Bizi !

Articles du Vendredi : Sélection du 26 novembre 2010

«Equité, sobriété partage»


Sud-Ouest daté du 25.11.10

Caravanes à Cancun

Maxime Combes du Projet Echo des Alternatives (www.alter-echos.org)
Alda ! daté du 25.11.10

Les gaz à effet de serre ont atteint
des niveaux records en 2009

AFP
Le Monde daté du 24.11.10

Le pic pétrolier a eu lieu en 2006 !

Hervé Kempf
www.reporterre.net/spip.php?article1424 – le 24.11.10

Réfugiés climatiques : « la responsabilité des pays développés »

Ivo Poletto
Alter-Echos 20.11.10

« Une guérilla sociale durable »

Entretien réalisé par Jacqueline Sellem
L’Humanité du 23.11.10

[:]

«Equité, sobriété partage»


Sud-Ouest daté du 25.11.10

Le deuxième contre-sommet de Cancún, au Mexique, se tiendra samedi 4 décembre à Cancon. Le point sur la mobilisation associative.
«Pour une transition écologique et sociale » ; « il ne faut surtout pas changer le climat mais changer le système ». Double est l’appel des responsables du contre-sommet de Cancon, pendant du sommet de Cancún. Et bis repetita sept ans plus tard. À la différence, qu’en 2003, le thème portait sur l’Organisation mondiale du commerce et que, samedi 4 décembre, les «patrons» de la planète évoqueront le réchauffement climatique.
«En juillet 2010, le peuple de Cochabamba a réagi à l’impasse du sommet mondial de Copenhague. Il a émis l’idée de 1 000 Cancún dans le monde, idée relayée par Via Campesina, mouvement international paysan. Aussi, le peuple bolivien a rédigé un projet de déclaration de la terre. Ce peuple apporte un regard différent de la vision occidentale. À Cancon, nous essaierons de  »faire une prise » sur cette conscience planétaire», a expliqué, hier, Christian Crouzet, président de la Confédération Paysanne.
Gaspillage et hypocrisie
La Confédération Paysanne, Attac, les Amis de la terre et Bizi au Pays Basque ont été à l’origine du premier contre-sommet de Cancon. Depuis, d’autres associations et mouvements politiques se sont greffés (1). Et quelques « têtes » connues, tel José Bové, déjà présent en 2003.
Que ce soit Monique Guittenit, Lionel Feuillas, Jean-Michel Armagnac ou Bernard Péré, tous ont dénoncé, hier, « le gaspillage » et « l’hypocrisie entourant le sommet de Cancún. Concernant le climat, il y a d’abord eu négation, puis prise en compte, récupération et aujourd’hui dévoiement».
Le 4 décembre, à Cancon, tous entendent montrer et démontrer que d’autres solutions existent à l’échelle de la planète et ce, de manière locale. « Équité, sobriété, partage », ces mots reviennent en boucle dans chacune des interventions. «Mais nous devons tous nous retrousser les manches. Certes, il s’agit d’économie mais elle est indissociable de la justice sociale. Le plus délicat est de lutter contre la force des lobbyings. Sauf que nous sommes face à un mur et que nous n’avons plus le choix. »


L’âge de pierre

« Vivre à l’occidentale, c’est consommer trois ou quatre planètes. Il faut arrêter toute forme de gâchis », poursuivent les associatifs. Leur volonté affirmée est «la relocalisation. Pourquoi aller chercher ailleurs et souvent loin ce que nous pouvons produire sur place ? Nous ne militons pas pour un retour à Cromagnon et les cavernes. La raison doit l’emporter. Nous y croyons, sinon le rendez-vous de Cancon n’existerait pas. Mais il faut que le comportement individuel soit accompagné d’un engagement des pouvoirs publics. Ceux-ci doivent même susciter une autre façon de vivre. Car s’il est seul, le citoyen ne peut pas agir ! »
(1) Stop Golfech, Réseau sortir du nucléaire, Au fil des deux Séounes, NPA, Front de gauche, Europe Écologie, Horizon vert, les Objecteurs de croissance, la FASF (alternatifs)…
Rens. : blog.cancon2010.org

Caravanes à Cancun

Maxime Combes du Projet Echo des Alternatives (www.alter-echos.org)
Alda ! daté du 25.11.10

Nombreux sont ceux qui sont repartis de Copenhague convaincus qu’il s’agissait «d’un nouveau cycle de luttes»(*).
Il faut pourtant reconnaître que la suite s’est appuyée, au niveau international, sur les résultats de la conférence de Cochabamba convoquée par un chef d’Etat, Evo Morales, et non sur les initiatives propres des mouvements.
Avec deux conséquences majeures. Premièrement, cette alliance étrange entre quelques pays et les mouvements pour la justice climatique et sociale a obtenu que l’essentiel des propositions issues de Cochabamba soient intégrées dans les textes de négociations présentés à Cancun.

Pas d’euphorie. Elles sont intégrées seulement comme éléments de discussion, au même titre que celles issues de Copenhague…

Compte-tenu du rapport de force entre les Etats, il n’y a aucune chance qu’elles soient la base d’un éventuel accord à Cancun, par ailleurs très hypothétique.
Néanmoins, ces propositions sont légitimes et partie intégrante des débats. Il sera difficile de s’y opposer frontalement et publiquement.
Elles sont donc un formidable appui pour la société civile afin d’interpeller les gouvernements du Nord qui ne veulent pas en entendre parler. C’est le second effet Cochabamba.

Quels que soient nos avis sur les détails de ces propositions, elles constituent une grille de référence pour analyser les décisions et non-décisions des Etats. De tous les Etats. Y compris la Bolivie ou l’Équateur. Ce qui est décisif pour Maristella Svampa(2) , notamment «pour déconstruire l’imaginaire extractiviste» très fortement ancré dans les pays andins. Les propositions de Cochabamba ne représentent donc pas seulement une alternative qui se glisse au cœur du système onusien. Elles constituent aujourd’hui une frontière entre ceux qui s’accommodent d’un capitalisme vert et ceux qui veulent «changer le système et pas le climat». Caravanes internationales Comme le dit Alberto Gomez(3) de la Via Campesina, l’objectif des caravanes internationales, tout comme réaliser 1000 Cancun dans le monde entier, est de «transformer radicalement les négociations climatiques». En effet, ni la façon de poser les débats ni les solutions proposées – hormis celles de Cochabamba – ne sont de nature à résoudre les défis climatiques et environnementaux auxquels nous sommes confrontés.

Ainsi, confier à la Banque Mondiale la gestion des fonds climat est irresponsable alors que cette dernière finance des projets qui détruisent les agricultures paysannes et vivrières des pays pauvres au profit de l’agro-industrie d’exportation extrêmement nocive pour l’environnement et le climat.

Ces caravanes sont donc un maillon des initiatives à prendre pour renverser la table des négociations et imposer nos propres solutions, y compris celles issues de Cochabamba. Concrètement, trois caravanes vont partir du centre du Mexique (San Louis Potosi, Guadalajara, Acapulco) et arriveront le 30 novembre à Mexico City pour une immense manifestation. Elles atteindront Cancun le 3 décembre, rejointes par des caravanes venant d’Oaxaca et du Chiapas. Sur leur parcours, elles rendront visibles les luttes menées au Mexique contre les activités minières, la pollution de l’eau et de l’air, les grands barrages, les mono-cultures dévastatrices, etc… pour démasquer le gouvernement mexicain qui, bien loin de mener «une politique verte» comme il l’affirme, livre son territoire aux multinationales minières, énergétiques et agroalimentaires, sans états d’âme pour les populations qui en vivent les conséquences. Ya Basta…!

