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Articles du Vendredi : Sélection du 14 octobre 2016

L’industrie automobile est une arme de destruction massive

Noël Mamère
https://reporterre.net/L-industrie-automobile-est-une-arme-de-destruction-massive

Les compagnies aériennes refusent de freiner le réchauffement climatique

Maxime Combes, économiste et membre d’Attac France
www.bastamag.net/Les-compagnies-aeriennes-refusent-de-freiner-le-rechauffement-climatique

Olivier Roy : « La mort fait partie du projet djihadiste »

Nicolas Truong
www.lemonde.fr/idees/article/2016/10/11/la-mort-fait-partie-du-projet-djihadiste_5011917_3232.html

Agrobusiness edo laborantza burujabea

Nicolas Goñi
www.kazeta.info

L’industrie automobile est une arme de destruction massive

Noël Mamère
https://reporterre.net/L-industrie-automobile-est-une-arme-de-destruction-massive

La grand-messe bisannuelle et parisienne de l’automobile s’est peinte en vert. En vain. La voiture « reste l’expression la plus visible du mode de production capitaliste et productiviste », explique notre chroniqueur. Ce mode de transport ayant construit notre monde, la transition écologique passe nécessairement par une « transformation radicale de son usage social ».

Le Mondial de l’automobile est le dernier refuge de l’économie verte. On n’y parle que d’environnement, de voitures hybride et électrique, censées réduire la consommation d’essence et rompre avec le diesel. Comme si la génuflexion devant l’écologie permettait de s’affranchir définitivement de toute critique de « l’hommauto », pour reprendre le titre d’un ouvrage de Bernard Charbonneau, publié il y a plus de cinquante ans. Ce penseur écologiste de la « grande mue » critiquait déjà la subordination de l’homme à l’automobile, l’intégration physique et psychologique de l’homme moderne, enchaîné à son automobile.

Le Salon de l’auto, créé il y a 118 ans, a toujours été la grand-messe bisannuelle de cette nouvelle religion ; les messes hebdomadaires étant les Grands Prix de Formule 1, incarnation à eux seuls du gaspillage et illustration avant la lettre de tous les Grands Projets inutiles et imposés. L’automobile reste l’expression la plus visible du mode de production capitaliste et productiviste. Car il faut bien appeler les choses par leur nom : depuis la production de la première automobile jusqu’au dernier modèle de 2016, l’industrie automobile a été le vecteur d’une révolution industrielle devenue arme de destruction massive de la planète par excellence et matrice du taylorisme, cette organisation scientifique du travail, appliquée par Henry Ford, qui organisa méthodiquement l’exploitation de millions d’ouvriers de par le monde. Le travail à la chaîne a discipliné la classe ouvrière, en lui imposant une soumission au quotidien qu’expriment aussi bien le film de Charlie Chaplin Les Temps modernes que les essais de Simone Weil sur la condition ouvrière.

Tout un mode de vie s’est construit autour de la bagnole

L’automobile ne pouvait fonctionner qu’avec du pétrole. Elle contribua donc à dessiner les lignes de force géopolitiques dont nous subissons encore les conséquences. L’accord Sykes-Picot, il y a cent ans, créa l’Irak et la Syrie afin de délimiter les zones pétrolifères anglo-françaises, tandis que les États-Unis passaient un pacte pour l’or noir avec la famille des Saoud… qui dure jusqu’à nos jours, malgré le 11-Septembre, la Syrie, le salafisme et les révolutions arabes.

L’industrie automobile eut également une conséquence majeure sur l’organisation de la ville. Le débat ubuesque sur la libération des berges de la Seine en est l’ultime expression. Avec la voiture, les boulevards périphériques coupaient radicalement les centres-villes de leurs banlieues, les rejetant ainsi dans les marges de la civilisation urbaine. Tant que les usines, ces forteresses ouvrières, structuraient la vie des cités, un équilibre s’était organisé bon gré mal gré. Dès qu’elles furent délocalisées, le désert français s’étendit, des campagnes délaissées aux périphéries, construisant des barrières invisibles dans le lien social. Mais c’est aussi tout un mode de vie qui s’est construit autour de la bagnole : les week-ends que l’on passait en famille sur les routes embouteillées, jusqu’à la maison de campagne ou à celle des parents ; les congés payés où l’on allait à la mer ou à la montagne passer des vacances, entassés sur les plages ou sur les pistes de ski… Cette illusoire civilisation des loisirs permettait au salarié d’oublier son asservissement quotidien.

Le pic pétrolier, l’asphyxie des villes par la pollution et le réchauffement climatique

Avec la télévision et le Prozac, les Trente Glorieuses, bâties sur le triomphe de la voiture, ont créé l’illusion d’un paradis acceptable, sinon vivable, pour des millions d’ouvriers qui accédaient ainsi à un semblant d’égalité avec les classes moyennes et supérieures. Dans les embouteillages, tout le monde semblait égal ; les classes sociales s’affaissaient, la conscience de classe disparaissait.

