Bizi !

Articles du Vendredi : Sélection du 8 juin 2012

30 ans après BAB2, rebelote avec IKEA!

Pantxo tellier, ancien commerçant et president de l’association Bidasoa-Urdazuri membre du CADE
Enbata-Alda ! du 07.06.2012

Transition écologique : quand la France rurale revendique l’indépendance énergétique

Nolwenn Weiler
www.bastamag.net/article2384.html 24.05.2012

Nicole Bricq : « L’écologie n’est pas un luxe pour bobos »

Propos recueillis par Rémi Barroux, Pierre Le Hir et Anne-Sophie Mercier
Le Monde du 04.06.2012

Aniol Esteban: “Lan gutxiago egitea denok lan egitea da, eta gehiago bizitzea”


www.lavanguardia.com/lacontra/20120608/54308791161/aniol-esteban-trabajar-menos-supone-trabajar-todos-y-vivir-mas.html

[:]

30 ans après BAB2, rebelote avec IKEA!

Pantxo tellier, ancien commerçant et president de l’association Bidasoa-Urdazuri membre du CADE
Enbata-Alda ! du 07.06.2012

30 ans après l’ouverture du Centre Commercial BAB 2 en 1982 (qui occupe actuellement 41 000 m² avec 90 commerces 2 500 places de parking) on nous ressert les mêmes arguments et on utilise les mêmes techniques pour rassurer le commerce local, de proximité, etc. pour faire la bienvenue à Ikea. Or, le modèle de progrès qu’était le BAB2 montre clairement ses limites sociales (temps partiel non choisi des caissières en grève) et écologiques (le tout voiture, la concentration, etc. ne sont plus durables). Pantxo Tellier, ancien commerçant,et très actif au sein du CADE via l’association Bidasoa-Urdazuri, présente pour Alda! la méthode utilisée pour implanter BAB2 à l’époque… afin de ne pas tomber dans le même panneau, 30 ans plus tard, avec le projet d’implantation d’Ikea.

A sa création, BAB2 devait être la «vitrine» d’Iparralde, la forme la plus aboutie du commerce qui devait attirer un nombre considérable de chalands et surtout ceux d’Hégoalde. Les commerçants du centre-ville, avec l’appui de la CCI avaient mené à bien une étude montrant que la balance de l’emploi serait largement déficitaire.

BAB2, vendu comme la vitrine d’Iparralde et l’image du commerce moderne…

M. Grenet père, maire de Bayonne, face aux inquiétudes (compréhensibles et justifiées comme on le verra par la suite) des commerçants du centre–ville, s’était engagé à ce qu’ils aient la priorité sur une partie des surfaces commerciales mises à la location par les gestionnaires du centre afin de les rassurer. Le piège était habile, en effet nombre d’entre eux postulèrent, confiants dans les prévisions de fréquentation annoncées, flattés de la qualité octroyée à ces «pionniers du commerce moderne» dont la formule tout droit issue des Etats-Unis s’avérait révolutionnaire.

 

…tenu par un fonds d’investissements !

Tout d’abord contrairement à ce que l’on avait laissé croire, ce centre n’était pas géré par des professionnels de la grande distribution dont il devait être un faire-valoir et par conséquent quelque part un «partenaire» mais par un fonds d’investissement dont l’objectif n’était pas la prospérité du commerce mais la rentabilité du site et donc la croissance de leurs profits qui permet de meilleurs résultats spéculatifs car il faut savoir que ce centre passera par la suite de «mains en mains».

Tout repose sur le “potentiel de fréquentation”

Les loyers perçus étaient sans commune mesure avec ceux pratiqués en centre-ville, mais justifiés par le potentiel de fréquentation. Pour finir de convaincre les preneurs, des baux de 12 ans indexés étaient censés assurer la rentabilité des investissements.

