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Articles du Vendredi : Sélection du 4 octobre

Dans les Pyrénées, l’adieu aux glaciers : « Ils ne seront plus là d’ici une dizaine d’années »
Audrey Garric
www.lemonde.fr/planete/article/2024/10/03/dans-les-pyrenees-l-adieu-aux-glaciers-ils-ne-seront-plus-la-d-ici-une-dizaine-d-annees_6342165_3244.html

Les dix-sept derniers glaciers du massif devraient disparaître, d’ici une dizaine d’années, sous l’effet du réchauffement climatique. Leur superficie a déjà été réduite de 93 % depuis le milieu du XIX siècle, un indicateur dun bouleversement plus large des écosystèmes.

Au pied d’un majestueux cirque de roches des Hautes-Pyrénées, le glacier des Oulettes de Gaube n’est plus que l’ombre de lui-même. L’été 2022 lui a porté un coup fatal, le lacérant en deux. Désormais, la partie inférieure est recouverte d’un manteau de cailloux masquant la glace. Il faut progresser sur la masse noire pour entrapercevoir un reflet bleuté, dans une faille d’où s’échappe de l’air frais. La partie supérieure, posée sur une barre rocheuse, est morcelée. De temps en temps, en cette journée de la mi-septembre, un sérac dévale la pente, dans un grondement sourd. L’ancien géant blanc est à l’agonie, à l’image de l’ensemble des dix-sept glaciers des Pyrénées.

« Il vit ses dernières années, quoi que l’on fasse », souffle Pierre René, glaciologue et accompagnateur en montagne, au cours d’une sortie scientifique. Avec l’association Moraine, qu’il a créée, il suit, depuis 2002, l’évolution des onze derniers glaciers côté français – six subsistent encore du côté espagnol. Il ne se lasse pas d’admirer ce qu’il considère comme « l’une des vues les plus mythiques » du massif : les Oulettes, surplombées par l’emblématique Vignemale, le plus haut sommet côté français (3 298 mètres).

Impossible de ne pas ressentir un vertige face à ces colosses à la puissance et à la fragilité extrêmes. Des monstres qui ont façonné le paysage au cours de dizaines de milliers d’années et qui se délitent en quelques décennies sous l’effet des activités humaines. « La montagne perd son identité en raison du changement climatique », se désole-t-il.

Pierre René montre des photos du passé, témoins d’une grandeur glaciaire perdue. Sur un cliché de 1892, le glacier des Oulettes de Gaube occupe tout le cirque, rejoignant son voisin, le Petit Vignemale. Désormais, ce dernier, suspendu à la falaise, est également coupé en deux, occupant moins de 2 hectares, une superficie au-dessous de laquelle Pierre René considère un glacier comme mort. Le glacier des Oulettes, quant à lui, ne mesure plus que 5,5 hectares au total, contre 30 hectares à la fin du XIXe siècle – bien loin des géants alpins, estimés en kilomètres carrés et non en hectares.

Avec un front situé à 2 280 mètres d’altitude, c’est le plus bas des Pyrénées. S’il a pu survivre, ce n’est qu’en raison de la topographie : logé sur la face nord du Vignemale et protégé par l’imposante muraille, il est très peu exposé au soleil. Cette vaste paroi forme également un entonnoir qui permet l’accumulation de neige sur le glacier tout au long de l’hiver. Des apports malgré tout insuffisants pour compenser la fonte. Les températures ont augmenté de 1,7 °C en moyenne dans les Pyrénées depuis 1880, une hausse plus rapide qu’à l’échelle planétaire.

A l’aval du glacier, la succession de moraines (des tas de roches) raconte la disparition du glacier. 1850, 1890, 1920, 1980… elles permettent de mesurer le rythme de retrait, entre périodes de relative abondance et décrochements brutaux. « Le glacier est comme un tapis roulant. Quand il est à l’équilibre, son front est stationnaire. La glace qui s’écoule charrie et accumule des rochers toujours au même endroit, ce qui forme une moraine, explique Pierre René. A l’inverse, quand le glacier perd plus de glace qu’il n’en forme, il régresse et lâche des rochers de manière anarchique. »

Depuis plus d’un siècle, le déclin est majeur : en 1850, les Pyrénées comptaient cent glaciers, totalisant 23 kilomètres carrés de glace. En 2000, ils n’étaient plus que 44 (couvrant 5 kilomètres carrés), avant de chuter à 17 aujourd’hui (pour environ 1,6 kilomètre carré). Dit autrement, leur superficie a été réduite de 93 % depuis le milieu du XIXe siècle, dont 78 % sur les vingt-quatre dernières années. « On a perdu plus d’un glacier par an depuis vingt ans », résume Pierre René.

Même le glacier d’Ossoue, le plus grand et le plus haut côté français, avec ses 24 hectares à 3 200 mètres d’altitude, disparaît à vue d’œil. En 2023, lors d’un « été catastrophique », il s’est délesté de 5 mètres d’épaisseur, un « record de fonte », affirme Pierre René. L’été 2024 a offert un maigre répit : lors du bilan de masse, qui sera établi en octobre, le glacier ne devrait perdre « que » 2 mètres, dans la moyenne des vingt-deux dernières années, grâce à un apport de neige supérieur à la moyenne et des chaleurs moins extrêmes. « Mais il ne tiendra pas longtemps, puisqu’il est situé sur un plateau au soleil toute la journée, précise le scientifique. Pas protégé, il est le plus fidèle reflet du climat local. »

 

 

« Il restera des morceaux de glace »

Quand les glaciers pyrénéens rendront-ils leur dernier souffle ? « On estime qu’ils ne seront plus là d’ici une dizaine d’années, autour de 2035 ou 2040. Après, il restera des morceaux de glace, mais plus de glaciers en mouvement », répond Juan Ignacio Lopez Moreno, géographe à l’Institut pyrénéen d’écologie, qui les suit côté espagnol. « On observe une accélération de leur retrait. Il y a seulement dix ans, on pensait encore qu’ils allaient tenir jusqu’au milieu du XXIe siècle », explique-t-il.