(1) «Retour sur l’émergence du mouvement pour la justice climatique», entretien avec Michael Hardt, http://mouvements.info/Retour-sur-l-emergence-du.html

(2) «Déconstruire l’imaginaire extractiviste», entretien avec Maristella Svampa, http://alter-echos.org

(3) Mille Cancun et des caravanes internationales pour «transformer les négociations climatiques» http://alter-echos.org

Les gaz à effet de serre ont atteint
des niveaux records en 2009

AFP
Le Monde daté du 24.11.10

Les gaz à effet de serre ont atteint des niveaux records en 2009, en particulier le dioxyde de carbone (CO2) et le méthane, alors que la planète ne cesse de se réchauffer. Mercredi 24 novembre, l’Organisation météorologique mondiale (OMM) a tiré la sonnette d’alarme : « Le dernier bulletin montre très clairement que les principaux gaz à effet de serre (GES) ont atteint leurs plus hauts niveaux jamais observés depuis l’époque pré-industrielle. »
L’augmentation de la concentration de ces gaz a eu lieu « malgré le ralentissement économique » et « aurait été encore plus élevée » sans les mesures qui ont été prises au niveau international, a précisé le secrétaire général adjoint de l’organisation, Jeremiah Lengoasa.
NIVEAU RECORD DE CO2 ET MÉTHANE
Alors qu’avant 1750, la teneur de l’atmosphère en CO2, le GES d’origine humaine le plus abondant, est restée pratiquement constante, elle a augmenté depuis de 38 %, « essentiellement à cause des émissions dues à la combustion des combustibles fossiles, au déboisement et aux changements d’affectation des terres », relève l’OMM. Ces dix dernières années, le mouvement s’est accéléré avec un accroissement de la concentration de CO2 de 1,88 % par an en moyenne.
Concernant le méthane (CH4), deuxième plus important gaz à effet de serre persistant, sa teneur dans l’atmosphère a augmenté de 158 %, « principalement du fait de l’accroissement des émissions dues à des activités humaines telles que l’élevage de bovins, la riziculture, l’exploitation des combustibles fossiles et la mise en décharge des déchets ». Environ 60 % des émissions de méthane sont « d’origine humaine », souligne encore l’organisation.

STOPPER LES ÉMISSIONS
« Si nous continuons comme si de rien n’était, nous n’atteindrons pas le niveau de concentration atmosphérique de ces gaz qui nous permettra d’atteindre l’objectif de réduction de deux degrés », décidé l’année dernière à Copenhague, a prévenu le co-directeur du département recherche de l’OMM, Len Barrie. « Si nous voulons commencer à faire baisser le niveau des GES, nous devons stopper totalement les émissions de ces gaz », a-t-il insisté.
La question sera soulevée lors de la prochaine conférence de l’ONU sur le climat, qui s’ouvre le 29 novembre à Cancun (Mexique). Lors de la dernière conférence, il y a un an à Copenhague, les Etats ont été incapables de fixer une feuille de route précise pour l’après-2012, à l’expiration du protocole de Kyoto sur la réduction des gaz à effet de serre.

Le pic pétrolier a eu lieu en 2006 !

Hervé Kempf
www.reporterre.net/spip.php?article1424 – le 24.11.10

Le pic pétrolier s’est produit en 2006, indique l’Agence internationale de l’énergie. En bonne logique, cette phrase aurait dû faire la Une de la presse mondiale, les Bourses auraient chuté, et l’on aurait enfin répondu à la question : « Sachant que ce système est totalement vermoulu, à quel moment en change-t-on ? » La réponse aurait été : « Maintenant ! »
Reprenons les faits. Le pic pétrolier est le moment où la production de pétrole commence à décroître. Depuis une quinzaine d’années, nombre de géologues avertissent de l’imminence de ce moment capital : il signifie en effet que le régime énergétique du monde, fondé sur l’or noir depuis près d’un siècle, va devoir changer radicalement. On ne va pas manquer de carburant du jour au lendemain, mais il va falloir diminuer sa consommation. La théorie du pic pétrolier s’est imposée. Et la question est devenue : quand aura-t-il lieu ?
L’Agence internationale de l’énergie (AIE) vient de répondre dans son rapport annuel, intitulé World Energy Outlook 2010, publié à la mi-novembre. Elle énonce ainsi sa prévision : « La production de pétrole brut se stabilise plus ou moins autour de 68-69 Mb/j (millions de barils par jour) à l’horizon 2020, mais ne retrouve jamais le niveau record de 70 Mb/j qu’elle a atteint en 2006 » (1). Autrement dit, le pic s’est produit en 2006.
Depuis 2006, justement, il y a eu une forte hausse des prix du pétrole (en partie spéculative), puis une crise économique. Cette augmentation des prix a rentabilisé l’exploitation de pétroles « non conventionnels », tels que les sables bitumineux, qui compensent en partie le déclin du pétrole.
L’AIE prévoit une augmentation mondiale de la consommation d’ici à 2035. Comment la satisfaire ? En pompant davantage les réserves de l’Arabie saoudite, et en développant sables bitumineux, pétrole de l’Arctique et pétrole sous-marin très profond. Problème : ces exploitations sont encore plus polluantes que la production de pétrole classique, et l’on peut douter des capacités de l’Arabie saoudite. Conclusion mezza voce : la crise pétrolière approche à grands pas.
Comment y échapper ? Le moins mauvais des scénarios de l’AIE est dit « 450 » : on limite les émissions de gaz à effet de serre pour ne pas dépasser un réchauffement de 2°C. Il suppose de réduire rapidement la demande de pétrole : outre le gain pour le climat, cela permettrait d’éviter la pollution due aux pétroles non conventionnels, et réduirait les investissements nécessaires à leur développement, ce qui est bon pour l’économie. Mais cela impliquerait de… changer de politique… maintenant. Ah, horreur !

Note :
(1) http://www.iea.org/weo/docs/weo2010/weo2010_es_french.pdf

Réfugiés climatiques : « la responsabilité des pays développés »

Ivo Poletto
Alter-Echos 20.11.10

Alors que le Forum social mondial sur les migrations s’est achevé le 11 octobre 2010 à Quito en Equateur (voir notre reportage), Ivo Poletto revient dans un court entretien sur les corrélations entre crises environnementales et flux migratoires. Ce philosophe et sociologue est impliqué dans le Forum brésilien Changements climatiques et Justice sociale.
Alter-Echos : Plusieurs organisations indiquent que l’on pourrait passer dans les prochaines années de 25 millions à 100, voire 200 millions de déplacés environnementaux. Quels liens établissez-vous entre migrations et changements climatiques ?
Ivo Poletto : Les migrations climatiques ou déplacements pour raisons environnementales sont une nouvelle réalité s’inscrivant dans une réalité historique de plus long terme. La famine continue de générer des migrations. Le changement climatique s’y est ajouté. Dans les deux cas, les personnes contraintes de partir voient diminuer les possibilités de vie dans leur territoire d’origine. Le développement économique mondialisé, en vouant la terre à l’agrobusiness, participe par exemple à l’expulsion des paysans. Ces derniers gagnent les villes de pays encore plus appauvris où les possibilités de vivre dignement sont faibles. Les processus de production des pays industrialisés utilisent toujours plus de ressources naturelles et ils émettent tant de gaz à effet de serre qu’ils créent des déséquilibres que la planète manifeste par les changements climatiques. Ces dérèglements aggravent toujours plus les conditions de vie des populations, particulièrement dans les pays les plus vulnérables. La vie est parfois rendue si difficile que beaucoup partent chercher d’autres espaces pour pouvoir survivre. Le changement climatique est déjà là et la tendance est à l’augmentation de ceux qui sont déplacés du fait de ces dérèglements.
Alter-Echos : Quelles sont les voies à emprunter selon vous ?
Ivo Poletto : Nous marchons dans deux directions. Il y a d’une part les luttes pour que soient reconnus les droits des migrants internes et internationaux. L’enjeu est de faire cesser l’idée qu’ils représentent une menace. Comme le prouvent de nombreuses études, la responsabilité de cette migration relève des pays industrialisés, des pays les plus riches. C’est pourquoi, ces pays doivent reconnaître à ces populations le droit de venir chercher des conditions de vie meilleures chez eux. Comment condamner ces déplacés alors que ce sont les pays industrialisés qui contrôlent cette économie mondialisée et qui génèrent les problèmes de vie dans les territoires des migrants ? Il est nécessaire de leur accorder le droit de se déplacer et de s’installer dans les pays qui sont responsables de leur migration.

