Bizi !

Articles du Vendredi : Sélection du 7 octobre 2011

Le climat, ou l’histoire d’une négociation oubliée


Le Monde 01.10.11

Les peuples d’abord, pas la finance! La voix de la société civile se fait entendre…

Attac
Le Monde 07.10.11

Le coût toujours plus élevé des aides aux énergies fossiles publics et le développement des technologies vertes

Bertrand d’Armagnac
Le Monde 07.10.11

Un moyen de paiement régional favorise la région

Christian Gelleri, directeur de Chiemgauer e.V.
Hebdomadaire Alda ! du 29.09.11

Le capitalisme à bout de souffle

Michel Husson, économiste, membre de la Fondation Copernic et du Conseil scientifique d’ATTAC
Hebdomadaire Alda ! du 06.10.11

Ikusi (on-line) ARTE kateak Fukushimakoaz egindako azken erreportajea

Pello Zubiria
Argia astekaria, 26.09.11

[:]

Le climat, ou l’histoire d’une négociation oubliée


Le Monde 01.10.11

Eternel recommencement : les négociations sur le climat ont repris samedi 1er octobre à Panama pour une ultime semaine de tractations avant la conférence ministérielle qui doit se tenir à Durban, en Afrique du Sud, fin novembre.

 

Peu de progrès – au-delà d’avancées très techniques – sont attendus de la rencontre panaméenne. Il est déjà acquis que le sommet sud-africain sera au mieux « une étape » dans l’élaboration d’un accord global de lutte contre le réchauffement.

Pour une raison simple : les Etats qui, afin de sauver le processus de négociation onusien, ont laissé en suspens l’avenir du protocole de Kyoto dans leur déclaration finale, il y a un an à Cancun, ne sont sans doute pas davantage en mesure de trouver un compromis.

Rien n’en donne en tout cas le signal. Les contorsions des négociateurs pour imaginer la formule qui permettra de combler honorablement le vide juridique laissé par la fin de ce protocole – seul traité contraignant les pays industrialisés, hormis les Etats-Unis, à réduire leurs émissions – ont de quoi inquiéter.

Cette situation aurait soulevé il y a seulement deux ans de violentes critiques. Aujourd’hui, elle ne suscite qu’indifférence. Comme s’il n’y avait plus urgence. Certes, les gouvernements ont depuis été rattrapés par d’autres priorités : ralentissement économique, crise de la dette, etc. Au point de mettre les politiques de soutien aux énergies renouvelables sur la sellette.

Les échéances électorales à venir dans plusieurs pays ne contribuent pas non plus à redonner de l’ambition aux responsables politiques. A de rares exceptions près, la lutte contre le réchauffement ne rapporte pas grand-chose dans les urnes.

Pourtant, le diagnostic n’a pas changé. Les émissions de gaz à effet de serre continuent de progresser à un rythme dangereux pour l’avenir de l’humanité. Les compteurs des assureurs, qui enregistrent la récurrence des événements climatiques extrêmes et additionnent les dégâts à indemniser, s’affolent.

A Copenhague, en 2009, l’ONU a admis que l’approche consistant à partir d’un objectif à atteindre pour répartir le fardeau entre les nations se soldait par un échec. Le pragmatisme a conduit à accepter un processus du bas vers le haut : chaque pays dit ce qu’il est prêt à faire.

Cette option laisse sceptique. Les engagements de réduction de gaz à effet de serre représentent 60 % de l’effort jugé indispensable pour limiter la hausse des températures à 2 °C. Certains observateurs citent les efforts de la Chine – devenue premier pollueur mondial – pour verdir son économie.

Certes. Mais les émissions de la Chine par habitant dépassent désormais celles de la France ou de l’Espagne. Elles pourraient atteindre le record aujourd’hui détenu par les Américains. Et cela, dès 2017, à en croire une étude publiée le 21 septembre par l’agence néerlandaise d’évaluation environnementale.

La conclusion s’impose : il y a urgence à remettre le climat en haut de l’agenda international.

Les peuples d’abord, pas la finance! La voix de la société civile se fait entendre…

Attac
Le Monde 07.10.11

Alors que les représentants des pays les plus puissants au monde se sont réunis à Paris les 29 et 30 septembre 2011 pour les derniers préparatifs de la déclaration finale du Sommet du G20 début novembre, une vaste coalition de la société civile annonce à cette occasion le programme de l’alter-forum qui se tiendra à Nice du 1er au 4 novembre.