Originaire des Pyrénées-Orientales, Pierre René se rend désormais une ou deux fois par an dans les Alpes pour se « ressourcer » et s’adonner à ce qu’il nomme une « orgie glaciaire ». Il grimpe au sommet du mont Blanc par les « voies faciles », fidèle à l’esprit « pyrénéiste », qui privilégie la contemplation à l’exploit sportif. Une vision romantique incarnée par le comte Henry Russell, un explorateur franco-britannique du XIXe siècle amoureux des Pyrénées. Il fit creuser sept grottes sur les flancs du Vignemale, où il passa cent cinquante nuits pour admirer les géants blancs, qu’il considérait comme des « êtres vivants ». Le front, la langue, les entrailles : ce vocabulaire attribué aux glaciers les personnifie, remarque également Pierre René, qui appelle à les « honorer » avant que cela ne soit plus possible.

Au refuge des Oulettes de Gaube, à 2 150 mètres d’altitude, le glaciologue sensibilise une classe de 6e du collège de Pierrefitte-Nestalas (Hautes-Pyrénées), arrivée après une petite journée d’ascension en compagnie d’isards et de marmottes. « Cela m’énerve et cela me fait de le peine de voir le glacier dans cet état. C’est la faute des humains », déclare Lola, 10 ans.

« Des blocs tombent tous les jours »

Les fenêtres de l’établissement s’ouvrent sur la débâcle glaciaire. « Le retrait du glacier est impressionnant. Cela craque souvent et des blocs tombent tous les jours », témoigne Aurore Meyer, l’une des deux gardiennes, qui y vit la moitié de l’année depuis sept ans. Cet été, elle a découragé les randonneurs de se rendre au pied des Oulettes, pour des raisons de sécurité.

Sans les glaciers, marchepieds pour accéder aux cimes, les itinéraires des alpinistes se corsent. « Les faces nord et sud du Vignemale sont plus techniques. Depuis les années 1990, il faut escalader 30 mètres de plus pour arriver au premier relais », explique Jean-Louis Lechêne, un guide de haute montagne de 77 ans installé à Cauterets, qui, en soixante ans et six mille courses, a observé les glaciers devenir exsangues. Les risques sont toutefois moindres que dans les Alpes. Quelques lacs se sont formés, mais ils ne risquent pas de se vider brutalement. Et les éboulements rocheux se multiplient loin des habitations et des infrastructures.

L’état des glaciers, marqueur le plus visible du réchauffement climatique, constitue un indicateur d’un bouleversement bien plus large des milieux. Dans les Pyrénées, leur fonte n’a pas d’impact significatif sur la ressource en eau, étant donné leur petite taille. Elle s’inscrit, en revanche, dans une tendance générale à la diminution de la quantité d’eau et de sa qualité, « en raison d’un enneigement moins important et de périodes de sécheresse plus longues », explique Melina Roth, la directrice du parc national des Pyrénées.

De quoi pousser à une réflexion sur une gestion durable de la ressource, entre les usages domestiques, le pastoralisme, la production énergétique et les stations de ski – la chaîne montagneuse en compte trente-huit pour près de 2 200 kilomètres de pistes. Fin 2021, la Communauté de travail des Pyrénées a adopté une stratégie pyrénéenne pour le changement climatique, comprenant quatre-vingt-neuf actions pour rendre le massif « résilient » au réchauffement en 2050, notamment en préservant l’eau et les habitats des espèces les plus vulnérables.

Aigles royaux, vautours, grands tétras, saules nains… Les Pyrénées abritent une riche biodiversité qui risque d’être affectée par la hausse des températures et la baisse de l’enneigement. Depuis 2021, le parc national des Pyrénées suit le lézard de Bonnal, une espèce endémique inféodée à des milieux frais, généralement au-dessus de 2 000 mètres. « Nous étudions l’évolution de ses effectifs et de son aire de répartition, et la concurrence avec le lézard des murailles, dont on observe la remontée en altitude du fait du réchauffement », illustre Pierre Lapenu, adjoint au chef de service connaissance et gestion des patrimoines du parc.

La naissance de nouveaux milieux

Les forêts, qui couvrent plus de la moitié du massif, subissent également de plein fouet un dérèglement climatique bien plus rapide que leur capacité d’adaptation. « La chaleur et les sécheresses favorisent les ravageurs, qui affaiblissent les arbres et peuvent finir par les tuer », affirme Sébastien Chauvin, directeur du programme Forespir, un groupement d’acteurs forestiers français, espagnols et andorrans. Sous l’effet d’une « méditerranéisation du climat pyrénéen », explique-t-il, de nombreux feuillus enregistrent une perte « anormale » de feuilles, tandis que les débourrements (les apparitions de bourgeons) des sapins pectinés ont gagné quatorze jours sur le calendrier en dix ans.

Mais la mort des glaciers signifie aussi la naissance de nouveaux milieux. « Un genévrier et un millepertuis. C’est incroyable ! », s’exclame une équipe de botanistes qui étudie les plantes colonisant les marges glacières. Ces deux espèces sont parvenues à pousser dans les éboulis des moraines, sans substrat et loin de leur habitat d’origine.