 

Une série d’avatars

Le centre devait atteindre sa «vitesse de croisière» au bout de 3 ans constat établi dans les autres entités en activité. Hélas, dès la deuxième année, la dévaluation de la peseta supprimait une grosse partie de la clientèle d’Hegoalde intégrée dans la zone de chalandise du centre, clientèle qu’il ne récupérera que de façon anecdotique «Aste Saindua, Eguberri».Un autre avatar viendra se greffer rapidement, information soigneusement dissimulée, BAB2 est bâti sur une ancienne décharge et lorsque sa surface à été imperméabilisée par la dalle du centre et le parking, le méthane qui a continué à se dégager s’est accumulé et a fini par faire surface rendant le secteur un peu explosif. Des dispositions furent prises un peu en catastrophe pour évacuer l’importun au mépris de la sécurité des chalands qu’il ne fallait surtout pas alarmer. De plus, les sols se tassant sous la dalle, un vide conséquent s’est creusé, détruisant le dispositif d’écoulement des eaux usées qui furent dorénavant récupérées par pompage et évacuées par un réseau aérien.

Réappropriation de la “vitrine d’Iparralde” par des chaînes “nationales”

Cinq ans après, la vitesse de croisière promise n’était toujours pas atteinte et durant ce laps de temps nombre de drames s’étaient produits obligeant certains commerçants à vendre leur maison sans compter d’autres conséquences comme le divorce et autres.

Dans le «mail alimentaire» qui comptait à l’origine 3 bouchers et 2 poissonniers ne subsistait plus qu’un poissonnier reconverti en restaurant du poisson, nombre de commerces de prêt à porter locaux disparaissaient laissant la place à des chaînes «nationales» qui peu à peu se réappropriaient à bon compte la «vitrine d’Iparralde» avec la bénédiction de l’investisseur bailleur.

“Ceux qui restent sont les meilleurs !”

La restauration elle aussi très locale au départ cédait le pas aux «chaînes gastronomiques» nationales voire internationales avec des emplois dont la qualité est à l’image de leur «bouffe».

A l’origine les locaux étant loués «brut de béton», il fallait donc effectuer tous les aménagements pour les exploiter, ils furent donc récupérés et revendus aménagés. La direction du centre n’hésitait pas à dire non sans cynisme que ceux qui restaient étaient les meilleurs !

Augmentation de loyer de 60 à 300%

Au bout des 12 ans les quelques commerçants locaux ayant survécu se voyaient proposer de nouveaux baux avec des augmentations de loyers allant de 60 à 300% afin de les dissuader de continuer; ils se voyaient même proposer des successeurs à des conditions de reprise contrôlées afin de privilégier les augmentations des loyers au détriment du prix de cession du pas de porte.

 

Problèmes “internalisés” pour ne pas jouer contre sa propre survie

Tous ces problèmes étaient bien «internalisés» et ne transparaissaient pas, car dans des situations déjà précaires les commerçants auraient joué contre leur propre survie en rendant publiques ces révélations. Pourtant une «association» s’était créée en marge de l’association officielle des commerçants du centre, pour la défense des mécontents et s’attira les foudres et les menaces de la direction. Après quelques années de combat, une modération sur la progression vertigineuse des charges obtenue, les choses se sont «stabilisées», le commerce a poursuivi son cours…

 

Sans enseigne locale, les flux financiers sont expatriés…

Ainsi pratiquement plus aucune enseigne locale ne subsiste, ce qui a pour effet d’expatrier les flux financiers générés par l’activité locale qui ne seront pas réinvestis en Iparralde comme l’aurait fait la grande majorité des commerçants du cru. Les emplois créés par ces enseignes sont souvent des transferts pour les postes les plus qualifiants, quant aux subalternes, ils se caractérisent par un «turn over» important, accentuant la précarité et la sous qualification donc les bas salaires.

Les comportements des chalands au sein de ces entités a évolué très défavorablement, le contact a disparu, seuls perdurent des affrontements de tiroir-caisse, dans un univers sans identité que l’on retrouve dans toutes les entrées des agglomérations standardisées et défigurées.

