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Articles du Vendredi : Sélection du 5 octobre 2012 !

Biodiversité: que reste-t-il de Nagoya?

Stéphanie Senet
www.journaldelenvironnement.net/article/biodiversite-que-reste-t-il-de-nagoy a,31013 – 05-10-2012

Transports en commun gratuits : l’exemple d’Aubagne

Colette LE DIM
http://danactu-resistance.over-blog.com/article-alternatives-les-transports-gratuits-l-exemple-d-aubagne-110526810.html

L’Allemagne minée par les inégalités

Frédéric Lemaître (Correspondant à Berlin)
www.lemonde.fr/idees/article/2012/10/03/l-allemagne-minee-par-les-inegalites_1769307_3232.html

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Biodiversité: que reste-t-il de Nagoya?

Stéphanie Senet
www.journaldelenvironnement.net/article/biodiversite-que-reste-t-il-de-nagoy a,31013 – 05-10-2012

Après l’échec de RIO+20 et son sujet fourre-tout –le développement durable-, une conférence internationale ciblée sur la diversité biologique peut-elle obtenir de meilleurs résultats? C’est tout l’enjeu de la 11e Conférence des parties (COP 11) de la Convention sur la diversité biologique (CDB) qui s’ouvre le 8 octobre à Hyderabad (Inde).

Le multilatéralisme environnemental va connaître une nouvelle épreuve de force dès le 8 octobre. 160 représentants nationaux vont en effet se retrouver en Inde, pour tenter, en 12 jours de trouver un moyen d’avancer sur les engagements pris à Nagoya (Japon) en octobre 2010.

L’héritage du Sommet de la terre de Rio en 1992 va marquer cette nouvelle conférence comme il a pu planer sur Rio+20 en juin dernier. C’est en effet lors de ce troisième sommet qu’est née la Convention sur la diversité biologique (CDB) (1).

Mais c’est surtout l’accord historique, conclu il y a deux ans à Nagoya, qui va servir de référence, avec ses trois piliers fondateurs: le protocole sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation, le plan stratégique 2011-2020 et la mobilisation des ressources financières et des mécanismes de financement (voir JDLE).

«Les 10 à 20 prochaines années sont cruciales au regard du temps que nous avons pour mieux protéger la biodiversité», a prévenu le directeur de la biodiversité au Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue).

Le plan stratégique défini à Nagoya devait permettre de réduire la perte de la diversité biologique aux niveaux mondial, régional et national, à l’horizon 2020, grâce à 20 objectifs ambitieux précisés à Aichi (Japon). Quel bilan d’étape peut-on dresser?

«Sur de nombreux objectifs parmi les plus stratégiques, les progrès accomplis devraient apparaître maigres, comme l’objectif 6 appelant à une gestion durable de toutes les pêcheries ou l’objectif 8 invitant à ramener la pollution, notamment due à l’excès d’éléments nutritifs, à un niveau sans effet néfaste sur les fonctions des écosystèmes et la diversité biologique», estime l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), dans une note d’analyse.

Autre échec: l’amélioration de la protection des zones terrestres et marines. A Nagoya, l’objectif 11 visait, à l’horizon 2020, au moins 17% de zones terrestres (eaux intérieures comprises) et 10% des zones marines et côtières protégées. Aujourd’hui, le premier objectif pourrait être atteint (12,7% des zones terrestres sont aujourd’hui protégées). En revanche, on est loin du compte au niveau marin (1,6% seulement).

«Il faut préserver l’élan de Nagoya en mettant ce grand plan en action», espère Julia Marton-Lefèvre, directrice générale de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). On est en effet au début du chemin, seulement 5 pays l’ont ratifié (2) alors que 50 sont nécessaires pour qu’il entre en vigueur. Si un mouvement s’enclenche à Hyderabad, le protocole pourrait s’appliquer à partir de 2014.

Les ressources financières et les mécanismes de financement de la protection de la biodiversité seront également à l’ordre du jour. Une question épineuse qui n’avait pas été réglée à Nagoya.

«Il est clair que c’est sur la question du financement que se fera, ou ne se fera pas, le résultat de la négociation», observe François Wakenhut, chef de l’unité Biodiversité à la Commission européenne. A la COP 11, il vise un meilleur chiffrage des sommes nécessaires pour atteindre les objectifs d’Aichi (des travaux d’évaluation sont en cours) et des engagements financiers susceptibles d’être pris par les pays les plus riches. «Ces engagements seront sans doute loin de l’ordre de grandeur nécessaire», estime d’ores et déjà Rolf Hogan, coordinateur de la biodiversité au WWF.