Comme elles, de nombreuses plantes conquièrent petit à petit les zones libérées par le glacier. Les pionnières arrivent à partir d’une dizaine d’années plus tard, grâce au vent qui disperse leurs graines. « Certaines plantes, que l’on appelle nurses, facilitent l’arrivée d’autres. Elles les aident et les protègent, par exemple, en isolant le sol du froid ou du chaud et en fournissant des nutriments », décrivent les écologues Fabien Anthelme, de l’Institut de recherche pour le développement, et Tristan Charles-Dominique, du CNRS, en montrant une véronique, un chardon et une fétuque entremêlés. Avec leurs collègues, ils documentent la construction progressive de nouveaux écosystèmes.

« Nous avons été étonnés du nombre d’espèces que l’on a pu observer », se réjouit Ludovic Olicard, chargé de conservation au Conservatoire botanique national des Pyrénées et de Midi-Pyrénées (CBNPMP). L’équipe en a recensé une vingtaine, installées près du glacier du Taillon, dans la partie qui a disparu entre 1948 et 1985, une dizaine dans les espaces laissés vacants entre 1985 et 2003 et de cinq à dix sur la décennie 2003-2013.

« Ces nouveaux espaces constituent peut-être des refuges pour le futur, pour des espèces menacées d’extinction », s’enthousiasme, de son côté, Nadine Sauter, également au CBNPMP. Le Carex bicolor, une espèce de plante, se maintient, par exemple, principalement grâce aux eaux de fonte des glaciers et des névés. A l’avenir, il pourrait peut-être remonter en altitude et se réfugier dans ces nouvelles niches écologiques. A condition de protéger ces écosystèmes naissants pour éviter une deuxième extinction.

Bernadette Bensaude-Vincent : « Beaucoup de chercheurs ont envie de tout plaquer ou d’aller vers des actions militantes »
Guillaume Delacroix
www.lemonde.fr/sciences/article/2024/10/03/bernadette-bensaude-vincent-beaucoup-de-chercheurs-ont-envie-de-tout-plaquer-ou-d-aller-vers-des-actions-militantes_6342759_1650684.html

Pour la philosophe et historienne des sciences, les scientifiques ne sont pas neutres, contrairement à une conception répandue. Nombre d’entre eux choisissent de s’orienter vers des pratiques moins compétitives et plus participatives.

Devant l’urgence climatique, le milieu de la recherche préfère s’inscrire dans l’action plutôt que de se cantonner à la publication de ses découvertes dans des revues spécialisées. Le point sur ces évolutions avec Bernadette Bensaude-Vincent, philosophe des sciences, professeure émérite à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, membre des comités d’éthique du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra).

Pourquoi la posture du scientifique a-t-elle autant évolué ?

Il y a eu une remise en question du fonctionnement de la recherche scientifique en réaction à son alignement sur le modèle néolibéral, à partir de l’an 2000. Cette année-là, l’adoption de l’agenda de Lisbonne, visant à faire de l’Europe une société fondée sur la connaissance, a entériné la conception d’une science tournée vers des fins de compétition économique et de souveraineté politique. Le changement que nous observons est donc particulièrement prononcé en Europe, notamment en Allemagne et en France, ainsi qu’au Royaume-Uni, mais la réflexion n’en est pas moins générale, dans un monde où les postures scientifiques s’uniformisent dans une compétition globale.

Le chercheur est-il en train de devenir activiste ?

Beaucoup de chercheurs ont envie de tout plaquer, ou d’aller vers des actions militantes. Selon moi, le mouvement en cours n’appartient pas au registre de l’activisme, mais à celui de l’action. Dans les universités, nombreux sont celles et ceux qui souhaitent faire évoluer le système de l’intérieur. A l’Inrae, une pétition a circulé pour que la direction ne soit plus confiée à un ingénieur X-Ponts mais à un collectif interne, sur le modèle de l’autogestion. Parmi les jeunes diplômés, beaucoup refusent que leurs futurs travaux de recherche servent une agriculture soumise aux intérêts industriels, et non une agriculture qui se développerait conformément aux questions écologiques. On touche aux valeurs qui sous-tendent la recherche scientifique, et il y a là un désaccord profond avec ce qui a pu être dit et décidé ces vingt dernières années.

La science a-t-elle des valeurs ?

La communauté scientifique prend conscience que la science n’est pas neutre, qu’elle est inféodée à des systèmes qui orientent les programmes de recherche. On peut ainsi se demander pourquoi, dans les pays riches, tant d’argent est investi dans l’intelligence artificielle, au motif que celle-ci serait en mesure de résoudre tous nos problèmes, plutôt que dans la lutte contre la pauvreté ou l’élaboration de réponses au changement climatique. L’intelligence artificielle consomme de l’énergie et développe un type de recherche qui n’est pas du tout en prise avec le monde réel. Ce sont bien là des valeurs qui sont en jeu.

D’où l’idée de neutralité de la science venait-elle ?

Elle est relativement récente, car, au XIXe siècle, la science était considérée comme fondamentalement bonne, bienfaitrice et pacificatrice. Pendant la première guerre mondiale, l’usage des gaz de combat a provoqué un énorme choc et donné naissance, dans les années 1930, à un mouvement technocritique dénonçant l’alliance de la recherche avec certaines valeurs, comme la compétition économique et le consumérisme. Cette problématique a ressurgi avec Hiroshima.

La bombe atomique a été le deuxième coup de semonce qui a conduit à mettre en place le concept de recherche duale, consistant à dire que la science est neutre, qu’elle peut servir autant au mal qu’au bien, selon la façon dont on s’en sert. Mais la conviction que la science œuvre au bien commun, qu’elle se situe au-delà des intérêts particuliers, perdure dans le public, si l’on en croit les sondages.

Comment tout cela a-t-il affecté le travail des chercheurs ?

