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Articles du Vendredi : Sélection du 5 juillet 2013 !

« Notre-Dame-des-Landes, comme le Larzac hier, est le totem de nos inquiétudes »

Rémi Barroux
Le Monde du 29.06.2013

Les limites décriées des enquêtes publiques

Hervé Kempf
Le Monde du 29.06.2013

Au pays des frondes contre les projets « inutiles »

Rémi Barroux
Le Monde du 29.06.2013

Qu’elle est difficile la transition énergétique régionale

Valéry Laramée de Tannenberg
www.journaldelenvironnement.net/article/qu-elle-est-difficile-la-transition-energetique-regionale,35368?xtor=EPR-9

La culture, quatrième pilier du développement

Olivier Blond
www.goodplanet.info/Contenu/Focus/La-culture-quatrieme-pilier-du-developpement-durable

« Le retour de la croissance est un mirage »

Les militants du Collectif Roosevelt, le Béarnais Pierre Larrouturou (PS) en tête, exercent une grosse pression sur l’exécutif pour voir Hollande abandonner les doctrines classiques
www.sudouest.fr/2013/06/30/le-retour-de-la-crois-sance-est-un-mirage-1101159-5137.php

Obeditu ala hil: ez ote dira gauza bera?

Iván Giménez
www.argia.com/argia-astekaria/2376/obeditu-ala-hil-ez-ote-dira-gauza-bera

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« Notre-Dame-des-Landes, comme le Larzac hier, est le totem de nos inquiétudes »

Rémi Barroux
Le Monde du 29.06.2013

Les grands projets d’infrastructure n’ont pas toujours déclenché de contestations locales. Sociologue, directeur de recherche au CNRS, Jean Viard est spécialiste des politiques d’aménagement du territoire et des rapports entre la ville et la campagne. Il voit dans le mouvement actuel l’aspiration d’une frange de la population à tourner la page d' »une économie fossile » et à vivre autrement.

La résistance contre la construction de nouvelles infrastructures a-t-elle toujours existé en France ?

Tant que l’Etat a été perçu comme porteur de grands projets motivés par l’intérêt collectif, l’aménagement du territoire a peu souffert de contestation. A la fin des années 1960, lorsqu’il s’agit de créer le complexe portuaire de Fos-sur-Mer, l’Etat est puissant et le gaullisme au pouvoir tient un vrai discours de projet. C’est l’époque du Concorde et du paquebot France. De l’autre côté, le Parti communiste et la CGT tiennent un discours fort sur l’emploi. Les grands projets incarnent cette complémentarité. Dans le Languedoc, on a pu en silence supprimer deux millions de fermes, aménager les côtes et créer des villes nouvelles…

Pourtant, avec Mai 68, l’esprit de contestation a ébranlé le pouvoir gaulliste. Des revendications écologiques, sur le mode de vie, sont apparues. La lutte du Larzac prend forme en 1973… Oui, mais le rapport de force reste encore largement en faveur de l’Etat. En 1973, EDF peut construire le barrage de Sainte-Croix sur le Verdon en inondant une vallée agricole et un village. La protestation existe mais le gouvernement parvient à la gérer. Autre exemple, quand on fait Sénart, en Seine-et-Marne, dans la vague de la création des villes nouvelles au début des années 1970, l’Etat bouscule sur 13 communes des dizaines de milliers de personnes en consommant énormément de terres agricoles. Pourtant, il n’y a pas eu beaucoup de protestations. Cela serait difficile aujourd’hui. La société n’est plus portée par de grands projets collectifs ni par une vision claire du bien public.

Les partis politiques ont-ils pris la mesure des résistances locales ?

La classe politique reste très conservatrice. Elle est orientée vers l’économie financière et industrielle, et ne s’interroge pas sur l’évolution des rapports avec la nature portée par ces mouvements. Dans les années 1970-1980, dans le sillage de Mai 68 et du Larzac, un horizon existait pour « changer la vie ». Cette échappée politique n’existe plus. Le Parti socialiste est en réalité passé largement à côté de 1968, il a peu intégré la culture du débat et la question environnementale. Cela explique en partie la façon dont le gouvernement réagit aujourd’hui, en dépit des inquiétudes légitimes qu’expriment certaines contestations, comme par exemple sur Notre-Dame-des-Landes.