Exit la convivialité

Exit la convivialité, bonjour le «consommateur» que l’on conditionne a coups de millions d’€ injectés dans ce que l’on appelle à tort la «communication». En effet, celle-ci n’a plus lieu d’être humain à être humain mais de support média à consommateur classé et répertorié

Même si l’on voit ici où là ressurgir un rapprochement du client et du producteur ou du commerçant par le biais des circuits courts, des superettes de centre ville, des AMAP etc.

 

Ironie de l’histoire

La tendance n’est pas encore prête à s’inverser comme en témoignent les projets pharaoniques qui se mettent en place.

On parle de l’ironie de l’histoire mais celle de l’implantation d’Ikea en est une bonne illustration.

C’est la même histoire que BAB2 en plus grand.

M. Grenet fils promet des extensions aux implantations devenues de centre-ville et désormais à l’étroit.

Le site choisi s’il n’est pas sur une zone méthanifère est cependant fortement inondable, et l’imperméabilisation de surfaces conséquentes n’est pas de nature à minimiser le problème même si «toutes» les précautions seront prises. A cela il faut ajouter la pollution. La trop grande proximité de l’autoroute donne des taux prohibitifs qui ne semblent pas inquiéter les autorités outre mesure.

 

Priorité à la perspective de profits financiers

La fréquentation attendue accentuera les émissions déjà trop conséquentes mais qu’importe, la perspective de profits financiers est prioritaire et rien ne doit la compromettre surtout pas la santé des voisins ni la préservation de l’environnement. Mais nous dira-t-on, nous ne faisons que satisfaire la volonté du consommateur (nouveau veau d’or conditionné) qui d’ailleurs se verra gratifié de 2 projets comparables à quelques km de distance – juste quelques minutes en voiture- pour étancher sa soif de produits trop souvent inutiles mais à la mode ou «tendance» ! Ongi etorri IKEA edo alde hemendik? Bakoitxak bere hautua!

Transition écologique : quand la France rurale revendique l’indépendance énergétique

Nolwenn Weiler
www.bastamag.net/article2384.html 24.05.2012

Voilà quinze ans qu’un petit territoire breton a entamé sa mue écologique. Le Mené est devenu le symbole d’une transition écologique en voie d’achèvement. Sa recette ? Puiser dans ses quelques ressources locales – biomasse, soleil et vent – pour produire une grande partie de l’énergie consommée. Et s’appuyer sur la force des liens sociaux, la créativité de ses habitants et la concertation horizontale. Quitte à déranger certains intérêts.

 

« Ici, nous ne sommes pas assez riches pour faire les choses chacun dans notre coin », entend-on dans le Mené. Ce petit territoire de moins de 200 km2 et de 7 000 habitants, perdu dans les landes qui séparent Rennes de Saint-Brieuc, n’est accessible ni en train ni par voie rapide. La seule industrie où l’on peut trouver du boulot, c’est Kermené, une industrie d’abattage, filiale de la chaîne de grande distribution E. Leclerc, où travaillent 2 500 personnes, soit un tiers des habitants de la communauté de communes. Le symbole même des zones rurales enclavées dont on parle tant depuis les élections.

« Bref, à première vue, nous avons peu d’atouts », sourit Jacky Aignel, maire de Saint-Gouéno, l’un des sept bourgs de ce petit pays. « Mais nous avons des richesses : le vent, la biomasse, le soleil et, surtout, une très forte envie de faire des choses ensemble. Pour que notre territoire vive, et que nous puissions y rester. » Et c’est ce qui a fait la différence. Progressivement, le Mené construit son autonomie énergétique et crée même des emplois.

