l’Assemblée générale des Nations unies au mois de septembre 2016, soit exactement un an après l’adoption des Objectifs mondiaux pour mettre fin à l’extrême pauvreté et réduire les inégalités.
Nous pouvons rendre notre monde plus juste, à condition que nos dirigeantes et dirigeants œuvrent au service du plus grand nombre.
Ajoutez votre nom à notre pétition adressée à François Hollande et aidez-nous à mettre fin à l’ère des paradis fiscaux
Nous vous remercions.
________________________________________
[1] http://www.banquemondiale.org/fr/topic/poverty/overview
[2] http://www.charitywater.org/whywater

François Hollande: mettez fin à l’ère des paradis fiscaux pour lutter efficacement contre la pauvreté

La richesse des grandes fortunes et des multinationales ne cesse de croître, avec l’aide d’un réseau international de paradis fiscaux. Mais les pertes de recettes fiscales essentielles réduisent les investissements dans les services publics de base, tels que la santé et l’éducation, et dans la lutte contre la pauvreté.

Nous vous demandons de collaborer avec vos homologues du monde entier à la mise en place d’un système fiscal international juste pour le plus grand nombre, et non pour une minorité.

Nous vous demandons de prendre des mesures concrètes en 2016, aux niveaux français, européen et international, pour mettre un terme à l’ère des paradis fiscaux:

– Une transparence fiscale complète pour connaître l’activité réelle des entreprises dans les paradis fiscaux et les impôts qu’elles paient (le reporting pays par pays public);

– La fin des incitations fiscales qui alimentent une concurrence fiscale dommageable, préjudiciable à tous;

– Le développement d’une approche commune de taxation des multinationales au niveau européen pour qu’elles paient leurs impôts là où elles ont une activité économique réelle;

– La création d’un organisme fiscal international qui contrôle que les grandes entreprises paient leur juste part d’impôt à hauteur de leur activité économique réelle

Vivre au sein d’une famille zéro déchet : un nouveau luxe pas si contraignant

Nolwenn Weiler
www.bastamag.net/Vivre-au-sein-d-une-famille-zero-dechet-un-nouveau-luxe-pas-si-contraignant

Terminées les poubelles qui débordent tous les deux jours : produire moins de cinq kilos de déchets par an, soit cent fois moins que la plupart des Français, est tout à fait possible. Et même avec des enfants. Une famille de la région nantaise réalise cette prouesse depuis quelques années. Sans frustrations et en mangeant bien. Leur secret ? Refuser l’inutile, réduire la quantité de ce que l’on possède et achète, réutiliser, recycler, composter, et quelques bons réflexes lors des courses. Récit de l’intérieur.

Dans la famille Poirier, il y a la mère, le père, trois enfants, un chat et … très peu de déchets. Installés à proximité de Nantes, Claire, Emmanuel, Matthias, Elsa et Jade génèrent chacun cinq kilos de déchets par an. Soit presque cinquante fois moins que ce que jettent en moyenne la plupart des Français dans leurs poubelles ! [1] Une belle performance. Mais quel est leur secret ?
Tout commence il y a six ans. « À cette période, nos revenus ont diminué, retrace Claire. Mon mari est licencié puis il retrouve une activité qui lui rapporte trois fois moins. De mon côté, je décide de me mettre en congé parental pour m’occuper de nos deux filles. » Habituée à consommer sans trop compter, la famille doit revoir son organisation. Les Poirier se tournent d’abord vers les premiers prix proposés en grande distribution et en discount, mais n’en sont pas satisfaits. « On trouvait que les conserves étaient de mauvaise qualité, que les produits étaient trop gras », se souvient Claire.

Mieux manger pour moins cher
« On a donc réfléchi et décidé de faire autrement. Nous avons la chance d’habiter à la campagne, dans un village où il y a une Amap [2] qui propose des légumes bio et pas trop chers. Cela nous plaisait de faire vivre un maraîcher du coin. » Claire retrouve alors le goût des légumes de son enfance, tirés du potager que son père cultivait. « Nous avons ensuite trouvé des plans pour acheter des colis de viande directement aux producteurs. Avec toujours ce souci de trouver des produits de bonne qualité à des prix pas trop élevés. Nous avons aussi réduit les quantités consommées. Nos portions de viande sont passées de 150 à 110 grammes, environ. Mais elle fond moins à la cuisson, donc on s’y retrouve. »
Alors que la famille Poirier se met aux légumes bio et locaux, leur commune lance une taxe incitative pour les ordures ménagères. « On paie en fonction du volume produit, explique Claire. Cela nous a poussés à réfléchir sur notre production de déchets. » Pour ne pas dépasser les douze conteneurs de 180 litres par an, le forfait le moins cher proposé par la commune, la famille réorganise un peu la maison. « Pour optimiser le tri, on a mis le sceau à compost sous l’évier, et changé les poubelles de place, de façon à ce qu’elles soient plus accessibles, pour que le tri se fasse vraiment à chaque fois que l’on jette quelque chose. »

Bocaux et sacs en tissu pour les courses
Claire et sa petite troupe descendent à 20 kilos de déchets par personne et par an, alors que la moyenne nationale s’élève à 230 kilos de déchets environ ! Mais la jeune femme est décidée à faire mieux. Elle fait des recherches et tombe sur le livre de Béa Johnson, Zéro déchet, comment j’ai réalisé 40 % d’économie en réduisant mes déchets à un litre par an ! Dans cet ouvrage témoignage, une Française, installée aux États-Unis avec sa famille, raconte comment elle est parvenue à réduire considérablement ses déchets du quotidien. Aujourd’hui les déchets annuels des Johnson tiennent dans un bocal de… un litre !