Alter-Echos : Et quelle est l’autre voie à suivre ?
Ivo Poletto : Nous estimons que toutes les personnes et tous les peuples peuvent vivre dans leurs propres territoires. Cela implique pour la société civile de cesser de parier sur le progrès tel qu’il est pensé aujourd’hui, et qui ne cesse d’agresser la terre, la planète et les conditions d’existence d’une grande partie des gens. Plus de 60 % de la population mondiale vit à proximité de la mer. Si son niveau continue de monter, des millions de gens vont être expulsés de leurs terres. Où vont-ils vivre ?
Alter-Echos : A quels niveaux peut-on agir ?
Ivo Poletto : Il est essentiel de lutter pour des changements profonds, aussi bien au niveau local, national et international afin que la planète et nos écosystèmes retrouvent leurs équilibres. C’est la seule façon de faire cesser la destruction des territoires où vivent des millions de personnes. Agir à ces différents niveaux, c’est sauver dans le même temps les territoires où vivent les peuples et préserver les conditions nous permettant de vivre sur la planète. En tant que société, les petites initiatives, grandes en réalité, peuvent montrer qu’il est possible de changer et que nous devons changer.
Alter-Echos : Sur quels types de droits peut-on s’appuyer ?
Ivo Poletto : Nous pourrions lutter pour un « devoir de responsabilité » des pays qui provoquent et continuent de provoquer les changements climatiques. Ce devoir de responsabilité permettrait aux populations de bénéficier du droit à vivre dans les territoires de ceux qui ont commis un crime écologique. Néanmoins c’est une option difficile. L’essentiel à mon sens est de se battre pour montrer que nous devons mettre en oeuvre très rapidement les transformations nécessaires à notre survie sur cette planète. Ces changements profonds peuvent faire émerger une autre civilisation avec d’autres valeurs, d’autres formes de vivre ensemble. Il me semble que c’est la stratégie la plus importante.


Alter-Echos : Qu’espérez-vous de la prochaine conférence sur le climat à Cancun en décembre ?
Ivo Poletto :
Cancun n’est pas un événement isolé mais il s’inscrit dans un processus, dont le forum social des migrations est partie prenante. Par ces conférences, l’humanité reçoit des informations fondamentales qui lui permettent de reconnaître que nous vivons une crise très grave. A partir de ce constat, les peuples peuvent mettre une forte pression sur les gouvernements et les secteurs économiques pour voir que l’urgence est de changer de chemin et de changer ensemble. Continuer sur cette voie du progrès c’est prendre le risque pour les générations à venir de ne plus pouvoir vivre sur cette terre. L’environnement favorable à la vie se voit maintenant contraint et souffrant. Comme l’écrit un auteur au Brésil, « nous sommes à un stade où soit nous changeons, soit nous mourrons ». Je crois et j’espère en la capacité de l’être humain à comprendre et utiliser sa liberté pour emprunter un chemin positif de changements. Le processus de discussions internationales à Cancun n’a d’importance que s’il participe à une prise de conscience planétaire.

« Une guérilla sociale durable »

Entretien réalisé par Jacqueline Sellem
L’Humanité du 23.11.10

Pour Philippe Corcuff, maître de conférences de science politique à l’Institut d’études politiques de Lyon et membre du Conseil Scientifique d’Attac France, le mouvement social a déjà gagné, mais insuffisamment.
Après le vote du parlement, peut-on considérer que la loi sur les retraites est une affaire classée et que le mouvement social a subi une défaite ?
Philippe Corcuff. On pourrait plutôt dire que le mouvement social a déjà gagné, mais insuffisamment. Ainsi, une mobilisation d’ampleur sur une durée significative a redonné confiance et inventivité aux résistances populaires. De nouvelles générations, de nouveaux secteurs professionnels et des individus peu ou pas impliqués auparavant se sont inscrits dans une action collective massive. C’est un acquis central à ne pas laisser en friche, soit par auto-aveuglement fataliste, soit au profit d’un horizon principalement électoral.
D’ailleurs des collectifs interprofessionnels et intersyndicaux poursuivent leur action. Et la promulgation de la loi sur les retraites vient se heurter à la diffusion d’un imaginaire de la désobéissance civile, faisant de la contestation citoyenne des lois un des lieux de renouvellement d’un espace démocratique mis sous tutelle oligarchique par une représentation politique professionnalisée intriquée avec des intérêts capitalistes.
Les cadres militants ont souvent tendance à observer la réalité en fonction de schémas pré-établis, en tentant de faire rentrer la réalité dans ces schémas. Ils apparaissent insuffisamment attentifs aux caractéristiques d’une situation à chaque fois spécifique, en risquant, toujours un peu déçus, de passer à côté des potentialités de chaque contexte.
Justement certains ont regretté l’absence d’appel à la grève générale. Qu’en pensez-vous ?
Philippe Corcuff. L’absence de mot d’ordre de grève générale par l’intersyndicale nationale a effectivement constitué, à mon avis, un frein à la généralisation du mouvement. Mais un tel appel n’aurait pas suffi à créer magiquement une grève générale effective. Les mouvements sociaux sont plus compliqués. L’imaginaire de la grève générale, issu du syndicalisme révolutionnaire d’avant la guerre de 1914-1918, constitue une invitation fort utile à la convergence des luttes sociales face à la tendance à leur éparpillement. De ce point de vue, son usage a été bénéfique dans le cours du mouvement. Mais ce mot d’ordre ne doit pas devenir tyrannique, comme si c’était la seule voie possible de la généralisation. En fonction des conditions concrètes, il faudrait être davantage ouverts à une diversité de chemins de généralisation. C’est dans cette perspective que j’ai envisagé une « guérilla sociale durable » (1).
Qu’est-ce qui selon vous caractérise ce mouvement social ?
Philippe Corcuff. Il se situe dans le prolongement des mouvements sociaux de 1995, de 2003 et de 2006, en exprimant des aspirations fortes dans notre pays : l’attachement à la protection sociale et aux services publics, la solidarité intergénérationnelle et la revendication d’une autre répartition des richesses. Comme déjà le combat sur le contrat première embauche, il renforce aussi l’importance prise par la composante individuelle, les attentes des individualités blessées par la logique du capitalisme, que nous venons de traiter dans le livre d’Attac, Le Capitalisme contre les individus (Éditions Textuel). Le succès dans les diverses manifestations du slogan « Je lutte des classes » est de ce point de vue significatif.
Par ailleurs, ce mouvement est marqué par des formes particulièrement prononcées de solidarité (notamment solidarité financière avec les grévistes) et une accentuation des liaisons interprofessionnelles et intersyndicales autour d’actions directes (blocages, actions symboliques, etc.). Enfin, il a fait preuve d’un caractère mobile, multiforme et polyphonique, entre repères nationaux fournis par les journées d’action, grèves sectorisées et mouvantes, actions locales, actes de solidarité, etc. Ce sont des atouts si une « guérilla sociale » se prolonge, à partir du thème de retraites et au-delà de ce thème.


(1) Dans « Pour une guérilla sociale durable et pacifique », Mediapart, 18 octobre 2010, http://www.mediapart.fr/club/blog/philippe-corcuff/181010/pour-une-guerilla-sociale-durable-et-pacifique .


SEMAINE DU 3/12/10!!