Les 29 et 30 septembre, les membres du G20 ont travaillé à la déclaration finale que les chefs d’Etat et de gouvernement adopteront en grande pompe à Cannes. Il s’agit là d’une des dernières étapes dans la préparation de ce Sommet, accueilli cette année par la France.

Paradis fiscaux, taxe sur les transactions financières, financement du développement, défi de la faim dans le monde: si tels sont les sujets fondamentaux pour l’avenir de l’humanité qui figurent à l’ordre du jour du G20, les organisations de la coalition craignent que les décisions courageuses qui s’imposent ne soient pas prises, et que les dirigeants du G20 reconduisent les politiques qui ont fait faillite jusque là…

Pour exhorter les dirigeants du G20 à faire passer les intérêts des peuples de la planète avant les intérêts économiques et financiers, la société civile organise un alter-forum qui se tiendra à Nice du 1er au 4 novembre, en parallèle au Sommet officiel du G20 de Cannes. Comme en marge du G8 2011, les citoyens et militants feront pacifiquement entendre leur voix et leurs alternatives par des séries de débats, ateliers, actions de rue et manifestation axés autour de six thèmes et slogans :

– Austérité, emploi, droits sociaux, services publics, dette: « Inégalités, austérité: y’en a marre! »

– Régulation de la finance et dette: « La vie, pas la bourse »

– Environnement, développement: « Changer le système, pas la planète »

– Agriculture, alimentation: « Ne jouez pas avec notre nourriture »

– Démocratie, luttes en méditerranée, droits et libertés: « Indignés, révoltés, solidarité »

– Gouvernance mondiale: « Ils sont 20, nous sommes des milliards »

Une conférence de presse sera organisée à l’issue de l’Alter-Forum, le 4 novembre, afin de présenter aux médias les propositions de la société civile sur ces questions.

Coalition G8-G20

Le coût toujours plus élevé des aides aux énergies fossiles publics et le développement des technologies vertes

Bertrand d’Armagnac
Le Monde 07.10.11

Les subventions accordées aux énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon) dans le monde atteignent un niveau « intenable » d’au moins 470 milliards de dollars en 2010 (352,2 milliards d’euros), selon des analyses conjointes de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de l’Agence internationale de l’énergie (AIE).

Ce chiffre est la somme des 409 milliards de dollars recensés dans le monde en 2010 par l’AIE, auxquels s’ajoutent plus de 60 milliards mesurés dans ses pays membres par l’OCDE sur d’autres aides. Selon les deux organisations, ce soutien est non seulement mauvais pour l’environnement, mais induit des effets pervers sur les économies.

En 2009, les pays membres du G20 étaient tombés d’accord pour rationaliser et réduire les subventions aux énergies fossiles, afin de promouvoir une croissance verte et éviter d’encourager la surconsommation. Pourtant, les chiffres de l’OCDE et de l’AIE montrent que le mouvement de décrue est loin d’être lancé.

En 2010, ces subventions ont augmenté d’environ 100 milliards de dollars par rapport à 2009, même si elles se situent à 150 milliards de moins qu’en 2008, lorsque les prix des produits pétroliers avaient atteint un pic. L’Agence y voit notamment le résultat du renchérissement des prix de l’énergie.

Les aides publiques sont pour près de la moitié destinées au pétrole et, pour environ un quart, à l’énergie tirée du gaz. Et selon les analystes de l’AIE, elles pourraient s’élever à 660 milliards de dollars en 2020, soit 0,7 % du produit intérieur brut (PIB) mondial, si un changement des politiques publiques n’est pas rapidement conduit.

Barrières

L’AIE estime qu’un abandon progressif des subventions aux énergies fossiles d’ici à 2020 permettrait de réduire la croissance de la demande mondiale d’énergie de 4,1 % et celle de la demande de pétrole de 3,7 millions de barils quotidiennement. De plus, d’un point de vue environnemental, cet abandon pourrait conduire à une réduction de la croissance des émissions de CO2 de 1,7 milliard de tonnes annuellement, soit la somme des émissions du Royaume-Uni, de l’Allemagne, de l’Italie et de la France.

