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Articles du Vendredi : Sélection du 30 octobre 2020


En finir avec l’état d’urgence et d’exception
Tribune collective
www.liberation.fr

Les mesures sanitaires prises sans délibération ni vote du Parlement sont de plus en plus fréquentes. Elles sont non seulement attentatoires aux libertés publiques mais contribuent à creuser des inégalités déjà criantes.

Tribune. Face à la progression de l’épidémie de Covid-19, Emmanuel Macron a annoncé, mercredi 14 octobre, un nouveau train de mesures restrictives visant à ralentir la circulation du virus. Particulièrement attentatoires aux libertés publiques, ces mesures ont été édictées – comme le permet l’état d’urgence – sans délibération ni vote du Parlement. Jusqu’où faut-il admettre cette érosion démocratique, qui accompagne une telle atteinte aux libertés de tous ? Le «bon sens» évoqué par le président de la République lors de son allocution n’est visible nulle part et consiste plutôt, sans véritable délibération, à multiplier les mesures de restriction des libertés publiques. S’il nous faut désormais «vivre avec le virus», comme le répètent nos dirigeants depuis le déconfinement, faut-il pour autant accepter de vivre au rythme de ces restrictions, qui sont soustraites à tout débat public et sur lesquelles personne n’est appelé à voter ?

L’état d’urgence sanitaire, qui autorise le gouvernement à prendre, sans discussion possible, les mesures les plus contraignantes, a pu être nécessaire au mois de mars afin de limiter l’engorgement des hôpitaux. Mais cet état d’urgence et d’exception ne saurait être sans cesse renouvelé. La normalisation de ces pouvoirs exceptionnels confiés aux dirigeants, affranchis du processus démocratique, représente une atteinte de plus en plus alarmante aux libertés et aux droits fondamentaux.

Comment «vivre avec le virus», en effet, sans préserver notre vie démocratique, économique, sociale, et culturelle ? La lutte contre l’épidémie ne saurait, à elle seule, occuper tout l’espace politique. Dans un Etat de droit, les libertés publiques sont inaliénables. Nous refusons de vivre dans cet état d’urgence et d’exception perpétuel, où la moindre menace – aujourd’hui sanitaire, demain sécuritaire – pourrait suffire à justifier que des mesures si contraignantes soient mises en œuvre sans que personne ne soit appelé à les voter.

Parce qu’elle constitue une atteinte considérable à la liberté d’aller et venir, l’instauration d’un «couvre-feu» – mesure qui semblait, depuis des décennies, appartenir aux seuls livres d’histoire – n’aurait dû être envisagée qu’en ultime recours, et à la double condition qu’elle fût réellement utile et strictement proportionnée. Comment s’assurer que ces conditions sont bien remplies, dès lors qu’aucun débat n’a lieu avant la prise de décision et que le Parlement n’est pas même réuni ? Quelle garantie a-t-on qu’une telle contrainte était incontournable ? Quelle assurance a-t-on que le gouvernement a pris, en amont, toutes les mesures de dépistage et de soutien de notre système hospitalier public pour tenter d’éviter un tel expédient ?

La question est d’autant plus légitime que les effets délétères de cette nouvelle mesure de «confinement» sont désormais connus. Ces dispositions plongent d’ores et déjà dans la détresse de nombreux secteurs économiques, parmi les plus fragiles : restaurateurs, lieux culturels, indépendants, etc.

Dans le même temps, les mesures du gouvernement creusent les inégalités tout en les invisibilisant, car ce sont d’abord les plus précaires et les plus pauvres qui en pâtissent. Les conséquences économiques se font déjà ressentir, puisqu’on estime que la crise sanitaire a fait basculer un million de Français dans la pauvreté, tandis que l’accès au RSA n’est toujours pas ouvert aux 18-25 ans. Rappelons que le chômage et la pauvreté entraînent eux aussi des morts par leur bilan humain trop souvent négligé : les dépressions, maladies cardiovasculaires, addictions et autres troubles qu’ils entraînent seraient ainsi responsables de 10 000 à 14 000 décès par an.

Les inégalités ne peuvent continuer à se creuser, la pauvreté à s’aggraver, le chômage à s’accroître, dans la poursuite d’une illusoire maîtrise des risques exclusivement pandémiques, au prix d’une érosion toujours plus grande des libertés publiques et de la démocratie.