Enfin, la conférence d’Hyderabad pourrait dresser un premier bilan du Giec (3) de la biodiversité, la Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES), officiellement créée le 20 avril dernier (voir JDLE).

Avant l’ouverture de la conférence, l’ONG BirdLife International a listé ses priorités. L’association appelle notamment à dresser un état des lieux des plans d’action et stratégies nationales mis en place depuis l’adoption du plan stratégique 2011-2020; sélectionner des indicateurs pour évaluer les avancées; analyser l’application de la Stratégie pour la mobilisation des ressources; et identifier les zones marines et côtières prioritaires.

Au niveau européen, l’ONG avait tiré, le 2 octobre, un bilan désastreux de la situation européenne au regard des objectifs 2020 dans le cadre d’un rapport intitulé On the road to recovery? (Sur la voie du rétablissement?). Elle pointe en particulier les défaillances de l’Union européenne en matière de pêche, de préservation du patrimoine forestier et des surfaces agricoles, et d’orientation des subventions agricoles. Pour améliorer la protection de la biodiversité, il est impératif de supprimer les subventions nuisibles, notamment accordées dans les secteurs de l’agriculture et de la pêche, demande-t-elle.

(1) La CDB compte 192 Etats parties ainsi que l’Union européenne. Elle est entrée en vigueur en décembre 1993. Les Etats-Unis sont l’un des rares grands pays à ne pas l’avoir ratifiée.

(2) Gabon, Jordanie, Mexique, Rwanda et Seychelles

(3) Giec: Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat

Transports en commun gratuits : l’exemple d’Aubagne

Colette LE DIM
http://danactu-resistance.over-blog.com/article-alternatives-les-transports-gratuits-l-exemple-d-aubagne-110526810.html

La communauté d’agglomération du pays d’Aubagne et de l’Etoile a instauré la gratuité des transports publics pour tous depuis le 15 mai 2009, dans une visée écologique et sociale, et à la suite d’autres villes moyennes: Colomiers (près de Toulouse) pionnière dans les années 70, puis Compiègne (Oise), plus récemment, Vitré (Ille-et-Vilaine), Châteauroux et Issoudun (Indre), Mayenne (Mayenne), Gap (Hautes-Alpes), Bar-le-Duc (Meuse), Cluses (Haute-Savoie)…

La question des transports est un des problèmes importants de la communauté d’Aubagne avec 45% de personnes qui travaillent sur Marseille et l’étang de Berre. Plus de 330 000 déplacements, dont 70% en voitures, sont recensés chaque jour sur le territoire du Pays d’Aubagne et de l’Etoile.

Depuis le 15 mai 2009, les lignes régulières, les services scolaires et le transport à la demande sont gratuits pour tous et sur les 12 communes du Pays d’Aubagne et de l’Etoile: aucun justificatif n’est demandé lors de l’entrée dans les bus. Pour la municipalité, il s’agit, avec la gratuité des transports et la mise en place programmée d’un tramway, de créer une rupture avec tout ce qui existait précédemment et de modifier en profondeur les comportements des personnes. L’objectif est à la fois écologique en diminuant le trafic automobile, et donc la pollution liée entre autres au CO2, mais aussi social, en réduisant le budget transport des familles.

Les échanges avec la Communauté d’agglomération de Châteauroux dans l’Indre ont permis de gagner beaucoup de temps pour élaborer le projet sur Aubagne, tout en évitant certaines erreurs. Châteauroux a en effet instauré depuis 2001 une gratuité totale des transports, doublant ainsi le nombre de voyage annuels en transports en commun. A Aubagne, au bout de seulement 6 mois, le système de comptage automatique des passagers attestait d’une hausse de 70% de voyageurs transportés en plus sur les lignes régulières.

Ce projet, intitulé « Liberté, égalité, gratuité », a été mis en place dans le cadre d’un travail important de concertation avec la population. Il a eu un impact très positif au niveau du lien social et de la mobilité. Il a généré une réappropriation du centre ville par des personnes habitant la périphérie (femmes avec enfants, personnes âgées…) et pour qui le coût d’un abonnement représentait une somme trop élevée à payer en une fois en début de mois. Les commerces du centre ville sont beaucoup plus fréquentés, de même que le parc ou la piscine. Les transports collectifs deviennent eux-mêmes des lieux de socialisation, d’échange, de rencontre…

Contrairement à ce que certains craignaient, les bus ne sont pas dégradés du fait de la gratuité. Les chauffeurs peuvent se concentrer sur la conduite des bus et sont satisfaits de ne plus avoir à faire la police et de ne plus contrôler les passagers, ce qui était en soi source de conflits. Par ailleurs, l’augmentation de la fréquentation des bus procure un sentiment de sécurité aux passagers.

