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Articles du Vendredi : Sélection du 26 septembre 2014 !

Climat : l’humanité en route pour atteindre un réchauffement de 2 °C

Stéphane Foucart
www.lemonde.fr/planete/article/2014/09/25/climat-les-deux-tiers-du-chemin-vers-un-rechauffement-de-2-c-ont-ete-parcourus_4493640_3244.html

L’ONU presse les Etats d’agir sur le climat

Laurence Caramel
www.lemonde.fr/planete/article/2014/09/22/climat-ban-ki-moon-presse-les-etats-d-agir_4491862_3244.html

New York: un sommet climatique pour rien ?

Valéry Laramée de de Tannenberg
www.journaldelenvironnement.net/article/new-york-un-sommet-climatique-pour-rien,50307?xtor=EPR-9

Naomi Oreskes : « Si vous tenez à la démocratie et la liberté d’expression, ne dénigrez pas le changement climatique


www.goodplanet.info/debat/2014/09/18/naomi-oreskes-si-vous-tenez-la-democratie-la-liberte-dexpression-ne-denigrez-pas-le-changement-climatique-cherchez-des-solutions

Alternatiba : cet « autre monde » qui vient d’en bas

Eros Sana
www.bastamag.net/Alternatiba-cet-autre-monde-qui

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Climat : l’humanité en route pour atteindre un réchauffement de 2 °C

Stéphane Foucart
www.lemonde.fr/planete/article/2014/09/25/climat-les-deux-tiers-du-chemin-vers-un-rechauffement-de-2-c-ont-ete-parcourus_4493640_3244.html

Est-il encore possible de demeurer sous la barre des 2°C de réchauffement par rapport à la période pré-industrielle ? Deux études publiées dans les dernières éditions des revues Nature Geoscience et Nature Climate Change explorent la question et donnent l’ampleur des efforts à accomplir par les différents pays pour demeurer sous cette limite, définie comme le seuil de danger par la communauté internationale.

Les travaux publiés dans Nature Geoscience ont dans un premier temps cherché à établir la quantité de dioxyde de carbone qu’il reste à émettre avant de rencontrer ce seuil de risque.

« L’humanité avait un capital de 3 200 milliards de tonnes (Gt) de CO2 à émettre pour avoir une bonne chance – soit deux chances sur trois – de rester sous le seuil des 2 °C de réchauffement. Et jusqu’à présent, depuis la révolution industrielle, nous en avons émis environ 2 000 Gt, explique Pierre Friedlingstein (université d’Exeter, Royaume-Uni) premier auteur de l’étude. Il nous en reste donc 1 200 Gt à émettre en tout et pour tout. » Une telle quantité de CO2 représente environ trente ans d’émissions mondiales au niveau de 2013.

Dans une seconde étude, publiée dans Nature Climate Change, les mêmes chercheurs ont imaginé une manière de répartir entre pays de ce qui demeure à émettre : sur le total de 1 200 Gt de CO2 qu’il est encore possible d’émettre, quelle proportion pourrait être allouée à la Chine, aux Etats-Unis, à l’Europe, etc. ?

DEUX SCÉNARIOS EXTRÊMES

Deux scénarios extrêmes ont été considérés. Le premier, le plus « cynique » possible, considère que la répartition des émissions de 2013 doit servir de base à l’allocation des droits à émettre futurs. Dans ce scénario, puisque la Chine a été responsable de 28 % des émissions mondiales en 2013, 28 % des ultimes 1 200 Gt de CO2 lui seraient accordés. De même, l’Amérique du Nord ayant émis en 2013, 19 % du CO2 mondial, ce seraient 19 % des derniers 1 200 Gt qui lui seraient accordés. Et ainsi de suite.

Le second scénario, le plus équitable possible (sans toutefois tenir compte des émissions historiques de chaque pays) consiste simplement à diviser équitablement les fameux 1 200 Gt par le nombre de terriens et d’attribuer ainsi les droits à polluer à chaque pays, en fonction de sa population.