Une transition qui part de la population

Il y a d’abord Géotexia, l’usine de méthanisation, qui produit du biogaz à partir des déchets organiques. Elle fête son premier anniversaire. « Le projet est né d’un constat : nous avions trop de lisier, et comme nous sommes en tête de bassin versant, cela posait des gros soucis environnementaux, explique Josette Vivier, de l’association Mené initiative rurale (MIR), à l’origine du projet. Le lisier, ce déchet agricole rejeté en masse par les élevages, est l’une des cause de la pollution des eaux douces et de la prolifération des algues vertes. Il sert désormais à fabriquer du biogaz, qui alimente une turbine produisant de l’électricité. L’idée a germé à la fin des années 1990 au sein d’une assemblée hétéroclite rassemblant agriculteurs, chasseurs, élus, pêcheurs et simples citoyens : l’association Mené initiative rurale. « L’objectif, c’était aussi de maintenir le plus d’exploitations agricoles possible. Donc de freiner l’agrandissement », ajoute Josette Vivier.

Parmi les engagements de la trentaine d’agriculteurs qui se sont lancés dans Géotexia : celui de ne pas augmenter leur cheptel. La coopérative d’utilisation du matériel agricole (Cuma) Mené Énergie, co-initiatrice du projet et actionnaire de l’usine, veille au grain. « Au début du projet, un agriculteur n’ayant pas respecté ce contrat a été exclu. Cela a braillé dans les campagnes, mais cela a assis l’autorité, et la cohérence de la Cuma », rappelle un habitant du territoire.

3 000 habitations éclairées grâce aux agriculteurs

Implantée sur un terrain acheté par la communauté de communes, l’usine de méthanisation produira chaque année 12 à 15 gigawattheures. De quoi couvrir les besoins d’environ 3 000 habitations, hors chauffage. « La chaleur produite par ailleurs sera directement valorisée sur place, notamment pour le séchage de la matière organique qui sera exportée vers des plaines céréalières, déficitaires en matière azotée », détaille Laurent Gaudicheau, directeur de la communauté de communes.

« La filière de chauffage au bois a aussi fait sont entrée dans le Mené », ajoute Josette Vivier. Cinq agriculteurs, membres de l’association, choisissent alors ce mode d’énergie. Depuis, l’idée a cheminé. Deux réseaux de chaleur alimentés par du bois déchiqueté local sont d’ores et déjà opérationnels. « L’un d’eux dessert 55 locaux – bâtiments communaux, logements sociaux et particuliers – et chauffe plus de 4 000 m2 », explique Marc Théry, chargé de mission énergie à la communauté de communes. À terme, six des sept communes du territoire seront équipées et près de 20 000 m2 seront ainsi chauffés. « Il y a un défrichage par le milieu associatif, repris ensuite par les politiques, commente Josette Vivier. La demande part de la base, pour aller vers les élus. »

« Les gens cherchent à créer du positif »

Ce fonctionnement horizontal force chacun à développer l’art du compromis. Ce n’est pas toujours simple. Et peut prendre beaucoup de temps. « La première fois que j’ai entendu parler de méthanisation, c’était en 1981 », se remémore ainsi Paul Houé, sociologue au CNRS, et fils du pays. C’est lui qui, dans les années 1960, met en évidence la volonté des habitants du Mené de prendre en main leur territoire, de réfléchir aux modalités de sa survie.

À l’époque, il réalise des enquêtes de terrain pour sa thèse de doctorat sur le développement rural. « Les gens avaient l’impression d’avoir été oubliés par le développement qui agitait le reste de la France, se souvient Paul Houé. Ils ne voulaient pas voir leur territoire mourir. Mais ils ne se contentaient pas de se lamenter. Ils réfléchissaient à ce qu’ils allaient devenir. Ils cherchaient à créer du positif. »

Retour sur investissements publics

Dans la foulée de ce vaste questionnement est créé le comité d’expansion du Mené. Plus tard, viendra le « plan d’aménagement rural », puis les premiers « contrats de pays ». Autant de modalités de développement rural qui seront reprises, ensuite, ailleurs en France. « En quarante ans, les élans collectifs ont évidemment connu des hauts et des bas, poursuit le sociologue. Et ce qui se passe depuis la fin des années 1990 autour de l’énergie est, pour moi, inattendu mais passionnant et tout à fait logique, au fond. »