Vous dites qu’il n’y a plus d’horizon politique, cela signifie-t-il que ces mouvements de lutte contre les projets ne sont pas politisés ?

Non, mais il n’y a plus de pensée collective, il existe des luttes partagées, des moments aléatoires de rencontre. De petites tribus. Les classes sociales se sont défaites et la tribu/famille joue un nouveau rôle important. C’est une société du bonheur privé et du malheur public. Les jeunes qui occupent les terrains n’ont pas nécessairement d’horizon politique général. Pour eux, l’idéologie de l’économie fossile « solution à tout » doit être remplacée par une économie circulaire structurée autour du local et des circuits courts.

Comme le Larzac, le mouvement contre le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes dépasse le strict enjeu local…

La lutte n’est pas à la même échelle mais Notre-Dame-des-Landes, comme le Larzac hier, est le totem de notre époque et de nos inquiétudes. Ces militants portent la question de l’empreinte écologique, de la consommation des terres agricoles et des liens de proximité. Alors que les responsables politiques restent axés sur la production industrielle, et ont du mal à penser que c’est là où on vit bien que les entreprises se développent. Le nouveau musée de Lens va attirer plus d’entreprises que les discours du ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg. Le local fait sens dans l’imaginaire collectif, et c’est aux politiques de lier ces attentes à des enjeux européens et globaux.

Ces mouvements ont progressé en capacité d’expertise, en quoi cela change-t-il le dialogue avec les pouvoirs publics ?

L’accès à l’information grâce à la révolution numérique et à l’élévation du niveau de formation modifie le débat démocratique. Le savoir n’est plus obligatoirement du côté du pouvoir. Toutes les thèses scientifiques, et même les plus erronées, sont accessibles. L’idée qu’il existe une vérité s’est affaiblie. Avant, il y avait le primat de l’ingénieur. Les polytechniciens avaient le pouvoir. Aujourd’hui, il y a un net recul de l’autorité et de la chose jugée, un rejet des grands corps, des hiérarchies. La société est beaucoup plus horizontale. Le vertical, c’était le pouvoir du patron, du prêtre, du père… du président et aussi des énarques qui encombrent les cabinets ministériels ! Nous vivons dans une société de liberté, de réseaux, et le monde politique – en particulier le PS et l’UMP, deux partis très verticaux – s’est très mal adapté à cette nouvelle réalité.

Les limites décriées des enquêtes publiques

Hervé Kempf
Le Monde du 29.06.2013

La multiplication des mouvements de protestation à travers la France contre les projets d’aménagement est le signe d’un malaise croissant à l’égard des mécanismes de décision collective. Le principal d’entre eux est l’enquête d’utilité publique. Son principe, introduit en 1834 pour consulter les propriétaires visés par une procédure d’expulsion, a été profondément réformé en 1983 par Huguette Bouchardeau, alors ministre de l’environnement.

Mais, observe Jean-Michel Fourniau, chercheur à l’Institut français des sciences et des technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux (IFSTTAR), « le problème est que l’enquête intervient en fin de processus, quand la décision est prise ». De surcroît, souligne Françoise Verchère, conseillère générale (Parti de gauche) de Loire-Atlantique, « l’administration organise souvent un « saucissonnage » des enquêtes publiques, afin d’empêcher une vision globale du projet ». Il arrive aussi que les données communiquées lors de l’enquête se révèlent a posteriori fallacieuses, ce qui signifie que le public a été trompé.

« DÉFIANCE »

Les limites de l’enquête d’utilité publique ont été perçues depuis près de vingt ans. Cela a conduit à la mise en place de la procédure de débat public par la loi Barnier de 1995, qui créait une commission nationale du débat public (CNDP) sur des grandes infrastructures. Elle a organisé environ 70 débats, selon trois grands principes : la transparence de l’information, la nécessité d’un débat argumenté, la représentation équitable des différents acteurs. Cela a pu faire annuler des projets (comme l’autoroute A 32 entre Metz et Nancy) ou les modifier (enterrement de lignes à très haute tension). « L’intérêt du débat public est qu’en principe on discute de l’intérêt du projet tôt dans le processus de décision, dit Loïc Blondiaux, chercheur en science politique à l’université Paris-I. Mais, en pratique, cela ne se fait pas, le projet est souvent décidé en amont, surtout pour le nucléaire. »

Ainsi, un débat public avait eu lieu en 2006 sur les déchets nucléaires, concluant à la nécessité de stocker les déchets en surface ou proche de la surface. Le choix avait été balayé par les parlementaires dans la loi de juin 2006, imposant celui de l’enfouissement en profondeur. « On avait été bafoués, dit Michel Marie, du Collectif contre l’enfouissement des déchets radioactifs (Cedra), comment croire ensuite au débat ? » C’est que, observe Christian Leyrit, président de la CNDP, « l’articulation entre démocratie participative et démocratie représentative reste compliquée ».