Résultat ? Le deuxième scénario est totalement irréaliste. Même en desserrant l’étau des 1 200 Gt à émettre et en portant ce quota à 1 400 Gt – soit seulement une chance sur deux de rester sous les 2 °C – les Etats-Unis devraient réduire annuellement leurs émissions de plus de 15% pour parvenir à l’objectif. L’Europe se situerait dans ce scénario vers 6 % de baisse annuelle obligatoire et la Chine autour de 10 %.

Mais le premier scénario (le plus « injuste ») n’est pas plus réaliste : il serait tout simplement inacceptable pour les pays comme l’Inde et la majeure part de l’Asie, de même que pour l’Afrique. Tout ces pays ayant une grande part de leur développement à accomplir et n’ayant que peu émis en 2013 se verraient ainsi trop injustement pénalisés.

LA CHINE EST LA GRANDE GAGNANTE

La leçon de ces simulations est, selon Corinne Le Quéré, directrice du Tyndall Centre de l’université d’East Anglia et coauteure de l’étude, que « le plus crédible est un mélange, à mi-chemin de ces deux scénarios extrêmes ». « Ce serait le choix qui laisserait à tous le maximum de chances de succès », dit-elle.

Surtout, les simulations effectuées montrent que la Chine, le plus gros pollueur, serait relativement peu affectée par l’un ou l’autre des scénarios. Le plus « injuste » la conduit à obtenir 28 % des droits à polluer, tandis que le plus « équitable » la conduirait à obtenir un quota de 17 %. La variation semble importante mais n’a que peu à voir avec la situation américaine : Washington récupérerait 19 % des droits dans le premier scénario contre seulement 5 % dans le second. La Chine est ainsi, de plus en plus, au centre du jeu diplomatique, car elle est désormais à la jonction entre pays développé et pays en développement.

Outre de figurer les stratégies de réduction d’émissions les plus crédibles – ou les moins vouées à l’échec –, ces travaux rappellent l’extrême difficulté de rester sous le seuil des 2 °C sans recours à des technologies de capture et de stockage du carbone. Car les simulations conduites reposent sur l’hypothèse que le pic d’émissions mondiales sera atteint dans les prochaines années.

UN CAPITAL RESTANT DE VINGT-DEUX ANS

Or, sans accord climatique contraignant, la baisse des émissions ne sera pas pour demain. Les chercheurs ont utilisé les projections de croissance économique du Fonds monétaire international (FMI) pour évaluer ce qui sera (en l’absence de politique climatique) probablement émis entre aujourd’hui et la fin de la décennie en cours. Résultat : ce sont encore 200 Gt qui doivent encore s’accumuler dans l’atmosphère d’ici à fin 2019.

Début janvier 2020, il restera donc environ un capital de 1 000 Gt de CO2 à émettre. Soit, au niveau d’émissions qui sera alors atteint, il restera vingt-deux ans d’émissions pour que le capital initial des 3 200 Gt de CO2 soit finalement dilapidé. Et les 2 °C de réchauffement atteints – nous serions alors en 2041…

L’ONU presse les Etats d’agir sur le climat

Laurence Caramel
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On l’appelle déjà « le sommet de Ban », car c’est à titre personnel que le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, a invité les chefs d’Etat à se réunir, mardi 23 septembre à New York, à la veille de l’Assemblée générale pour un sommet extraordinaire sur le climat. A quinze mois de la Conférence de Paris, où les 195 pays de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques ont rendez-vous pour signer le premier accord global impliquant tous les grands émetteurs de gaz à effet de serre, M. Ban veut donner un élan politique à des négociations toujours aussi difficiles.

Dans les rues de New York, où s’est déroulée, dimanche, une marche du peuple pour le climat qui a rassemblé plus de 300 000 personnes, Ban Ki-moon s’est joint au cortège citoyen pour demander aux dirigeants politiques d’agir. Ne pas répéter l’échec de Copenhague : le souvenir de la Conférence sur le climat de 2009, où les chefs d’Etat avaient, en vain, été appelés en sauveurs de la dernière heure, reste douloureux dans l’esprit de tous les négociateurs. En les interpellant aujourd’hui, Ban Ki-moon espère écarter ce scénario.