Dans ce «monde d’après» aux allures dystopiques, les citoyens se voient réduits à de simples travailleurs-consommateurs, leurs loisirs sont supprimés car considérés comme «un peu inutiles» par le président de la République. L’art, la culture, la vie associative, le sport et la fête sont ainsi relégués au second plan, alors qu’ils devraient, au contraire, constituer les moteurs de nos vies en ce qu’ils nous permettent de faire société.
Plus que jamais, il est nécessaire que s’ouvre un véritable débat sur la politique sanitaire. Mais ce débat suppose qu’il soit mis fin à l’état d’exception et que la démocratie reprenne enfin ses droits en France.

Parmi les signataires : 
Lenny Benbara Fondateur du think tank Institut Rousseau,
William Bouchardon Responsable de la rubrique Economie du Vent se lève,
Laura Chazel Chercheuse en science politique à Sciences-Po Grenoble,
Gaël Giraud Economiste et directeur de recherches au CNRS,
Bruno Gaccio Humoriste, scénariste, auteur et producteur de télévision,
Caroline Mécary Avocate au barreau de Paris, ancienne coprésidente
de la fondation Copernic,
Gilles Perret Réalisateur documentariste,
Denis Robert Journaliste,
François Ruffin Député dans la première circonscription de la Somme (Picardie debout),
Pierre Zaoui Maître de conférences en philosophie à l’Université de Paris.

Climat : nouvelle passe d’armes entre Oxfam et les banques françaises
Gabriel Nedelec
www.lesechos.fr/finance-marches/banque-assurances/climat-nouvelle-passe-darmes-entre-oxfam-et-les-banques-francaises-1259287

L’ONG Oxfam estime dans un rapport que les financements actuels des banques françaises placent le monde sur une trajectoire de hausse des températures de 4 °C. Pour les intéressées, la méthodologie de l’organisation, fondée sur des données anciennes, biaise le débat.

« C’est une photo du passé », a balayé Laurent Mignon, le président du directoire de BPCE et représentant de la finance verte à la FBF, jugeant que celle-ci ne prenait pas en compte les dernières avancées, alors que les banques ont multiplié les initiatives ces dernières années.

« Le chiffre de 4 °C, c’est faux, mais terrible en termes d’image », déplore un banquier. Les banques françaises mettent en avant un chiffre : l’exposition du secteur bancaire au charbon ne représente plus aujourd’hui que 2,3 milliards d’euros, soit 0,18 % de leur portefeuille global. Selon Laurent Mignon, le niveau a « beaucoup » baissé, sans toutefois chiffrer la baisse.

Comme souvent, c’est la méthodologie que contestent les banques. En effet, pour BNP Paribas, l’analyse – réalisée par le cabinet de conseil Carbon 4 – repose sur des chiffres antérieurs au 1er janvier 2018, tout comme pour BPCE, Crédit Agricole ou encore Société Générale. Pour La Banque Postale, la photographie se base sur l’année 2018, tandis que pour le Crédit Mutuel, l’année de référence est 2019.

« Nous avons travaillé avec les données disponibles, explique Alexandre Poidatz, l’un des auteurs du rapport d’Oxfam. Il ne faut pas inverser la charge de la preuve, ce n’est pas à nous de pallier le manque de transparence des établissements bancaires. »

Le défenseur de l’environnement affirme cependant que, même en tenant compte des annonces de sortie du charbon – les principales de ces deux dernières années -« la trajectoire se situerait toujours au-dessus de 4 °C ».

Méthode non convergente

« Il n’existe pas encore de méthode standardisée sur le calcul des émissions de carbone des financements bancaires, c’est pour cela qu’il n’y a pas de convergence avec le travail des ONG, a reconnu Laurent Mignon, le patron de BPCE. Nous avons pourtant le même objectif : s’aligner sur l’Accord de Paris. »

Pour trancher cette bataille méthodologique, c’est vers une autre source qu’il faudra donc se tourner. A l’occasion, du Climate Finance Day, le gendarme des marchés (AMF) et le superviseur bancaire (ACPR) doivent en effet publier un extrait d’un rapport conjoint très attendu. Fruit du travail d’une commission spéciale mise en place il y a un an à la demande de Bercy, cette première publication doit faire le point sur  des acteurs financiers en matière de charbon.

Banques : des engagements climat à prendre au 4ème degré
Oxfam France
www.oxfamfrance.org/rapports/banques-des-engagements-climat-a-prendre-au-4eme-degre

Oxfam France publie un nouveau rapport intitulé « Banques : des engagements climat à prendre au 4ème degré » et lève le voile sur l’empreinte carbone colossale des banques françaises en analysant les émissions de gaz à effet de serre issues des activités de financement et d’investissement des six principales banques françaises, et en leur attribuant une « température ».

Le rapport révèle ainsi que l’empreinte carbone de ces 6 banques françaises – BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale, Banque Populaire Caisse d’Epargne, Crédit Mutuel et la Banque Postale – représente près de 8 fois les émissions de gaz à effet de serre de la France entière et nous amène vers une trajectoire à + de 4°C.