C’est tout ce monde du XXe siècle qui s’effondre sous nos yeux aujourd’hui. L’instrumentalisation à haute dose de l’environnement dans ce Mondial, où PSA affiche son partenariat avec France nature environnement, où l’autopartage et la voiture partagée sont célébrés comme autant d’avancées, n’est qu’un cache-sexe pour masquer l’effondrement de la civilisation automobile, qui a commencé à s’effacer à Detroit avec la crise des subprimes de 2008. Malgré la hausse des ventes, plus de 75.000 emplois ont été supprimés en France depuis cette date.

Ce processus s’accélèrera avec le pic pétrolier, l’asphyxie des villes par la pollution et le réchauffement climatique, qui mettront les industriels devant un dilemme : choisir d’investir dans d’autres modes de transport, plus collectifs, moins polluants, plus soucieux de la mobilité de proximité, ou opérer une fuite en avant, en s’appuyant sur l’écoblanchiment et en mentant sur ses performances. Trente millions d’automobiles Diesel sont hors normes et roulent toujours dans l’Union européenne, dont 5,5 millions en France, provoquant la mort prématurée de centaines de milliers de personnes. Telle est la réalité que nous devons à ces assassins en col blanc.

Crimes écologiques commis au nom de la liberté automobile

Derrière le Mondial de l’automobile, se pose en fait la question de la transition écologique. Comment faire, en effet, pour que les classes populaires, notamment celles qui sont reléguées loin des centres-villes, puissent se réapproprier leur mobilité sans que cela passe forcément par l’objet automobile ? Comment sortir, en deux ou trois générations, de cette addiction à la bagnole dont nous sommes tous responsables en pensant, peu ou prou, que la voiture est un instrument de liberté ?

Cette transition pose le problème de la relocalisation et de la reconversion de l’industrie des transports, adossées à une planification écologique qui partirait des territoires et ne serait plus exclusivement dépendante des décisions financières de grands groupes transnationaux dont on peut constater les effets, notamment à Alsthom. Ici, l’État démontre à la fois son impuissance, son absence de projet et son hypocrisie : comment peut-on faire voter la loi Macron sur les autocars, relancer les investissements sur les autoroutes et casser les tentatives de relance du fret ferroviaire tout en se réclamant des objectifs déjà dépassés de la COP21 ? C’est cette imposture qui éclate à l’occasion d’un Mondial de l’automobile qu’on a repeint en vert pour l’occasion.

La bagnole est morte, vive la voiture libre et verte du XXIe siècle ? Qui seront les cocus de ce storytelling de pacotille, écrit par les boss multimillionnaires et tricheurs de cette industrie ? Qui fera, un jour, le bilan des crimes écologiques commis au nom de la liberté automobile : morts dans des accidents de la route, morts par pollution de l’air, morts par accidents du travail dans leurs usines ? Nous ne demandons pas la fin de l’automobile, mais la transformation radicale de son usage social.

Je comprends très bien les réticences des ruraux à se passer d’un engin qui leur permet de se déplacer rapidement, mais je dois constater aussi que, 95 % du temps, la voiture de l’immense majorité des Parisiens reste au parking. Et que nous assistons au même phénomène dans les grandes métropoles. C’est une tendance de fond : la voiture est utile, à condition de savoir s’en passer et de ne plus la considérer comme indispensable.

Les compagnies aériennes refusent de freiner le réchauffement climatique

Maxime Combes, économiste et membre d’Attac France
www.bastamag.net/Les-compagnies-aeriennes-refusent-de-freiner-le-rechauffement-climatique

Si l’aviation était un pays, ce serait le septième plus gros émetteur mondial de gaz à effet de serre. Le secteur pollue autant que les 129 pays les moins émetteurs ! Pourtant, sous la pression des lobbies, c’est le seul secteur avec le transport maritime, qui ne soit pas soumis à un objectif de réduction des émissions. En Europe, on s’apprête à investir 75 milliards de dollars dans 800 projets d’extension ou de construction de nouveaux aéroports, dont celui de Notre-Dame-des-Landes. Les États du monde entier, réunis jusqu’au 7 octobre à l’Assemblée générale de l’Organisation de l’Aviation civile internationale, refusent pourtant de réduire la croissance du secteur et misent sur la compensation carbone.

Au mois de juillet 2016, Solar Impulse 2 est devenu le premier aéronef à faire le tour du monde sans utiliser de carburants fossiles. Un exploit retentissant salué par l’ensemble des médias et des commentateurs, sans doute pressés d’imaginer un avenir post-énergie fossile pour le secteur de l’aviation. Si des recherches sur de futurs (et éventuels) avions électriques se poursuivent, notamment au sein de la Nasa, le secteur de l’aviation ne semble malheureusement pas en mesure de se désintoxiquer de son addiction au pétrole et de diminuer son impact sur le climat.