Les chefs d’Etat, qui ne se sont jamais réunis depuis leur mésaventure danoise, se montreront-ils à la hauteur des attentes ? En cinq ans, les émissions de gaz à effet de serre ont battu record sur record pour atteindre une concentration jamais égalée en 2013. Le dérèglement climatique, à travers la multiplication de catastrophes naturelles, est devenu une réalité dans nombre de pays, à commencer par les deux premiers pays pollueurs de la planète : la Chine et les Etats-Unis.

CRÉATION DE LARGES COALITIONS

De passage à Paris à la fin du mois d’août, Mary Robinson, l’envoyée spéciale des Nations unies pour le climat, résumait ainsi les trois critères qui permettront d’évaluer la réussite du sommet. Premièrement : les engagements que prendront les chefs d’Etat. Deuxièmement : l’argent mobilisé, notamment pour le Fonds vert promis à Copenhague pour aider les pays en développement à s’adapter aux impacts du changement climatique et financer leur transition énergétique. L’objectif était de mobiliser 100 milliards de dollars (environ 78 milliards d’euros) par an d’ici à 2020.

Enfin – et ce sera la grande nouveauté de cette rencontre –, la création de larges coalitions regroupant des Etats, des villes, des entreprises, des organisations non gouvernementales autour de domaines d’action jugés essentiels pour la lutte contre le réchauffement. C’est ce que Ban Ki-moon a appelé « l’agenda des solutions ».

La France, qui, en tant que présidente de la future Conférence de Paris, avait un temps rêvé de voir les chefs d’Etat annoncer de la tribune des Nations unies des objectifs chiffrés de réduction des émissions de CO2, convient désormais « qu’il est un peu trop tôt ».

PATIENTER JUSQU’EN MARS 2015

L’Union européenne, faute d’avoir été capable de mener à terme sa négociation interne, ne sera pas en mesure de montrer l’exemple. Le président américain, Barack Obama, à quelques semaines des élections de mi-mandat, doit toujours composer avec l’opposition républicaine du Congrès. La Chine tout comme l’Inde ne seront pas représentées au plus haut niveau.

Que faut-il espérer, alors, des quatre minutes de discours dont disposera chacun des 120 chefs d’Etat ayant répondu à l’appel ? « Les dirigeants doivent clairement réaffirmer leur soutien à un accord global ayant pour objectif de limiter la hausse des températures à 2 °C et dire qu’ils vont engager leur économie sur la voie d’une décarbonisation totale à l’horizon 2050 », réclame au minimum l’économiste britannique Nicholas Stern.

Pour des engagements précis, il faudra donc patienter jusqu’en mars 2015, l’échéance que se sont fixée les négociateurs. Même si des surprises restent possibles à New York.

UN GIGANTESQUE « CLIMATHON » MARDI

Côté financement, la France devrait dévoiler sa contribution pour le Fonds vert. Le chiffre d’un milliard de dollars, voisin de celui que l’Allemagne a annoncé en août, était évoqué jusqu’à la veille du sommet. La Norvège est aussi attendue. Les pays en développement demandent que la première capitalisation du Fonds vert, qui sera bouclée en novembre, soit comprise entre 10 et 15 milliards de dollars. C’est le prix à payer pour rétablir une confiance largement entamée. A New York, les banques multilatérales de développement confirmeront de leur côté qu’elles financeront davantage de projets dans l’économie verte.

De nombreuses multinationales profiteront du sommet pour apporter leur appui à la campagne de la Banque mondiale en faveur de l’introduction d’un prix du carbone à laquelle se sont aussi ralliés une quarantaine d’Etat dont la France. Trois cent quarante fonds de pension, dont le géant Calpers et Blackrock, à la tête d’un portefeuille de 24 000 milliards de dollars, y ont déjà souscrit en promettant d’orienter sans attendre une partie de leurs actifs sur des placements verts.