Les banques françaises nous emmènent vers un monde à 4°C

Si les 6 banques françaises continuaient de financer l’économie comme elles le font à ce jour, cela conduirait à un réchauffement de plus de 4°C d’ici à 2100, soit 2,5°C de plus que l’objectif fixé dans l’Accord de Paris.

Pourtant, l’urgence est là et déjà bien connue. La planète s’est réchauffée de 1°C depuis la période pré-industrielle, laissant apparaître de nouvelles menaces et impactant la vie de millions de personnes. Plus une seule année ne se passe sans observer la multiplication et l’intensification des événements climatiques extrêmes comme les canicules et sécheresses, les incendies ou les inondations.

Un réchauffement au-delà de 4°C aurait des conséquences dramatiques partout dans le monde. En France, on estime par exemple que les risques de feux de forêt augmenteraient de 40%, que les inondations surviendraient plus de 5 fois par an à Nantes, Bayonne et Dieppe ou encore, que les vagues de chaleur en région parisienne s’étendraient de 21 à 94 jours, contre 7 aujourd’hui. Découvrir le rapport

L’empreinte carbone de notre compte bancaire

Puisqu’une banque a une empreinte carbone indirecte, du fait de ses financements et investissements, ses clients en font les frais. Le nouveau rapport d’Oxfam France évalue ainsi l’impact climatique de notre argent et les résultats sont édifiants. En estimant que les Français ont en moyenne 25 000 euros sur leurs comptes (courant et épargne), nous polluons encore plus via ce que finance notre argent que via notre propre consommation. Notre argent est notre premier poste d’émissions de CO2. Le modèle des banques ne permet aujourd’hui pas aux client-e-s de savoir à quoi sert réellement leur argent. L’argent confié a donc un impact environnemental et social… sans que le client n’en ait vraiment la maîtrise. Calculer mon empreinte

La nécessaire régulation des banques françaises

Si depuis 2015, les banques françaises se sont toutes engagées publiquement à être alignées avec l’Accord de Paris, beaucoup d’annonces s’avèrent être du greenwashing et restent largement insuffisantes. Aucun acteur financier ne s’est publiquement engagé à réduire l’intégralité de son empreinte carbone. Dans le même temps, les 4 plus grandes banques françaises (BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole, BPCE) ont toutes augmenté leurs financements à des entreprises qui développent des projets d’énergie fossile.

Les promesses ne suffisent pas et les simples « appels » du gouvernement à faire mieux ne portent pas leurs fruits. Une vraie intervention de l’Etat est indispensable. La régulation du système financier doit passer d’une logique de transparence à une logique d’exclusion et d’engagement avec les entreprises.

Oxfam France recommande de créer urgemment un label « en transition » permettant de définir le degré d’alignement d’un portefeuille avec l’Accord de Paris. Une banque ne pourra être désignée « en transition » que si :

  • Elle exclut de son portefeuille toute entreprise d’une « liste noire » commune, incluant les entreprises qui développent des projets incompatibles avec l’objectif 1,5°C.
  • Elle a une trajectoire de réduction ses émissions de gaz à effet de serre crédible

Découvrir le rapport

> La méthodologie est disponible ici.

> Le droit de réponse des banques est également disponible .

Jean-François Julliard : ‘ Il faut s’attaquer au cœur de la machine libérale ‘
Joakim Le Menestrel
www.resiliencecommune.fr/post/jean-fran%C3%A7ois-julliard-il-faut-s-attaquer-au-c%C5%93ur-de-la-machine-lib%C3%A9rale

Jean-François Julliard est directeur général de Greenpeace. Il revient avec nous, lors d’une interview sur la crise sanitaire du Covid-19 et sur les enjeux qui en découlent : biodiversité, modèle économique, Convention Citoyenne sur le Climat, transition sociale et écologique.

Résilience Commune : La pandémie mondiale du covid-19 a pu être un révélateur du « système sans limites » dans lequel nous vivons. L’explication de ses origines la plus partagée est écologique : destruction des écosystèmes, de la biodiversité et du braconnage abusif. Que devons-nous faire de différent à l’avenir pour ne pas répéter ces situations de crises systémiques ? Que faut-il changer maintenant selon vous?