Cancon, pas Cancun

Hervé Kempf
www.reporterre.net du 01.12.10

Climat : pour une distribution planétaire des droits au CO2

Jean Sireyjol , Président de l’association citoyenne taca (http://taca.asso-web.com)
www.reporterre.net du 02.12.10

« C’est autour des pays émergents
que se fera ou pas l’accord de Cancun »

Emmanuel Guérin, directeur du programme climat de l’IDDRI (Institut du développement durable et des relations internationales) / Chat modéré par Grégoire Allix et Emmanuelle Chevallereau
Le Monde du 29.11.10

Diminuez l’empreinte carbone de votre épargne»

Antoine Reverchon
Le Monde Economie du 23.11.10

Pentagonoa prestatzen ari da petroliorik ezarako

Pello Zubiria
Argia Astekarian (www.argia.com/argia-astekaria/2253/pentagonoa-prestatzen-ari-da-petroliorik-ezarako/osoa) 21.11-10

Cancon, pas Cancun

Hervé Kempf
www.reporterre.net du 01.12.10

Les cancan bobo sur Cancun ont tout du concon : « Il faut sauver le processus, les Etats doivent prendre des mesures, encore un an de perdu, que c’est grave, la planète, ouin ouin… ». Toujours en pleine forme, l’écologie bisounours enveloppe la conférence sur le climat d’un tissu gluant de mièvrerie.
La diplomatie n’est jamais autonome : elle forme l’écho des forces sous-jacentes qui meuvent l’histoire. Celles-ci franchissent parfois des points de rupture. Eclate alors en pleine lumière le nouvel ordonnancement des puissances. Les traités sont, parmi d’autres événements, ces jours de lumière.
Dans le cas du climat, le système de forces est double. D’une part, un jeu géostratégique classique de puissances – Chine, Etats-Unis, Europe, Russie, Inde, etc. – illustrant une tension nord-sud. D’autre part, du fait de l’originalité historique de la crise écologique, un jeu planétaire, se déclinant dans chaque société, d’opposition entre deux modes de développement économique et de répartition des richesses.
La négociation climatique est engluée dans la tension géostratégique du dipôle Etats-Unis et Chine, l’Europe ayant de facto abandonné son ambition en ne séparant pas son destin de celui des Etats-Unis. Il reste l’autre opposition, toujours tue par l’écologie bisounours : celle confrontant une croissance économique assise sur une profonde inégalité sociale, à une économie écologique dont la sobriété suppose la justice sociale. Ceci constitue l’autre blocage de la négociation : presque tous les Etats importants sont engagés dans un modèle de croissance matérielle – éventuellement rebaptisée « verte » – visant à conserver l’ordre social inégal. Et le développement écologique et juste est en fait défendu par ce qu’on appelle la « société civile ». Son expression est bornée par l’oligarchie et par les médias qu’elle contrôle. Mais c’est en fait de la force, de l’énergie, et de la capacité de persuasion de ces forces populaires que dépend l’évolution des choses.
La conférence de Copenhague a été un tournant parce que pour la première fois dans l’arène du climat y a émergé la société civile, sous le slogan unificateur de « justice climatique ». Si un traité sur le climat est évidemment nécessaire, il ne pourra s’écrire que sous la pression populaire. C’est pourquoi, plutôt qu’à Cancun, où les diplomates ne feront que sauver les apparences, c’est dans les mouvements de protestation et de proposition qu’il faut chercher l’énergie de l’avenir. En France, c’est à Cancon (Lot-et-Garonne) qu’il faudra être, le 4 décembre. Sur le net, voir http://blog.cancon2010.org. S’y feront entendre ceux qui veulent « changer le système, pas le climat ».

Climat : pour une distribution planétaire des droits au CO2

Jean Sireyjol , Président de l’association citoyenne taca (http://taca.asso-web.com)
www.reporterre.net du 02.12.10

2010 nous confirme l’ampleur des dégâts que va provoquer le réchauffement climatique : inondations monstrueuses au Pakistan, canicule en Russie avec feux de forêts et effondrement de la récolte en blé. En France, à une moindre échelle, nous avons eu la tempête Xynthia (dont les dommages ne sont pas encore réglés) et les inondations de Draguignan. En 2010, il suffit de regarder pour comprendre : le Climat est fragile et le réchauffement climatique nous fragilise.
2010, année zéro de l’accord mondial
Apres l’échec de Copenhague (Flopenhague) les gouvernements n’essaient même plus de rechercher cet accord qui leur parait impossible et la négociation de Cancun ne vise que des objectifs très limités.
Devant ce renoncement, nous vous proposons une approche nouvelle. Et si on raisonnait comme si chaque être humain avait les mêmes devoirs et les mêmes droits vis à vis de notre bien commun le Climat ?

Même devoir : pollueur-payeur : Le principe pollueur payeur est l’outil indispensable (certes pas suffisant, mais absolument nécessaire) pour réduire les pollutions en les rendant plus couteuses. Le carbone est une pollution, il faut mettre un prix sur le carbone, et la justice et la simplicité c’est que ce prix soit le même pour tout le monde.

Même droit : redistribution équitable : Cet argent collecté avec le principe pollueur payeur représente l’utilisation d’une ressource commune, l’atmosphère. Chaque humain sur Terre a droit à exactement la même part de ce bien commun, que constituent l’atmosphère et notre Climat. Le principe juste c’est donc de redistribuer ces revenus également entre chaque citoyen du monde.
Que donnerait au niveau mondial l’application de ces 2 principes ? A partir des données mondiales de consommation de carburants fossiles (charbon, gaz, pétrole) publiées par l’Agence internationale de l’énergie pour 2007, et en appliquant le prix de 32€ par tonne de CO2 (soit 8 centimes par litre d’essence) proposé par les experts de la commission Rocard, nous obtenons les chiffres annuels suivants :

Redistribution annuelle individuelle : 140€ (soit la dépense carbone moyenne par individu) ;
Dépense carbone moyenne par individu selon les pays suivants : Américain du nord : 600€ (et reçoit 140€), Européen de l’Ouest : 300€ (et reçoit 140€), Chinois : 100€ (et reçoit 140€), Indien : 40€ (et reçoit 140€), Sénégalais : 11€ (et reçoit 140€), Ce sont des chiffres moyens, chaque individu payant en fait exactement selon sa quantité consommée de carbone, tandis que la redistribution, elle, est la même pour tout le monde.
Que disent ces chiffres ? Une contribution de l’ordre de 8 centimes d’euro par litre de carburant entrainerait annuellement une dépense carbone moyenne par être humain de 140€. Ces chiffres montrent l’extrême disparité de notre impact sur le climat. Les pauvres sont ceux qui polluent le moins et il est normal et juste qu’ils soient récompensés financièrement par ceux qui polluent beaucoup. Cette redistribution individuelle est indispensable pour que les plus pauvres ne soient pas pénalisés par cette augmentation volontaire du coût des carburants fossiles.
Ces chiffres moyens par individu, se traduisent aussi en transfert financier (les fonds récoltés moins les fonds redistribués localement) des pays pollueurs vers les pays moins pollueurs. Ainsi l’Amérique du Nord et l’Europe devraient transférer chaque année vers ce fonds Climat un peu plus de 200 milliards € . On est bien au-delà des 100 milliards $ évalués à Copenhague pour aider chaque année les pays pauvres à se défendre contre le réchauffement climatique.
La modestie de l’effort par rapport à l’ampleur de l’enjeu peut faire douter. Mais les chiffres sont là, à la disposition de tous. C’est à nous citoyens de dire à nos gouvernements qu’il faut proposer à Cancun ce principe de Contribution Climat Universelle. Parlons ensemble au contre sommet de Cancon (Lot et Garonne) le samedi 4 décembre 2010.

