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Articles du Vendredi : Sélection du 6 décembre 2019


Toujours plus de carbone dans l’atmosphère
Valéry Laramée de Tannenberg
www.journaldelenvironnement.net/article/toujours-plus-de-carbone-dans-l-atmosphere,101526

Les émissions de CO2 ont progressé de 4% depuis l’Accord de Paris, relèvent les climatologues du Global Carbon Project (GCP) dans leurs dernières estimations. La stabilisation du réchauffement à 1,5°C relève désormais de la mission impossible.

Voilà une nouvelle qui incitera sans doute experts, diplomates et délégués nationaux présents à la COP 25 de Madrid à accélérer la rédaction des règles d’application de l’Accord de Paris. Les émissions anthropiques de gaz carbonique ne cessent de croître. Et les rares inflexions à la baisse (ou à la moindre croissance) ne sont pas les conséquences de choix structurels. C’est ainsi que l’on peut lire les derniers résultats de l’analyse annuelle des tendances du cycle global du carbone, que livre, ce mercredi 4 décembre, le Global Carbon Project (GCP).

+ 0,6% de CO2 en 2019

Dans une série de trois articles, qu’il publie dans Nature Climate Change, Environmental Research Letters et Earth System Data, ce consortium international d’une cinquantaine d’instituts de recherche indique que les émissions mondiales de CO2 devraient croître de 0,6% entre 2018 et 2019. C’est moins que durant la première décennie du siècle (+3%/an). Et mieux que ces deux dernières années: +1,5 % en 2017 et +2,1 % en 2018.

La France toujours à la baisse. Le gouvernement avait raison de se réjouir de bons chiffres 2019. Au vu des statistiques des 9 premiers mois, les émissions tricolores devraient baisser de 1% entre 2018 et 2019. Normal, les températures hivernales ont été douces. Entre 2005 et 2018, la France a abattu de 20 % ses émissions. Mieux que l’Allemagne (-13 %).

Pour autant, il n’y a pas lieu de se réjouir. Car, les politiques climatiques présentées en amont de la COP 21 (les NDC), en 2015, ne sont en rien responsables de cet apparent infléchissement de notre contribution au renforcement de l’effet de serre.

Comme souvent, c’est à la Chine et à l’Inde (premier et 4e émetteurs mondiaux[1]) que l’on doit ces chiffres: l’économie des deux géants asiatiques a tourné au ralenti.

43 milliards de tonnes de CO2

Cette année, nos rejets devraient donc culminer à 43,1 milliards de tonnes de CO2 (GtCO2), dont 36,8 GtCO2 imputables à notre consommation d’énergies fossiles et 6 GtCO2 au changement d’affectation des sols. Derrière ce vocable se cache la déforestation, qui progresse fortement, sous la flamme des incendies en Indonésie mais surtout en Amazonie.

Les émissions carbonées du millésime 2019 seront donc supérieures de 4% à celles de 2015, année de la conclusion de l’Accord de Paris. Certes, c’est beaucoup moins que la production de richesses par l’économie: +13 % entre 2015 et 2018. Mais même modeste, ce rythme conduit inexorablement à une hausse des températures moyennes globales, comprise entre 3 et 4 °C d’ici la fin du siècle. Avec de fortes disparités régionales à la clé.

Des raisons de se réjouir

Bien sûr, on trouve dans les statistiques du GCP des raisons de se réjouir. Malgré tous les efforts de l’administration Trump pour relancer production et consommation de charbon, celle-ci ne cesse de décliner: encore -1,7% entre 2018 et 2019 et -11% entre 2007 et 2018. Depuis 12 ans, les Etats-Unis réduisent d’environ 1 %/an leurs émissions, grâce à la substitution du charbon par les hydrocarbures non conventionnels, gaz de schiste en tête. Mais aussi par la croissance des énergies renouvelables (éoliennes et solaires) dans la production d’électricité. La politique a peu à voir avec ces évolutions qui sont surtout imputables à la baisse des prix du gaz et à d’importants contrats d’achats à long terme d’électricité d’origine renouvelable, signés par les Gafa.

Qui émet quoi ? Les producteurs d’électricité et de chaleur émettent environ 45 % du CO2 anthropique, loin devant l’industrie lourde (22 %), les transports terrestres (20 %) et les transports maritimes et aériens internationaux (3,7 %). Le solde doit être partagé entre le BTP, l’agriculture, la pêche et les activités militaires.