Au-delà des procédures, dit M. Leyrit, « il s’est développé une défiance des citoyens envers les institutions et l’Etat ». « La confiance dans l’utilité alléguée des projets est devenue très mesurée », observe Loïc Blondiaux.

Pour Françoise Verchère, « les citoyens découvrent assez vite que nombre de projets ne sont pas réellement d’utilité publique, alors que, par exemple, la création d’écoles est toujours bien acceptée, parce que l’utilité ne fait pas de doute. »

Et puis, plus largement, des divergences de fond existent souvent entre les promoteurs des projets et leurs contradicteurs : « Le changement climatique est un bon exemple, dit Jean-Michel Fourniau, soit on tire la conséquence du fait que la crise climatique est d’origine anthropique, soit on le conteste. A un moment, on ne peut plus discuter. Le projet local n’est plus le coeur du sujet. Faire un aéroport à Notre-Dame-des-Landes, c’est favoriser un mode de développement. »

Y a-t-il des remèdes à cette crise de la décision ? Sans doute : les méthodes de conférence de citoyens ou d’assemblée citoyenne ont fait leurs preuves. Mais il y faut un ingrédient indispensable : le désir des responsables d’entendre les citoyens.

Au pays des frondes contre les projets « inutiles »

Rémi Barroux
Le Monde du 29.06.2013

Vraie bombe pour les nombreuses collectivités territoriales qui attendent de voir se réaliser leurs projets d’infrastructures de transports, le rapport remis par Philippe Duron au gouvernement, jeudi 27 juin, est une aubaine pour ceux qui s’opposent au bétonnage du territoire. Le député socialiste du Calvados préconise la fin du « tout-TGV » et du « tout-autoroutes », et propose notamment le report (l’abandon ?) de nombreux projets de lignes à grande vitesse, comme Bordeaux-Hendaye, ou de tronçons d’autoroutes, tel l’A51 entre Gap et Grenoble, contestés localement.

Cette proposition de révision des schémas de transports, dont le premier ministre Jean-Marc Ayrault a dit qu’il partageait « le diagnostic précis », suffira-t-elle à calmer la contestation des collectifs locaux formés contre ces projets qu’ils jugent inutiles, voire néfastes ? Pour quelques-uns d’entre eux peut-être, mais la fronde ne concerne pas uniquement les grandes infrastructures de transports.

Centres commerciaux, équipements sportifs, centrales à gaz, projets d’exploitation de gaz de schiste, déchetteries géantes : les batailles se mènent contre les projets les plus « modestes », comme le golf gardois de Saint-Hilaire-de-Brethmas, jusqu’aux plus ambitieux, tel l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique). Parfois avec pour seule préoccupation de s’opposer à la dégradation de son environnement personnel – à l’image du mouvement Nimby ( Not in my Backyard – « Pas dans mon arrière-cour » !) présent dans d’autres pays –, mais le plus souvent pour défendre une autre idée de l’intérêt collectif, du développement économique et de l’utilisation des fonds publics.

Quand des dizaines de milliers de personnes se rassemblent dans le bocage nantais pour dire non à Notre-Dame-des-Landes (NDDL), le message va au-delà de l’opposition à ce seul projet. La création de ZAD – zones d’aménagement différé, rebaptisée « zones à défendre » par les occupants de NDDL – est devenue le signe commun de ces révoltes. Militants écologistes, altermondialistes, libertaires, syndicalistes paysans ou enseignants, novices de la contestation ou vétérans du Larzac des années 1970 : ils défendent le maintien d’espaces agricoles et contestent les modes de décision d’un pouvoir jugé trop centralisé.