« C’est autour des pays émergents
que se fera ou pas l’accord de Cancun »

Emmanuel Guérin, directeur du programme climat de l’IDDRI (Institut du développement durable et des relations internationales) / Chat modéré par Grégoire Allix et Emmanuelle Chevallereau
Le Monde du 29.11.10

Un an après Copenhague, Cancun, au Mexique, accueille, du 29 novembre au 10 décembre, la Conférence sur le changement climatique. 192 Etats tenteront à nouveau de se mettre d’accord pour limiter la hausse de la température moyenne de la planète.
Charlie : Pensez-vous vraiment que la conférence de Cancun est vouée à l’échec, comme on nous le répète de façon insistante ces derniers jours ?
Emmanuel Guérin : Ce n’est pas nécessairement qu’elle soit vouée à l’échec, c’est que les participants à la négociation essaient de tirer les leçons de ce qui s’est passé à Copenhague, et donc font l’effort de bien définir le niveau d’ambition de ce sommet par rapport à ce qu’il est raisonnable d’en attendre.
Sacha : Quels seraient, selon vous, les ingrédients d’un bon accord pour la planète ?
On n’attend pas, à Cancun, la conclusion d’un accord global et juridiquement contraignant, qui semble hors de portée. On peut néanmoins envisager l’adoption d’une série de décisions sur des points importants de la négociation qui sont suffisamment mûrs : la réduction des émissions liées à la déforestation, l’adaptation [aux effets du changement climatique], les technologies et la vérification des réductions d’émissions des pays en développement.
Florence Leray : Allons-nous, à Cancun, vers la fin d’un accord international sur le climat ?
On va précisément à Cancun pour poursuivre l’effort d’adoption d’un accord sur le climat. La situation est particulièrement difficile étant donné le résultat des élections de mi-mandat aux Etats-Unis, qui ont mis fin aux espoirs de voir adoptée une législation fédérale sur le climat pour plusieurs années.
On sent par ailleurs poindre le risque de tensions commerciales sur le climat. Les syndicats de l’acier américains ont déposé une plainte auprès de l’administration Obama, accusant la Chine de violer les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) concernant le soutien aux énergies renouvelables. Ils envisagent aussi d’attaquer l’Union européenne pour l’inclusion de l’aviation internationale dans leur système européen de permis à polluer.
La négociation à Cancun doit prouver que l’approche coopérative sur le climat mérite d’être poursuivie. Sinon, nous prendrons la voie d’un repli protectionniste.
Martine : Quelle position défendra la France à Cancun ?
La France ne s’exprime pas en tant que telle dans cette négociation onusienne. C’est l’Union européenne qui parle. Néanmoins, la France fait entendre sa voix en coordination européenne. Elle fait partie des pays qui n’ont toujours pas affirmé avec certitude leur volonté de voir l’Europe passer de – 20% à – 30% de réduction des émissions en 2020 par rapport à 1990.
La France fait néanmoins partie des pays qui poussent le plus pour la création d’un mécanisme récompensant la déforestation évitée.
Jako : 2010 a été marqué par de nombreux reculs sur le dossier climatique : abandon de la taxe carbone en France, du « Cap&Trade » [système visant à limiter les émissions de CO2 par l’attribution de quotas] aux Etats-Unis, offensive des climatosceptiques, avec seulement 30% des Américains qui croient encore au réchauffement d’origine humaine. Cela a-t-il changé la donne ?
Bien sûr que la montée du climatoscepticisme et, au-delà, l’incapacité de certains pays à faire passer une législation climatique ont des conséquences négatives sur la négociation internationale.
En même temps, des avancées ont lieu, et pas nécessairement là où on les attendait le plus. La Chine, en particulier, même si elle peut le faire parfois de façon très agressive, continue à soutenir massivement le déploiement des énergies renouvelables (éolien et solaire photovoltaïque). Elle est aussi en bonne voie pour atteindre son objectif d’amélioration de l’efficacité énergétique.
Löns : Quelle est, selon vous, l’implication des industriels dans ce type de négociations ? Ne sont-ils pas en effet les principaux acteurs des enjeux climatiques ?
Les industriels sont très présents dans cette négociation. Ils ne font cependant pas tous entendre la même voix. Il faut en particulier faire la différence entre les électriciens et les industriels de l’acier, du ciment, de l’aluminium, etc. Certains électriciens, parce qu’ils produisent de l’électricité avec des sources d’énergies décarbonées (nucléaire, hydraulique, énergies renouvelables), font partie des gens qui poussent pour l’adoption de politiques climatiques ambitieuses.
Clément : Les chefs d’Etat s’inviteront-ils de nouveau à cette conférence ? Et si oui, ne serait-ce pas une mauvaise nouvelle quand on sait que ces négociations sont très techniques et menées tout au long de l’année par des « experts » du domaine ? Leur incursion ajoute un caractère médiatique qui complique encore plus les négociations : obligation de résultats rapides pour ne pas rentrer au pays bredouille alors qu’en diplomatie, chaque petit pas en avant est à accueillir positivement…
Les chefs d’Etat ont été invités à Cancun, mais peu d’entre eux feront le déplacement, déçus par le résultat de Copenhague, alors que certains s’étaient exposés fortement. La présence des chefs d’Etat à Copenhague avait été à double tranchant. C’est vrai que la négociation avait tendance à s’enliser et à être inconclusive. De ce point de vue-là, il était nécessaire que certains chefs d’Etat mettent leur poids politique dans la balance.
Néanmoins, effectivement, l’accord de Copenhague montre les insuffisances d’un accord rédigé à la va-vite entre chefs d’Etat.
Florence Leray : Les pays du Sud vont-ils jouer un rôle « historique » à Cancun ?
C’est vrai que l’ensemble des pays du Sud sont regroupés dans une catégorie unique dans cette négociation climat, celle des pays en développement. Mais malgré cette unité de façade, les divergences existent et sont importantes.
Il n’y a pas beaucoup de convergences entre les intérêts des grands pays émergents (Chine, Inde, Brésil, Afrique du Sud) d’un côté et les pays les moins avancés (pays africains) et les petits Etats insulaires en développement de l’autre.
Les pays les moins avancés et les petits Etats insulaires continuent à avoir du mal à faire entendre leur voix dans la négociation climat. Les pays émergents, en revanche, occupent une place toujours plus importante, et c’est véritablement autour de ces pays que se fera ou pas l’accord de Cancun.
Motrio : La France a-t-elle réellement les moyens de faire pencher la balance de cette conférence qui paraît être dirigée par seulement deux puissances, la Chine et les Etats-Unis ?
C’est vrai que les deux acteurs principaux de cette négociation restent la Chine et les Etats-Unis. Ces deux pays présentent de nombreuses différences vis-à-vis de leur politique climatique. Comme on l’a déjà dit, les Etats-Unis n’adopteront pas de politique climatique fédérale pendant de nombreuses années, même si certains Etats (Californie) ont des politiques ambitieuses.
La Chine, en revanche, même si elle essaie de se protéger dans cette négociation, et d’échapper à toute forme d’engagement international, agit activement en interne, notamment sur les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique.
Dans ce contexte, il est bien difficile pour la France et l’Europe de se positionner dans cette relation bilatérale. On attend de l’Europe trois décisions qui lui permettraient d’avoir un impact important dans cette négociation : se prononcer sur l’avenir du protocole de Kyoto ; se prononcer sur son objectif de réduction des émissions en 2020 (20% ou 30%) ; et montrer sa bonne volonté et son efficacité sur les questions de financement.
Jako : Ce qui me frappe dans les articles sur Cancun, c’est que tout objectif de réduction des gaz à effet de serre semble avoir disparu. Est-ce vrai ?
Non, cela reste présent dans les négociations même si les objectifs annoncés sont pour l’instant largement insuffisants. A Copenhague, la communauté internationale a choisi de retenir comme objectif de long terme la limitation de la hausse de température à moins de 2°C.
Les engagements chiffrés de réduction d’émissions en 2020 ne permettent pas, pour l’instant, de nous mettre sur cette trajectoire de limitation de la hausse de température. En effet, la science nous indique que pour être sur cette trajectoire, il faut que nous émettions collectivement moins de 44 milliards de tonnes de CO2. Au mieux, si l’ensemble des pays remplit ses objectifs de Copenhague, nous émettrons en 2020 49 milliards de tonnes de CO2.
Il faut donc que la négociation dans les années à venir ne se contente pas de mettre en œuvre l’accord de Copenhague, mais dépasse les objectifs de réduction d’émissions inclus dans cet accord.
Richard Baron : Peut-on attendre une résolution sur le futur du Protocole de Kyoto à Cancun, ou, sur aucun de ses éléments (mécanisme de développement propre) ? C’est une des inquiétudes du secteur privé, et il reste peu de temps avant la fin de la période d’engagement de Kyoto…
Une seconde période d’engagement du protocole de Kyoto reste l’une des principales demandes des pays en développement vis-à-vis des pays développés. Aujourd’hui, la quasi-totalité des pays parties au protocole de Kyoto (Japon, Canada, Russie) s’est prononcée contre cette seconde période d’engagement.
La position de l’Union européenne est moins tranchée : elle conditionne cette deuxième période d’engagement à la signature d’un accord global et juridiquement contraignant et à une révision des règles de Kyoto (mécanisme de développement propre et règles de comptabilité dans le secteur forestier) pour en assurer l’intégrité environnementale.
Dans ce contexte, il est fort peu probable que Cancun prenne une décision ferme sur l’avenir du protocole de Kyoto, ce qui, effectivement, va accentuer le risque pour certains investisseurs qui ont dans leur portefeuille des crédits carbone.
Eulalie : Sur quelles bases scientifiques les négociateurs s’appuient-ils pour fixer le bon niveau de réduction de la température de la planète ?
On croit souvent que l’objectif de limitation de la hausse de température à 2°C est une injonction des scientifiques, et en particulier des scientifiques du GIEC. Il n’en est rien. La science indique des niveaux de température qui correspondent à des profils de coûts et de risques différents, mais le choix d’un objectif précis reste une décision politique.
Yvon Cuzon : N’avons-nous pas déjà dépassé le point de non-retour où, de toutes manières, nous aurons une augmentation des températures génératrices d’accidents climatiques majeurs, de migrations énormes de populations, de réactions violentes des pays du Nord contre ces migrations ?
On sait effectivement que la température a en moyenne augmenté de 1,2°C par rapport au niveau pré-industriel et, manifestement, cette température va continuer à augmenter puisque l’accord de Copenhague ne permet pas de prévoir le pic des émissions de gaz à effet de serre avant 2020.
Certains effets négatifs (sécheresse accrue, catastrophes naturelles plus fréquentes, etc.) des changements climatiques sont donc déjà inévitables, et il faut s’y préparer. C’est notamment pour cela que l’adaptation aux effets des changements climatiques est maintenant quasiment traitée sur un pied d’égalité avec les réductions d’émissions de gaz à effet de serre dans la négociation.
Les discussions sur l’adaptation étaient auparavant perçues comme une diversion vis-à-vis de l’enjeu central des négociations (les réductions d’émissions). Elles sont maintenant perçues comme nécessaires, notamment en raison de la situation des pays les plus pauvres, qui sont à la fois les moins responsables et les plus touchés par le changement climatique.
Toto : Comment financer ces politiques d’adaptation ? Attend-on des décisions sur ce financement à Cancun ?
L’accord de Copenhague a mis en place un panel de haut niveau sur le financement qui a rendu son rapport ce mois-ci. Ce rapport indique un certain nombre de sources potentielles qui permettraient de mobiliser les 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020 prévus par l’accord de Copenhague.
Une première possibilité consiste à mettre de côté une partie des revenus des taxes carbone ou des mises aux enchères des permis à polluer dans les pays développés. Une autre consiste à taxer les émissions de gaz à effet de serre des transports maritimes et aériens internationaux, qui échappent pour l’instant au régime international sur le climat.
Une autre possibilité serait de redéployer les subventions aux énergies fossiles (pétrole, gaz) vers la lutte contre le changement climatique. Une autre, enfin, serait de taxer les transactions financières.
Toutes ces sources de financement, combinées et additionnées aux contributions budgétaires, ont le potentiel pour mobiliser ces 100 milliards de dollars par an, qui doivent permettre de financer l’adaptation et les réductions des émissions de gaz à effet de serre dans les pays en développement.
Vic : On voit que les Etats-Unis comme la Chine préfèrent faire des efforts à leur rythme, sans se lier les mains au niveau international. N’est-ce pas une meilleure façon de faire ? Pourquoi l’Union européenne devrait-elle en permanence être le « bon élève » qui accepte plus de contraintes que les autres ?
L’Europe suit effectivement, avec d’autres, une approche différente de celle suivie par la Chine et les Etats-Unis. L’Europe a choisi de prendre un objectif de réduction d’émissions qui donne le cadre à l’intérieur duquel se déploient ses politiques climatiques et technologiques. La Chine, au contraire, met l’accent sur le soutien technologique aux énergies renouvelables.
Cette approche technologique peut paraître plus séduisante que l’approche climatique. Néanmoins, cette approche technologique à elle seule ne permet pas de garantir que, collectivement, nous atteignions les objectifs de réduction d’émissions que nous indique la science.
Il ne faut pas que l’Europe se contente de suivre cette approche climatique toute seule. Elle doit faire la preuve que cette approche est la bonne, notamment en faisant la preuve de la profitabilité du passage à 30% de réduction des émissions en 2020.
C.F. : Les médias s’intéressent nettement moins à cette conférence qu’à celle de l’année dernière à Copenhague. Pensez-vous que cela traduit une certaine lassitude, un désintérêt de plus en plus important pour les questions environnementales ?
Les médias, comme les politiques et une partie de la société civile, ont contribué à la déception qui a suivi Copenhague, car d’une certaine manière, les objectifs affichés pour cette conférence étaient irréalistes. Cela dit, il est vrai que l’abandon de la taxe carbone en France a contribué à une démobilisation de l’opinion publique sur les questions environnementales.
Dans un cas comme dans l’autre, on a l’impression que la réaction, c’est : « on n’y arrive pas, donc le problème n’existe pas ». C’est la conclusion inverse qu’il faut que nous en tirions collectivement. Les climatologues et les économistes ont fait la preuve qu’il était rentable de réduire les émissions de gaz à effet de serre. A nous de prouver que nous en sommes politiquement capables.