La même tendance déflationniste s’observe dans l’Union européenne. Cette année, le vieux monde devrait réduire de 1,7% ces rejets carbonés dans l’atmosphère. Un chiffre légèrement supérieur à la moyenne observée pour les 28 durant la dernière décennie (-1,4%). Cette performance s’explique, là encore, par le recul du charbon, au profit du gaz naturel, du pétrole et des énergies renouvelables.

Les observateurs avaient prévu plus: ils se sont trompés. L’économie chinoise aura vu progresser ses émissions carbonées, cette année, mais moins qu’escompté. Selon les dernières projections officielles, le bilan carbone de l’empire du Milieu devrait s’alourdir de 2,6% entre 2018 et 2019. C’est un peu plus qu’entre 2018 et 2018 (+2,3%) et beaucoup plus qu’entre 2016 et 2017: + 1,7%. La progressive décarbonation du secteur électrique a été, cette année, largement compensée par une hausse de la production d’acier et de ciment, deux industries majoritairement carbonées.

Economie faible et forte mousson

Avec un bond de 1,8% cette année, les émissions indiennes voient leur croissance fortement décélérer: elles augmentaient de 5% l’an durant la première décennie du siècle. Pour autant, le résultat n’est pas glorieux. 2019 restera en Inde comme une année à faible croissance économique et à forte mousson. Ce qui a considérablement dopé le productible des centrales hydroélectriques.

En un mot comme en cent, la décarbonation de nos modes de vie reste à engager. «Les politiques climatiques et énergétiques actuelles sont trop faibles pour renverser les tendances actuelles», résume la climatologue Corinne Le Quéré, présidente du haut conseil pour le climat. «A peu près partout, c’est le scénario du business as usual qui domine. Il n’y a pas d’amélioration visible. C’est le niveau de croissance économique qui décide de nos émissions de CO2», complète Philippe Ciais, spécialiste du cycle du carbone au LSCE.

Une année avant l’échéance de la révision des NDC, le constat est sans appel: «on peut commencer à dire que la stabilisation du réchauffement à 1,5 °C est chose impossible», estime Philippe Ciais. Le premier des objectifs de l’Accord de Paris tombe à l’eau. Reste à savoir combien de temps encore le second (2°C) restera à sec.

[1] Les quatre premiers émetteurs mondiaux de CO2 sont la Chine, les Etats-Unis, l’Union européenne et l’Inde.

Retraites : pourquoi la tactique du gouvernement a échoué
Romaric Godin
www.mediapart.fr/journal/france/061219/retraites-pourquoi-la-tactique-du-gouvernement-echoue

La première journée de grève interprofessionnelle sur la réforme des retraites a été un succès traduit dans les rues de France par le nombre de manifestants. Cette mobilisation s’est accompagnée d’un soutien tacite d’une grande partie de la population. Cette convergence est l’expression d’un rejet profond de la politique du gouvernement et de ses objectifs, et sanctionne par là même la stratégie de contournement qu’il a mise en place depuis près d’un an pour atteindre son but ultime.

Car ce gouvernement a un but, qu’il n’a jamais abandonné, celui de réaliser ce qu’il appelle la « transformation » du pays, autrement dit l’application de réformes néolibérales auxquelles le pays a trop – et trop longtemps – résisté à son goût. C’était là le seul programme du candidat Macron et c’est, depuis le début de ce quinquennat, le seul moteur de son action publique. La crise des « gilets jaunes » l’a amené à changer de tactique, mais non pas de stratégie.

Si, dans un premier temps, la priorité a été donnée aux réformes du marché du travail et de la fiscalité du capital et de ses revenus, avec l’ISF (impôt de solidarité sur la fortune) et le PFU (prélèvement forfaitaire unique ou « flat tax »), une fois surgie la colère dans les rues, le gouvernement a adopté une autre tactique. Il voulait désormais centrer les baisses d’impôts sur les ménages afin de les faire adhérer par des avantages sonnants et trébuchants. L’annonce surprise, le 25 avril dernier, de la baisse de l’impôt sur le revenu, avait cette fonction, après une première vague de mesures prises le 10 décembre. Jouer sur la pression fiscale pour libérer du pouvoir d’achat avait plusieurs avantages. Cette tactique permettait d’abord de répondre directement aux premières revendications des gilets jaunes, centrées sur le portefeuille des ménages, tout en affaiblissant les recettes de l’État et, partant, en rendant nécessaires de futures réformes structurelles.