Des milliards pour plus d’aéroports et d’avions

Le secteur de l’aviation est en pleine croissance : plus de 2500 projets de nouveaux aéroports, agrandissements ou aménagements d’aéroports existants sont sur les rails ! Des investissements faramineux évalués à 441 milliards de dollars, selon une étude parue en juillet 2015 [1]. Si c’est en Asie que le nombre de nouveaux aéroports prévus est le plus conséquent (près de 180), l’Europe n’est pas en reste avec près de 50 nouveaux aéroports – dont celui de Notre-Dame des Landes – et environ 75 milliards de dollars qui doivent être investis dans 800 projets au total. L’objectif ? Pouvoir accueillir le doublement de la flotte envisagée d’ici à 20 ans : les constructeurs espèrent ainsi livrer 37 000 appareils neufs pour un montant de 5 200 milliards de dollars.

Les perspectives de croissance de l’aviation sont donc colossales et les enjeux financiers gigantesques. L’impact sur le climat n’est pas en reste. Les émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur, qui représentent déjà 3% des émissions mondiales, ont doublé en 20 ans et elles pourraient encore tripler, a minima, si rien n’est fait, d’ici à 2030. C’est l’une des sources de GES qui connaît la plus forte croissance. Si l’aviation était un pays, ce serait le 7ème plus gros émetteur mondial, avec un impact sur le climat supérieur à celui des 129 pays les moins émetteurs pris dans leur ensemble [2]. Ces statistiques sont particulièrement disproportionnées quand on constate qu’à peine 5% de la population mondiale, parmi les plus riches de la planète, utilise ce moyen de transport régulièrement.

Le secteur engloutit un quart de notre « budget carbone »

Selon le centre de recherche Carbon Brief, les émissions de l’aviation pourraient représenter un quart du budget carbone dont nous disposons d’ici à 2050 pour rester en deçà de 1,5 °C de réchauffement global. Selon les projections de croissance sur lesquelles tablent les professionnels (5% par an en moyenne), et en l’absence de changement majeur dans les technologies ou les infrastructures utilisées, les émissions du secteur aérien pourraient atteindre 56 milliards de tonnes de C02 en cumulé sur la période. Soit 27% de la quantité maximale de CO2 que l’on peut se permettre de relâcher dans l’atmosphère pour conserver une chance raisonnable de maintenir le réchauffement climatique en deçà de 1,5°C. Et 7% de ce même budget carbone permettant de rester en deçà de 2°C. Le secteur de l’aérien est bien devenu un secteur clef en matière de lutte contre les dérèglements climatiques.

Pourtant, l’aviation, comme le transport maritime, a été exempté de tout engagement climatique lors de la COP21. L’Accord de Paris est muet à ce sujet. Les lobbies de l’aviation ont obtenu que le dossier soit renvoyé devant l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), l’instance des Nations-Unies créée pour réguler le secteur [3]. Ce qui revient à dessaisir les ministres de l’Environnement, qui siègent au sein de la Convention des Nations-Unies sur le changement climatique, au profit des ministres des Transports, généralement bien plus conciliants envers les lobbys industriels. Chargée d’assurer « une croissance sûre et ordonnée de l’aviation civile à l’échelle internationale », l’OACI a donc la charge de résoudre une difficile équation : réduire l’empreinte carbone du secteur sans toucher aux prévisions de croissance qui le concernent !

Le lobby de l’aviation prône « une croissance neutre en carbone »

L’OACI est consciente de cette contradiction. Elle la mentionne dans son rapport environnemental de 2016 : même ses scénarios les plus optimistes, basés sur une nette (et incertaine) amélioration des technologies et des infrastructures utilisées, ne permettraient pas d’inverser la tendance, qui conduit à l’explosion des émissions de GES du secteur. Pour autant, les États-membres de l’OACI refusent de revoir à la baisse les prévisions de croissance du secteur, pour réduire son impact sur le climat. Suivant les préconisations des industriels du secteur, ils proposent de substituer à la croissance du secteur aérien … une « croissance neutre en carbone ». Pour ne pas réduire la croissance du secteur, et donc les émissions de GES qui vont avec, l’OACI souhaite entériner leur augmentation exponentielle contre la mise en œuvre d’un dispositif mondial de compensation carbone appelé CORSIA (pour Carbon Offset and Reduction Scheme for International Aviation).

Cette proposition ne vient pas de nulle part. C’est l’Association internationale du transport aérien (IATA), dont le siège se situe à proximité de celui de l’OACI, à Montréal, qui l’a élaborée. L’IATA, regroupe quasiment toutes les compagnies aériennes de la planète. Elle est actuellement dirigée par Alexandre de Juniac, ancien directeur général d’Air-France KLM. L’IATA se félicite ouvertement de son efficace lobbying : « Le projet de texte de négociation (…) s’aligne largement sur l’appel de l’industrie de l’aviation pour un régime obligatoire global de compensation carbone comme un outil pour gérer les émissions de l’industrie à mesure que cette dernière poursuit son objectif de croissance neutre en carbone ». Le Groupe d’action du transport aérien (ATAG), autre lobby regroupant les compagnies, les principaux constructeurs aéronautiques, les motoristes et les aéroports, est également en faveur d’une telle proposition.