Les subventions s’adressent non seulement aux producteurs d’énergies fossiles, mais aussi aux consommateurs. Elles sont présentées par les gouvernements comme un moyen d’alléger la pauvreté et de soutenir l’activité économique. Or, pour les analystes de l’AIE, ce soutien manque sa cible.

En 2010, seulement 8 % des aides aux énergies fossiles sont allées aux 20 % les plus pauvres de la population. De même, elles pèsent sur les budgets publics et créent des barrières au développement d’énergies renouvelables.

Enfin, rendant moins cher le prix des carburants fossiles, elles poussent les pays à en importer plus, et donc à réduire leur indépendance énergétique.

L’AIE relève néanmoins des signes de progrès. Près de la moitié des pays où le prix de l’énergie est artificiellement maintenu en dessous du coût réel d’approvisionnement ont pris des mesures depuis le début de 2010 pour « rationaliser » ce décalage. Notamment sous l’effet d’une rigueur budgétaire devenue incontournable.

Bruxelles pénalise les sables bitumineux

Après plus d’une année d’atermoiements, la Commission européenne a attribué une valeur particulière d’émission de gaz à effet de serre aux carburants issus des sables bitumineux. Dans le cadre de la directive sur la qualité des carburants de 2009, cette valeur est établie à 107 g de CO2 par mégajoule pour ces pétroles non conventionnels, contre 87,56 g pour le pétrole conventionnel.

La directive exige des fournisseurs de tous carburants de réduire les émissions des gaz à effet de serre de 6 % entre 2010 et 2020. « Cette décision était attendue depuis longtemps, mais a été retardée par le lobbying déployé par le Canada, qui est un grand producteur de ce type de pétrole non conventionnel », note Darek Urbaniak, de l’ONG Amis de la Terre Europe.

D’ici trois mois, une majorité d’Etats membres doit approuver cette valeur pour que le texte passe ensuite au vote devant le Parlement européen.

Un moyen de paiement régional favorise la région

Christian Gelleri, directeur de Chiemgauer e.V.
Hebdomadaire Alda ! du 29.09.11

Dans le sud de la Bavière, une autre monnaie que l’euro circule depuis 2002. Le “Chiemgauer” se veut porteur de développement local autour de cette idée : «La coopération plutôt que la concurrence». Voyage dans un étrange «pays»  qui résiste, encore et toujours, à la loi des marchés financiers… Alda! publie une partie de l’interview de Christian Gelleri, directeur de Chiemgauer e.V. publié dans la revue «Horizons et débats» il y a près de 3 ans.

Qu’est-ce que le Chiemgauer?

Christian Gelleri: Le Chiemgauer est un moyen de paiement régional destiné à favoriser les circuits économiques régionaux et les associations régionales d’utilité publique.

Il y a déjà l’euro, pourquoi faut-il en plus le Chiemgauer?

Le Chiemgauer complète l’euro en tant que monnaie de toute l’Europe. Il sert à renforcer la région, à la favoriser, à donner la priorité aux circuits régionaux sur les circuits mondiaux. Cela veut dire que ce qui peut être fait dans la région ne doit pas nécessairement être fait à l’échelle interrégionale. Ce vieux principe de subsidiarité consiste à s’aider d’abord soi-même, à s’approvisionner par ses propres moyens et, si ce n’est pas possible, à faire des échanges avec d’autres régions. On obtient ainsi un mélange sain de régionalisation et de mondialisation.

 

Vous êtes l’initiateur du Chiemgauer. Comment en êtes-vous arrivé à le créer et quel était votre objectif?

Adolescent déjà, je m’intéressais au système monétaire. J’étais à la fois fasciné et choqué parce que j’avais lu que les systèmes monétaires s’effondraient tôt ou tard, au bout de 20, 30, 50 ou 70 ans, et cela en principe depuis 3 à 4000 ans, chez les Grecs, chez les Romains, au Moyen Age ou récemment. Ils s’effondrent toujours. Je me suis demandé pourquoi et s’il n’était pas possible de développer un système durable? Et je me suis mis en quête d’alternatives.

 

Quels ont été les premiers pas? Comment a été créé le Chiemgauer?