Diminuez l’empreinte carbone de votre épargne»

Antoine Reverchon
Le Monde Economie du 23.11.10

A la veille de la Conférence des parties à la Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique qui se tiendra à Cancún (Mexique) du 29 novembre au 10 décembre, l’objectif de la France de diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2050 paraît difficilement atteignable sans un véritable changement de modèle économique.
Est-ce faute d’avoir impliqué dans le processus un acteur jusqu’ici négligé, l’industrie financière ?
C’est en tout cas l’analyse que fait Stanislas Dupré, directeur général du cabinet de conseil aux entreprises Utopies, spécialisé dans les stratégies et les outils du développement durable.
Il publie un ouvrage, Que font-ils de notre argent ? (éd. NiL, 286 pages, 19 euros), dans lequel il entreprend de calculer l’impact carbone des grandes banques françaises, dont l’activité, à l’inverse de l’industrie, des transports ou de l’immobilier, n’est pourtant pas réputée polluante.
Il n’en est rien, assure M. Dupré. Il explique que l’argent placé par les ménages et les investisseurs dans les banques sert à financer des activités diverses qui, elles, sont plus ou moins émettrices de carbone. Les choix d’investissement des établissements financiers, mais aussi celui des épargnants, ont donc un effet indirect sur le niveau d’émissions de CO2. « On est typiquement dans la zone floue du ‘responsable, mais pas coupable' », confirme Matthieu Welhoff, du service économie et prospective de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).