Financés jusqu’à 60 % par des investissements publics [1], les divers projets lancés dans le Mené ont un temps de retour sur investissements moyen de huit ans. « Le cabinet Solagro, qui a fait un état de lieux en 2004 pour mieux cerner les leviers d’action à notre disposition, a mis en évidence que les dépenses énergétiques entraînaient, chaque année, le départ de 9 millions d’euros du territoire, précise Laurent Gaudicheau. Le gisement de richesses est flagrant. » Grâce à la méthanisation puis à la création d’une filière bois locale, l’argent peut servir à d’autres investissements. Tout cela n’aurait pas été possible si le Mené avait sombré dans l’austérité budgétaire…

Une autonomie qui dérange

Tout le monde ne voit pas forcément ces projets d’un bon œil. Depuis 2007, l’huilerie Ménergol, une coopérative locale [2] au sein de laquelle on transforme le colza en huile de moteur pour les tracteurs, ne fonctionne qu’au tiers de ses capacités. C’est que la FNSEA est très implantée dans les campagnes. Or Xavier Beulin, patron du syndicat majoritaire, est aussi à la tête de Sofiprotéol, l’établissement financier de la filière des oléoprotéagineux (colza, tournesol, soja). « Ces grosses entreprises n’ont aucun intérêt à ce que les agriculteurs organisent leur autonomie », estime Marc Théry.

Les motivés du Mené sont aussi soumis aux aléas nationaux des politiques énergétiques décidées en haut lieu. La construction d’un parc éolien participatif, qui devait être posé sur la crête du Mené, vient ainsi d’être suspendu. En cause : l’annulation probable par le Conseil d’État, à la demande d’un collectif anti-éoliennes, de l’arrêté fixant le tarif de rachat de l’électricité éolienne.

Sobriété volontaire

Ils ont par ailleurs quelques difficultés à obtenir le soutien des opérateurs d’électricité dans la mise en place de ce que l’on appelle « l’effacement des consommations électriques ». Très pratiquées aux États-Unis, ces coupures alternatives du chauffage dans les foyers – pour de courtes durées – permettent de limiter la consommation pendant les périodes de pointe. Quand le froid se fait piquant, en plein hiver, et que tournent en même temps dans tous les logements de France (généralement en fin de journée) chauffage mais aussi machines à laver, fours et résistances des ballons d’eau chaude.

« Ces coupures sont volontaires et maîtrisées par les habitants eux-mêmes », précise Marc Théry. Grâce à un système de télétransmission, ils peuvent consulter, en temps réel, leur consommation et ainsi apprendre à la gérer. Les volontaires du Mené (dont un tiers des habitants se chauffent à l’électricité) devraient s’y mettre après l’été. « Beaucoup sont motivés par les gains économiques que promet ce dispositif, ajoute Marc Théry. Et avec des coupures d’une demi-heure, la température des maisons ne baisse pas beaucoup. Il faut juste être vigilant. » Une politique énergétique qui tranche avec la France du nucléaire, où tout est agencé et décidé, pour tout le monde, par EDF. Créativité, autonomie, démocratie horizontale, sobriété… De quoi inspirer de nombreux autres territoires.

Notes

[1] Ademe, Fonds européen de développement régional (Feder), conseil régional, conseil général, communauté de communes.

[2] Coopérative d’utilisation du matériel agricole (Cuma).

Nicole Bricq : « L’écologie n’est pas un luxe pour bobos »

Propos recueillis par Rémi Barroux, Pierre Le Hir et Anne-Sophie Mercier
Le Monde du 04.06.2012

Nicole Bricq, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, réunit, lundi 4 juin, les acteurs du Grenelle de l’environnement. Elle présente au Monde ses priorités, sa méthode et son agenda.

L’écologie est en perte de vitesse, reléguée derrière la crise économique. N’est-ce pas un handicap pour votre action ?

Après l’indéniable impulsion donnée aux questions écologiques par le Grenelle de l’environnement, la force propulsive s’est épuisée. Nicolas Sarkozy a eu un mot fâcheux quand il a dit que « l’environnement, ça commence à bien faire », comme pour siffler la fin de la récréation.