L’échec de la « compensation carbone »

En pratique, la compensation carbone permet à la compagnie aérienne de financer des projets dans d’autres secteurs – et sans doute principalement dans des pays du Sud – qui sont supposés éviter l’émission de la même quantité de CO2 que celle qui est produite par ses avions. Pour ne pas réduire ses propres émissions, la compagnie va acheter des certificats de réduction d’émissions provenant d’autres acteurs économiques et financiers, qui affirment les avoir réduites, d’un montant équivalent, dans un autre secteur ou une autre région du monde. A la clé, au mieux, c’est un résultat nul pour le climat : les réductions d’émissions sont au mieux équivalentes aux émissions supplémentaires de la compagnie. Cette pratique n’est pas nouvelle puisque le Mécanisme de développement propre (MDP), mis en œuvre dans le cadre du protocole de Kyoto, fonctionnait sur des principes similaires. Il s’est totalement effondré en 2012 après des scandales à répétition : mauvaise comptabilité des émissions évitées [4], entreprises rémunérées pour des projets peu convaincants et projets climaticides [5], etc.

L’OACI tente de se prémunir des critiques en affirmant que plusieurs principes permettront de garantir un effet bénéfique sur le climat, tels que le caractère additionnel des projets financés – s’assurer que la réduction d’émission n’aurait pas eu lieu sans le financement de la compagnie aérienne – ou l’absence de double comptabilité – s’assurer que la réduction d’émissions ne soit pas comptabilisée dans plusieurs registres à la fois. Il est permis d’en douter : le mécanisme MDP était supposé fonctionner avec les mêmes garanties… Pour assurer une croissance « neutre en carbone », le dispositif de compensation nécessiterait a minima 3,3 milliards de certificats de réduction d’émission sur la période 2021-2035, soit plus de deux fois la totalité des certificats qui ont été utilisés dans le cadre de la compensation carbone du marché européen [6]. Ce qui représente des dizaines de milliards de dollars et une quantité très conséquente de projets à inventer de toute pièce.

Les terribles effets de la « compensation carbone » sur les populations

L’expérience du Mécanisme de développement propre (MDP) a profondément et durablement discrédité la compensation carbone. Une réputation mise à mal également parce qu’un nombre significatif de projets de compensation, notamment ceux visant à « réduire les émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts » (REDD+), sont vivement critiqués par les populations locales et par certaines ONG : bien souvent, ces projets reviennent à considérer que l’agriculture paysanne et l’utilisation de la forêt par les peuples autochtones sont responsables de la déforestation, tout en gardant le silence sur les causes réelles de la destruction à grande échelle de la forêt (voir notre reportage sur un cas à Madagascar qui implique la compagnie aérienne Air France). D’autre part, le carbone séquestré dans les forêts est généralement déjà comptabilisé dans les bilans des États, à travers les contributions déterminées au niveau national (CPDN). Il se trouve également que la compensation carbone liée aux forêts ou aux sols ne permet aucune réduction d’émission permanente puisque les stocks de carbone des forêts ou des sols sont réversibles. L’OACI assure que son dispositif de compensation « ne causera aucun préjudice » sur les populations locales. Après d’innombrables conflits sociaux liés à la compensation carbone – dont sont victimes des peuples qui n’ont plus accès aux terres et à qui on a restreint l’usage des forêts [7]–, les ONG les plus critiques demandent à l’OACI que le dispositif de compensation n’accepte pas des projets liés aux terres et forêts.

Un accord très peu contraignant

Malgré ces vives réserves – résumées dans cette video d’à peine une minute – cette proposition de compensation carbone est soutenue par une soixantaine de pays (dont les États-Unis, le Canada, le Mexique, les pays européens, Singapour, qui représentent 80 % des vols internationaux). Brésil, Inde et Russie sont plus réticents, et voudraient un dispositif encore plus allégé. Pourtant, il est difficile de faire moins contraignant : aucun objectif ne serait assigné au secteur d’ici à 2020, puis, un dispositif volontaire serait mis en place entre 2021 et 2026, et ce n’est qu’après 2027 qu’il s’appliquerait à tous, avec un certain nombre d’exemptions et de dérogations persistantes.

Ce dispositif concernerait seulement les vols internationaux ; or, 40 % des vols sont des vols domestiques. Pourtant l’OACI a l’ambition que les émissions nettes du secteur [8] en 2035 soient du même ordre que celles observées en 2019-2020. Bref, la décision de l’OACI, qui pourrait formellement intervenir le dernier jour de son Assemblée générale, le 7 octobre, entérinerait a minima une croissance sans limite des émissions des gaz à effet de serre du secteur, et une stabilisation des émissions « nettes » au niveau de 2020.