D’autres choix sont donc possibles, y compris au niveau de chaque épargnant. C’est la raison pour laquelle le site Internet du Monde met aujourd’hui en ligne une « calculette », élaborée par Utopies, permettant à chacun de mesurer l’impact carbone de son épargne personnelle, et, par conséquent de réorienter ses choix de produits financiers.
Mais, comme l’explique M. Welhoff, « il n’y aura de véritable basculement que lorsque l’industrie financière elle-même admettra que continuer à investir dans des activités économiques liées au réchauffement climatique présente un risque économique majeur, y compris pour elle ».

Pour calculer les émissions d’une société donnée, les experts distinguent généralement trois « périmètres » (scope, en anglais). Le « scope 1 » couvre les émissions directes, générées par le fonctionnement de l’entreprise elle-même – la consommation de carburant pour une production industrielle ; essentiellement le chauffage des locaux dans le cas d’une banque.

Le « scope 2 » ajoute les émissions engendrées par la production de l’énergie achetée à l’extérieur (principalement l’électricité) ; le « scope 3 » inclut celles générées par l’activité de l’entreprise chez ses sous-traitants, chez ses fournisseurs, par ses salariés, avec ses clients tout au long du cycle de vie du produit ou du service, de la matière première au déchet, y compris le transport.

Ces émissions sont donc aussi prises en compte dans le « scope 1 » ou le « 2 » des sous-traitants, salariés, etc. Ces « doubles comptes » sont l’obstacle majeur à l’établissement de bilans carbone fiables, particulièrement pour l’industrie financière, dont l’essentiel de l’empreinte carbone se situe précisément dans le « scope 3 ».

Des experts en la matière, comme la société suisse Inrate, ont élaboré des clés de répartition, reprises par Utopies dans son étude, afin d’éviter ces doubles comptes. C’est néanmoins cet obstacle qui, affirme le Crédit agricole – son empreinte carbone est, selon les calculs d’Utopies, la plus importante des banques françaises – « rend la méthodologie peu fiable et interdit de se baser sur de tels résultats pour prendre des mesures ».

« FONDS VERTS »
En revanche, le Crédit agricole compense depuis trois ans les émissions directes de ses implantations en Ile-de-France (11 269 tonnes en 2010) en achetant des crédits carbone à la société spécialisée EcoAct.
La plupart des banques ont aussi créé des fonds d’investissement socialement responsable (ISR) – les critères de sélection sont, entre autres, environnementaux – voire des « fonds verts » destinés au financement des activités de « technologies propres » comme l’éolien ou le solaire. Enfin, beaucoup sont prestataires sur le marché européen des échanges de quotas de carbone pour le compte des grandes industries qui y participent.

Ces approches ont cependant leurs limites. Tout d’abord, il s’agit de « niches », certes en forte croissance (l’ISR a progressé de 87 % entre 2007 et fin 2009 en Europe), mais qui restent de faible ampleur par rapport aux stocks d’actifs détenus par les banques (l’ISR représente 10 % de la gestion d’actifs en Europe, selon Eurosif).

Surtout, explique M. Dupré, « la plupart des fonds ISR incluent des indices classiques, composés d’un panel fixe de secteurs d’activité, y compris le pétrole ou l’aéronautique ». Comme la plupart des fonds ISR, au moins en France, appliquent la logique du best in class (la meilleure performance extra-financière du secteur) plutôt que l’exclusion d’activités jugées non-responsables, on y retrouve des entreprises fortement émettrices de CO2, même si elles le sont un peu moins que leurs rivales directes.

Quant aux « fonds verts », « ils sont peu promus par les réseaux commerciaux des établissements, car ils sortent des produits « standards » et nécessitent plus de travail d’explication », observe M. Dupré, alors qu’ils présentent des performances financières aussi bonnes.

L’étiquetage des produits financiers présentant l’empreinte en CO2 des activités qu’ils financent est-il une solution ? Il est pratiqué en partie par Cortal Consors, l’a été un temps par les Caisses d’épargne et devrait bientôt l’être par les assureurs MAIF et Macif. Si le Crédit agricole s’y refuse, « c’est parce qu’il est difficile de récolter des informations sur le bilan carbone des clients », pointe la banque.

Pourtant, des investisseurs institutionnels, la plupart anglo-saxons, ont lancé en 2000 le Carbon Disclosure Project (CDP), qui consiste à récolter et harmoniser les données sur les émissions de CO2 des grandes entreprises.
L’objectif, pour les 534 investisseurs qui y participent – ils détiennent 64 milliards de dollars (47 milliards d’euros) d’actifs –, est de mesurer les risques qu’ils prennent en finançant des activités fortement émettrices, parmi lesquelles… l’industrie financière. Le chapitre qui la concerne (72 sociétés européennes analysées, dont 35 banques), dans un rapport du CDP récemment publié, note que si « les établissements publient largement des informations sur les voyages, ils procurent peu d’informations quantitatives sur le risque carbone présenté par leur portefeuille de clients, qui seraient pourtant du plus haut intérêt pour les investisseurs ».

CONSCIENCE DU RISQUE
Observant toutefois que 77 % des banques proposent des « produits verts » de toutes sortes à leurs clients, les auteurs, analystes financiers chez le courtier CA Cheuvreux, filiale du Crédit agricole, remarquent que la banque « Dexia reste la seule à avoir fixé un objectif de réduction de l’intensité carbone de son portefeuille du secteur énergétique » – en l’occurrence de « 0,330 tCO2/MWh (tonnes de CO2 par mégawatt/heure) en 2009 à 0,316 tCO2/MWh en 2013 ».
Il est vrai que la plupart des banques ne s’estimaient pas concernées par le réchauffement climatique, sinon via leurs (faibles) émissions directes. Mais depuis deux ans, les risques que font courir pour leurs activités les conséquences de ce réchauffement sont bien présents à l’esprit de leurs dirigeants. Ces risques s’incarnent d’abord sous la forme d’une augmentation du nombre de catastrophes naturelles qui effraient en premier lieu les assureurs. Ils provoquent aussi un renchérissement du prix de l’énergie, jusqu’au pic de production.
Mais tout se passe comme si cette conscience du risque ne guidait pas encore les prescriptions des analystes financiers, et encore moins les stratégies d’investissement. Pourquoi ? Parce que les uns et les autres sont guidés par l’obtention de bons résultats à court terme, et par la comparaison avec les performances de leurs concurrents. « Comme elle se contente de reproduire le présent, il n’y a guère de chance de voir l’industrie financière orienter ses placements vers le modèle économique futur, « non-carboné », qu’exige la situation du climat », observe M. Dupré.

A cet égard, note M. Welhoff, « une lourde taxation des avoirs détenus par exemple moins de cinq ans aurait à la limite plus d’effet que toute contrainte réglementaire environnementale en obligeant les investisseurs à s’intéresser aux rendements à long terme ».