C’est précisément parce que le modèle de développement – celui du capitalisme – est en crise profonde qu’il faut passer à une nouvelle étape, celle de la transition écologique. C’est le mandat que j’ai reçu du président de la République. La crise peut être une occasion de changer et je crois la société plus avancée qu’on ne le pense sur ces questions. Je veux porter la « social-écologie ».

Ce qui veut dire ?

Qu’il est hors de question que la transition écologique se fasse sur le dos des pauvres et des modestes. L’écologie n’est pas un luxe pour « bobos ». Pour chaque mesure, il faut vérifier l’acceptabilité sociale. Et faire en sorte que tous en profitent. Sur la question de l’efficacité énergétique de l’habitat, par exemple, nous allons travailler avec Cécile Duflot pour imaginer des dispositifs nouveaux pour les copropriétés dégradées. Sinon, elles ne seront jamais mises aux normes.

 

Vous réunissez, lundi 4 juin, les acteurs du Grenelle de l’environnement. Quelles suites allez-vous lui donner ?

Je suis une sociale-démocrate tournée vers l’avenir : le social et l’écologie sont l’objectif, la démocratie la méthode. Ma première décision sera d’élargir aux parlementaires la concertation menée à cinq. Avec cette nouvelle configuration, je souhaite que la Conférence environnementale promise par le président de la République ait lieu dès le mois de juillet.

Elle sera placée à égalité d’importance avec la conférence sociale. Son rôle sera de définir la méthode et l’agenda des négociations à venir, pour franchir une étape vers un nouveau modèle de développement. Il s’agira d’identifier et de mettre en œuvre les leviers financiers, fiscaux, technologiques, démocratiques pour engager la transition écologique et développer l’économie verte, avec des points d’accroche irréversibles.

Quelles seront les priorités de la première conférence?

La question énergétique est majeure. Avec le rattachement de l’énergie au ministère de l’écologie, le message politique est clair. Le débat sur la transition énergétique doit être lancé dès l’automne, de manière à pouvoir le conclure au premier semestre 2013, puis, dans la foulée, voter une loi de programmation sur l’énergie.

François Hollande veut faire de la centrale nucléaire de Fessenheim un site pilote pour le démantèlement, en préservant ses emplois. Comment allez-vous faire ?

Ma feuille de route est de rééquilibrer le « mix énergétique » de la France. Le chef de l’Etat a pris des engagements – dont l’arrêt de Fessenheim en 2017 – qui ont été entendus par les salariés et les industriels, notamment sur la question des emplois. Je connais les difficultés et je ne m’en occuperai pas seule: la reconversion du site concernera plusieurs autres collègues du gouvernement. La loi de programmation sur l’énergie devra intégrer l’ensemble de ces enjeux. Le choix qui sera fait pour la filière nucléaire ne concerne pas seulement Areva et EDF, mais aussi l’ensemble des sous-traitants.

Allez-vous soutenir la filière solaire photovoltaïque, aujourd’hui sinistrée ?

Le gouvernement précédent a fait une erreur, en encourageant le solaire grâce à des niches fiscales, sans se préoccuper de l’existence d’une filière industrielle en amont. Résultat, on s’est retrouvé avec des milliers de composants chinois financés avec l’argent des contribuables. Une activité émergente a besoin d’aide, mais il faut surtout la structurer en amont. Le grand emprunt et les investissements d’avenir peuvent y contribuer.

Sur le gaz de schiste, la France a interdit la fracturation hydraulique, mais la porte reste ouverte à des « forages scientifiques ». Allez-vous interdire l’exploitation de ces hydrocarbures ?

Les populations et les élus n’acceptent plus que l’on prenne, en toute opacité, des décisions qui peuvent être nuisibles à l’environnement. Ma première action sera de rendre publique, sur le site du ministère, l’intégralité des permis octroyés, en cours d’instruction ou demandés. Le mot-clé, c’est la transparence. Cette décision, qui aurait dû être prise depuis longtemps, permettra enfin à chacun d’y voir clair.