Stopper la croissance du trafic aérien

L’aviation – secteur où les carburants ne sont pas taxés, et les activités bien souvent défiscalisées – n’aurait donc aucun objectif contraignant de réduction absolue d’émissions de gaz à effet de serre à atteindre. Pourtant, les études montrent qu’il n’est plus possible d’attendre : au rythme actuel, il ne faudra que cinq ans pour que le cap d’une hausse maximum de 1,5°C soit hors de portée. Un rapport récent (voir notre article) montre qu’il est urgent de ne plus investir dans le secteur des énergies fossiles et dans les infrastructures qui en dépendent. En permettant à un secteur de se délester de ses obligations sur un autre secteur – ce qui ne peut être fait par tous les secteurs à la fois ! – la compensation carbone n’est-elle pas qu’un moyen de repousser à plus tard et se détourner de l’essentiel, une réduction drastique des émissions dans tous les secteurs ?

Y a-t-il d’autres solutions que de réduire massivement les émissions mondiales, sans compensation, y compris dans le secteur aéronautique ? Et donc planifier un atterrissage progressif de la croissance mondiale du secteur aérien ? C’est en tout cas ce que réclament les ONG et associations mobilisées sur le sujet, qui appellent à signer cette pétition qui demande de stopper la croissance du trafic aérien.

Notes

[1Centre for aviation, Airport construction mid-year review 2015, « USD441 billion in airport investment, 2,520 projects ».

[2] Données tirées du rapport de l’OACI pour sa 39ème session à Montréal.

[3] L’Organisation de l’aviation civile internationale a été créée par la convention de Chicago en 1944.

[4Source.

[5Source.

[6] Source : « Will there still be a marketprice for CERs and ERUs in two years time ? », CDC Climat.

[7] Voir http://www.fern.org/book/trading-carbon/problematic-offsets-and-redd et http://wrm.org.uy/books-and-briefings/redd-a-collection-of-conflicts-contradictions-and-lies/ (en anglais).

[8] Émissions du secteur auxquelles sont retranchées les opérations de compensation

Olivier Roy : « La mort fait partie du projet djihadiste »

Nicolas Truong
www.lemonde.fr/idees/article/2016/10/11/la-mort-fait-partie-du-projet-djihadiste_5011917_3232.html

Directeur de recherche au CNRS, Olivier Roy enseigne à l’Institut universitaire européen de Florence (Italie), il vient de publier Le Djihad et la mort (Seuil, 167 pages, 16 euros), ouvrage dans lequel il explique la nouveauté du terrorisme globalisé par « la quête délibérée de la mort » par les jeunes djihadistes. Auteur d’une œuvre internationalement reconnue et largement débattue, il revient sur les origines et les moyens de résister à ce « Viva la muerte » mondialisé.

Le djihadisme n’est-il qu’un nihilisme ou bien également un islamisme ?

Le projet islamiste au sens strict (c’est-à-dire celui des Frères musulmans) est de construire un Etat islamique d’abord dans un pays donné, en obtenant le maximum de soutien populaire. Du Hamas palestinien au PJD [Parti de la justice et du développement] marocain, en passant par le Ennahda tunisien, les résultats sont variés, mais dans tous les cas le nationalisme l’a emporté sur l’islamisme.

Les djihadistes, en revanche, s’inscrivent d’emblée dans la défense de l’oummah [communauté des croyants musulmans] globale et ne s’intéressent pas à la mise en place d’une société stable dans un pays donné. Le nihilisme n’est pas leur projet initial, bien sûr, mais devant l’échec de leur tentative de djihad mondial, ils se replient de plus en plus sur une vision apocalyptique et désespérée, qui, elle, est nihiliste. Et c’est cela qui attire des jeunes sans lien avec les conflits locaux, mais qui sont fascinés par le destin de martyr qui leur est soudain offert.

Comment expliquer les causes de cette violence « no future » qui s’arrime à la religion musulmane ?

Sans ignorer la longue généalogie du djihad dans le monde musulman, il faut bien constater que les formes de radicalité que l’on trouve dans le terrorisme et le djihadisme aujourd’hui sont profondément modernes. De Khaled Kelkal aux frères Kouachi, on retrouve les mêmes constantes, toutes très nouvelles : des radicaux venus d’Occident (en gros 60 % de seconde génération et 25 % de convertis), tous jeunes, tous en rupture générationnelle, tous « born again » ou convertis, tous s’identifiant à un djihad global qui se développe bien au-delà des formes de mobilisation classique (soutien aux luttes de libération nationale). La moitié d’entre eux a, en France, un passé de petits délinquants. Et surtout, tous se font exploser ou se laissent rattraper par la police et meurent les armes à la main. Bref, pour presque tous, la mort fait partie de leur projet. Ce comportement n’est ni islamiste ni salafiste (pour les salafistes, seul Dieu décide de la mort).

S’agit-il d’une variante, islamisée, d’un « Viva la muerte » globalisé ?