Des organisations religieuses et des fondations philanthropiques annonceront leur volonté de vendre leurs actifs dans l’industrie du charbon pour financer des énergies renouvelables. Mardi, le siège des Nations unies devrait être le théâtre d’un gigantesque « climathon » dont il reviendra à Ban Ki-moon de faire le bilan en fin de journée.

Un exercice d’autant plus délicat après les manifestations qui ont rassemblé plusieurs centaines de milliers de personnes à travers le monde pour dénoncer « trop de discours et pas assez d’actions ».

 

Trente ans d’échecs

1979 Première conférence mondiale sur le climat, à Genève (Suisse). Lancement d’un programme de recherche international.

1988 Création du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).

1992 Tenue du Sommet de la Terre à Rio. Ouverture à signature de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques.

1997 Adoption du protocole de Kyoto, qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre des pays riches de 5,2 % en moyenne en 2012 par rapport à leur niveau de 1990.

2005 Entrée en vigueur du protocole de Kyoto.

2007 Publication du quatrième rapport du GIEC, qui affirme l’action de l’homme sur le climat.

2009 Au sommet de Copenhague, l’absence de consensus conduit à l’échec des négociations.

New York: un sommet climatique pour rien ?

Valéry Laramée de de Tannenberg
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L’ONU a réuni le 23 septembre des centaines de chefs d’Etat, d’entrepreneurs, d’élus locaux et d’associatifs. L’occasion de faire le point sur les concessions que ces parties sont déjà prêtes à faire. Mais la négociation est loin d’être terminée.

Les 120 chefs d’Etat et de gouvernement qui ont participé, mardi 23 septembre, au sommet sur le climat organisé à New York par l’ONU, étaient attendus. Dimanche dernier 21 septembre, des centaines de milliers de manifestants (dont 4.000 à Paris) ont appelé les gouvernants à agir pour stabiliser le réchauffement climatique. Ils ont été, en partie, entendus.

Nombre d’acteurs ont pris solennellement des engagements qui vont dans le bon sens. Plus de 130 gouvernements, compagnies et associations ont adopté une «Déclaration de New York sur les forêts», en s’engageant à réduire de moitié la déforestation d’ici 2020, avant d’y mettre fin d’ici 2030. Rejetée par le Brésil, la Déclaration appelle aussi à restaurer 350 millions d’hectares de forêts et de terres agricoles. Combinés, ces trois objectifs permettraient d’éviter l’émission de 4,5 à 8,8 milliards de tonnes de gaz à effet de serre par an d’ici 2030.

ENR, véhicules électriques, fuites de gaz

Une vingtaine de pays africains se sont engagés à produire 40% de leur électricité, au moins, avec des énergies renouvelables en 2030, contre 12% aujourd’hui. Les petits pays îliens vont investir 500 millions de dollars (391 M€) pour construire 100 mégawatts électriques de capacités photovoltaïques. Sous la férule de Michelin, une dizaine de partenaires, industriels et institutionnels, ont annoncé le lancement de l’Urban Electric Mobility Initiative, afin de développer l’utilisation du véhicule électrique. L’organisation de l’aviation civile internationale a réitéré son objectif de diviser par deux les émissions de l’aviation commerciale entre 2005 et 2050. Des maires des plus grandes villes du monde ont estimé qu’ils pouvaient abattre de 8 Mdt les émissions urbaines vers 2050. Multinationales du pétrole et collectivités ont aussi conclu un partenariat pour réduire les rejets fugitifs de méthane, un puissant GES.

Quelques pays ont annoncé qu’ils allaient enfin abonder, d’ici 2018, le fonds vert climatique. D’ores et déjà, 2,5 Md$ (2 Md€) auraient été promis, dont 1 milliard par la France. Comme en 2009, le président du Costa Rica a annoncé un moratoire sur l’exploitation du pétrole. Pour le reste, il faudra se contenter de peu.