On demande aux experts d’être neutres, alors qu’on sait très bien qu’ils ne peuvent pas l’être. C’est tout le paradoxe ! Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) en sait quelque chose. Accusé d’être au service de certaines valeurs, il s’est livré à une autocritique et fait maintenant des efforts pour élargir ses sources, en tenant compte des sciences humaines, des savoirs vernaculaires et des savoirs d’expérience, comme ceux des travailleurs sociaux. Résultat, dans son dernier rapport, le GIEC a significativement changé son diagnostic et ses recommandations sur le climat.

Par ailleurs, tout le monde est d’accord pour dire que la recherche doit réduire son empreinte carbone, et s’orienter vers des pratiques moins compétitives et plus participatives, plus coopératives. Cela vaut en particulier pour les organismes de recherche qui restaient englués dans le postcolonialisme. Mieux aider les pays émergents nécessite de ne plus imposer nos critères occidentaux de développement. Ce raisonnement n’est pas très nouveau, mais il est vraiment en train de s’appliquer concrètement.

On parle aussi beaucoup de science inclusive…

La science devient de plus en plus participative, en effet, avec une meilleure prise en compte des retours d’expérience, qui permettent d’éviter certains pièges. Des programmes de recherche interdisciplinaires et participatifs sont en cours, sur la question de l’adaptation au changement climatique, notamment. C’est le cas d’ExposUM, qui développe une approche multidisciplinaire des problèmes de toxicité et de pollution, doublée d’une volonté d’inclusion avec des associations, des malades, des agriculteurs… Ce n’est pas facile à mettre en place, mais c’est financé par les agences de recherche, les collectivités régionales et l’Europe.

A quoi l’expertise ressemblera-t-elle, demain ?

Pour pouvoir émettre un avis d’expert, il faut déjà reconnaître les limites des connaissances acquises et pointer les domaines non explorés, savoir déterminer les recherches qu’il faudrait mener pour avoir un avis plus englobant et plus objectif. Cette attitude réflexive et critique peut éloigner du sacro-saint consensus et générer du conflit. Pourquoi pas ? C’est par la confrontation d’avis divergents que la science peut avancer.


Yamina Saheb : « La sobriété, c’est une question de démocratie »

Jade Lindgaard
www.mediapart.fr/journal/politique/300924/yamina-saheb-la-sobriete-c-est-une-question-de-democratie

Pour la présidente du Laboratoire mondial des sobriétés, coautrice du Giec, les politiques de sobriété en France placent la charge mentale de la décarbonation sur les individus, alors qu’elle devrait être collective pour être utile.

Officiellement, la France dispose depuis 2022 d’un plan de sobriété qui devait permettre de réduire de 10 % la consommation d’énergie en 2024. De toutes les mesures annoncées à l’époque (limitation de la température à 19 °C – et à 18 °C les jours de tension sur le réseau d’électricité –, suppression de l’eau chaude dans les bâtiments publics, plafond à 110 km/h pour les fonctionnaires en déplacement professionnel, hausse de l’indemnité de télétravail des agent·es de la fonction publique, etc.), la mémoire populaire retient surtout le discours en col roulé de l’ancien ministre de l’économie, Bruno Le Maire. La ministre de la transition énergétique était déjà Agnès Pannier-Runacher, qui a repris cette fonction dans le gouvernement Barnier.

En réalité, si la demande d’électricité a bien baissé – entre 5 % et 10 % selon les mois, selon le bilan provisoire de RTE en juillet –, rien n’a été mis en place pour faire durablement chuter la consommation finale d’énergies d’origine fossile (pétrole et gaz essentiellement). Or c’est elle qui émet le CO2 que la France doit considérablement réduire pour ralentir le dérèglement du climat.

Ingénieure devenue chercheuse spécialisée sur les enjeux de sobriété, Yamina Saheb dénonce l’approche trop modérée du gouvernement français qui « a fait une erreur monumentale, en disant en gros que c’est aux citoyens de faire le job » : « Si vous ne mettez pas en place des politiques de long terme, vous ne faites que mettre la charge mentale de la décarbonation et de la sobriété sur les individus », explique-t-elle.

Elle défend l’idée d’une sobriété collective, fondée sur le partage et l’équité, et reposant sur des politiques publiques de long terme. Après avoir contribué au dernier rapport des scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), elle veut aujourd’hui développer le Laboratoire mondial des sobriétés, qu’elle a créé.

Mediapart : Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de la France, à quoi pourrait servir concrètement une politique de sobriété ?

Yamina Saheb : La politique de sobriété permet de partir des besoins des personnes, donc des citoyens français, et d’éviter la demande en ressources naturelles en agissant en amont.

Prenons l’exemple de la mobilité. Aujourd’hui, la politique de décarbonation consiste principalement à passer du véhicule thermique [essence ou diesel – ndlr] au véhicule électrique. Sauf que remplacer toute la flotte de voitures individuelles par des électriques, ça ne va pas le faire : le réseau électrique ne pourra pas le supporter et cela demanderait trop de ressources [en lithium et autres terres rares – ndlr]. Donc, en fait, cela revient juste à passer d’une dépendance à une autre.

Alors qu’en vérité, nous, citoyens, n’avons pas un besoin de voiture mais un besoin de nous déplacer. La sobriété nous impose de partir du besoin à satisfaire. Et lorsqu’on repart du besoin, ce n’est pas nécessairement la voiture individuelle qui est la solution. Aujourd’hui, trois quarts des déplacements des citoyens français entre le travail et le logement se font en voiture individuelle.

Si vous faites de la sobriété, vous allez mettre des transports en commun plus proches des habitants, développer le télétravail, mettre en place des pistes cyclables protégées de la pluie et du soleil – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui –, mettre en place un système de partage de voitures, etc. : plein de solutions qui vont répondre à mon besoin de mobilité sans que j’aie besoin de prendre une voiture. Aujourd’hui, c’est l’utilisation des transports en commun qui est l’option la moins désirable. On est dans l’inverse de ce qu’on devrait faire.