Si on adopte une vision transversale (comprendre la radicalisation des jeunes djihadistes en parallèle avec les autres formes de radicalisation nihiliste) au lieu d’adopter une lecture verticale (que dit le Coran sur le djihad), on voit à quel point le nihilisme du terroriste islamique s’inscrit dans un modèle répandu. Comme avec ces jeunes qui commettent des massacres de masse de type Columbine (deux lycéens américains retournent dans leur collège à Columbine en 1999 pour tuer leurs camarades et leurs professeurs), on trouve des analogies frappantes : annonce du massacre à l’avance sur Internet, mise en scène de soi-même avant et pendant (on se filme), référence apocalyptique (satanisme pour Columbine) et enfin suicide. Beaucoup d’observateurs ont remarqué à quel point le prestige de Daech [acronyme arabe de l’organisation Etat islamique, EI] vient de sa maîtrise d’une certaine culture jeune (jeux vidéo, « Call of Duty », mise en scène gore) ; L’EI permet de se construire en héros négatif, qui occupera la « une » des journaux.  Le nihilisme va de pair avec un narcissisme exacerbé : on s’assure, comme Amedy Coulibaly, que les télévisions sont bien là, on se filme en train de tuer, comme l’assassin du Père Hamel, à Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime), le 26 juillet, et comme celui du couple de policiers de Magnanville (Yvelines), le 13 juin. Les décapitations lentement filmées, précédées de l’interrogatoire des prisonniers, suivies de leur dissémination sur Internet, sont une technique mise au point par les « narcos » mexicains bien avant l’EI. L’esthétique de la violence (que l’on trouve par exemple dans le film de Pasolini, Salo) est une dimension importante de cette culture gore.

Est-ce également un mouvement générationnel ?

En plus de la fascination pour la mort, la dimension générationnelle est fondamentale chez les radicaux. Dans pratiquement toutes les cellules, on trouve au moins une fratrie (et des couples de frères pour le réseau Bataclan-Bruxelles). C’est énorme et inédit, aussi bien dans les groupes d’extrême gauche que dans la tradition radicale islamiste. Et quand ces jeunes ont des enfants, ils les abandonnent à l’organisation, comme s’ils ne pouvaient pas engendrer pour eux-mêmes, comme s’ils refusaient de s’inscrire dans la durée.

D’où viennent cette haine générationnelle et cet iconoclasme culturel ?

Les révolutions de jeunes ont été inaugurées par la Révolution culturelle chinoise. Si les révolutions attirent les jeunes, elles prétendent détruire un ordre ancien mais pas les anciens en tant que tels. Or la Révolution culturelle chinoise a visé non pas une classe sociale, mais la génération des parents : un rite d’appartenance était de dénoncer ses propres parents. La haine de la génération des parents va de pair avec l’iconoclasme : on détruit temples, statues et mémoire. Les Khmers rouges sont une parfaite illustration de cette révolution générationnelle. Mais la multiplication récente d’armées d’enfants-soldats (comme peut-être ce que prépare l’EI s’ils en ont le temps) est aussi un signe de cette instrumentalisation d’une guerre de génération (ici manipulée, car les enfants ne choisissent pas).  Les radicaux ne se révoltent pas au nom de leurs parents : ils dénoncent l’islam, ou plutôt le mauvais islam de leurs parents.

Comment peut-on lutter contre la propagande de l’EI ?

On commet un contresens total sur la radicalisation djihadiste en pensant qu’elle est la conséquence d’un mauvais choix théologique : ces jeunes attirés par l’islam auraient, entend-on, mal compris le message et auraient suivi une fausse interprétation de l’islam. Bref, il suffirait de leur enseigner un « bon » islam pour les déradicaliser. Mais ils sont justement fascinés par la radicalité, pas par l’islam en tant que tel. Ils suivent le djihadisme parce qu’ils y trouvent ce qu’ils cherchent – la radicalité et la violence –, pas parce qu’ils se seraient malencontreusement trompés d’école. On ne guérit pas un joueur de poker en lui apprenant la belote.

Ce qu’on appelle la « déradicalisation » n’est pas la solution, expliquez-vous, car « les djihadistes sont des militants ». Mais par quoi faudrait-il la remplacer, et quelles instances pourraient les faire parler ?

Lors des procès aux assises des anarchistes autour de 1900 (comme celui d’Emile Henry en 1894), on avait un forum de débat : le militant défendait ses idées (bien sûr, cela se terminait par la guillotine, mais on le prenait au sérieux). Or aujourd’hui, on fait tout pour médicaliser ou infantiliser le radical (et surtout la radicale : la djihadiste en burqa paraît incompréhensible). Je crois qu’il faut leur accorder la responsabilité, et donc, bien sûr, les punir, mais les pousser à parler politique au lieu de s’enfermer dans la secte.

L’essor du salafisme, même dans sa version non violente, ne fournit-il pas malgré tout un cadre idéologique favorable au djihadisme ?

En regardant de plus près, on voit que l’islam des radicaux et de l’EI n’est pas vraiment salafiste, car ils ne sont guère obsédés par l’orthopraxie (le strict respect des règles) qui est la marque du salafisme. Mais le salafisme a une responsabilité non pas tant dans la radicalisation terroriste que dans la légitimation d’une sorte de séparatisme, celui de la communauté des croyants par rapport au reste de la société. La conséquence, c’est que le salafisme ne sait pas quoi répondre quand les jeunes radicaux poussent la logique de la rupture jusqu’au bout, car il n’a pas d’argument en faveur du « vivre ensemble ». Et là il faut mettre les prédicateurs salafistes devant leur responsabilité qui est ici plus sociale que théologique.