Un leadership sino-américain?

José Manuel Barroso a rappelé que l’Union européenne prévoyait de réduire de 40% ses émissions de GES entre 1990 et 2030. A condition que le Conseil européen du mois d’octobre avalise cet objectif. Un objectif repris à son compte par David Cameron, le Premier ministre britannique.

Très attendu, Barack Obama a confirmé que les Etats-Unis réussiraient à réduire de 17% leurs émissions entre 2005 et 2020. Le président américain a lancé un appel au gouvernement chinois pour conclure un accord «ambitieux» en 2015. Pour les Américains, la signature d’un traité international est, en revanche, totalement exclue. Car il ne serait pas ratifié par le Congrès.

Le vice-Premier ministre chinois n’est pas resté sourd à l’appel américain. Il a indiqué que les émissions chinoises seraient stabilisées «dès que possible». «La Chine fera de plus grands efforts pour lutter contre le changement climatique et prendre ses responsabilités internationales», a mystérieusement conclu Zhang Gaoli.

Bien sûr, ces annonces ne satisferont pas les climatologues. Pour autant, New York n’était pas un round de négociations. Organisé par son secrétaire général, le sommet était surtout un moyen (très limité) pour l’ONU d’inciter les parties à la convention sur les changements climatiques de préparer leur stratégie anti-carbone.

Faire le point

Dans un entretien accordé à L’Usine à GES, Paul Watkinson, chef des négociateurs français rappelle que la réunion était surtout l’occasion pour les chefs d’Etat de «faire le point, souligner leur engagement à trouver un accord à Paris, mais également pour donner une impulsion aux initiatives collaboratives bénéficiant autant au climat qu’au développement».

Les «vraies» mesures seront publiées entre le sommet climatique de Lima (décembre prochain) et le printemps 2015. C’est seulement sur ces bases que les diplomates réussiront (ou non) à rédiger l’accord «universel» qui pourrait être signé à Paris en décembre 2015.

Naomi Oreskes : « Si vous tenez à la démocratie et la liberté d’expression, ne dénigrez pas le changement


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Naomi Oreskes est une spécialiste américaine de l’Histoire des Sciences. En 2013, elle co-écrit avec Erik Conway  un livre d’anticipation pour alerter sur les effets du changement climatique. Ce livre est publié en France en 2014 sous le titre L’Effondrement de la Civilisation occidentale aux éditions Les Liens qui Libèrent. Cet ouvrage se trouve à la croisée du livre d’Histoire et du livre de science-fiction. Manuel d’Histoire du futur, il revient sur les causes de la disparition de la civilisation occidentale provoquée par le changement climatique entre 1988 et… 2093. Naomi Orsekes répond à nos questions sur ce projet et sur la difficulté des scientifiques à communique sur le changement climatique.

 

Pourquoi avoir choisi la science-fiction pour parler du changement climatique ?
Avec Erik Conway qui est historien à la NASA , nous avons choisi la voie de l’histoire et de la fiction pour aborder le changement climatique et ses effets car il s’agit d’une question compliquée dont les implications ne sont pas toujours évidentes pour le grand public. Notre objectif avec l’Effondrement de la civilisation occidentale est de parler de ce qui est en jeu, pas seulement pour les ours polaires et la biodiversité, mais pour la société humaine dans son ensemble. Or, les résultats des études sont trop compliqués. Les scientifiques ne communiquent pas assez pour expliquer pourquoi le changement climatique compte.

Sur quels éléments vous êtes-vous basé ?

Nous sommes partis des données du Giec (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’évolution du climat) et de leurs scénarios. Nous avons repris leurs projections les plus pessimistes. Or, ces scénarios sont en train de passer du possible au probable. Ce que nous observons, comme la fonte des glaces, va au-delà des prévisions du Giec. L’hypothèse d’un réchauffement au-delà des 6 degrés n’est plus à exclure. Pour ne citer que cet exemple, les modèles du Giec négligent ou du moins ne prennent pas assez en compte le méthane contenu dans le permafrost. Mais, bien sûr, nous espérons que ce scénario du pire ne se réalisera pas et c’est pour l’éviter que j’ai écrit ce livre.