D’abord nous avons mis sur pied un groupe de travail qui a développé le concept. Il a œuvré pendant environ trois ans. La tentative d’appliquer le concept sur une grande échelle a d’abord échoué. J’ai ensuite suivi une formation d’enseignant et plus tard j’ai eu l’idée d’introduire une sorte de monnaie de papier sur une toute petite échelle. C’était à l’école Waldorf à Prien, où dans le cadre d’une entreprise d’élèves, j’ai présenté mon idée et six élèves, six jeunes filles l’ont reprise avec enthousiasme.

 

Et comment fonctionne maintenant le Chiemgauer?

Le Chiemgauer est un système de paiement ouvert. On peut changer des euros en Chiemgauer et vice-versa. L’objectif est que le Chiemgauer reste aussi longtemps que possible dans le circuit régional et qu’il crée le plus de plus-values possible. Les consommateurs changent les euros en Chiemgauer. Un Chiemgauer contre un euro. Il y a des bons à 1 euro, à 2 euros, à 5 euros, jusqu’à 50 euros. Avec ces bons, les consommateurs vont faire leurs achats, comme avec l’euro.

 

Les entrepreneurs doivent payer une taxe de 5% ou de 10% lors du rachat d’euros. Pour éviter cette taxe, ils dépensent le Chiemgauer le plus possible dans la région. Il s’agit que le Chiemgauer passe le plus longtemps possible du boulanger au meunier, au paysan et au cordonnier, etc., qu’il reste dans le circuit.

 

Quel est l’avantage économique de ce système sur l’euro?

Le Chiemgauer a deux avantages: premièrement l’argent de la région ne peut pas être employé pour la spéculation et deuxièmement, il reste toujours en circulation. Il est régulièrement périmé au bout de trois mois et il faut toujours le renouveler. Il s’ensuit que l’argent circule régulièrement dans la région. L’autre avantage est que l’on en revient aux intérêts régionaux et qu’on fait dans la région ce qui peut y être fait. Les domaines principaux comme l’alimentation, l’énergie, la construction, la circulation. Le but est de réaliser le plus de choses possible dans la région et le moins d’échanges possible de manière interrégionale. Ainsi cela se complète et produit une grande prospérité.

 

Vous avez déjà obtenu la participation des banques régionales. Est-ce que vous n’avez pas de difficultés avec la Deutsche Bundesbank?

Oui, au début il y a bien sûr eu des discussions au sein de la Bundesbank: fallait-il accepter ce genre de monnaie régionale ou s’y opposer? La Bundesbank a effectué une expertise. L’expert a constaté que les monnaies régionales ont peu d’ampleur et n’ont donc pas du tout d’influence sur l’économie nationale. Il en résulte qu’il ne vaut pas la peine de s’y opposer. En outre il existe dans d’autres pays, par exemple en Ecosse, des expériences similaires depuis des centaines d’années déjà, et les milliers de livres écossaises échangées n’ont pas représenté de danger pour l’économie nationale. La livre écossaise est une monnaie privée émise par la Royal Bank of Scotland qui est une banque privée. A partir de ces exemples, l’expert de la Bundesbank a conclu que les monnaies régionales ne peuvent pas nuire à l’économie nationale, même si elles deviennent cent fois, voire mille fois plus importantes. Il part du principe qu’il y aura davantage de monnaies régionales et qu’elles augmenteront en volume mais sans causer de dommages à l’économie nationale parce que le volume total restera relativement modeste.

 

A quelles objections vous heurtez-vous dans la vie quotidienne?

La première est que c’est compliqué. Mais elle vient, ce qui est intéressant, de personnes qui ne participent pas à l’expérience. En revanche, ceux qui y participent disent que ce n’est pas compliqué. Lorsqu’on a participé pendant une ou deux semaines, c’est aussi simple que de rouler à bicyclette. Il faut une semaine ou deux seulement pour apprendre les gestes. J’ai trouvé cela très intéressant. L’obstacle est plutôt psychologique. On a peur que ce soit compliqué mais une fois qu’on pratique le système, on le trouve assez simple.