La répercussion de la gratuité des transports sur la réduction de la circulation automobile est plus longue à venir mais la fréquentation des parkings en centre ville a déjà baissé de 15 à 20%. Un bilan carbone est prévu afin d’évaluer plus précisément l’impact environnemental de la démarche.

La mise en place de la gratuité des transports en commun s’inscrit dans le cadre d’une politique de développement durable et de rénovation totale du réseau de transport entreprise depuis 2007:

  • Les lignes régulières de bus sont complétées par de plus petits véhicules assurant le transport à la demande (TAD) pour les habitants résidant dans des secteurs sans grandes lignes. Les arrêts sont matérialisés par des poteaux. Les personnes appellent une centrale téléphonique pour dire à quel arrêt elles souhaitent être prises et à quelle heure. La centrale organise les trajets en fonction des différentes personnes, ce qui s’avère plus pertinent que de faire circuler quelques bus, souvent à vide comme c’était le cas auparavant. Les jeunes utilisent massivement le TAD et s’abonnent sur des horaires au mois pour aller au collège. Ils délaissent les lignes scolaires et préfèrent être transportés avec le reste de la population, comme tout le monde et sans être « captifs » des horaires des bus scolaires.
  • Le réseau de bus fait la liaison entre les villages et la gare SNCF où un TER rapide rejoint Marseille. Un projet de réouverture de la voie ferrée de Valdonne est en cours.
  • L’inauguration d’un tramway est prévue pour 2014.
  • Le plan vélo permet le prêt d’un vélo de qualité pendant 3 mois renouvelables une ou 2 fois et destiné à inciter les personnes à en acheter un ensuite.
  • L’opération «marchons vers l’école» encourage les enfants à se rendre à pied à l’école grâce à l’aménagement de plusieurs « chemins de l’école ».
  • Un schéma d’accessibilité des transports collectifs a été adopté. En 2010, 90% des bus seront adaptés au transport des personnes handicapées ou à mobilité réduite. Les points d’arrêt sont aussi aménagés de manière spécifique.

La faisabilité de la gratuité des transports en commun a été facilitée par la reconnaissance récente de la communauté d’agglomération du Pays d’Aubagne et de l’Etoile (101 000 hab., 12 villes et villages à l’est de Marseille). La Taxe Versement Transport payée par les entreprises de plus de 9 personnes est ainsi passée de 0,6% à 1,05% du fait du changement de taille de l’agglomération (plus de 100 000 habitants). L’augmentation de cette taxe a été relativement bien acceptée par les industriels dans la mesure où les lignes ont été prolongées jusqu’aux entreprises. Elle atteindra 1,80% lorsque le tramway sera ouvert. Ce surplus versé par les entreprises a compensé la perte du budget billetterie. D’autre part, ce manque à gagner a été limité du fait que le ticket de bus était un des moins chers de France et que les personnes touchant le RMI ainsi que celles plus de 60 ans non imposables bénéficiaient déjà de la gratuité des transports.

Remarque: Cette gratuité des transports collectifs a pu être mise en place bien que la compagnie de bus soit privée, Véolia ayant racheté l’ancienne compagnie locale, les Autobus Aubagnais, dans le cadre d’une délégation de service public.

Article réalisé grâce aux renseignements fournis par Daniel Fontaine, maire d’Aubagne, et Antoine Di Ciaccio, vice-président de la Communauté d’agglomération et président de la commission développement économique et tourisme.

 

Pour plus de renseignements:

  • Un diaporama réalisé pour présenter le projet dans son ensemble. Il comprend entre autres des indications chiffrées sur la fréquentation des bus, l’évolution des budgets etc.: voir ci-dessous en pièce jointe.
  • Un reportage diffusé au JT de France 2 le 24 novembre 2011 http://vimeo.com/33002208

 

SOURCE / SPIRALE.ATTAC.ORG

L’Allemagne minée par les inégalités

Frédéric Lemaître (Correspondant à Berlin)
www.lemonde.fr/idees/article/2012/10/03/l-allemagne-minee-par-les-inegalites_1769307_3232.html

A un an des prochaines élections, à l’automne 2013, les questions sociales occupent à nouveau le devant de la scène allemande. Samedi 29 septembre, environ 40 000 personnes ont manifesté dans tout le pays pour réclamer une augmentation des impôts payés par les plus riches. Lundi 1er octobre, à peine nommé candidat du SPD à la chancellerie contre Angela Merkel, Peer Steinbrück a attaqué celle-ci sur deux thèmes principaux : les bas salaires et le minimum vieillesse.