ZÈLE DES ÉLUS

Soixante mille hectares de terres agricoles disparaissent chaque année. Soit, au bout de sept ans, l’équivalent de la superficie moyenne d’un département. Cette réalité forme le terreau des contestations attisées par le zèle d’élus qui, mis en concurrence par la multiplication des niveaux de gouvernance, rivalisent de projets « marqueurs de leur territoire ».

Comment garder la maîtrise de son environnement ? Les occupations pour empêcher une quatre-voies ou l’extraction de gaz de schiste sont devenues une façon de se faire entendre et ouvrent la perspective d’une possible victoire contre les pouvoirs publics. « Beaucoup se retrouvent impuissants face à la perte de leur emploi décidée ailleurs, alors que dans ces luttes, ils savent pouvoir gagner, car ils sont là, ils occupent le terrain », estime José Bové, député européen Europe Ecologie-Les Verts et figure des luttes du Larzac.

Qu’elle est difficile la transition énergétique régionale

Valéry Laramée de Tannenberg
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A l’époque, la décision passe totalement inaperçue. Il s’agit pourtant d’une évolution juridique importante. Deux mois tout juste après l’avoir demandée, la région Guadeloupe se voit accorder, le 27 mai 2009, une habilitation à «fixer des règles spécifiques à la Guadeloupe en matière de maîtrise de la demande en énergie, de réglementation thermique pour la construction de bâtiment et de développement des énergies renouvelables». Une première française!

Fruit de la révision constitutionnelle de 2008, l’article 73 de la Constitution dispose que les lois et règlements «peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières» aux départements et régions d’Outre-mer. Les collectivités régies peuvent donc être «habilitées» à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire.

Ce principe souffre néanmoins quelques exceptions: la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l’état et la capacité des personnes, la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l’ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, sans oublier le droit électoral.

A l’invitation de l’Association des journalistes de l’environnement (AJE), deux responsables de la politique énergétique guadeloupéenne sont venus à Paris, ce 28 juin, pour établir un premier bilan de ce nouveau type de décentralisation. La politique énergétique de l’archipel avait, il est vrai, besoin d’une sérieuse reprise en main.

Légalement, la Guadeloupe, à l’instar des autres DOM-COM doit conquérir son indépendance énergétique à l’horizon 2050. Ambitieux, si l’on garde à l’esprit que l’approvisionnement énergétique du territoire antillais dépend à 85% des importations d’hydrocarbures et de charbon; et que, depuis une quinzaine d’années, la consommation d’électricité progresse d’environ 4% l’an. «La conséquence d’un rattrapage en équipements électroménagers et en climatiseurs», explique Harry Durimel, président (Caraïbes Ecologie-les Verts) de la commission Energie du conseil régional.

A peine investis de leurs nouvelles responsabilités, les Guadeloupéens comprennent la difficulté de l’exercice auquel ils vont devoir se soumettre. En propre, la Région ne dispose d’aucune expertise sur les sujets complexes qui sont désormais de sa compétence. Or l’habilitation n’a été accordée que pour deux ans. «Il y avait clairement un manque de confiance de l’Etat français à notre égard», estime Harry Durimel.

Très vite, le conseil régional s’assure les services d’un bureau d’études pour l’assister dans la maîtrise d’ouvrage, de deux cabinets de juristes et du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB). Le bâtiment est la priorité. Le gouvernement vient, en effet, de publier la première réglementation technique de la construction dans les DOM (RTAA DOM). «Or ce texte est très limité et ne fixe que des obligations de moyens pas toujours adaptés à chaque territoire», explique Céline Jules, chef du service Energie de la Région.

En quelques mois, et après moult concertations avec les professionnels et les représentants des institutions, le Journal officiel de la République française (JORF) publie le règlement thermique Guadeloupe (RTG). Remplaçant, sur le territoire, la RTAA DOM, le RTG s’applique à tous types de bâtiments (tertiaire compris) et substitue l’obligation de résultat à celle de moyen, tout en restant compatible avec la directive européenne sur l‘efficacité énergétique des bâtiments.

A coups de délibérations, toutes publiées au JORF, la Région s’attribue de nouvelles compétences. Après avis de ses experts, le conseil régional peut mettre son veto à l’installation de fermes éoliennes et surtout photovoltaïques. «Nous avons clairement banni la construction de centrales solaires au sol sur les terres agricoles», reconnaît Céline Jules. En trois ans, le potentiel de la Région à faire évoluer les choses commence à être reconnu.