Jean-François Julliard : Il y a beaucoup de chose à changer. Vraiment beaucoup de choses. Sur la question de la prévention des pandémies il est nécessaire de freiner la déforestation, l’artificialisation des sols, l’étalement urbain tout en ayant plus d’écosystèmes protecteurs entre le milieu sauvage et le milieu urbain. La biodiversité a un rôle de régulation des virus qui sont susceptibles de toucher les humains. La protéger, la renforcer en reforestant sont des priorités aujourd’hui.  Aussi, le système économique est co-responsable de la propagation du virus. Cette hypermondialisation des échanges, de nos déplacements montrent que l’on a atteint les limites à la fois humaines et planétaires. La relocalisation de notre activité économique est indispensable. Ce sont des transformations à mener rapidement

RC : Plus de la moitié de la population de la planète s’est quasiment arrêtée. Cette situation a cristallisé les inégalités sociales et économiques déjà omniprésentes et en augmentation depuis des décennies dans nos sociétés contemporaines. Mais nous avons pu voir aussi qu’il était possible de ralentir, de prendre le temps, de vivre autrement. Est-ce que c’est positif pour vous ? Quel regard avez-vous sur ce moment inédit du confinement ?

JFJ : Ce moment a montré à celles et ceux qui doutaient encore, la corrélation étroite, voire intime entre nos activités et la dégradation de l’environnement : pollution de l’air, émission de CO2, dérèglement climatique. Dès lors que l’on ralentit, ici un ralentissement subi et non choisi de nos activités économiques, on a immédiatement un impact positif : qualité de l’air, baisse de CO2.  Mais ce que cela a montré aussi, c’est l’ampleur des efforts à faire. L’impact de la 1ère vague sur les émissions de CO2 serait de 6 à 8% seulement. Il faudrait qu’il y ait un ralentissement choisi et non pas subi bien plus longtemps que ce que la crise nous montre pour transformer profondément nos modèles économiques.

RC : Nous avons pu voir que la Convention Citoyenne pour le Climat est une réussite tant à l’échelle des propositions qui ont été apporté par les citoyennes et les citoyens que par le format démocratique qui a été mis en place. Néanmoins, plusieurs propositions ont été écarté tel les 110 km/h, la taxe sur sur les dividendes des entreprises, l’écocide relégué à une application internationale supposée etc. La rhétorique du Président sur le fait qu’il a écarté ces mesures : l’opposition avec les gilets jaunes et « le social », le rôle du secteur privé dans la transition écologique en attirant des capitaux français et étrangers ou encore la difficulté selon lui de « placer l’environnement au-dessus de nos autres valeurs fondamentales », nous montre que le pas en avant pour une écologie politique ne sera pas possible au sein de cette majorité. Comment voyez-vous cela ?

JFJ : Depuis l’élection de Macron, nous n’avons pas cessé de dénoncer le fossé grandissant entre les discours et les actes. Dès le début de son mandat, il s’était pour autant positionné sur la question écologique et environnementale il avait fait sa sortie contre Trump avec sa phrase : « make our planet great again ». Il portait sur la scène internationale ces questions-là. En revanche, dès que l’on regarde trois ans après sa prise de fonction, les actes et les indicateurs qui permettent de mesurer son action sur la question écologique, rien ne va. Les mesures ne sont pas à la hauteur. Et ce n’est pas que Greenpeace qui le dit. Il n’y pas longtemps le Haut Conseil Pour le Climat qui expliquait encore que l’effort était loin du compte. Pour l’instant quoiqu’en dise le gouvernement et Macron, ce n’est pas à la hauteur.  Mais encore, j’ai de sérieux doute sur sa volonté à changer. Trois ans qu’il dit qu’il va faire, trois ans qu’il ne fait pas ou pas suffisamment. La convention citoyenne pour le climat est pour moi aussi l’illustration de ça. Certes la démarche est pertinente et intéressante et c’est réussi sur la forme, comme souvent. Cependant, les promesses ne sont pas réalisées. De fait, l’ambition donnée à la Convention Citoyenne sur le Climat n’était pas suffisante.

Les 150 travaillaient sur une réduction de 40% d’émission en 2030. C’est malheureusement insuffisant par rapport aux demandes du GIEC ou des Nations Unis. Leur travail est remarquable et ils et elles ont fait ce qu’ils/elles ont pu mais le mandat donné n’était déjà pas à la hauteur de l’enjeu.  Plus on avance, plus les « jokers » et les choix à la carte arrivent. Or les 150 sont clairs c’est le tout qui fait sens, toutes les mesures. Il est nécessaire de tout mettre en œuvre pour qu’il ait un effet multiplicateur. Pour ce qui est de l’application, plus on avance, plus les « jokers » et les choix à la carte arrivent. Nous voyons bien que dès qu’on touche à la taxation des entreprises, des dividendes, de certains secteurs polluants : ça ne passe pas parce que ce n’est pas dans leur schéma de pensée et d’action.