Cette manœuvre était déjà sensible pendant le « grand débat », où les membres du gouvernement et le président répétaient en boucle qu’on ne pouvait pas demander des baisses d’impôts et le maintien actuel du système social. Elle est devenue flagrante avec le vote de l’article 3 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, qui sanctionnait la fin de la compensation des baisses de cotisations nouvelles. Dès lors, l’essentiel des mesures de « pouvoir d’achat » s’est mué en déficit du régime général de Sécurité sociale. Et, logiquement, cela justifiait la nécessité de réaliser de nouvelles réformes, notamment celle des retraites.

Il n’y a donc jamais eu d’inflexion de la politique gouvernementale. Au reste, cela a toujours été clairement revendiqué, puisqu’il n’a jamais été question de changer de cap. L’exécutif est dans une course contre la montre. Sa vraie priorité est bien le changement structurel, celui qui implique une déconstruction des formes de solidarité. C’est là, pour Emmanuel Macron, que se joue la vraie bataille, parce que ces réformes permettent de diminuer à moyen terme les dépenses publiques. Ce que d’aucuns avaient décrit comme un « renoncement » n’en a jamais été un.

La décision de stabiliser le déficit public pour amortir en partie seulement les effets de la baisse des impôts n’était qu’un moyen temporaire, conçu pour faire accepter les réformes à venir et faire passer la pilule des réformes passées, notamment l’allègement de la fiscalité du capital. Car, en feignant de faire des concessions, le gouvernement renforçait en réalité sa propre logique. Mais il pouvait aussi espérer apaiser le climat social à coups de milliards d’euros de pouvoir d’achat.

Le temps jouait donc en théorie pour l’exécutif et l’exécutif en a joué avec ses commissions sur la fraude fiscale et ses promesses conditionnelles sur une vaporeuse évaluation de l’ISF. D’autant que l’alignement des planètes semblait parfait : l’affaiblissement de la conjoncture mondiale et du commerce international venait à point nommé. Comme toujours en pareil cas, la France, qui peut compter sur son coussin de protection redistributif contra-cyclique, se retrouvait en meilleure position que l’Allemagne.

Le gouvernement, dont le but est pourtant de limiter les transferts sociaux au bénéfice d’une illusoire compétitivité, pouvait alors en jouer en claironnant que « les effets de sa politique portaient ses fruits », notamment sur le terrain de l’emploi. Les discours à Bercy se ressemblent tous depuis des mois. On y parle de « renforcement de la croissance », de « créations d’emploi » et « d’augmentation du pouvoir d’achat ».

Cette Sainte Trinité économique semblait donc devoir assurer au gouvernement un succès aisé dans la bataille des retraites. Endormis par les délices de Capoue de la hausse du pouvoir d’achat et de la consommation, les Français semblaient devoir se contenter d’une apparence de concertation pour accepter sans broncher cette nouvelle réforme des retraites. Et d’ailleurs, la très violente réforme de l’assurance-maladie annoncée en juin est passée comme une lettre à la poste.

Deux précautions valant cependant mieux qu’une, le gouvernement avait bien pris soin de diluer le débat pendant des mois, de faire mine de se poser la question même de la réforme, d’évoquer une « clause du grand-père » reportant aux calendes grecques les effets de la réforme (mais s’accompagnant inévitablement alors de mesures sur le système actuel)… Tous ces chemins de traverse étaient suffisamment ennuyeux et techniques pour que l’opinion publique s’en désintéresse.

Bref, la mécanique semblait parfaitement huilée. Rien ne devait pouvoir venir bloquer une réforme clé du projet gouvernemental. Et pourtant, la résistance est venue rapidement et a gagné l’opinion, désormais largement solidaire de la mobilisation et opposée à la réforme. La bataille de l’opinion a été perdue alors même que la victoire semblait aisée. C’est un Valmy pour le gouvernement, mais ce dernier est côté prussien. Tel le duc de Brunswick, Édouard Philippe pouvait tirer des plans sur la comète après son inévitable victoire. Mais cette victoire s’est muée en déroute dans l’opinion.