Ce tir groupé n’est pas une coïncidence. L’Allemagne se porte mieux que la plupart des pays européens, le chômage, y compris chez les jeunes, est très bas (6,8 % de la population active), les caisses d’assurance-maladie sont excédentaires et le budget 2013 n’est pas loin de l’équilibre. De quoi faire des envieux. Mais si l’Allemagne va bien, ce n’est pas le cas de tous les Allemands.

Dix ans après les réformes menées par le chancelier Gerhard Schröder, le pays est redevenu ultra-compétitif. Mais à quel prix ? Le débat divise, notamment la gauche qui, pourtant, a porté ses réformes sur les fonts baptismaux. En 2010, 20 % des Allemands travaillant dans une entreprise de plus de dix salariés percevaient un bas salaire, soit, en brut, moins de 10,36 euros de l’heure. Un pourcentage en hausse ces dernières années. Dans certains secteurs – chauffeurs de taxi, salons de coiffure, nettoyage industriel et restauration –, ces bas salaires concernent plus de 75 % des salariés. Un quart des Allemands – souvent les mêmes – occupent un emploi dit atypique, c’est-à-dire qui n’est pas un contrat à durée indéterminée à plein temps.

D’où le débat sur le salaire minimum. Quelque 6,8 millions de personnes gagneraient moins de 8,50 euros de l’heure, seuil qui, selon les syndicats et le SPD, devrait constituer le salaire minimum dans le pays alors que le gouvernement refuse de légiférer sur le sujet et mise sur la bonne volonté des partenaires sociaux. Ces « salariés pauvres » ne sont d’ailleurs pas les seuls pauvres du pays. L’Allemagne compte six millions de personnes touchant une allocation (Hartz IV) équivalente au RSA. Si le gouvernement peut se féliciter à juste titre de la diminution du nombre de chômeurs de longue durée de 40 % entre 2007 et 2011, il n’en reste pas moins que 1,13 million d’adultes capables de travailler perçoivent ce revenu minimum depuis sa création en 2005.

A l’autre bout de l’échelle, les Allemands les plus riches se portent bien. Selon les statistiques officielles, les 10 % des Allemands les plus riches qui possédaient 45 % de la richesse privée du pays en 1995 en possédaient 53 % en 2008, alors que les 50 % du bas de l’échelle se partagent 1 % (contre 4 % en 1995). Entre les deux, les Allemands qui se situent entre le 6e et le 9e décile détiennent 46 % de ce patrimoine, contre 51 % au milieu des années 1990. C’est ce contexte qui explique les manifestations organisées le 29 septembre.

Ces manifestants revendiquent une augmentation de la tranche supérieure d’imposition – ramenée de 53 % à 42 % par M. Schröder puis à 45 % pour les revenus supérieurs à 250 000 euros par Mme Merkel –, une hausse de l’impôt sur les successions et un retour de l’impôt sur la fortune, supprimé en 1997. Avec des modalités et des seuils différents, les trois partis de gauche, les Verts, le SPD et Die Linke, le parti de la gauche radicale, plaident pour un nouvel impôt sur la fortune.

Regroupées sous le sigle UmFAIRteilen – un jeu de mots qui signifie redistribuer de manière équitable –, les organisateurs des manifestations du 29 septembre ont été fortement influencés par une étude d’un institut réputé, le DIW. Selon celle-ci, en Europe et notamment en Allemagne, les fortunes privées et même les fortunes des 10 % les plus riches sont supérieures aux dettes des Länder. D’où l’idée de prendre davantage aux riches pour rembourser les dettes publiques. L’idée peut paraître primaire, elle a fait mouche.

Ces inégalités de revenus sont d’autant plus choquantes que l’ascenseur social semble en panne. Selon l’OCDE, le système éducatif allemand s’améliore, mais seuls 20 % des jeunes Allemands ont un diplôme plus élevé que leurs parents. Un chiffre presque inférieur de moitié à celui des grands pays industrialisés. Même si, selon l’institut IW-Köln, la crainte des Allemands de devenir pauvres est injustifiée – seuls 2 % des 20 millions de foyers situés dans la classe moyenne perdent chaque année une partie importante de leurs revenus –, la perspective de « devenir Hartz IV » est présente dans bien des esprits.

Dépeindre l’Allemagne en noir est excessif. Considérer qu’elle ne doit ses succès à l’exportation qu’aux bas salaires est se tromper de diagnostic. Mais dix ans après les réformes Schröder connues sous le nom d’Agenda 2010, le pays a manifestement besoin d’un Agenda 2020.