Il y a souvent une autre objection: «Pourquoi faire nos achats régionaux avec l’argent régional quand on peut aussi les faire en euros?» Bien sûr qu’on peut aussi acheter les produits régionaux avec des euros, et il faut le faire pour donner un coup de pouce à l’économie régionale. Mais le Chiemgauer a un effet plus profond: Quand on remet le Chiemgauer à une personne, elle réfléchit: «Comment le dépenser dans la région? ». Et en le remettant à quelqu’un d’autre, elle l’amène à se poser la même question, à vouloir respecter la règle du jeu. Ainsi un effet systématique se produit. Il est très important qu’on ne soit pas seul à vouloir changer le monde, mais qu’un réseau se constitue et qu’on produise le changement ensemble. Je pense que le Chiemgauer est un bon moyen d’agir ensemble.

 

 

Le capitalisme à bout de souffle

Michel Husson, économiste, membre de la Fondation Copernic et du Conseil scientifique d’ATTAC
Hebdomadaire Alda ! du 06.10.11

L’économiste altermondialiste, Michel Husson, invité par la Fondation MRA et Bizi!, donnera le mardi 18 octobre à 20h30, une Conférence sur le thème “Leur crise, nos solutions”.
Cette semaine, Alda! Publie la première partie de son  interview portant sur les limites du capitalisme et l’alternative envisageable.

Pour certains le capitalisme n’est que la propriété privée des moyens de production. Le combat à mener est plus contre le néo-libéralisme (“le laisser faire, laisser passer”) ou le productivisme (“la course au toujours plus déconnectée des besoins de la société”). Comment considérez-vous ces différents éléments?

Le capitalisme repose effectivement sur la propriété des moyens de production. Mais cette définition n’est pas seulement juridique : elle implique que les choix d’investissement sont faits par des entités privées – les entreprises – en fonction de critères qui ne sont pas la recherche du bien-être maximal pour l’ensemble de la société.

Le capitalisme doit répondre à des besoins, sinon il ne pourrait écouler ses marchandises produites, mais il faut que la satisfaction de ces besoins soit rentable.

Autrement dit, le capitalisme dépossède la société de la maîtrise sur ses priorités.

Cette appropriation privée donne ainsi aux capitalistes un très grand pouvoir sur la trajectoire de la société. Elle a pour corollaire la concurrence entre capitaux qui est à la base du dynamisme du capitalisme mais le conduit à une sorte de fuite en avant : pour se reproduire, le capital doit s’accumuler, et cela ne peut se faire qu’à la condition d’une croissance sans fin du volume de production. Des taux de croissance élevés sont la condition nécessaire au maintien d’une rentabilité élevée. Ces caractéristiques sont propres au capitalisme en général mais, dans sa forme néo-libérale que nous connaissons aujourd’hui, il les pousse à l’extrême et creuse l’écart entre les besoins sociaux et leur acceptabilité par le système.

 

Le capitalisme semble donc incompatible avec la justice sociale et la prise en compte des limites de la planète…

En effet, à titre d’illustration prenons le cas des médicaments contre le Sida.

Du point de vue de l’industrie pharmaceutique, les dépenses de recherche engagées sont un capital qu’il faut rentabiliser. Comme le coût de production des molécules est ensuite relativement faible, il faut donc protéger par des brevets leur statut de marchandises, et les vendre à un prix qui assure la rentabilité du capital engagé. En revanche, l’efficacité sociale – visant à maximiser cette fois le nombre de personnes soignées – conduit à une autre logique économique : les dépenses de recherche sont financées sur fonds publics, et les médicaments sont distribués selon des tarifs adaptés au pouvoir d’achat des personnes concernées, y compris gratuitement. Le même raisonnement vaut dans de très nombreux domaines, comme la santé, le logement, l’agriculture. De manière générale, la marchandisation (privatisations, ouverture à la concurrence, etc.) autrement dit la soumission à la logique du profit, s’accompagne de l’éviction des personnes dépourvues de pouvoir d’achat suffisant et des producteurs incapables de s’adapter aux normes de rentabilité.

Il en va de même pour les enjeux environnementaux. Pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, il faut combiner le développement des énergies propres, et un changement dans la nature et l’ampleur de la croissance.

Dans les deux cas, cela implique une moindre rentabilité, incompatible avec le capitalisme. Concevoir des biens de consommation durables est par exemple contradictoire avec le besoin d’une rotation du capital aussi élevée que possible. Une bonne partie des problèmes de l’humanité serait résolue si le capitalisme acceptait de fonctionner avec une moindre rentabilité : mais c’est lui demander quelque chose qui va à l’encontre de sa nature profonde.