RC : Dans votre réaction à l’interview du 14 juillet du Président de la République, vous disiez : « Les accointances idéologiques d’Emmanuel Macron avec les milieux industriels et financiers réfrènent toute avancée réelle ». Pouvez-vous développer cette citation ?

JFJ : En effet, il n’ose pas s’attaquer au cœur de la machine libérale. Tant qu’il ne s’attaque pas à réformer ce système économique avec une politique qui mise moins sur le capitalisme ultralibéral, tant qu’il ne s’attaque pas à une vraie régulation des entreprises par rapport à l’accord de Paris, ça ne marchera pas.  On met beaucoup de pression sur les citoyennes et les citoyens mais les grandes entreprises restent les grandes gagnantes finalement de passage entre les mailles du filet. On ne change pas de cap, de logique et on continue de faire passer la sacro-sainte croissante avant tout autres problématiques.

RC : Pour finir, les municipales ont permis une clarification politique. L’écologie gagne contre les libéraux et conservateurs en étant rassemblée avec la gauche. De plus, pendant le coronavirus, beaucoup de collectifs et d’initiatives ont émergé. Y-a-t-il ainsi un espoir de voir la société mobilisée et politique construire ensemble une alternative à l’extrême-argent et à l’extrême-droite ? Et donc quel serait le rôle des ONG et associations dans ce cadre ?

JFJ : Plusieurs choses me donnent espoir. On a beaucoup contribué à la fondation du mouvement Plusjamaisça. Et oui on travaille avec les partis politiques dans ce cadre par exemple pour porter des mesures et des propositions qu’ils pourraient reprendre. Nous avons un rôle pour faire infuser des propositions écologiques et sociales au sein de la société et donc dans les partis politiques. De plus, ce qui me donne aussi espoir, c’est que ce qui paraissait inimaginable avant la crise parait aujourd’hui réalisable et nécessaire. La refonte des transports et des mobilités notamment sur l’aérien semblaient complétement impossible avant cette crise. Aujourd’hui c’est en tout cas un discours que l’on peut avoir avec le gouvernement. L’ambition est montée d’un cran, il faut s’assurer que tout ça ne retombe et que ça reste solide, ce qui est malheureusement en train de ne pas être le cas.


Islamo-gauchisme et capitalo-fascisme
Hervé Kempf
https://reporterre.net/Islamo-gauchisme-et-capitalo-fascisme

Derrière l’accusation d’ »islamo-gauchisme », les classes dirigeantes veulent cacher leur propre responsabilité dans le terrorisme islamique, lourde du fait de leurs liens avec les pétromonarchies et leur radicalisation néolibérale. Ce qui émerge, en fait, c’est un « capitalo-fascisme », qui abandonne les idéaux républicains de liberté, d’égalité et de fraternité pour maintenir un ordre inégal, destructeur de la biosphère, et écrasant les libertés publiques.

Les chiens sont lâchés. Meute hurlante, babines retroussées, bave en gueule, crocs brandis, ils ont couru, sitôt l’abominable meurtre de Samuel Paty perpétré, sus au prétendu responsable de l’attentat, l’« islamo-gauchisme ». Pendant que les trolls droitistes se déchaînaient sur les réseaux sociaux, le ministre Blanquer accusait nommément le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, tout comme un ex-Premier ministre PS, Manuel Valls, tandis que d’anonymes imbéciles taguaient « collabo » sur le siège du Parti communiste et que d’autres mettaient en cause des élus d’EELV.

Il ne devrait y avoir au sein du mouvement émancipateur et écologiste aucune crainte devant un tel déferlement de haine, sinon de l’effroi devant tant de capacité à mentir. Car ce que veulent cacher ces lanceurs de fatwa, c’est leur propre responsabilité, eux dont le camp est au pouvoir depuis 2002 : leur incapacité en tant que responsables de la police à cibler les islamistes, malgré la régression constante des libertés publiques qu’ils ont promu au nom de « la lutte contre le terrorisme », leur amitié constante et financièrement intéressée avec les régimes d’Arabie saoudite et du Qatar, régimes qui ont soutenu politiquement et économiquement l’islamisme radical, leur vindicte constante et anxiogène contre les musulmans, qui ne peut que pousser les esprits les plus faibles de cette religion à tomber dans la haine en retour, leurs complicités douteuses — des proches de Marine Le Pen manifestant en 2009 avec Abdelhakim Sefrioui, mis en examen dans l’enquête sur l’attentat de Conflans, ou le directeur du Point — dont un fonds de commerce est la dénonciation de l’islam —, Franz-Olivier Giesbert, présentant en 2014 Tariq Ramadan comme « un grand philosophe international ».