Pourquoi la recherche sur le djihadisme est-elle aussi divergente et divisée ?

Il y a des enjeux intellectuels, voire idéologiques certains. La recherche en sciences humaines n’est pas une science exacte ; on s’identifie à son terrain, on peut aussi parfois le prendre en haine. Le chercheur fait partie de sa propre recherche. La réponse, c’est le débat dans le cadre assez normé de la rigueur universitaire. Mais le problème est que cette rigueur se trouve bousculée aujourd’hui par les exigences du marché. Il y a un marché de la recherche, à la fois structurel (répondre à des appels d’offres) et occasionnel. La vague de terrorisme a soudainement ouvert les vannes d’un financement dans l’urgence. Le premier qui présente un projet de recherche répondant aux attentes, ou plutôt aux angoisses, des autorités gagne le marché. D’où la tentation de délégitimer la concurrence.

Comment résister à la terreur que veut répandre l’EI ?

L’EI vit de la peur qu’il inspire. Car elle n’est pas une menace stratégique. Le « califat » s’effondrera tôt ou tard et les attentats, aussi meurtriers soient-ils, ne touchent l’économie qu’à la marge et renforcent la détermination sécuritaire (l’Europe de l’Ouest qui doucement s’enfonçait dans un processus de désarmement y met fin). La crainte d’une guerre civile reste un fantasme, car l’EI ne touche de jeunes musulmans qu’à la marge et ne fait rien pour gagner la population musulmane à sa cause (un tiers des victimes de l’attentat de Nice, le 14 juillet, sont des musulmans). Il faut travailler avec les classes moyennes d’origine musulmane en ascension sociale, favoriser l’émergence non pas d’un islam français mais de musulmans français, en cessant de s’appuyer sur des pays étrangers, et en normalisant la pratique religieuse publique, c’est-à-dire en jouant la carte de la liberté religieuse, au lieu de s’enfermer dans une laïcité idéologique et décalée.

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Olivier Roy et « l’islamisation de la radicalité » Si la menace n’était pas aussi grave et les enjeux politiques aussi importants, la querelle entre Olivier Roy et Gilles Kepel n’aurait jamais dû sortir du petit cénacle des spécialistes du monde musulman et de la science politique. Pour schématiser, Kepel explique la violence djihadiste par une radicalisation de l’islam, Roy y voit une islamisation de la radicalité. Pour ce dernier, l’islam n’est que l’étendard – ou le prétexte – d’une révolte armée, qui s’est exprimée par le passé au nom d’autres idéologies, comme le marxisme au temps des Brigades Rouges italiennes par exemple. Rien ne sert, écrit Roy dans son dernier ouvrage, Le djihad et la mort (Seuil, 170 p., 16 €), de chercher dans l’islam les explications à cette violence : « Au lieu d’une approche verticale, qui irait du Coran à Daech, (…) je préfère une approche transversale, qui essaie de comprendre la violence islamique en parallèle avec les autres formes de violence, qui lui sont fort proches (révolte générationnelle, autodestruction, rupture radicale avec la société…). » L’auteur s’attache aussi à démonter les arguments de ceux qui y voient une révolte politique, à l’instar de François Burgat, pour qui cette violence exprime la révolte de peuples colonisés et opprimés et des exclus des sociétés occidentales. Déradicaliser ne sert à rien, insiste Roy, ce qu’il faut, c’est faire éclater au grand jour l’inanité de cette radicalité, la priver de son discours autojustificateur. Christophe Ayad

Agrobusiness edo laborantza burujabea

Nicolas Goñi
www.kazeta.info

Iraileko hilabete hasieran, Bayer farmazia talde haundiak Monsanto erosteko prozesua hasi zuen, 66 miliar dolarren truke. Hedabideetan aipatua izan da Alemaniatik sekulan eginiko enpresa erosketa garestiena bezala. Azken hilabete hauetan, agroindustriaren munduan horrelako fusio eta erosketa frango ikusi ditugu: ChemChina Txinako industria kimikoaren talde nagusiak Syngenta Suitzako hazi eta pestizida enpresa erosi zuen; Estatu Batuetan, Dupont de Nemours eta Dow Chemicals industria kimikoaren multinazionalak fusio prozesu batean sartu dire; eta irailaren 12an Kanadako Potash Corp. eta Agrium enpresek ongarri kimikoen munduko lehen ekoizlea izateko asmoz fusionatzea erabaki dute.