Le rejet du projet néolibéral du gouvernement

Que s’est-il passé ? Certains avancent l’hypothèse que le gouvernement aurait voulu faire trois réformes en une : une réforme du système par le passage aux points, une réforme des régimes spéciaux et une réforme d’économies. En réalité, ces trois réformes sont indissociables : le système à points n’a d’autre intérêt que la mise en place d’un système universel englobant les régimes spéciaux qui permette une gestion globale par les coûts (en en finissant avec les « prestations définies »). C’est une réforme typiquement néolibérale : l’étatisation conduit à l’affaiblissement de la position des futurs retraités. De ce point de vue, toute avancée vers la réforme dévoilait ces trois facettes. Et si ce dévoilement a conduit à un retournement de l’opinion, c’est bien que cette dernière rejette les aspects de la réforme.

Dès lors, il faut bien en venir à d’autres hypothèses. La première, c’est que les Français ne sont pas dupes. Ils ne sont d’abord pas dupes des délices dont le gouvernement prétend les avoir comblés depuis des mois. Ils ont saisi que la « croissance » était illusoire, d’abord parce qu’elle ralentit, ensuite parce qu’elle est, du fait de la politique du gouvernement, de plus en plus mal répartie. L’explosion des inégalités en 2018 est une réalité vécue qui conduit naturellement les Français à relativiser des créations d’emplois qui, du reste, demeurent assez peu dynamiques lorsqu’on observe le taux de chômage (en hausse au troisième trimestre 2019 à 8,6 %) ou la persistance du « halo du chômage » (personnes cherchant un emploi, mais non immédiatement disponibles). Bref, le discours triomphaliste du gouvernement a rencontré l’incompréhension de l’opinion.

Il faut aussi remarquer par ailleurs que la hausse du pouvoir d’achat sous l’effet des baisses d’impôts n’a pas eu l’effet escompté par l’exécutif. Pourquoi ? Là encore, on peut avancer plusieurs hypothèses. D’abord, cette hausse a été perçue davantage comme un « rattrapage », compte tenu à la fois du choc fiscal de 2012-2014 et de la pression sur les salaires qui a suivi. Ensuite, elle prend la forme d’une « aumône » au regard des avantages accordés au capital et aux entreprises. La hausse des inégalités rend ces mesures moins crédibles politiquement. Enfin, les Français ont sans doute saisi que cette soudaine générosité avait un revers et que ce revers était davantage de marchandisation du travail et donc de la vie quotidienne. Mais il se trouve que cette évolution est profondément rejetée en France et il semble bien que ce ne sont pas quelques dizaines d’euros de plus chaque mois qui pourraient changer cette approche.

Or, c’est bien là l’essentiel. La réforme des retraites renforce cette marchandisation, cette compétition, cet oubli du besoin au profit des coûts.

Elle promeut une logique comptable qui met une pression permanente sur les actifs comme sur les pensionnés, ouvre la porte à un inévitable besoin d’assurances privées et permet le maintien d’une « armée de réserve » d’actifs âgés, qui devront travailler à tout prix pour accumuler des points. Mais en prenant en compte l’ensemble de la carrière pour le calcul de la retraite, sans garantie de sa conversion, la retraite à points permet aussi de placer les travailleurs sous une pression permanente, les incitant à prendre l’emploi disponible.

En cela, c’est une réforme complémentaire de celles du marché du travail et de l’assurance-chômage. Elle marchandise encore davantage l’emploi, exerce une pression négative sur les salaires et renforce l’individualisation de la protection sociale.

C’est profondément une réforme de destruction du modèle social de 1945 et de ses continuités. Elle brise ce pacte non écrit selon lequel les salariés français pouvaient accepter un certain degré d’évolution néolibérale s’ils avaient des garanties pour leurs vieux jours. C’est ce pacte qui se brise sous couvert d’un universalisme de façade. Car si le Conseil national de la Résistance rêvait d’un régime universel, c’était dans le cadre d’un nivellement par le haut. Ici, le nivellement se fait par le bas et ce qui sera universel, ce sera la compétition, qui s’insinue partout. Là où le CNR voulait universellement en finir avec la misère des « vieux », le système à points, couplé avec la « règle d’or » de l’équilibre financier du système, entend réduire encore le niveau de vie futur des pensionnés. La petite musique de la « réforme juste et égalitaire » ne pouvait donc pas prendre.