En janvier 2014, Claire fait ses premiers pas de consommatrice zéro déchet. « Je suis assez timide et j’ai dû prendre sur moi pour oser demander aux commerçants de mettre leurs produits dans mes boîtes et bocaux plutôt que dans leurs papiers et plastiques. »
Elle commence donc par la petite boutique bio de son village, en choisissant un moment où il n’y a pas trop de clients pour avoir le temps d’expliquer sa démarche. Puis elle enchaîne sur le marché. À chaque fois, l’accueil est chaleureux. Le marchand de poulets s’est vite habitué à sa grande boîte à gâteaux, et le crémier à ses bocaux. « Une fois, chez le poissonnier, j’ai eu affaire à un salarié qui ne me connaissait pas. Quand je lui ai tendu mon bocal pour qu’il y pose les filets, il m’a regardée avec un air très étonné : Ah bon ! Sans papier ? Vous êtes sûre ? Il a eu un échange rapide avec son collègue sur le sujet. Ce sont de petits moments très intéressants. »

Expliquer encore et encore
Claire a aussi fait des essais en grande surface, en tendant des boîtes en plastique pour transporter jambon et fromage. « Mais la personne n’a pas du tout compris ce que je voulais. On a eu un véritable échange de sourdes, c’était très désagréable, pour elle comme pour moi. En plus, cela a aussi été compliqué en caisse. Mais je sais que dans certaines grandes surfaces, cela ne pose aucun problème. » Au marché, c’est plus facile. « Beaucoup de personnes âgées viennent avec des sacs qu’elles réutilisent. En grande surface, c’est très rare, voire inexistant. A-t-on déjà vu des gens ramener leurs sacs en plastique pour y remettre des fruits ou des légumes ? Ce sont des gestes que l’on a perdus. »
En plus de ses boîtes et bocaux, Claire s’est fabriqué des sacs en tissu de diverses tailles, qu’elle remplit une fois par mois à la « biocoop » de Nantes, avec des produits secs – pâtes, riz, légumineuses – proposés en vrac [3]. « Une fois tous les quinze jours, je vais aussi au drive de la grande surface qui est près de chez moi pour acheter ce que je ne trouve pas sans emballages : du lait, quelques conserves, des jus de fruits. Je ne rentre jamais dans le magasin, cela m’évite d’être tentée. » Elle se souvient de l’époque, pas si lointaine, où elle passait deux heures par semaine en grande surface, quand elle arpentait tous les rayons « pour être sûre de ne rien oublier ». « Je passais beaucoup de temps dans les rayons promos. Du coup, j’achetais des choses dont je n’avais pas vraiment besoin : vêtements, petits ustensiles de cuisine, déco, etc. En fait, on a amélioré notre consommation alimentaire et on a réduit nos autres achats. »

Refuser, réduire, réutiliser, recycler, composter
La famille Poirier s’est vite habituée à la « règle des cinq R », résumée par Béa Johnson : refuser (ce dont nous n’avons pas besoin), réduire (ce dont nous avons besoin), réutiliser, recycler, composter (on dit rot en anglais). « On diffère au maximum les achats, dit Claire, histoire de s’assurer que l’on en a vraiment besoin. On privilégie au maximum l’occasion, même pour les cadeaux. » Claire et Emmanuel ont réalisé que, chaque année au moment de Noël, ils se demandaient quoi offrir à leurs enfants, s’apercevant qu’ils n’avaient besoin de rien. « Il ne s’agit pas de ne pas fêter Noël, nous n’avons pas envie de les frustrer. Mais nous avons largement réduit la quantité de cadeaux. Cela dit, on ne trouve pas de solutions pour tout. Cette année, le grand a eu la console de jeux, dont il rêvait. »
Claire reconnaît qu’avec un ado, la démarche zéro déchet est parfois compliquée. « En plus, le mien a connu la période où j’allais en magasin lui acheter des gâteaux qu’il adorait… Il a dû prendre de nouvelles habitudes. En même temps, il perçoit très bien l’enjeu environnemental. » Quand sa mère lui cuisine des gâteaux, il lui arrive même de dire qu’il les préfère à ceux vendus en grande surface, « même si je soupçonne que ce n’est pas tout à fait vrai », glisse Claire. Il y a, bien sûr, des sujets de tension. Pour les vêtements par exemple. « Je trouve presque tout en braderie pour mes filles, mais, pour un enfant de 14 ans, c’est plus rare. Il y a en plus une forte pression sociale au collège, qui oblige les enfants à porter des marques. » Claire et Emmanuel font donc un effort pour Matthias, en lui achetant des vêtements de marque neufs. « Mais il en a moins, ce qui entre aussi dans la démarche zéro déchet. »