Krisi baten seinale da hori

Farmazia, kimika, haziak, pestizidak, ongarri kimikoak. Hainbertze miliarreko erosketa eta fusio horiek, sektore horien osasuna eta dinamismoaren seinalea ote dire? Ez uste. Erosketa horientzat lagungarriak dire azken hilabete horietako interes tasa ttikiak, neurri hartako maileguak egin ahal izateko. Interes tasak haundiagoak baleude, konglomeratu haientzat hainbertze zor metatzea ez liteke hain errex. Bertzaldetik, erosketa eta fusio horiek laborantza industrialaren krisi sakon baten seinale dire. 2013z geroztik, garia, soja eta bertze bihien prezioa anitz jautsi da, laborarien diru sarrerak azkarki murriztuz. Honek ongarri, hazi edota pestizida salmentetan bere eragina izan du, eta sektore horretako multinazionalak estrategia berri bila daude egoerari aurre egiteko.

Ondorioz, laborariak itotzen ari dira

Ongarri kimiko eta pestiziden prezioa, azken bi hamarkadetan izigarri emendatu da, batzuentzat (urea edo amonio sulfatoa bertzeak bertze) hirukoiztuz. Testuinguru honetan, salmenten beherakadari aurre egiteko konkurrentzia murriztea estrategia eraginkorra da. Horrela, eredu hartan sarturiko laborarien hautua murrizten baita eta saltzaileek hobeki menperatzen baitituzte prezioak.

Laborantza artifizialtzea eta pribatizatzea areagotuz doa beraz

Monsantoren ekoizpen nagusiak genetikoki aldatu organismoak (GAOak) eta glifosatoa oinarri duen belar-pozoin ezagun bat dire. Laborantza eredu sinple eta arriskutsua garatzen da ekoizpen mota horiekin: lurretik ateratzen diren basa belar guziak hilez, eta belar-pozoina jasaten duen GAO landareak ereinez. Noren irabazientzat? Hasteko, belar-pozoina, GAO hazia eta ongarri kimikoak saltzen dituenarentzat, maiz berbera baita. Batzuetan mekanika ongi olioztatu hori blokatzen da, belar batzuk pozoina gainditzeko eraldatzen direnean(1).

Zaluago pareta jo arte, ala eredua aldatu?

Farmazia, kimika, haziak, pestizidak, ongarri kimikoak. Ez da harritzekoa multinazional horiek arlo horietarik bi edo gehiagotan aritzea. Ongarri kimikoek landareen hazkuntza indartzen dute neurri bateraino, bainan elementu guti batzuk bakarrik(2) ekarririk landareen osasuna ahultzen dute, eta lurraren funtzionamendu osoa aldatzen dute ere. Ongarri organikoekin lurra elikatzen da epe luzera, aldiz kimikoekin landarea bakarrik elikatzen da epe laburrera, kopuru haundiak baina kalitate txarrekoak emanik. Perfusiopean elikaturiko landare ahul batek marmalu eta herdoilak errexago erakarriko ditu, eta horien erasoei aurre egiteko pestizidak beharko dire. Gainerat, landare ahulek eta etekin haundietarako hautaturiko barietateek mantenugai gutiago dituzte(3). Horiekin elikatuz, osasuntsu izatea zailagoa da, eta hor dugu farmaziaren industria, bere erremedioak salduz. Kimika, pestizidak, haziak, ongarri kimikoak, farmazia, business emankorra.

Nola heldu gare egoera honetarat?

Duela 70 urte, II. mundu gerlaren ondotik, ongarri kimiko, hazi hibrido eta pestizidei esker, denbora tarte laburrean laborarien etekinak izugarri emendatu ziren, eta ez da harritzekoa lanean gogor ari ziren eta batzuetan jateko doi-doia zuten laborari frangok eredu hartan sartu nahi zutela, hobe bizitzeko eta beren haurrei etorkizun hobea prestatzeko asmoz. Maleruski, historiak bide okerra hartu du. Hasieran gehiago ekoitzi nahian, gehiegi eta gaizki ekoiztera pasatu gare, bitartean laborariak zorretan itoz eta beren burujabetza murriztuz. Gainerat, kimikari esker hasieran eginiko etekinen emendatzeak muga jo zuen, gaur egun gero eta gehiago ikusten dire pestizidei erresistentziak (marmalu, belar edo herdoiletan) eta materia organikoa eskas duten lurrak, gure elikadura-segurtasuna arriskuan ezarriz. Egoera horiek konpontzeko pestizida edota ongarri kimiko gehiago erabiltzen badire, arazoa larritzen baizik ez da (saltzaileentzat izan ezik, noski).

Gure osasuna, gure elikadura ziurtasuna eta burujabetza, baita lurraren epe luzerako emankortasuna ez ditzagun interes pribatuen esku utz, batez ere gero eta esku gutiago baldin badire. Kontsumitzaile eta hiritar gisa tresnak ditugu, erabil ditzagun maila guzietan, norbere egunerokotasunetik (nori erosi, nor lagundu, zein laborantza eredu sustengatu, gure baratzetik hasiz) mobilizazio haundietarat (azkenetarik bat, hitzarmen transatlantikoaren aurka). Laborantzak menpekotasuna edo burujabetza sortzen ahal du. Eredu ona hauta dezagun.