Elle le pouvait d’autant moins que le gouvernement, à force de coups de communication, de paralogismes et de fausses promesses, a perdu toute crédibilité. Les tentatives de rassurer sur le niveau des pensions des professeurs ont donc logiquement fait chou blanc. Nul n’est plus dupe : le « en même temps » n’existe pas ou, au mieux, est une forme de mouvement tactique. Ce gouvernement est un gouvernement néolibéral radicalisé qui engage une transformation de la société française que cette société refuse.

Ce 5 décembre sanctionne l’échec de l’épisode d’achat de l’adhésion aux réformes. Le face-à-face entre le gouvernement et la rue est donc de retour, comme voilà un an. La réponse violente de l’État au mouvement de l’an passé ne laisse présager rien de bon. Car l’actuelle majorité ne peut réellement abandonner ce projet. Sortir vainqueur du rapport de force avec la rue est une forme de médaille d’honneur pour les dirigeants néolibéraux. S’il venait à reculer, Emmanuel Macron perdrait en quelque sorte sa raison d’être politique. Sauf que cette raison d’être est aussi la source de sa faiblesse. Aussi n’a-t-il finalement pas d’autre choix que la fuite en avant, au besoin en durcissant encore le régime. La gestion désastreuse de la manifestation parisienne jeudi semblait aller dans ce sens. De plus en plus, Emmanuel Macron et Édouard Philippe ressemblent à des somnambules avançant d’un pas décidé à contre-courant de l’histoire.

Françoise d’Eaubonne, pionnière de l’écoféminisme et adepte du sabotage
Lorène Lavocat
https://reporterre.net/Francoise-d-Eaubonne-pionniere-de-l-ecofeminisme-et-adepte-du-sabotage

Militante chevronnée et essayiste prolifique, Françoise d’Eaubonne est à l’origine du concept d’écoféminisme. Un livre biographique, sorti le 24 septembre 2019, permet de découvrir la pensée foisonnante et subversive de cette pionnière.

C’est une urgence que de souligner la condamnation à mort, par ce système à l’agonie convulsive, de toute la planète et de son espèce humaine, si le féminisme, en libérant la femme, ne libère pas l’humanité toute entière, à savoir, n’arrache le monde à l’homme d’aujourd’hui pour le transmettre à l’humanité de demain »

Nous sommes en 1974 quand Françoise d’Eaubonne publie ces mots visionnaires dans son essai, Le féminisme ou la mort (Éd. P. Horay). C’est dans cet ouvrage qu’apparaît pour la première fois le terme d’ « écoféminisme » qui sera ensuite repris par les militantes étasuniennes, anglaises ou indiennes dans les années 1980. Dans Françoise d’Eaubonne & l’écoféminisme, un petit livre de la très bonne collection Précurseur·ses de la décroissance, aux éditions du Passager clandestin, Caroline Goldblum nous propose de découvrir la vie animée et la pensée subversive de cette pionnière du féminisme et de l’écologie.

Romancière et essayiste prolifique, Françoise d’Eaubonne (1920-2005) était avant tout féministe. Elle a cofondé le Mouvement de libération des femmes (MLF) puis le Front homosexuel d’action révolutionnaire (Fhar). En parallèle, sa prise de conscience écologiste fut rapide, imprégnée du rapport Meadows Limits to growth (« Limites à la croissance » de 1972 et des idées de Serge Moscovici. Plutôt que de mener séparément les deux combats, féministe et écolo, elle a opéré dès 1974 la synthèse entre la dénonciation de l’exploitation de la nature par l’Homme et l’exploitation de la femme par l’homme.

« Les femmes sont à l’avant-garde du refus du nucléaire qui n’est autre que le dernier mot de cette société bâtie sans elles et contre elles »

Au cœur de sa théorie écoféministe se trouve la dénonciation de « l’illimitisme de la société patriarcale », qui pousse tant à l’épuisement des ressources qu’à une « surfécondation de l’espèce humaine ». La surpopulation est donc, selon elle, la conséquence du « lapinisme phallocratique ». « C’est dans un contexte de mobilisation des femmes qui revendiquent le droit de disposer de leur corps que Françoise d’Eaubonne pose comme premier fondement de l’écoféminisme la reprise en main de la démographie par les femmes », explique Caroline Goldblum. Ainsi elle a défendu le droit à la contraception, à l’avortement, aussi bien que l’abolition du salariat et de l’argent, dans une logique de décroissance économique autant que démographique.