Pentagonoa prestatzen ari da petroliorik ezarako

Pello Zubiria
Argia Astekarian (www.argia.com/argia-astekaria/2253/pentagonoa-prestatzen-ari-da-petroliorik-ezarako/osoa) 21.11-10

Petrolioaren urritzeak ekarriko duen udazken trumoitsuaren bezperan gaudela ez diote gaurgero ekologistek bakarrik: AEBetako militarrek ere barnatu dute Peak Oil fenomenoa beren epe luzerako estrategian. Militarrek eduki ohi dute informazio estrategikorik aberatsena beti. Atzeraldi ekonomikoa, liskarrak eta gerrak aurreikusten dituzte.
Hau ekologia zale katastrofista batek idatzia izan zitekeen, baina ez da; irakurri: “Kalkulurik baikorrenak onartuta ere, non petrolio produkzioa hobetu ahalko litzatekeen lurpetik ateratzeko metodoak hobetzearekin, petrolio ez-konbentzionalak (arbel bituminosoak edo harea asfaltodunak, adibidez) garatzearekin, hala eta guztiz ere petrolio produzioak presio handia jasango du etorkizunean (2030ean) 118 milioi upel-eguneko eskaria asetzeko. (…) Baliteke 2012rako petrolioi soberakina erabat desagerturik egotea eta 2015ean bertan egunean 10 milioi upelen faltan egotea”.
Pasartea AEBetako armadaren zuzendaritzak –United States Joint Forces Command– aurtengo udaberrian plazaratu duen analisitik dago hartua. Ez dago inongo filtrazio edo blog bitxitara jo beharrik, PDF formatoan jaitsi daiteke Internetetik Joint Operating Environment agiria. Militarren eskuliburu ofizialetakoa da, Sun-Tzu klasiko txinatarraren aipu eta guzti: “Gerrak hil ala biziko garrantzia dauka Estatuarentzako. Biziaren eta heriotzaren eskualdea da, bizirautera edo hondamendira daraman bidea. Derrigorrezkoa da sakonki aztertzea”.

Militarrek petrolioaren urritzeaz gain etorkizuneko gai estrategikoak banan bana landu dituzte: demografia, ekonomia, elikadura, ura, pandemiak, hondamendi naturalak eta abar. Energiari dagokionean, erregai nagusia den petrolioari zehazki, gero eta urriagoa izango den garaian zaindu beharko diren alorrak aztertu dituzte. Aurreikusi, esaterako, hare asfaltodunetatik petrolioa ateratzeko behar den ur kopuru izugarriek nekazaritzan eta ingurumenean sortuko dituzten eraginak.

Garrantzia berezia damaiote militar yankiek OPEP petrolio produktoreen elkarteak egin dezakeenari. Ez dute ezkutatzen OPEPeko estatuei interesatuko zaiela petrolio produkzioa mugatu eta prezioak garesti mantentzea, eta disimulu gutxirekin argitzen dute herrialde kontsumitzaile aberatsek gaur “gune ezegonkorra” dena bihurtu dezaketela beren erasoekin “gune kaotiko”. Irakurle fidagaitzak galde lezake horrelakoak iradokiz ea AEBetako armada mehatxuak egiten ari den, ala inplizitoki aitortzen ote duen hain juxtu horixe egin dutela Iraken, petrolioa kontrolatzeko kaosa sortu.

Tirabira militar horiek gertatuko direnez, militar yankiak kezkatzen dituzte txiki izanik ere energiaz aberats diren etsaiek. Petrolioaren ekoizleek teknologia aurreratuzko armak erraz pilatu ditzakete. Bestalde, zera dio hitzez hitz: “OPEPen irabazien zati bat iritsi liteke terrorismoaren sakeletaraino edo helburu sakonki antimodernoak eta antimendebaldarrak dauzkaten mugimenduen eskuetaraino”. AEBen erasoa gainera etor dakion, batek aski izango ote du modernitatearen edo mendebaldearen kontrakoa izatea?

Herritarrei esatera nor ausartu?
Geoestrategiazko gorabehera garrantzizkoez landa, deigarria da nola bereganatu duten militar iparramerikarrek Peak Oil ideia. Segurutzat dakusate datozen 30 urteetan handitzen segituko dutela petrolio eskariak eta hori eskuratzeko lehiak. Baina ez itxaron petrolioa urritu arte: “Merkatuak konplikatuko dira petrolioa agortu baino askoz lehenagotik”.
Gero eta dokumentazio ugariagoa plazaratzen da Amerikako Estatu Batuetan ildo beretik. Udazken honetan Center for a New American Security erakundeak honako informea argitaratu du: Fueling the Future Force. Preparing the Department of Defense for a Post-Petroleum Era. Alegia, nola preparatu AEBetako armada petrolio gutxiko garaietarako… ahaztu gabe militarrak berak direla kontsumitzaile itzelak.

Horrek guztiak oihartzun berezia lortu du Europan berrikitan Parisko Le Monde egunkariaren blogen artean Oil Man, chroniques du début de la fin du pétrole egiten duen Matthieu Auzanneau kazetariak Robert Hirsch elkarrizketatu duenean. Hona bi zatien tituluak: “Peak Oil, Jimmy Carterren Energia ministroak alarma deia piztu du” eta “Robert Hirschek dio Washingtonen egia isiltzeko konspirazio bat dagoela”.

Lerroburuak aipatu Energia ministro ohia James Schlesinger da eta hitzaurrea egin dio Hirschek publikatu duen liburu berriari: The Impending World Energy Mess, alegia, Munduari gainera datorkion energiazko amesgaiztoa. Ez dira edozein, bata bezala bestea. Schlesinger Defentsa ministro izan zen bai Richard Nixonekin eta bai Gerald Fordekin, eta Carterrekin Energiakoa. Robert L. Hirsch, berriz, Exxon multinazionalean petrolio bilaketen buru izan zen, armadaren estrategia markatzen txit eraginkorra den Rand Corporation-eko kide eta fusiozko energia lortzeko Gobernuak sortutako batzordearen arduradun.

Hirschek 2005ean publikatu zuen administrazioaren eskariz idatzitako ikerlan bat non petrolioaren urritzea deskribatzen zuen, zenbaiten iritziz AEBetako administrazio batek honetaz sekula egin duen aurreikuspenik ezkorrena. Han bukatu ziren Hirschentzako enkarguak; ordainetan, orduantxe lortu zuen erreferentziazko gizona bihurtzea munduan.

Hirschek Matthieu Auzanneauri esanak frantsesez bezala gaztelaniaz erraz eskura daitezke Internetez. Gordin ari da aurrikuspenetan.

Hasteko, Hirschen aburuz petrolio produkzioak goia jo du dagoenekoz, 2004tik ordoki antzeko batean gaude, eskariaren tentsioa krisi globalarekin arindu da bolada labur batez baina berriro gogortu da eta bi edo bost urte barru hasiko omen da produkzioaren gainbehera. Zein abiadan? Hor dago gakoa.

Urtetik urtera %2 gutxiago ekoizten bada, sekulako astindua nozituko du munduak, baina %4 gutxiago izanez gero hondamendia gerta liteke. Entzun hau: mundu osoaren Barne Produktu Gordina %20-%30 jaitsiko da beherakada hasi ondorengo hamar urteetan. Katastrofe hori ezingo da irentsi gerrarik gabe.

Erreakzionatzeko tarterik apenas ikusten duen Hirschek. Hain da handia munduaren petrolioarekiko menpekotasuna, ezen eta hain epe laburrean ez duen lortuko ordezkorik antolatzea. Eolikoak, eguzkiarenak eta biomasak ez dute aski emango. Bai Hirsch eta bai Schlesinger nondik datozen jakinik, fusioan dauden itxaropenez landa, batetik nuklearrean ariko dira pentsatzen, eta bestetik, munduan geratzen den energia, indar militarrez etxera ekartzen.

Administrazioko funtzionariekin eta politikariekin ez du itxaropenik Hirschek, eten gabe ari omen dira konspiratzen pastela ezkutuan atxikitzeko, herritarrei iresten zail egingo zaielakoan. Aldiz, Pentagonoko militarrak askoz prestatuagoak ikusten ditu. Adibidez, 2005ean petrolio krisi handi baten inguruko ariketa militarrak egin omen zituzten.

“Kalte handiez ari gara, gure zibilizazioaren aldaketa erraldoi batez: kaosa, hondamendi ekonomikoa, gerrak…” aipatuz amaitu du.