 

Comment peut-on sortir du capitalisme, bref supplanter le système actuel ?

Il faut construire une large alliance, sur une base radicale. Même si c’est plus facile à dire qu’à faire, l’important est de comprendre à la fois la nécessité d’une telle orientation, et les obstacles auxquel-les elles peuvent se heurter. Le modèle néo-libéral est en crise mais les dominants n’ont pas de solution de rechange que le retour à tout prix au business as usual. Et revenir à un capitalisme régulé, semblable à celui de la période précédente, dite des «Trente glorieuses» est hors de portée.

Il n’y a donc pas de possibilité d’infléchir graduellement le cours du capitalisme, parce que c’est un système qui a une cohérence certes instable, mais que l’on ne peut modifier par petites touches. La moindre revendication progressiste remet presque immédiatement en cause des intérêts sociaux puissants qui n’ont aucune raison d’abandonner leurs privilèges. En deçà d’un degré de radicalisme élevé, il n’y a aucune chance de faire bouger les lignes. C’est d’ailleurs pourquoi les partis de type social-démocrate en Europe (ou aussi aux Etats-Unis avec Obama) ne sont pas porteurs d’une réelle alternative.

Pour atteindre le degré requis de radicalisme et modifier le rapport de forces, il faut donc une alliance large qui rassemble tous les secteurs de la société dont les conditions de vie sont mises à mal par les politiques capitalistes. Ils constituent une majorité, et c’est aujourd’hui le point faible du capitalisme : il a perdu toute légitimité sociale. Cela implique notamment de faire converger les projets et les luttes globales et locales, et de coordonner les résistances et les mobilisations, notamment au niveau européen.

 

Quelles seraient les grandes lignes d’une forme de vie post-capitaliste ?

Le projet d’une société post-capitaliste est contenu en creux dans toutes les aspirations sociales piétinées par le capitalisme et que l’on pourrait résumer par la common decency de Georges Orwell qui revient à affirmer un certain nombre de droits : droit à une existence décente, à un emploi décent, à un logement décent, à la santé, à l’éducation, et finalement à la dignité.

Un tel projet peut paraître utopique, mais il est pourtant tout-à-fait réalisable, en tout cas dans des sociétés opulentes comme celles d’Europe. Il ne s’agit donc pas d’économie, mais de la capacité des sociétés à reprendre le contrôle sur leur destinée, par la mise en place d’une véritable «démocratie sociale» qui se substitue à la dictature des marchés, ce qui passe par une remise en cause de la propriété privée des moyens de production.

On ne peut non plus s’en remettre aux outils marchands (éco-taxes ou permis d’émission) pour faire face au changement climatique : une planification écologique est nécessaire.

Au fond, la plupart des problèmes de l’humanité pourraient être mieux traités si le capitalisme acceptait de fonctionner avec une moindre rentabilité et une plus grande égalité dans la répartition de richesses. Mais de telles exigences vont manifestement à l’encontre de sa logique profonde.

Ikusi (on-line) ARTE kateak Fukushimakoaz egindako azken erreportajea

Pello Zubiria
Argia astekaria, 26.09.11

Larunbat-igandez, irailak 24 eta 25, bi alditan eskaini du telebista konbentzionalez ARTE kate frantses-alemanezkoak “Fukushima, les révoltés du nucleaire” (Fukushima, nuklearrek matxinaraziak). David Zavaglia-k prestatutako erreportajea Interneteko bertsioa beste biz osatutako luzeago baten barruan dago; gogoratu “Fukushima, les révoltés du nucleaire” bideoaren 14. minutuan hasten dela eta 36.ean amaitzen. Hona bere edukia laburbildurik.

 

Aurkezleak dio: “Fukushimako istripua gertatu eta 6 hilabetera, agintariek promesa egiten dute urtea amaitzerako zentrala estabilizatuko dutela. Gertatzen dena da hitz horiek Japoniako herritarrak ez dituztela jadanik asebetzen, arazoaren kontrol independientea eskatzen dute, ez dute konfidantzarik. Japoniar horietakoak dira militante antinuklear berriak, Frantziako erakunde herritarren laguntzaz formatzen ari direnak, Japoniako agintarien gezurrak salatzeko”.