Pistes cyclables, transports en commun et autopartage font déjà l’objet de soutien public en France. En quoi ce que vous défendez serait-il différent ?

Il y a des petites choses qui ont été faites, mais ce n’est pas à l’échelle. Pour agir aux racines des émissions de CO2 de la voiture, une stratégie serait de réduire le temps de travail et de diminuer les trajets domicile-boulot. Cela permet aussi de consacrer plus de temps à autre chose que le travail, d’avoir un meilleur équilibre de vie. Cela a donc un impact sur la santé mentale des gens. Mais cela devrait permettre aussi d’embaucher d’autres personnes, et donc de partager le travail. Parce que la sobriété, c’est aussi le partage.

On parle vraiment de transformations profondes. Le sociologue allemand Ulrich Beck parle de « métamorphose » – titre de son livre posthume paru en 2017 : The Metamorphosis of the World, non traduit en français. Avec une « transformation », on reste dans le même système et on change de petites choses. C’est par exemple la politique du vélo à Paris : quelque chose se passe, mais c’est incomplet. Rien ne m’empêche de m’y déplacer avec une voiture très polluante. Dans le cadre d’une « métamorphose », on change de logique. Il faut sortir du système dans lequel on est.

Pourquoi est-il si difficile pour les gouvernements et les collectivités locales de concevoir des politiques de sobriété alors qu’ils disposent d’outils de planification ?

Dans une approche de sobriété, la première chose à faire, c’est de changer de méthodologie pour établir les scénarios. Quand on vient comme moi des sciences de l’ingénieur, de la quantification, on a appris à tout modéliser : comment vous êtes assise, comment vous êtes maquillée, etc. C’est une manière de décider comment les gens font les choses. En mettant une valeur sur ces choses, les économistes sont dans la même logique. Mais ça ne fonctionne pas. La sobriété a une dimension très importante qui n’est pas du tout dans le débat public en France : c’est la question de l’équité. À la fois entre les individus, vis-à-vis des générations futures, et l’équité Nord-Sud. Aujourd’hui, la plupart des gens essayent de se battre contre le système actuel. C’est voué à l’échec. Ce qu’il faudrait, c’est créer l’alternative, et pour créer l’alternative, il faut prendre des risques. Or les politiques aujourd’hui ne prennent pas de risques. Ils sont là juste pour quelques mois, peut-être même quelques jours en ce moment.

En 2022, le gouvernement d’Élisabeth Borne a mis en place un « plan sobriété ». Est-ce un bon début ?

Le gouvernement a fait une erreur monumentale, mais tout comme les acteurs pionniers de la sobriété en France, en disant en gros que c’est aux citoyens de faire le job. Si vous ne mettez pas en place des politiques de long terme, vous ne faites que mettre la charge mentale de la décarbonation et de la sobriété sur les individus. Non seulement on n’arrive pas du tout à résoudre le problème, mais en plus la sobriété devient quelque chose que les gens rejettent, parce que le citoyen reçoit des injonctions alors qu’il est enfermé dans les « solutions » mises en place par le politique. Je suis donc arrivée à la conclusion que la sobriété, c’est une question de démocratie.

Pour n’être plus confondue avec les « petits gestes », la sobriété doit donc être collective.

La sobriété a une dimension très importante qui n’est pas du tout dans le débat public en France : c’est la question de l’équité. À la fois entre les individus, vis-à-vis des générations futures, et aussi dans la relation Nord-Sud. Nos politiques climatiques n’intègrent pas du tout cette question.

Si on avait eu des politiques de sobriété en 2018, on aurait été obligé d’intégrer la question de l’équité et on aurait d’abord proposé une alternative avant de créer une taxe sur l’essence qui a donné naissance au mouvement des « gilets jaunes ».

Ce qu’on appelle la « transition énergétique » telle qu’elle est conçue aujourd’hui, c’est une transition pour les bobos, pour les gens comme vous et moi. Les gens qui font des propositions et qui évaluent les politiques de transition sont aussi des bobos. Les autres citoyens sont absents du débat.

Dans ce sens, la sobriété, si on y intègre la question de la justice, ne peut être que collective. La réduire à un enjeu de changement de comportements, cela arrange tous ceux qui n’ont pas envie qu’on change de modèle économique.

Trantsizio ekosoziala eta enplegua
Mikel Noval, Azterketa Bulegoko arduraduna
www.ela.eus/eu/iritziak/trantsizio-ekosoziala-eta-enplegua

 

 

Krisi ekologikoaren ondorioz, erabat aldatuko da bizi dugun ekoizpen-, mugikortasun- eta kontsumo-eredu kapitalista. Gehiago edo gutxiago gustatu, enpleguak eragin handia jasango du.

(Mugarik gabeko Ekonomisten MgE Dosierrak 52. zk aldizkarian publikatutako artikulua)

Gure bizimodua zalantzan jartzen duen zibilizazio-krisi baten aurrean gaude eta bizimodu horren parte da enplegua; beraz, ez dugu uste inork ziurtasun osoz esan dezakeenik etorkizunean zer gertatuko den gai horrekin. (Nahitaezko) eredu-aldaketa hain handia izango denez, ezin dugu parametro eta eskema tradizionalekin aztertu.

Hala ere, etorkizuna nolakoa izango den imajinatzeaz gain, aldaketak bultzatu behar ditugu etorkizun hori nahi dugun norabidean joan dadin. Sindikalismoaren bidez, aurre egin behar diogu erronka horri, eta horrek esan nahi du trantsizio ekosozialak zeharkako ildo bat izan behar duela, ekintza sindikal guztia bideratzeko modu bat, ekintza sindikal hori koherentea izan dadin aurrean dugun erronkaren tamainarekin.