Une théorie largement alimentée par ses pratiques militantes, au sein du mouvement féministe, mais également comme activiste antinucléaire. En 1975, elle a participé au dynamitage de la pompe du circuit hydraulique de la centrale de Fessenheim, en Alsace, alors en construction, retardant ainsi de plusieurs mois sa mise en route. Bien que l’action ait alors été anonyme, le texte de revendication rappelait — dans un style très « d’eaubonnien »« que les femmes sont à l’avant-garde du refus du nucléaire qui n’est autre que le dernier mot de cette société bâtie sans elles et contre elles ». Trois ans plus tard, en 1978, elle prenait carrément le parti de ce qu’elle nommait « la contre-violence », appelant dans un court texte à ce que « les attentats [soient] considérablement améliorés, ne visant que des points de rupture précis du front ennemi, économisant au maximum les vies humaines des personnes non concernées ».

La même matrice idéologique a conduit à la domination des hommes sur les femmes et au saccage de la nature

Mis à part ce pamphlet révolutionnaire, la plupart des (très nombreux) textes de la penseuse concernent l’écoféminisme.

Au fil de ses ouvrages, l’écrivaine a précisé sa thèse. « En postulant que la même matrice idéologique a conduit à la domination des hommes sur les femmes et au saccage de la nature, Françoise d’Eaubonne [a dénoncé] non seulement l’organisation sexiste de la société, mais surtout lui [a imputé] la responsabilité de la destruction de l’environnement », écrit sa biographe. Une pensée qui va largement inspirer les militantes des années 1980 jusqu’à nos jours. En 1983, Vandana Shiva et Maria Mies reprenaient cette idée d’un « patriarcat capitaliste » à l’origine de l’assujettissement des femmes et de l’exploitation de la nature.

Toujours dans la lignée de d’Eaubonne, les activistes étasuniennes comme Starhawk ont dénoncé « un patriarcat monothéiste » et invité « à réinventer, à se réapproprier ce qui a été dévalorisé par l’homme, à savoir l’idée même de nature et l’ensemble des valeurs et pratiques sociales considérées comme ‘féminines’, rappelle Caroline Goldblum. Si les écoféministes spiritualistes reconnaissent que leur oppression a été justifiée par la construction d’une nature féminine, au contraire des féministes constructivistes, elle privilégient sa réappropriation à sa déconstruction. »

Ce versant de la pensée d’eaubonnienne, de même que la dimension plus spirituelle portée par certaines militantes, ont largement contribué à l’incompréhension, voire à la dérision, des idées écoféministes, vues comme essentialistes. De fait, explique Caroline Goldblum, « ses essais n’ont eu un impact que très limité dans son pays d’origine ». À cette aune, son travail de biographie ainsi que l’anthologie de textes de Françoise d’Eaubonne qu’elle propose paraissent plus que nécessaires, afin d’alimenter la réflexion et les débats actuels quant aux liens théoriques et pratiques à tisser entre féminisme et écologie.

Klima Aldaketaren COP25 Goibilera Chiletik Madrilera pasatzearen benetako arrazoiak
ELA-ren Ingurumen Boletina
www.ela.eus/eu/ingurumena/albisteak/klima-aldaketaren-cop25-goi-bilera-chiletik-madrilera-pasatzearen-benetako-arrazoiak

Urrian jakinarazi zuen Sebastián Piñera Txileko Presidenteak Klimaren goibilera, segurtasun arazoengatik, ez zela Txilen ospatuko. Baina benetako arrazoiak beste batzuk dira. Txileko Presidenteak herria pairatzen ari den egoera jasanezina, giza eskubideen urraketa eta ingurumenaren aurkako bere politikak ezkutatu nahi ditu.

Erabaki honen aurrean Ameriketako Sindikatuen Konfederazioak honako adierazpena egin du: « Ameriketako Langileen Konfederazio Sindikalak (CSA), Nazioarteko Konfederazio Sindikalaren (CSI) adierazpen kontinentalak, Klima Aldaketari buruzko Konferentzian (COP25) Txilek presidentetzari eustearen aurka, honako hau adierazten du:

  1. Eskatzen dugu Nazio Batuek Piñeraren gobernua ez kokatzea COP25eko negoziazioen buru, uste baitugu ez direla konpondu Txilek oraindik dituen arazo larriak, COP25ek beste herrialde batera joan behar izatea eragin zutenak. Horregatik, ez dago baldintzarik Txileko gobernuak gatazka honen erdian horrelako konferentzia baten buru izateko.
  2. COP25eko negoziazioetan Txileko presidentetza eusteko erabakiak fokutik kendu nahi du Txileko herria manifestazio zilegi eta baketsuetan jasaten ari den errepresio eta indarkeria egoera. Lehendakaritza horren zilegitasuna zalantzan ez jartzeak, azkenean, lehentasuna ematen dio klimaren instituzionaltasunari, justizia sozialaren gainetik. Mundu mailan ingurumenari buruzko kezka gero eta handiagoa izateak erakusten digu ingurumenaren babesak lotura estua duela justizia sozialaren eskaerarekin.
  3. Gure arbuioa berresten dugu, beste behin ere, Txileko herriaren aurkako eta Piñeraren gobernua erantzule den indarkeria eta errepresioari, eta babes osoa adierazten diegu CUT Chile eta Unidad Socialen eskaerei eta ekintzei. Joan den urriaren 18tik Txilen bizi diren protesta sozial jendetsuak eragin zituzten arrazoiek zerikusi zuzena dute eredu neoliberal baten ohiko politika atzerakoi eta herriaren aurkakoekin, langile klasearen bizkar inposatzen baititu gehiengo handien miseriaren aurrean gutxi batzuen pribilegioa betikotzen duen sistema baten kostuak. Desberdintasuna etengabe erreproduzitzen duen sistema ekonomiko batean dago oraindik arazoa, gizarte bizitzaren alderdi guztiak merkantilizatuz eta pribatizatuz.
  4. Indar kontserbadoreen eta antidemokratikoen aurrerapen testuinguru batean indarkeria eta setio egoerak igarotzen ari diren Txileko herriari eta Latinoamerikako eta Karibeko herri guztiei elkartasuna adierazten diegu. Elkarrizketa eta herri borondatearen errespetua dira gure herriak bakea eta demokrazia berreskuratzera eraman ahal izango dituztenak. »

ELAk guztiz babesten du adierazpen hau eta bere elkartasuna adierazten dio Txileko herriari.

Kapitalismoa planeta hiltzen ari da
Juan Mari Arregi
www.argia.eus/albistea/kapitalismoa-planeta-hiltzen-ari-da

Mundu osoko hedabideak egunotan Madrilen egindako Klimaren Gailurrari begira egon dira. Munduko zita honetan, gobernuak, erakundeak eta enpresak bildu dira klima aldaketari nola aurre egin aztertzeko. Erakusleiho hori aprobetxatuz, multinazionalek eta konpainiek iragarki arranditsuak argitaratu dituzte, gas isurietatik libre legokeen gizartearen defendatzaile sutsuak bailiran, eta CO2 isurketen murrizketa drastikoa eskatuz.

Baina datuek, “kapitalismo berdea” ez dela existitzen uste dugunon iritzia babesten dute, kapitalismoa bera baita planeta hiltzen ari dena. Adituen arabera, mundu mailako hondamendiaren arduradunak multinazionalak dira, energia enpresa handiak eta euren zerbitzura dauden gobernuak hain zuzen. Produkzio eredu kapitalistak kalituko du gure lurra, ingurumenaren kontura ahalik eta etekin handiena lortzea bilatzen duen eredu horrek. Munduko CO2 isurien %71 ehun enpresa handik sortzen dute, eta biztanleen %10 aberatsena emisioen %49aren arduradun da.

Gailurrek ez dute ezertarako balio, multinazionalek gobernuak erabiltzen badituzte txotxongiloak bezala, Kapitalismoaren eskuak mugituta. CO2 isurien murrizketa drastiko horiek egiteko neurri drastikoak behar dira, eta zuzenean Kapitalismoaren bihotzera jo beharko lukete. Besteak beste, efikazak izate aldera, energia eta elektrizitatearen sektoreak nazionalizatzea aztertu beharko litzateke, baita enpresa kutsatzaileenak desjabetzea ere.

Adibidez, EAEren kasuan, Gasteizko gobernuak koherente izan beharko luke larrialdi klimatikoa ezartzearekin, eta blindatu beharko luke bere lurraldea gasa erauzteko egin nahi dituzten zundaketetatik, Subijanan kasu. Eguzkik dioen bezala “iraungita, desfasatua eta ingurune naturalaren kalterako” eredua da hau.