Dans votre livre, les scientifiques ne parviennent pas à alerter l’opinion et les décideurs sur la catastrophe climatique en cours. Pensez-vous que les scientifiques ont échoué à avertir l’opinion sur les dangers du changement climatique ?

Oui, mais ce n’est pas vraiment de leur faute. La plupart des scientifiques sont formés à faire de la science : recueillir des données et les analyser. Mais ils ne prennent pas la peine de les expliquer. De nombreux scientifiques pensent que c’est le job des journalistes. Et c’est pourquoi existe ce fossé entre les chercheurs qui font de la science et l’opinion publique.

Ce fossé est-il récent ?

Ce fossé a toujours existé, mais il s’est creusé ces dernières années. Avant, il était fréquent que les scientifiques écrivent des livres pour s’adresser au public, susciter des débats et prendre des positions citoyennes. Après la Seconde guerre mondiale, de nombreux physiciens sont ainsi intervenus en faveur du contrôle des armes atomiques. Ils ont publiquement pris position. De nos jours, les chercheurs sont plus spécialisés. Le domaine scientifique est devenu plus compétitif et ils ont moins de temps pour s’adresser au public. De plus, ils n’ont pas forcément autant de culture générale ou philosophique que leurs prédécesseurs. Les scientifiques modernes se sentent moins à l’aise pour prendre la parole. De plus, concernant l’arme atomique, l’opinion a pu constater ses ravages, alors que le changement climatique reste un sujet lointain et distant.

Pensez-vous que la fiction puisse aider le public à comprendre ces enjeux ?

Bien sûr que oui. Le jour d’Après, par exemple, a bien marché. Pourtant, de nombreux scientifiques ont critiqué ce film en raison de son manque de réalisme. Pourtant, il s’agit de capturer l’imagination puis d’amener une réflexion. Peu importe si les détails sont réalistes, si la fiction permet de discuter ce qui peut se passer avec le changement climatique. Dans les années 1970, les films de science-fiction, comme Godzilla ou Docteur Follamour, ont permis de le faire pour les armes nucléaires. C’était des films terribles mais grandioses.

Votre livre se montre plutôt pessimiste et décrit la chute de l’Occident et l’émergence de la Chine, comme seule nation capable de faire face aux enjeux climatiques. Est-ce le signe d’un échec de la démocratie ?
Tout l’enjeu pour les démocraties est là : faire face aux défis à long-terme. En comparaison, le gouvernement autoritaire de la Chine est plus capable de voir à long-terme. Et il ne s’embarrasse pas de sa population, car s’il faut déplacer 2 millions de personnes, la Chine le fera – ce n’est pas un scénario insensé au regard de l’Histoire. Mettre l’accent sur la Chine dans le livre nous permet aussi de rappeler à tous : si vous tenez à la démocratie et la liberté d’expression, ne dénigrez pas le changement climatique et cherchez des solutions. Car si vous ne le faites pas, le scénario envisagé dans le livre, celui d’un retour à des régimes autoritaires, pourrait bien survenir.

Alternatiba : cet « autre monde » qui vient d’en bas

Eros Sana
www.bastamag.net/Alternatiba-cet-autre-monde-qui

Un premier village des alternatives sociales et écologiques, Alternatiba, s’est tenu en Île-de-France, à Gonesse (Val d’Oise). L’occasion pour les participants de s’opposer au projet de centre commercial géant, Europa City, promu par Auchan. Et d’esquisser les contours de cet « autre monde » qui se construit par en bas, dans les coopératives, les associations de recyclage, les initiatives de productions locales, les actions de solidarité internationale ou par la multitude d’expérimentations agricoles. Basta ! a recueilli leurs témoignages et leurs envies.