En fixant des règles locales pour la construction, le développement du photovoltaïque, le soutien aux chauffe-eau solaires, l’information du consommateur, la Région s’est forgée une véritable compétence. Ce qui n’allait pas de soi. «Au départ, nous n’avons bénéficié du soutien d’aucun service de l’Etat, ni d’EDF, ni de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), maintenant ils travaillent tous avec nous», se réjouit Harry Durimel. Résultat: les coopérations se développent et pourraient déboucher sur la création d’un marché local des certificats d’économie d’énergie.

De plus, l’habilitation reste très limitée, dans les faits. «Avant la réforme du Code général des collectivités territoriales, notre habilitation n’était que de deux ans, renouvelable. Nous pensions pouvoir mettre en place un bonus-malus pour favoriser l’achat d’équipements sobres ou de chauffe-eau solaires, mais cela nous est interdit. L’Etat nous a laissé des compétences, sans nous donner les moyens», détaille Céline Juste.

Autre écueil: les délibérations guadeloupéennes ne sont pas codifiées. Résultat: des contradictions entre les codes de la construction, de l’énergie ou de l’environnement et les textes régionaux. «On réfléchit donc à la rédaction d’un code de l’énergie guadeloupéen», commente Harry Durimel. Un texte qu’il ne faudra pas manquer d’envoyer à Paris. Lors de la rédaction de la fameuse loi Brottes, les parlementaires ont oublié que la compétence énergétique guadeloupéenne était désormais régionale et non plus préfectorale. Un détail.

Malgré ses insuffisances, l’expérience guadeloupéenne fait des émules. Depuis 2011, les Martiniquais tiennent aussi leur avenir énergétique entre leurs mains. Et bénéficie de l’expérience de leurs voisins. D’autres régions pourraient leur emboiter le pas.

La culture, quatrième pilier du développement

Olivier Blond
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Et si il manquait quelque chose au développement durable ? Et si les trois piliers qu’inclue sa définition officielle : le social, l’environnement et l’économie, avaient laissé quelque chose de bancal et qu’il en manquait un quatrième pour établir le concept plus fermement ? Plus de 20 ans après la définition proposée par Gro Brundtland pour les Nations Unies, c’est ce que pensent certains experts. Ils proposent d’ajouter la diversité culturelle au triptyque actuel. La culture deviendrait ainsi le quatrième pilier du développement durable.

Prendre en compte la dimension culturelle dans l’alimentation c’est, par exemple, protéger la richesse des traditions gastronomiques de la société française, mais c’est aussi les modes de production alimentaires qui lui sont associés, comme les appellations d’origine contrôlée, qui associent économie agricole, savoir-faire locaux, et environnement. Dans certains cas, l’imbrication est encore plus étroite. Pour améliorer la sécurité alimentaire de plusieurs pays d’Afrique, par exemple, on recommande une diversification des aliments, diversification qui a été mise à mal par les importations de riz ou de maïs à bas prix, aux dépends des productions locales. Mais relancer les cultures locales de légumes implique que les populations redécouvrent des recettes pour cuisiner ces aliments, y trouvent goût, aient envie de les consommer, etc. C’est un problème autant culturel qu’environnemental, économique ou social.

Dans l’habitat, la dimension culturelle est également très forte. Avec deux dimensions contradictoires : d’une part, avec une standardisation croissante des formes d’habitat sur toute la planète. Et de l’autre, avec la réhabilitation des savoir faire-locaux qui ont permis pendant des siècle à des populations de vivre de manière adaptée et résiliente. « Il ne s’agit pas de faire du folklore. Mais dans perspective du développement durable, les savoir-faire ancestraux ont certains mérites. Ainsi, lors de tremblements de terre en Chine ou Pakistan, plusieurs bâtiments traditionnels ont résisté aux secousses tandis que les bâtiments modernes en béton se sont effondrés.

Il faut donc faire en sorte que les grandes entreprises de BTP intègrent cette dimension, ce qu’elle sont capables de faire dès lors qu’il y a une demande qui s’exprime », explique Jean Musitelli, ancien ambassadeur de France à l’Unesco et président de Diversum, association qui encourage une prise en compte de l’environnement culturel dans les politiques de développement durable.