Mais il faut, pour comprendre ce qui se passe et surmonter ces tombereaux de fiel, prendre du champ. Comme je l’ai expliqué dans Tout est prêt pour que tout empire (Seuil, 2017), l’islamisme radical est intimement entremêlé avec l’évolution du capitalisme des quarante dernières années : pour faire pièce à l’invasion soviétique dans les années 1980, les États-Unis ont, par l’intermédiaire de l’Arabie saoudite, armé les factions musulmanes les plus radicales, les aidant à prendre de l’envergure. De surcroît, nonobstant le tournant rigoriste pris par l’Arabie saoudite après l’occupation de La Mecque par des extrémistes musulmans en 1980, les pays occidentaux ont maintenu les meilleurs liens avec ce pays et les autres pétro-monarchies, en raison de leurs fournitures de pétrole, alors qu’ils savaient que ces pays soutenaient le développement d’un islamisme radical. L’invasion criminelle de l’Irak en 2003 par les États-Unis et leurs alliés a encore contribué à jeter de l’huile sur le feu du terrorisme international. Autrement dit, le refus de s’affranchir de la dépendance pétrolière et de mener une vraie politique climatique a conduit les dirigeants occidentaux à fermer les yeux sur ce qui allait devenir, à partir du 11 septembre 2001, un cauchemar.

Il faut cibler les causes du phénomène, à savoir ces alliances coupables et notre dépendance au pétrole qui en est le ressort

Tout ceci n’implique pas qu’il faille minorer la menace que fait peser l’islamisme radical sur la société — et d’autant moins quand les apprentis sorciers qui l’ont aidé à se développer attisent en retour les ferments de la division et de la haine. Mais cela signifie qu’il faut cibler les causes et les responsables du phénomène, à savoir ces alliances coupables et notre dépendance au pétrole qui en est le ressort. Et que, plutôt que de se livrer à l’incantation des « valeurs républicaines » dans une société devenue profondément inégalitaire et oligarchique (le contraire de ce que l’on entend usuellement en France par « républicain »), il faut redire que l’enjeu essentiel pour refaire société est de faire reculer l’inégalité et de renforcer les outils intégrateurs que sont l’école, la santé, et l’accès à l’emploi.

Il faut aussi affirmer avec force que l’islamisme radical, malgré les crimes abominables qu’il peut susciter, est un péril secondaire par rapport à la catastrophe écologique planétaire en cours, et dont les chiens hurlants du moment négligent si opportunément l’existence. Car en fait, leur hargne si bruyante ne vise qu’à couvrir la radicalisation de la politique des capitalistes. Ceux-ci, tout en stimulant le désastre écologique, poursuivent le projet néolibéral de privatisation généralisée et veulent un déploiement illimité des techniques numériques. Comme ce projet est de plus en plus inacceptable, les classes dirigeantes ont choisi d’aller vers des formes de gouvernement toujours plus autoritaires. Elles reprennent aussi sans barguigner les thèmes d’islamisme, de sécurité, d’immigration, pour détourner vers ces boucs émissaires la colère populaire. Le but de la manœuvre est de refouler toute idée de se tourner vers une gauche revigorée qui voudrait s’attaquer à la réforme de la fiscalité des riches, à l’évasion fiscale des multinationales, et entreprendre une politique écologique.

Ce qui se fait ainsi jour est un capitalo-fascisme, qui abandonne les idéaux républicains de liberté, d’égalité et de fraternité pour maintenir un ordre inégal, destructeur de la biosphère, et écrasant les libertés publiques. Plutôt que de se défendre d’un « islamogauchisme » sans substance réelle, le mouvement émancipateur et écologiste doit faire front dans l’unité, et attaquer sans broncher les politiques désastreuses menées par les capitalistes et par leurs laquais.

Que crève le capitalisme — Ce sera lui ou nous, Hervé Kempf, éd. Seuil, septembre 2020, 128 p., 14,5 €.


Quand un chef économiste se trompe lourdement sur le RSA
ATD Quart Monde
https://blogs.mediapart.fr/atd-quart-monde/blog/201020/quand-un-chef-economiste-se-trompe-lourdement-sur-le-rsa

Le 15 octobre 2020, Patrick Artus, chef économiste de Natixis, justifie dans une tribune le refus d’Emmanuel Macron de revaloriser le RSA. Cette revalorisation est pourtant une demande de longue date des associations de solidarité. Et malheureusement, M. Artus se trompe du début à la fin dans les huit lignes de son argumentation.

Dans un texte publié le 15 octobre 2020 dans le quotidien La Croix, Patrick Artus, chef économiste de Natixis, justifie le refus d’Emmanuel Macron de revaloriser les minima sociaux dont le RSA.