Etorkizun horrekin lan ez egitea geure etorkizunean eragiteari uko egitea eta aldaketaren norabidea egungo botere ekonomikoen esku geratzen dela onartzea izango litzateke. Duela gutxi ikusi dugu Repsoleko hainbat arduradun energia- eta finantza-enpresen zerutik eroritako irabazien gaineko zergaren aurka agertu direla eta, hala ere, eskura dituzten baliabide guztiak (xantaia barne) erabiltzen dituztela beren jardueraren pribilegioei eta errentagarritasun ekonomikoari ahalik eta denbora gehien eusteko, jasangarritasunik ez dutela jakinda ere.

Eraldaketa ekosozialaren esparrua eta enplegua

Eztabaidatzeko gutxi duen premisa batetik abiatzen da gure azterketa: aberastasuna mugagabe metatu eta materialak gero eta gehiago erabiltzen dituen logika kapitalista bateraezina da planetaren muga biofisikoekin. Horregatik, beharrezkoa da produkzio-prozesua eta sistema ekonomiko osoa eraldatzea. Denborak estutu egiten du gehiengo sozialen eta langile-klasearen zerbitzura dagoen eredu baterantz aurrera egiteko. Eredu hori lortzeko, bidezko trantsizioa egin behar da, baliabide biofisiko gutxiago erabiliz. Gure iritziz, trantsizio honetarako kontuan hartu beharreko gai nagusi bat enplegu garbia eta kalitatezkoa sortzeko helburuari zentraltasuna ematea izan behar du.

Nolanahi ere, gertatu behar den aldaketa sozialari buruz arestian esandakoaren ildotik, imajinario kolektibo bat sortu behar da, produkzioaren, kontsumoaren, lanaren eta enpleguaren inguruan ditugun itxaropenak aldatuko dituena. Etorkizunean enplegua zer izango den demokratikoki birpentsatu eta erabaki behar da, etorkizunerako nahi dugun gizarte-proiektu desiragarriari buruzko, kontsumo-premia kolektiboei buruzko eta gure lan-indarra nola eta non inbertitzeari buruzko eztabaidaren barruan. Baina, betiere, enplegu nahikoa eta kalitatezkoa izateko helburua kontuan hartuta.

Erronka handia dela iruditzen zaigu, eta plangintza bat eskatzen du, modu parte-hartzailean eta erakunde sindikal eta sozialek (hemen, jakina, ekologistak sartuko lirateke) elkar hartuta egin beharrekoa. Modurik seguruena da asmatzeko, aldaketa sozial eta ekonomikoek eragingo dituzten tentsio eta gatazkei aurrea hartzeko, eta langile-klasearen inplikazio aktiboa lortzeko.

Hego Euskal Herriaren kasua

Trantsizio ekosozialerako ELAren proposamenak gure lurraldeko ekonomiari buruzko diagnostikoa egiten du, honako ezaugarri hauek dituena:

  • Industria-produkzioaren eta garraioaren oso mendekoa izatea. Horrek inpaktu ekologiko larriak ditu.
  • Erregai fosilak eta lehengaiak inportatzea, eraldatzea eta ekoizpena bere mugetatik kanpo esportatzea. Beraz, energia fosilean eta estraktibismoan oinarritutako ekonomia da, ekonomia globalizatuan erabat txertatua dagoena.
  • Petrolioaren mendeko garraioa erabakigarria da jarduera ekonomiko horri eusteko.
  • Euskal Herriko ekonomiako jarduera nagusiak eta enplegu asko sortzen dutenak funtzionamendu horrekin lotuta daude. Horren adibide dira balio erantsi handiko salgaiak ekoizten dituztenak (automobilak, altzairua…), energia-intentsitate handiko jarduerak, elikagaien industria (batez ere Nafarroan), logistika globalizatuaren mendeko jarduerak, etab.

Beraz, gaur egun, enpleguaren sorreraren, hazkunde ekonomikoaren eta inpaktu ekologikoaren artean lotura estua dagoela ondoriozta daiteke. Industria-sektorea da horren adierazgarrienetako bat.

Egungo ekoizpen-ereduan, energiaren eta materialen kontsumoa murriztuz gero, planetaren muga biofisikoekin bateragarri egiteko, lurralde industrializatuenetan bi kontsumo horien murrizketa oso handia onartu beharko genuke (ez litzateke zentzuzkoa izango murrizketa mundu osoan proportzionala izatea). Eta horrek, gaur egun, lanpostu asko suntsitzea ekarriko luke, baldin eta beste neurririk hartzen ez bada.
Eta langile-klaseko gehienentzat ezinezkoa izango litzateke lehengo baldintzetan bizitzen jarraitzea. Beraz, arazo horri irtenbide sozial bidezkoa eman nahi dion edozein proposamenek kontuan hartu behar du hori, eta enplegua erdigunean jarri.

Eragin desberdina sektoreen arabera

Erronka horiei aurre egiteko, lan-ildo desberdinak konbinatu beharko dira. Adibidez, kontuan izan behar da eragina desberdina izango dela sektoreen arabera. Murriztu edo indartu beharreko sektoreen definizioa, lehenik eta behin, bereizketa hori egin ahal izateko ezarritako irizpideetan oinarritzen da. Adibidez, etikoki onargarriak ez diren jarduera jakin batzuk aurkitzen ditugu, hala nola arma-industria (bidezkoa al da armak edo Gaza bonbardatzeko erabiltzen diren ekipamenduak fabrikatuz irabaziak lortzea?) edo espekulazioa (elikagaiak, finantzak, higiezinak, etab.). Jarduera horiek desagertu edo gutxieneko adierazpenera murriztu behar dute, zalantzarik gabe, eta ez dute inolako babes instituzionalik izan behar (ez legezkoa, ez ekonomikoa).