En 2002, lors du sommet de la Terre à Johannesburg, cette dimension culturelle a été reconnue. Puis, en 2010, le troisième Congrès mondial de Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU), regroupant de nombreuses villes comme Paris, Mexico, Istamboul et Sao Paulo, a adopté un document intitulé “La Culture: Quatrième Pilier du Développement Durable”. Le document affirme, entre autres, que la culture est nécessaire dans toute sa diversité pour relever les défis actuels auxquels l’humanité doit faire face. « Cette vision repose sur la notion de diversité culturelle portée par l’Unesco », souligne Jean Musitelli.

Le texte mentionne. « Le monde ne fait pas uniquement face à des défis d’ordre économique, social ou environnemental. La créativité, la connaissance, la diversité et la beauté sont autant de fondements indispensables au dialogue en faveur de la paix et du progrès. Ces valeurs sont, en effet, intrinsèquement liées aux notions de développement humain et de liberté. Les défis culturels de notre monde sont bien trop importants pour justifier qu’ils ne reçoivent pas une attention égale aux trois autres dimensions originales du développement (l’économie, l’inclusion sociale et l’équilibre environnemental). Ce quatrième pilier crée de solides passerelles avec les trois autres dimensions du développement, et il est complémentaire avec chacune d’entre elles. »

C’est dans ce cadre que s’inscrit un mouvement plus récent encore : celui de l’économie mauve, lancée en France en 2011 par Diversum. Qu’est-ce donc ? L’économie mauve, c’est un clin d’œil à l’économie verte. Elle repose sur l’idée d’une nouvelle alliance entre culture et économie. Mauve est la couleur « de la créativité et de l’imaginaire, dont les nuances signent le reflet d’une adaptation aux spécificités de chacun, pour autant qu’elles respectent les libertés fondamentales », écrivent plusieurs intellectuels et personnalités dans une tribune publiée par le journal Le Monde.

Plus globalement, alors que la crise économique se fait ressentir chaque jour d’avantage en Europe, l’idée est que « ce marasme n’est pas conjoncturel, mais qu’il renvoie à des causes profondes : l’épuisement du modèle productiviste de nos sociétés occidentales ». D’une part à cause de l’utilisation peu judicieuse des ressources naturelles, mais aussi parce que le monde se reconfigure à l’aube du XXIe siècle, entre autres, autour de l’intelligence et de la culture et que cela n’a pas été suffisamment pris en considération dans les modèles classiques. Or, la culture est une valeur ajoutée, un facteur de croissance, et donc une source d’emplois, un mode de développement qu’il faut encourager.

Pour poursuivre le parallèle avec l’économie verte et le concept associé de responsabilité des entreprises (RSE), il y a également une responsabilité culturelle des entreprises : toute activité humaine produit des externalités positives ou négatives qui impactent sur la culture comme elles impactent sur environnement. Cet aspect a été analysé sur l’environnement mais beaucoup moins sur la culture. Et pour poursuivre le parallèle avec un autre concept « vert », celui de l’empreinte écologique (l’impact sur les écosystèmes), on peut imaginer calculer un jour une empreinte culturelle.

Bref, comme l’explique Jean Musitelli : « Il faut se remettre à penser. »

« Le retour de la croissance est un mirage »

Les militants du Collectif Roosevelt, le Béarnais Pierre Larrouturou (PS) en tête, exercent une grosse pression sur l’exécutif pour voir Hollande abandonner les doctrines classiques
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Coanimateur du Collectif Roosevelt, le Béarnais Pierre Larrouturou a repris sa carte au PS voici un an. Au congrès de Toulouse, il avait présenté une motion avec feu Stéphane Hessel (12 %). Il siège depuis au bureau politique du PS. Et alerte inlassablement les décideurs de l’Élysée et de Matignon quant à l’ampleur de la crise historique que nous vivons. Il fut l’un des rares économistes à voir venir la crise financière de 2008.

« Sud Ouest Dimanche ». Attendre le retour de la croissance, comme le fait François Hollande, est selon vous une impasse. Pourquoi ?

Pierre Larrouturou. Parce que plus personne ne peut y croire. Il suffit de regarder les graphiques (ci-dessous). Nous avons déjeuné récemment à l’Élysée, Michel Rocard, Bruno Gaccio et moi-même, avec l’un des principaux conseillers de François Hollande. Après deux heures de travail, il a admis le caractère totalement décalé de la politique actuelle. « J’ai l’impression qu’on fait une politique des années 1980. Une politique qui aurait pu marcher il y a trente ans », a-t-il lâché. « C’est effrayant », m’a dit Rocard en sortant.