Cette revalorisation est pourtant une demande de longue date des associations de solidarité, car le RMI équivalait à sa création en 1988 à 50 % du SMIC et le RSA a dégringolé aujourd’hui à 37 % (452 € pour une personne seule sans enfant bénéficiant d’une aide au logement, contre 1 219 € net pour le SMIC) et aujourd’hui, quand on ne parvient pas à accéder à un emploi décent et qu’on est cantonné aux aides sociales, le RSA ne permet même plus à une famille de « survivre ». Qu’en est-il des arguments présentés par Patrick Artus ?

 

« Les personnes qui touchent le RSA n’ont a priori pas perdu de revenu [pendant le confinement] »

FAUX. Il suffit d’écouter les personnes concernées et les responsables d’associations de solidarité depuis six mois. Christophe Devys, président du collectif Alerte, résumait bien en septembre combien la crise sanitaire aggravait la situation des plus précaires : « les plus pauvres d’entre nous ont à la fois dû subir une hausse de leurs dépenses, sur le budget alimentation notamment, et une baisse de leurs revenus car beaucoup ont perdu les petits boulots qu’ils pouvaient avoir(1). Tout ça a abouti à ce que le recours à l’aide alimentaire augmente de près de 50 %. Sans cette aide distribuée par les associations, beaucoup de personnes n’auraient pas pu s’alimenter. Ce n’est pas normal dans un pays comme le nôtre. En outre, avec la crise sociale qui nous attend, les choses vont encore considérablement se dégrader dans les mois qui viennent. »

 

« Si on cumule un RSA et une allocation logement, on a un revenu qui atteint 970 € par mois. »

D’où sort ce chiffre ? Le revenu disponible mensuel d’une personne au RSA sans enfant est de 776 € selon le ministère de la Santé (c’est un peu variable en fonction du montant de l’aide au logement).
Peut-être Patrick Artus parle-t-il du RSA « majoré » (c’est-à-dire pour une personne seule avec au moins un enfant), qui est de 967 € (le revenu disponible est même de 1 158 € mensuel dans ce cas) ? Mais alors, il faut comparer ce revenu RSA d’une personne seule avec enfant au revenu SMIC d’une personne seule avec enfant, qui est de 1 866 €, et non pas 1 200 € dans l’exemple de M. Artus.

 

« Augmenter le RSA fait courir le risque de rendre la reprise d’un travail moins attractive. »

FAUX. M. Artus appuie son raisonnement sur l’erreur de calcul que l’on vient de voir. D’autre part, il faut savoir que la décision de reprendre ou non un emploi ne dépend pas que d’un calcul financier. La valeur que la personne attribue au travail, sa volonté d’être utile et l’espoir qu’un emploi précaire débouchera sur un autre plus stable, entrent aussi en considération.

Esther Duflo, Prix Nobel d’économie, explique bien que « Au contraire, toutes les études ont montré qu’il n’y avait aucun effet décourageant sur le travail de garantir à ceux qui n’ont pas d’emploi un revenu plus important. […] Des minima sociaux plus généreux encouragent et facilitent la reprise de l’activité. »

 

« Le SMIC à temps plein étant à 1 200 € net, on peut en effet hésiter à prendre un travail pour 230 € supplémentaires. »

ENTIÈREMENT FAUX. Cette erreur de calcul que l’on vient de voir est la plus grave erreur de Patrick Artus, et celle que l’on commet le plus souvent lorsque l’on compare SMIC et RSA : on oublie qu’une personne/famille au SMIC continue de percevoir des aides sociales : prime d’activité, aide au logement, aide pour une mutuelle santé… Résultat : l’écart de revenu mensuel est d’en moyenne 700 euros pour une famille entre un RSA et un SMIC, et de 300 euros entre un RSA et un demi-SMIC selon ces comparatifs effectués par la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère des Solidarités et de la Santé) pour la première fois en 2020, dans le fil des comparatifs publiés depuis 2013 par ATD Quart Monde dans son livre En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté.
Cette erreur fondamentale est-elle excusable de la part d’un « chef économiste » ? A vous d’en juger.


« Je peux donc comprendre qu’Emmanuel Macron ne soit pas favorable à une revalorisation du RSA. »

FAUX. Une revalorisation du RSA, comme le montrent plusieurs études, présente des intérêts pour les personnes concernées bien sûr, mais aussi pour le retour vers l’emploi et pour l’économie dans son ensemble. C’est aussi ce que rappelle Esther Duflo.