Le problème est que le code minier est obsolète. Il doit être remis à plat en intégrant les questions environnementales. Faire une loi sur la seule fracturation hydraulique n’était pas la bonne méthode. Dans les arbitrages que je ferai avec mon collègue Arnaud Montebourg, je prendrai en compte les exigences environnementales mais aussi démocratiques et économiques.

Sur les OGM, la France est en conflit avec les instances européennes…

Le gouvernement français réaffirme son opposition aux OGM. J’ai obtenu il y a quelques jours la garantie que mon homologue britannique s’opposerait, tout comme l’Allemagne, à la proposition de directive du Danemark qui permettrait aux sociétés fabriquant des OGM de demander des autorisations de mise sur le marché pays par pays.

Les grandes réunions internationales, comme le sommet Rio+20 qui se tient au Brésil du 20 au 22 juin, sont-elles encore utiles ?

Oui. Il existe des tensions entre les questions environnementales et sociales, notamment dans les pays du Sud, mais les choses bougent du côté de l’Afrique, de la Chine, du Brésil… La France, porteuse d’un message social, rencontre un écho favorable, notamment de la part des pays africains. C’est l’occasion d’avancer vers la création d’une organisation mondiale de l’environnement, dont la planète manque cruellement.

N’est-il pas étonnant d’avoir nommé au ministère de l’écologie une socialiste, et non une personnalité issue des milieux écologistes ?

Les réactions de la mouvance écologiste ont été très favorables, pour une raison bien simple: je connais les dossiers, j’ai une vraie légitimité et une forte conviction. J’ai, par exemple, beaucoup contribué en 2008, alors que le premier secrétaire du PS était François Hollande, à intégrer l’écologie au sein de la déclaration de principe du Parti socialiste.

Iriez-vous jusqu’à dire que le PS s’est converti à l’écologie ?

N’en suis-je pas la preuve ? Il y a, j’en conviens, de petites différences culturelles entre certains de mes collègues et moi. Je ne nie jamais les obstacles, car il faut les connaître pour les surmonter, mais je pense avoir des appuis de poids au sein du gouvernement, parmi les associations et dans la société. Ce sera décisif.

Aniol Esteban: “Lan gutxiago egitea denok lan egitea da, eta gehiago bizitzea”


www.lavanguardia.com/lacontra/20120608/54308791161/aniol-esteban-trabajar-menos-supone-trabajar-todos-y-vivir-mas.html

Aniol Esteban Bartzelonan jaio zen eta hamar urte daramatza Londresen bizitzen. New Economics Foundation (NEF) think-tankeko ekonomia arduraduna da gaur egun. La Vanguardia egunkariak elkarrizketa egin dio; jarraian dituzue pasarte batzuk.

“Sarkozyk zioen ‘lan gehiago egin, gehiago irabazi’. Guk diogu ‘lan gutxiago egin, gehiago bizi’ eta ‘lan gutxiago egin, denok lan egin’. Laneguna laburrena den herrialdeetan (Alemania eta Holanda), krisiak langileei kolpe txikiagoa eman die”.

(…)

“Frogatua dago naturarekin kontaktua ona dela haurren jakintzarentzat eta ikasteko gaitasunarentzat. Gure menpeago egongo den ekonomia eraiki behar dugu, kontrola dezakeguna, eta kanpoko indarren menpe egotea saihestu”.

(…)

“Krisi hirukoitza bizi dugu: ekonomikoa, energetikoa (…) eta ekologikoa. Denok gaude ados ekonomia berriz martxan jarri behar dela, baina ez nola egin behar dugun. Emisioak eta petrolioarekiko dependentzia gutxitu behar ditugu eta baliabide naturalen egoera hobetu. (…) Inbertsio-banku berdea sortu behar dugu, energia berriztagarrietan, hondakinen trataera eta kudeaketan, enpresa txiki eta ertainetan, ingurumenaren babesean… inbertitzeko”.