Pourquoi la croissance tant attendue ne peut-elle pas venir ?

L’Allemagne est retombée en récession. Le Japon est à deux doigts du chaos (déficit de 10 % PIB). La bulle immobilière explose en Chine. Aux États-Unis, alors que la Banque centrale a créé 1 000 milliards en un an pour stimuler la reprise, la croissance vient d’être revue à la baisse… Tout miser sur le retour de la croissance, c’est la méthode Coué.

Pourquoi est-il si difficile de changer de logiciel ?

Il y a quarante ans, c’est vrai, croissance était synonyme de progrès social. Ce n’est plus le cas. Plus on attend la croissance, plus on va vers un pourrissement social et politique au risque d’une explosion. Soyons clairs : avec l’UMP, cela aurait été pire. Le bilan de l’UMP, c’est 1,5 million de chômeurs. Et l’UMP misait sur 1,75 % de croissance cette année.

Quel est le cœur du problème ?

En 2003 déjà, la Banque des règlements internationaux, la banque centrale des banques centrales, pointait le déséquilibre grandissant entre ce qui va aux salaires et ce qui va aux bénéfices dans tous les pays occidentaux. Et prévenait du risque d’une récession mondiale par manque de consommation. Ce n’est pas l’extrême gauche mais bien la banque centrale des banques centrales qui affirmait qu’un trop grand niveau d’inégalités nous menait dans le mur et que la croissance ne se maintenait que par l’endettement privé des citoyens. La crise n’est donc pas une crise de l’État providence mais bien une crise du capitalisme, dont l’ampleur est telle que l’État providence n’arrive plus à la compenser. La solution n’est pas l’austérité mais la justice sociale.

Comment sont reçus vos arguments à Matignon et à l’Élysée ?

« Très intéressant », nous dit-on à chaque fois. Mais rien ne bouge. Pourtant, nos propositions sont toutes chiffrées et crédibles. C’est une question de volonté politique. Pour sauver les banques, on a mis 1 000 milliards sur la table à 1 %. Pourquoi ne pas faire de même pour financer la vieille dette publique à 1 % ? C’est faisable sans changer les traités, si l’argent transite par la BEI. Cette idée a le soutien de Philippe Maystadt, ancien président de la Banque européenne d’investissement. Si on l’avait mise en œuvre il y a un an, nous aurions évité la récession. « Pierre, pourquoi ça ne se fait pas ? » m’a demandé l’autre jour Jean-Marc Ayrault. Je lui ai suggéré de poser la question à l’Élysée, puisque, il y a un an, deux conseillers du président affirmaient que l’idée était excellente et qu’il fallait la mettre sur la table de négociation sans tarder.

C’est donc à l’Élysée que cela coince ?

Je ne sais pas ce qui coince. Le président est sûrement conscient de l’urgence de la situation. Ce qu’il vient d’impulser en matière de lutte contre les paradis fiscaux le montre. L’été dernier, il nous avait écrit, à Stéphane Hessel et moi, pour dire que nos propositions étaient très intéressantes, mais pour le moment on continue des politiques beaucoup trop classiques.

Or, dans notre monarchie républicaine, l’impulsion ne peut venir que de l’Élysée…

En 1983, Pierre Mauroy et François Mitterrand ont eu le courage de dire que leur programme n’était pas adapté à la réalité. Il faut aujourd’hui que François Hollande et Jean-Marc Ayrault fassent preuve du même courage. En 1983, la vérité était difficile à dire : à l’époque, ce qui allait aux salaires était trop important et gênait l’investissement des entreprises. Trente ans plus tard, au contraire, ce qui va aux salaires est trop faible dans tous les pays. Rééquilibrer le partage actionnaires/salariés et déclarer la guerre aux bénéfices exagérés ne devrait pas être trop difficile pour la gauche. La difficulté, aujourd’hui, est de reconstruire la justice sociale sans croissance. C’est ça qui est radicalement nouveau. Mais – bonne nouvelle ! – c’est tout à fait faisable. Cela demande une petite révolution intellectuelle. Renverser la table, comme Roosevelt le fit en 1933. Parler à l’intelligence des citoyens. Tenir bon face aux lobbies bancaires.