 

Zavagliaren erreportajea hasten da aurtengo ekainean, Fukushimako zentrala hondatu eta hiru hilabetera. Kazetaria CRIIRAD erakundeko adituekin doa inguruko erradioaktibitatea neurtzera. Autoa gidatzen Wataru Iwata gaztea, informazio ofizialez aspertua, beste batzuekin Citizen’s Radioactivity Measuring Station CRMS elkartea antolatu duena, informazioak modu independentean biltzeko asmoz.

 

Taldea Fukushima City hiriburura heldu da, 300.000 biztanle, zentraletik 60 kilometrora. Eskola batean neurtuko dute erradioaktibitatea. Jolastokiaren zorua kutsatuta dago, baina eskandalagarriena da zenbat erradioaktibitate dagoen ura pilatzen den lekuetan, esaterako haurrak ibiltzen diren kolunpioen oinpeko zuloetan. CRIIRADek haruntza bidali duen Christian Courbon-ek argi eta garbi dio: “Nire haurrak berehala aterako nituzke eskola honetatik. Baina denek hemen segitzen dute, ezer gertatuko ez balitz bezala”.

Ama bat mintzo da gero, maskara aurpegian. Kezkatuta daude egoerarekin, baina ezin dute askorik egin: eskolak derrigortuta daude zabalik egotera. Zentralaren inguruko lehen 20 kilometroak besterik ez dira ebakuatu, 30 kilometro arteko herrietan ere eskolak itxita daude. Hortik aurrerakoak ez. Baina arazoa da erradioaktibitatea ez dela zirkuluka zabaldu: haizeak barreiatu du eta ondoren euriak lurreratu, 80 kilometro arteko eremuetan eta urrunago.

Wataru gazte fukushimatarra Frantziara etorri da CRIIRADekoekin erradioaktibitatea nola kontrolatu ikastera, ikastaro trinkoan. Hauek eskainitako aparatuak eramango ditu gero itzulian. CRIIRADeko arduradunak deklaratuko du harrituta daudela ikusirik Japoniako gobernuak zein gaizki kudeatzen duen krisi hau, Txernobylgoa pasata 25 urtera. Horregatik ari dira laguntzen lekuko herritar eta GKEei laguntzen.

Irailean itzuli dira berriro Japoniara. Giroa mugitu da pixka bat aste horietan. Mugimendu antinuklearra indarra hartzen ari da. Sachiko Satu aurkituko dute, Fukushima Network for Saving Children From Radiation erakundearen bilkura batean. Sachiko eta bere taldeak lortu dute gobernuaren ordezkariek aurrez aurre hitz egitea Fukushimako biztanleekin, eskola batetik Tokioraino etorritako haur eta nerabeekin. Haurrek beren bizipenak idatzirik ekarri dituzte. Gaztetxo bat mintzo da, haurrei aurpegietara begiratzen ez dieten funtzionarien aurrean: “Bost hilabete baino gehiago dira lurrikara gertatu zenetik. Zuek badakizue Fukushima inguruetan zenbat pertsona bizi diren? Akaso pentsa dezakezue zenbat jende bizi diren etxeetatik atera ezinik denbora guzti honetan? Nik nahiko nuke zuek gaur ohartzea zer ari garen sentitzen Fukushimakoa dela eta etxeetatik ebakuatu gaituztenok.  Gobernuak dio segurtasuna badagoela, aldiz, haurrak beti etxeetan daude zerraturik, ezin piszinara joan, beti aurpegian maskara eraman behar. Zuek segurtasuna dagoela diozue eta aldi berean onartzeko moduko erradioaktibitate maila igo duzue. Zuek hori diozue, baina eskolako umeok ohartzen gara gezurra dela. Akaso zuentzakok dirua inportanteagoa da Fukushiman bizi den jendea baino? Arren, ez mindu gehiago nire lagunetako bakar bat”. Bi orduz luzatuko da bilkura, jendea bere ezinegona azaltzen, funtzionariek erantzun zehatzik ez. Tartean emakume batek deklaratuko du: “Hemen, mahai gainetan, dituzue haurrek idatzitako hainbat gutun. Ni gehien hunkitu nauena 9 urteko neskato batena da eta dio: ‘Haur normalik eduki ahal izango ote dut?’”.