Badira alde batera utzi beharreko beste jarduera batzuk ere, hala nola energia fosila (petrolioa, gasa…) edo nuklearra ekoiztea. IPCCk bere txosten guztietan gogorarazten digu berotze globalaren ondorio larrienak saihestu nahi baditugu, energia fosilak alde batera utzi behar ditugula. Planetako bizitzaren biziraupen kontua da. Gai honetan ezin dugu beste alde batera begiratu.

Eta badira beste jarduera batzuk, modu ordenatuan edo ez, errotik murriztu eta eraldatu beharko direnak. Horien artean daude automobilgintzarekin, siderurgiarekin, berriztagarriak ez diren materialak eraldatzen dituztenekin edo azpiegitura handiak eraikitzearekin lotutakoak (horietako askok eragin oso negatiboa dute ekonomian, gizartean eta ingurumenean, hala nola Abiadura Handiko Trenak).

Jarduera eta enplegua ezin dira murriztu sektore horietako langileak alde batera utzita.
Bidezko irtenbidea eman behar zaie jardueren eraldaketa horren eraginpean egongo direnei (enpresen jarduera eraldatzea, beste jarduera batzuetan birkokatzea, diru-sarrera duinak bermatzea, etab.).

Ez dago zalantzarik sektore batzuek enplegua sortzeko duten ahalmenari buruz. Duela ia hamarkada bat txosten bat egin genuen. Txosten horretan adierazi genuen Hego Euskal Herrian 106.000 lanpostu berri sor zitezkeela (gutxi gorabehera, enplegu osoaren % 10) benetan jasangarriak eta sozialki beharrezkoak diren jarduera ekonomikoetan. Horien artean, duten enplegu-potentziala kontuan hartuta, honako hauek nabarmentzen ziren:

  • Energia berriztagarriak: ELA energia berriztagarrien defendatzaile sutsua da. Ekarpen honen xedea ez da energiari buruzko oinarrizko eztabaidan sartzea. Baietz esaten diegu energia berriztagarriari, eolikoari eta fotovoltaikoari, baina eredu planifikatu, deszentralizatu, publiko eta demokratiko batekin (energia-komunitateen hedapena…), kontsumitzen den energia lurraldean ekoizten den eredua, dibertsifikatua eta, batez ere, eskala txiki eta ertaineko sorkuntzarekin. Aztergai dugun gaiari dagokionez, horrelako jarduerek eta horiei eusteak enplegu-potentzial handia dute.

Eraikinak birgaitzea: energia-sistema eraginkorrak instalatzeari, isolamenduari eta estalkiak eta fatxadak berreraikitzeari edo arkitektura bioklimatikoari lotutako eraikinen birgaitze integrala bultzatzeko planak.

  • Agroekologia, arrantza eta baso-kudeaketa jasangarria: elikagaien ekoizpen urriko lurralde batean elikadura-subiranotasuna sustatzeak lehentasuna izan behar du. Horretarako, hainbat neurri har daitezke, hala nola nekazaritzan ekoizpen ekologikora bideratutako azalera handitzea, elikadurarekin lotutako sektore ez-jasangarrien birmoldaketa ekologikoa edo arrantza jasangarriaren garapena. Baso-eredu jasangarria izatea funtsezkoa da biodibertsitatea babesteko, baita CO2 hustubide gisa ere.
  • Mugikortasun jasangarrirako eta garraio publikoa garatzeko planak: ibilgailu pribatuaren erabilera murrizteko, hainbat neurri hartu behar dira, hala nola enpresetan eta industrialdeetan mugikortasun-planak ezartzea eta garraio publikoko sareak lurralde osoan garatzea, tarifak nabarmen eta etengabe jaitsiz.
    Automobila partekatzea ere sustatu behar da.
  • Materialen eta hondakinen kontsumoa murrizteko, ondasunen berrerabilera bultzatzeko eta hondakinak modu egokian kudeatzeko jarduerak: industrian zaharkitze programatua amaitzea, ekodiseinuan aurrera egitea, era guztietako ondasunen berrerabilera eta konponketa garatzea edo hondakinak gaikako bilketaren bidez kudeatzea eta errausketa ezabatzea.

Covid-19aren pandemiak agerian utzi zuen zein jarduera diren funtsezkoak. Bizitzari eusteko, ezinbestekoak dira zainketak. Bizitza kolektiboa erdian jartzeak zaintza-eredua errotik aldatzea eskatzen du. ELAren Azterlan Kabineteak egin berri duen txostenean, 1 zaintza-sistema erantzunkidea, publikoa, unibertsala, doakoa eta kalitatezkoa behar dela ikusten dugu. Sistema horrek 10.000 lanpostu baino gehiago sortzea ekarriko luke, estimazio oso kontserbadorea eginda. Azaroaren 30erako Euskal Herrian deitutako Greba Feminista Orokorra urrats garrantzitsua izan da zaintzarako eskubide kolektiboaren alde.

Zaintza-sistema ez litzateke zerbitzu publikoak garatu beharko liratekeen eremu bakarra izango. Duela zenbait hamarkadatik hona gobernuek egindako politika zorrotzek zerbitzu publikoen narriadura areagotu dute.

Gaur egun, nabarmenena osasun-sistemarena da, baina hezkuntza-sisteman edo gizarte-zerbitzuen beste esparru batzuetan ere asko dago egiteko.

Zerbitzu publikoak, oro har, sozialki beharrezkoak eta desiragarriak diren sektoreak dira, eta eragin txikia dute ingurumenaren ikuspegitik. Funtsean, pertsonek egindako jarduerak dira eta, beraz, garapen horretan egiten den inbertsio ekonomikoak emaitza zuzena eta oso positiboa du enpleguan.