Toutes les 90 secondes, un avion décollant de l’aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle, tout proche, les survole. En dessous, ils sont près d’un demi-millier à participer à « Alternatiba », un village des alternatives écologiques et sociales, ces 20 et 21 septembre à Gonesse, dans le Val-d’Oise. Initié il y a un an à Bayonne, ces villages temporaires présentant de nouvelles manières de produire et de consommer, des coopératives aux produits bio en passant par des ateliers de recyclage, se multiplient. Les bruyants supersoniques dans le ciel, des alternatives à la crise climatique et environnemental au sol : deux modèles de développement qui ne pourront plus cohabiter bien longtemps.

La menace ne vient pas que du ciel : les participants ont auparavant marché dans la ville de Gonesse, pour notamment protester contre la construction d’un grand projet, jugé inutile et imposé : Europa City. Il s’agit d’un immense centre commercial comprenant 500 boutiques, hôtels, restaurants et un parc à neige couvert. Le tout stérilisant et bétonnant 680 000 m2 de terres arables. Soit l’équivalent de douze grandes pyramides de Gizeh, en beaucoup moins beau ! Le projet est promu par le groupe Auchan (lire également notre enquête). C’est sur le Triangle de Gonesse, sur le terrain même de ce projet contesté, que tentes, stands et estrade se sont installés avec l’objectif de démontrer qu’un « autre monde » est déjà là. Basta ! a recueilli les témoignages de plusieurs participants.

« Une première dans la construction d’alternatives », Valentin Przyluski, militant socialiste

« Je suis venu à Alternatiba parce que ce type de rassemblement, où les gens se rencontrent, discutent et échangent, est une première dans la construction d’alternatives et dans le renforcement des pratiques concrètes et décentralisées. Je suis convaincu qu’il faut limiter tous les projets qui menacent les terres agricoles, qu’il s’agisse d’Europacity ou de Notre-Dame-des-Landes. Je ne suis pas d’accord avec toutes les luttes qui sont mises en avant ici. J’ai par exemple un a priori négatif sur les oppositions au ferroviaire. Je préfère que les gens prennent le train plutôt que l’avion. Je ne m’oppose pas à toutes les LGV (lignes à grande vitesse). A titre individuel, je ne mène pas suffisamment d’actions pour transformer la planète. Mais j’essaye de soutenir tous types d’initiatives qui tentent de défendre la production agricole locale, la plus locale possible. Car c’est par l’agriculture que l’on peut faire prendre conscience de l’obligation d’une consommation durable et locale. L’agriculture, c’est le produit du quotidien. Cela a un impact direct sur la société et la santé. »

 

 

« Il faut arrêter de ne penser que par la croissance », Steffie Kerzulec, membre du Collectif Alternatiba Essone

« Je pense que la dynamique lancée par Alternatiba est un grand mouvement qui peut vraiment faire bouger les choses pour le climat. Vu la situation dans laquelle nous sommes, il est indispensable de montrer qu’il y a des alternatives possibles et reproductibles. C’est pourquoi j’essaye de me rendre au maximum de rassemblements Alternatiba pour m’inspirer de ce qui s’y dit. Je suis convaincue qu’il faut arrêter de lancer des projets comme ceux de grands centres commerciaux ou d’aéroports inutiles. Pour cela, il faut arrêter de ne penser que par la croissance et pour la croissance. Il faut commencer à penser sobriété et efficacité énergétiques. Nous devons donc changer d’échelle et relocaliser l’économie. Ce que je fais à titre individuel pour changer la planète ? Je commence déjà par aller tous les jours au boulot à vélo. Ensuite, j’habite dans un logement collectif. Et enfin, je mange bio, car j’essaye d’éviter les pesticides. »

« Les coopératives de salariés peuvent nous éclairer », Vincent Gay, militant d’Ensemble (Front de gauche)

« D’un côté, Alternatiba promeut un type d’alternatives, de l’autre Europacity illustre ces projets fous du capitalisme qui n’ont aucun sens, ni économique, ni social et encore moins environnemental. Il faut donc lier les résistances à la lutte pour l’environnement, les terres agricoles et pour des alternatives à nos modes de consommation. Il existe plein d’exemples qui nous montrent que les gens sont capables de s’organiser différemment. Les AMAP (Association pour le maintien de l’agriculture paysanne) sont les plus connues, mais il y a aussi les coopératives de salariés qui peuvent nous éclairer. L’exemple des Fralib est d’ailleurs exemplaire à ce titre-là.