Patrick Artus aurait pu utiliser l’argument que si l’on considère les frais de transport et de garde d’enfant, il n’est pas financièrement profitable de reprendre un emploi. Mais on peut répondre à cet argument que les personnes privées d’emploi ont, elles aussi, certains frais quand elles sont en formation ou en recherche active d’emploi. Là aussi, il faut déconstruire une image erronée : celle du chômeur oisif qui attendrait sans rien faire que l’emploi arrive sur un plateau.

Ces discours erronés d’un chef économiste ne vont bien sûr pas jusqu’à d’autres que l’on retrouve ces jours-ci sur les réseaux sociaux, mais ils se renforcent les uns les autres.

Ils continuent à diffuser des idées fausses sur ce que vivent les personnes les plus précaires et sur les solutions pour s’en sortir.

Ils orientent les choix de nos politiques, influencent l’opinion publique par leur omniprésence médiatique et en rajoutent une couche à l’humiliation ressentie par nombre de bénéficiaires de minima sociaux, augmentant les non-recours à la protection sociale (qui est « la plus chère du monde », comme chacun sait) et les fractures dans notre société.

(1) : Fin décembre 2015 en France, 14 % des bénéficiaires de minima sociaux sont salariés (17 % si l’on intègre les travailleurs indépendants) (source : « L’emploi salarié des bénéficiaires de minima sociaux » et « La composition du revenu des ménages modestes », Minima sociaux et prestations sociales, Drees, 2019).

Petxarromanek ‘Ezezagunerako bidaia. Mundua, klima eta ekologia krisian’ liburua aurkeztu du/strong>
Paulo Ostolaza
www.berria.eus/albisteak/188296/petxarromanek-ezezagunerako-bidaia-mundua-klima-eta-ekologia-krisian-liburua-aurkeztu-du.htm

Larrialdi klimatikoari buruzko kazetaritza liburua idatzi du BERRIAko kazetariak, eta hainbat gai landu ditu: historia, ingurumenaren egungo egoera, Euskal Herriko politikak, COVID-19ak izandako eragina… BERRIAk, Jakin-ek eta Elkarrek bultzatutako Aleka bildumako hamargarren lana da. BERRIA dendan eskura daiteke liburua.

«Munduko arazo globalena da, denoi eragiten diguna, gizakiok eta azken hamarkadetako sistema ekonomikoak eragindakoa». Xabier Eizagirre Jakin argitaletxeko editoreak horregatik uste du ezinbestekoa dela ingurumenaren gaia Aleka kazetaritza kroniken bilduman egotea, eta hala azaldu du gaur sortako hamargarren zenbakiaren aurkezpenean: Iñaki Petxarroman BERRIAko kazetariaren Ezezagunerako bidaia. Mundua, klima eta ekologia krisian.

Sei atal ditu lanak, eta Petxarromanek hurrenez hurren azaldu ditu aurkezpenean. Lehen atalean aferaren historia landu du, arreta, nagusiki, dena ukatzeko izan diren saiakeretan jarrita; bigarrenak, berriz, antropozenoaren gaia du hizpide, eta aztertzen du gizakiaren jardunak nola eragin duen bizi dugun garai geologikoan. Hirugarren atalean egungo egoera aztertu du Petxarromanek: tenperaturen igoera, deforestazioa, CO2 isurketen gorakada, natur hondamendien hazkundea…

«Eta, Euskal Herrian? Zer egiten ari gara ondo, zer gaizki?». Hori da laugarren atalaren gaia, eta ondorioa argi du kazetariak: «Europako bagoiaren atzealdean gaude». Horregatik, etorkizuneko erronkak landu ditu bosgarren atalean, eta seigarrenean, azkenekoan, COVID-19ak eragindako egoera bereziak larrialdi klimatikoan izandako eraginei buruz idatzi du.

Idazleak espero du liburuak gogoetarako balioko duela, eta argi du aldaketak ahalik eta azkarren egin behar direla «mundu hobe batean bizi ahal izateko».

Urteetako lanaren emaitza

Petxarromanek urteak daramatza kazetaritzan, lehenik Euskaldunon Egunkarian, eta, ondoren, BERRIAn; hango zuzendariorde ere izan da zortzi urtez. Bere ibilbideko azken urteetan ingurumenaren auzian espezializatu da nagusiki, eta lan horretan landutako edukien emaitza da gaur aurkeztu duen liburua.

Datorren ostegunean Martin Ugalde Foroan izango da Petxarroman, Andoainen (Gipuzkoa), parte hartu duten hainbat aditurekin batera. Ezezagunerako bidaia. Mundua, klima eta ekologia krisian liburua BERRIA dendan eskura daiteke.

«Klima aldaketa ez ezik, bioaniztasunaren galera ere eten egin behar da»