Comment posez-vous le débat au bureau national du PS ?

Honnêtement, le débat y est pour l’heure quasiment impossible sur les questions européennes et économiques.

Si vous rencontrez François Hollande demain, que lui dites-vous ?

Le président parlait récemment d’un choc de simplification. Personne ne lui en voudrait de passer à un choc de vérité. Ce n’est pas sa faute si la crise redouble aux quatre coins de la planète. Nous sommes des millions à vouloir que la gauche réussisse, à changer de modes de vie pour construire une nouvelle société, plus humaine. L’histoire retiendra les années 2013-2014 comme celles d’un effondrement ou comme celles d’un sursaut d’intelligence et de coopération. À lui de choisir. Globalement, nous n’avons jamais été aussi riches. Nous avons tout pour vivre dans un pays de cocagne. La solution, c’est un nouvel équilibre, un nouveau partage des revenus, du travail, de l’accès à la culture et du pouvoir.

Obeditu ala hil: ez ote dira gauza bera?

Iván Giménez
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Nahiko txarra eta zaharra den txantxa batek honako hautaketa hau planteatzen du: sustoa ala heriotza? Hautatzera beharturik, umeek eta inozoek argi daukate: sustoa. Eta sustoa handia delarik, kexu agertzen dira ez zutelako espero halako izualdirik. “Heriotza hautatzea zenuen!”, erantzuten diegu.

Agian ez da txiste ona, baina errealitatean oinarrituta dago, bazkalostean ematen dituzten telefilm iparamerikar negargarri horiek bezala. Gure eguneroko bizitzara ekarrita, FMIk, Merkelek eta Bruselak agintzen dutena “sustoa” litzateke, eta umeek eta inozoek ongi dakiten bezala, sustoa herioa baino askoz hobea izanen da beti. Baina, kasu honetan, zer da herioa? Zer da susto hori onartzen ez badugu pairatuko dugun herioa? Imajinatzerik ere ez dugu, guztiz apokaliptikoa omen da eta.

Gauzak horrela, ez dago aukerarik, ez dago beste biderik, sustoa hautatzera behartuta gaude (zoritxarrez, diotenez). Hurrengo sustoa noiz etorriko zain gara, jakinda ere sustoa ezin dela ezeren konponbidea izan. Baina tira, sustorik susto, norantz? Eta are larriago eta kezkagarriagoa dena, noraino? Azken batean, heriotzaraino. Orduan, –txiste txar (edo gaizto?) horretan bezala– “hautatu herioa!”.

Sustoz susto ari gara atzera egiten, amildegiari bizkarra emanda, ertzetik gero eta gertuago, azken sustoaren zain, heriotza saihesteko ahalegin patetikoan

Txistearen amaierara iritsita, eta txiste honen barruan gaudela behin jabeturik, agian herioa hautatzeko ordua heldu zaigu. Azken finean, sustoz susto ari gara atzera egiten, amildegiari bizkarra emanda, ertzetik gero eta gertuago, azken sustoaren zain, heriotza saihesteko ahalegin patetikoan. Hain justu, umeek eta inozoek egiten duten bezala, errealitateari eta bizitzari aurrez aurre begiratu gabe, elkarri iruzur eginez, krisialdi hau ekaitz bat balitz bezala: baretuko da!

Afera ez da zenbat susto jasateko gai garen edo noraino atzera egin dezakegun eztabaidatzea. Kalkulua ez da hori izan behar, logika horrek amildegira bultzatzen gaituelako erremediorik gabe. Gaur, bihar edo etzi. Batek daki nondik etortzen diren aginduei men egitea txistearen sustoa ontzat ematea besterik ez da. Eta heriotzaraino garamatzan obedientzia horren graduazioari buruz eztabaidatzea guztiz antzua da: defizitaren malgutasuna, pentsioen murrizketa handia ala txikia, soldaten jaitsiera, langabeziaren banaketa (hori baita Gobernuak “lan banaketa” deitzen duena)… Azken batean, ñabardura horietan galtzea obeditzea da, sustoa konponbidea bihurtu nahian, hurrengo sustora arte, jakina.

Orduan, hautatu herioa! Hau da, desobeditu! Eta horrela gutxienez zer gertatzen den jakinen dugu; izan ere, sustoak zer dakarren jada dastatu dugu, eta ez zaigu gustatu. Ala norbaiti bai?