Pour changer les choses, il y a deux niveaux d’intervention, le quotidien et le politique. Agir au quotidien, à titre individuel ou collectif, ne se limite pas au tri des déchets. Cela s’étend aux déplacements, à la consommation, à la récupération, au recyclage, aux associations de réparations d’objets ménagers… Cela prouve que les gens se prennent en main. Mais on sait que cela ne suffit pas. C’est pour cela qu’il ne faut pas oublier le niveau militant ou politique. C’est pour cela que nous sommes ici aujourd’hui. C’est aussi pour cela qu’il faudra se mobiliser pour le climat lors des négociations de la COP 21 en 2015 (la 21ème conférence des Nations unies pour le climat aura lieu à Paris, ndlr). »

« Les grands projets inutiles relèvent de la névrose capitaliste », Jean-Marc Kerric, maraîcher

« Si je participe à la dynamique d’Alternatiba, c’est parce que je me suis reconverti dans l’agriculture il y a cinq ans, dans l’Essonne. Avant, j’étais prof en fabrication mécanique et client d’une AMAP. Les maraîchers que j’ai rencontré m’ont donné la passion de leur métier et m’ont convaincu de sauter le pas et de me reconvertir. Maintenant que je suis agriculteur, je me rends compte que nous avons besoin de paysans pour cultiver les terres et de terres à cultiver. Et c’est ici, en sortant un peu de mon champ, que je peux faire entendre ce type de besoins.

L’une des premières choses à faire pour changer de société, c’est d’empêcher l’accumulation de richesses par quelques-uns. Pour moi, un riche c’est une personne qui en vole une autre. Ensuite, il faut arrêter tous les grands projets inutiles qui relèvent de la névrose capitaliste. Pour changer les choses, je commence déjà par ne pas consommer plus de ce dont j’ai besoin. Ensuite, j’ai fait en sorte de pouvoir vivre sur mon lieu de travail. Je me suis également imposer de réfléchir sur le sens de mon travail. Je ne dis pas que prof est un mauvais boulot. Mais je pouvais faire autre chose en devenant agriculteur. »

« Une révolution du quotidien, des petits gestes », Umit Metin, militant des droits de l’Homme

« Alternatiba représente la résistance à des projets qui détruisent notre société, tant au niveau social qu’environnemental. Moi qui suis un militant contre les discriminations et pour les droits de l’Homme issu de l’immigration turque, je considère qu’il faut soutenir les espaces porteurs d’alternatives. Notamment pour créer du lien et exprimer une solidarité en affirmant que ce n’est pas seulement un combat qui concerne tel ou tel quartier, tel ou tel pays, mais bien un combat contre un système. A titre d’exemple, en Turquie, des projets qui détruisent l’environnement se multiplient : il y a le projet d’un nouvel aéroport, d’un pont gigantesque… Mais il y a aussi de plus en plus de luttes contre ces projets. Ce fut le cas pour les manifestations pour préserver le parc naturel Gezi à Istanbul. Manifestations qui ont été brutalement réprimées.

Ce qui est beau, c’est que de nombreux militants contre le projet de Notre-Dame-des-Landes ont exprimé lors solidarité à Gezi, avec une répercussion certaine là-bas. Le monde est petit, les luttes sont les mêmes. Ceux d’en face utilisent les mêmes méthodes pour faire du profit et toujours plus de profit. Pour changer les choses dans le monde, il faut d’abord commencer par changer les choses dans sa tête. La révolution est aussi une révolution du quotidien, des petits gestes. Petits gestes que j’inculque à mes enfants, vis-à-vis du gaspillage de l’eau, du traitement des déchets… »