Un anniversaire sans déchets, c’est possible !
« Pour que cela fonctionne, il faut prendre le temps d’échanger, d’expliquer et de s’organiser à l’avance », analyse Claire. Il y a quelques temps, le jeune homme a voulu organiser une petite fête pour son anniversaire.
Ses parents ont accepté à condition que cela ne pèse pas trop lourd dans la poubelle. « Nous avons acheté un kilo de bonbons en vrac à Nantes, nous avons trouvé des recettes pour faire des petits toasts maison », décrit Claire.
Mais Matthias rêvait de petits gâteaux que l’on ne trouve qu’en paquets jetables. « Je me suis d’abord fermement opposée à cet achat, avant de revenir sur ma décision, me disant que c’était son anniversaire et qu’il fallait lui faire plaisir. L’objectif, ce n’est pas non plus de le dégoûter de la démarche, et qu’il ait envie de tout arrêter une fois qu’il quittera la maison. » Entretemps, l’ado s’était décidé pour des pop-corns. « On a donc acheté du maïs à pop-corn en vrac et avons réussi à organiser sa fête comme il l’entendait, mais sans déchets. »

« J’achète local, je valorise donc aussi des emplois »
Béa Johnson, qui s’inspire elle-même du film et du blog No Impact Man, insiste beaucoup sur la prévention des déchets. No impact Man raconte comment Colin Beavan, américain et jeune père de famille, vivant au neuvième étage d’un building de Manhattan, a relevé le défi de vivre un an en réduisant au maximum son empreinte environnementale. Pas d’ascenseur, pas de réfrigérateur, pas de transport motorisé, pas de plats préparés, etc. L’expérience menée en 2009 a depuis beaucoup essaimé : un mouvement international « No Impact Project » est né, qui reprend les méthodes mises en place par Colin Beavan.
« Avant, je me concentrais plutôt sur le traitement de ces déchets, reprend Claire. Je me disais que je n’avais pas le choix, que si j’avais un fort impact écologique, ce n’était pas de ma faute, que les politiciens n’avaient qu’à changer les règles en imposant moins de plastiques. Je ne faisais pas le lien entre mon mode de consommation et ma production de déchets. » Claire croise parfois des esprits chagrins qui lui disent qu’elle va détruire l’économie. « On nous rabâche tellement que, pour qu’il y ait des emplois, il faut de la croissance et de la consommation. Mais je réponds que j’achète local, et valorise donc aussi des emplois, sans doute pas les mêmes… »
La jeune mère de famille reçoit surtout beaucoup d’encouragements des clients, des commerçants, de ses proches. « Je suis le mouvement de zéro déchet, et je vois que cela a de plus en plus de succès. » Johanna Le Mau, jeune entrepreneuse nantaise qui s’apprête à ouvrir Ô Bocal, une boutique sans emballages, confirme :« Le réseau des acteurs du vrac, porté notamment par le mouvement Zero Waste France, est en plein développement. Fin 2015, nous étions 150 porteurs de projets ! »

« Je ne reviendrai certainement pas en arrière »
« À la maison, on ne trouve pas de solutions pour tout », tempère Claire. Des déchets entrent chez elle contre son gré : la pub dans la boîte aux lettres, ce que les enfants ramènent de l’école ou ce que la famille et les amis offrent à différentes occasions. « Aujourd’hui, nous produisons l’équivalent de 3 containers par an, soit 5 kilos par personne et par an. » Bien moins que la moyenne des Français, qui produisent 365 kg d’ordures ménagères (poubelles et tri) chaque année [4]. Le défi de Claire, en 2016, vise à passer à 2 conteneurs par an. Soit 16 litres pour toute la famille, 100 fois moins que la moyenne nationale !
« Je suis tellement contente de m’être lancée dans cette démarche, résume-t-elle. Je suis désormais moins attachée aux choses, et moins attachée aussi à mon apparence, même si j’aime être bien habillée. Paradoxalement, j’ai moins de frustrations. Avant, je ne me posais pas la question de savoir si je pouvais acheter ou non. Je pensais que c’était un luxe. Aujourd’hui, mon luxe, c’est que je n’ai plus besoin d’acheter tout le temps des choses. Je ne reviendrai certainement pas en arrière. » Elle se sent libérée de la prison consommation [[Voir le blog de Claire ici].].

Notes
[1] La production de déchets ménagers est estimée par l’Ademe à 15 millions de tonnes en 2012 (ce chiffre ne comprend pas les déchets collectés séparément ou déposés en déchetteries), alors que la population s’élève à 65,8 millions, soit 470 kg de déchets par personne et par an.
[2] Association pour le maintien de l’agriculture paysanne.
[3] Claire vend certains des modèles de sacs qu’elle a fabriqués, à l’adresse suivante : http://boutique.sakaide.fr/.
[4] Chiffres Ademe.