Desmerkantilizazioa eta alternatiben garapena

Merkatuari boterea kentzea eta merkantilizazioaren logikatik ateratzea, trantsizio ekosozialaren bidean dagoen borroka kolektibo horren zati bat da, eta kalitatezko enplegua ere badu jomugatzat. Eta horrek ez du esan nahi publikoa dena bakarrik indartu behar denik.

Garrantzitsua da alternatibak dei ditzakegunak sortzen aurrera egitea ere, hau da, logika desberdinetan oinarritutako proiektu zehatzak garatzea, hala nola energia berriztagarrietan, finantza etikoetan, telekomunikazio-operadoreetan, kontsumo-taldeetan eta abarretan gauzatzen ari direnak.

Alde horretatik, ekintza sindikalaren arloan garapena izan behar duen esparru bat enpresak suspertzekoa da, enpresen jarduera birbideratuz, trantsizio ekosozialerako ezartzen ditugun parametroen esparruan gauzatu dadin.

Politika publikoak trantsizio ekosozialaren zerbitzura

Gure iritziz, behar diren urratsak eta behar den abiaduran emateko, orain ez ditugun politika publikoak bultzatu behar dira. Erakundeek eredu-aldaketa planifikatu behar dute, legeak egin behar dituzte eta diru asko jarri behar dute horretarako.

Enplegu-politikei dagokienez, hartu beharreko ildoak honako hauek izango lirateke, besteak beste:

  • Lanaldia murriztea: lanaldiaren 35 ordurako murrizketa berehala aplikatzea, asteko 32 orduko lanaldirako lehen urrats gisa. Soldata murriztu gabe, jakina.
  • Ekonomiaren berrantolaketa: zaintzak, zaintza feminizatuen lanen banaketa eta bizitzaren jasangarritasuna erdigunean jartzea, lehen adierazi dugun bezala.
  • Ekonomia birkokatzea: ekonomiak tokikoa eta zirkularra izan behar du. Horrek, industria-eredu produktiboa eraldatzea eta dibertsifikatzea eskatzen du, globalizazio neoliberalaren eta Merkataritza Askeko Tratatuen logika oso desberdin batean oinarritu behar duen industria-eredua.
  • Energia-sektorea berrantolatzea: energia fosilen ekoizpena geldiaraztea, energia-sektorea publiko bihurtzea eta energia berriztagarriak lehen aipatutako irizpideen arabera planifikatzea.
  • Garraio-sistema eraldatzea: elektrifikazioa ez da nahikoa izango mugikortasunaren arazoa konpontzeko. Merkantzien eta pertsonen mugikortasuna ere murriztu behar da, aldi berean garraio publikoa eta kolektiboa garatuz.
  • Elikadura-subiranotasuna garatzea.

Orain arte aplikatutako politikek ez dute anbiziorik, ez produkzio-eredua edo kontsumo-eredua aldatzeko anbiziorik eta ez berotegi-efektuko gasen emisioa murrizteko anbiziorik.

Administrazioek esku hartu behar dute eta proposamen zehatzak egin behar dituzte sektore osoak, esaterako merkataritza-sektorea, jasaten ari diren eraldaketetan, gure herrialdearen eta bertako langileen interesen aurkako merkataritza-eredu bat ezartzea saihesteko. Alde horretatik, Eusko Jaurlaritzari eta Nafarroako Gobernuari 2.300 milioi euro baino gehiagoko funtsak sortzeko eskatu diegu, enpresa estrategikoen kontrola beren gain hartzeko edo gizartearen premiei erantzungo dieten enpresa berriak sortzeko. Funts horiei esker, lehentasuna emango litzaieke ekoizpenari eta gizartearentzat ezinbestekoak diren zerbitzuei (bizitza sortzeko eta ugaltzeko ezinbestekoak direnak), planetaren mugekin bateragarria den produkzio-eredu bat garatuko litzateke, eta gizon eta emakumeentzako enplegu eta lan-baldintza duinak bermatuko lirateke.

Babes sozialeko sistemak ere hobetu egin behar dira (1.260 euroko gutxieneko pentsioa; LGSren baliokidea den errenta bermatua…). Enplegua galduko da jasangarriak ez diren sektoreetan eta pertsona horien premiak bermatu beharko dira, bai eta beste laguntza batzuk ere, hala nola lana sektore jasangarri eta sozialki desiragarrietara bideratzeko, prestakuntza-planetarako eta etengabeko ikaskuntzarako laguntzak. Babes sozialeko sistema egoki batek ondorio positiboak ere baditu enpleguan, batez ere tokiko gauzen sustapenean.

Gastu publikoa handitzea zerga-erreforma bidezko baten bidez finantzatu behar da. Soldataz kanpoko errentetan izaten den iruzur fiskala etetea horren parte bat da. Eta premiazkoa da zerga-erreforma bat egitea ere, errenta handiek, kapital-errentek eta enpresek beren mozkinengatik ordaintzen dituzten zergak nabarmen handituko dituena (sozietateen gaineko zergan kontabilitate-mozkinen gaineko % 25eko gutxienekoa ordaintzea ezarriz, salbuespenik gabe).

Aurrera egin behar dugu gizarte bidezkoago, demokratikoago eta jasangarriago baterantz. Langile-klaseak eraldaketa horren parte izan behar du. Ez dugu aukeratu nahi lana galtzearen edo suntsipen kapitalistaren artean. Ekintza kolektiboaren bidez (mobilizazio soziala eta negoziazio kolektiboa lantokietan), enplegua eta lan-eskubideak bizitzarekin bateragarriak diren jarduerekin lotzen dituzten trantsizioak bultzatu behar ditugu.

1Azterketak 49. Feministak garelako: zaintza-sistema publikoaren alde. ELAren Azterlan Kabinetea. Man Robles-Arangiz Fundazioa.