Les vrais coupables de la crise agricole, ce sont eux
Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France
www.greenpeace.fr/action-voici-les-vrais-coupables-de-la-crise-agricole
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Une trentaine de militantes et militants de Greenpeace ont mené des actions simultanées dans six villes françaises le 22 février dernier. Ils et elles ont déboulonné les enseignes de quatre groupes agro-industriels, d’un mastodonte de la grande distribution et du syndicat agricole majoritaire, remplacées par des banderoles dénonçant la culpabilité de ces géants de l’agro-business.
Par ces actions, nous avons voulu pointer du doigt leur responsabilité considérable, avec la complicité du gouvernement, dans la crise agricole, sociale et environnementale en cours, à quelques jours de l’ouverture du salon de l’Agriculture. C’est l’occasion pour moi de vous partager des informations sur les vrais coupables de cette crise.
Aujourd’hui, nombre d’agriculteurs et d’agricultrices ne parviennent pas à vivre dignement de leur travail, alors qu’ils et elles nous nourrissent. Une situation intolérable. Mais supprimer les normes environnementales, réduire à néant les efforts de réduction des pesticides ou accélérer la construction de mégabassines au profit de quelques grosses exploitations ne changera rien aux problèmes de rémunération et aux souffrances du monde paysan. Pire, cela ne fera qu’aggraver les impacts sanitaires et climatiques dont les agriculteurs et agricultrices sont déjà les premières victimes.
Les coupables de la crise agricole sont en réalité bien connus : l’agro-business et la grande distribution n’ont jamais autant prospéré que ces dernières années, alors que des producteurs sont contraints de vendre à perte et que l’inflation touche de plein fouet des millions de consommateurs et consommatrices.
Pour vous donner un rapide aperçu du poids et de la responsabilité des cinq entreprises que nous avons ciblées ce matin, voici quelques chiffres :
- Le groupe LDC, propriétaire entre autres des marques Le Gaulois et Maître Coq, contrôle à lui seul 40 % du marché de la volaille en France et maîtrise l’ensemble de la chaîne de production, tout-puissant dans ses zones d’implantation et reléguant les éleveurs au rang de sous-traitants.
- Le groupe Avril, présidé par Arnaud Rousseau (par ailleurs président du syndicat FNSEA), réalise plus de la moitié de son chiffre d’affaires à l’étranger, via de multiples activités : production d’aliments, chimie, énergie, agrocarburants, finance… C’est le numéro 1 sur le marché des huiles végétales en France (via ses marques Lesieur et Puget, entre autres)
- Bayer, notamment connu pour son fameux Round Up, un cocktail herbicide à base de glyphosate, est aussi un puissant lobby qui milite pour la dérégulation des OGM et le maintien des pesticides, hélas avec succès. Le groupe allemand a dépensé plus de 7 millions d’euros pour ses activités de lobbying au niveau européen en 2022.
- Lactalis est une entreprise bien connue, puisqu’il s’agit de la première entreprise mondiale de produits laitiers, qui s’est associée à la deuxième plus grosse entreprise du secteur, Nestlé. Un poids gigantesque qui déséquilibre les négociations avec les éleveurs laitiers, dont 20 % vivent sous le seuil de pauvreté.
- Leclerc est le leader français de la grande distribution, avec un quart des parts de marché. L’enseigne n’hésite pas à compresser les prix payés aux éleveurs et est régulièrement soupçonnée de contourner la loi française en passant par sa centrale d’achat en Belgique.
Édifiant, n’est-ce pas ? Si vous souhaitez en savoir davantage, nous mettons à votre disposition des informations et liens sur une page de notre site : « Voici les VRAIS coupables de la crise agricole ».
Face à cette mainmise de l’agro-industrie, qui met à mal le monde paysan et pollue massivement notre environnement, que faire ? Là aussi, les solutions sont connues : l’agriculture française a besoin d’une profonde transformation, axée sur la transition agroécologique.
Voici nos propositions qui sont autant de mesures vitales, aussi bien pour le monde agricole que pour notre santé et celle de la planète :
- Mettre en place de prix plancher (pour garantir une rémunération décente aux agriculteurs).
- Encadrer strictement les marges des transformateurs et des distributeurs.
- Instaurer des prix minimum d’entrée des produits importés (pour éviter une concurrence déloyale sur les plans environnementaux et sociaux).
- Mettre fin aux accords de libre-échange.
- Réformer la Politique Agricole Commune européenne.
En dénonçant ce matin les tenants de l’agro-business et ce modèle qui nous mène dans le mur, nous avons aussi voulu porter ce message : oui, il est possible de nourrir le monde autrement, en respectant à la fois la dignité de celles et ceux qui produisent notre alimentation, et l’environnement. Des milliers d’agriculteurs et d’agricultrices, engagés dans des modes de production agroécologiques, le prouvent chaque jour, et doivent être massivement soutenus et accompagnés dans leurs démarches.
À quelques jours de l’ouverture du salon de l’Agriculture, nous comptons bien porter haut et fort ces demandes face à une agro-industrie puissante. Et nous continuerons à lutter aux côtés des paysans et paysannes pour une transition agroécologique bénéfique pour toutes et tous.
Passoires thermiques : la calculette du ministre au service des propriétaires?
Lucie Delaporte
www.mediapart.fr/journal/ecologie/140224/passoires-thermiques-la-calculette-du-ministre-au-service-des-proprietaires?
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Guillaume Kasbarian va remettre sur le marché de la location près de 140 000 passoires thermiques grâce à un nouveau calcul du diagnostic de performance énergétique. Mais surtout grâce à des arguments fournis par le lobby de l’immobilier.
À peine installé dans ses nouvelles fonctions, Guillaume Kasbarian, qui a annoncé lundi 12 février sur RTL vouloir « redonner confiance aux propriétaires », a donné un sens très concret au « choc de simplification » promis dans le secteur par Emmanuel Macron. « Cette semaine, nous lançons un arrêté pour sortir 140 000 logements F et G » – des passoires thermiques – de l’interdiction de location, a-t-il expliqué.
Selon le nouveau ministre du logement, il s’agit simplement d’un ajustement technique, « une correction d’un biais de calcul » sur le diagnostic de performance énergétique (DPE). C’est surtout un très opportun coup de baguette magique pour remettre 140 000 passoires thermiques sur le marché, en s’appuyant, comme l’a découvert Mediapart, sur un argumentaire fourni par le lobby des professionnels de l’immobilier.
Le bâtiment est un secteur essentiel de la lutte contre le dérèglement climatique puisqu’il représente 18 % de nos émissions de gaz à effet de serre (GES). En 2021, la loi « climat et résilience » a donc fixé le calendrier d’une sortie progressive des passoires thermiques du marché locatif. Depuis le 1er janvier 2023, les logements G+ (les pires passoires) sont déjà interdits à la location. Au 1er janvier 2025, plus aucun logement en G ne pourra être loué, un nombre bien plus substantiel puisque les « G » représentent près de 7 % des habitations.
Ces derniers mois, à mesure que l’échéance se rapprochait, le lobbying des promoteurs immobiliers comme des représentants des propriétaires s’est fait de plus en plus insistant pour faire dérailler ce calendrier – arguant pour l’essentiel que la mesure allait retirer du marché un très grand nombre de biens alors que la crise du logement ne cesse de s’aggraver.
En Île-de-France, une enquête de l’Institut Paris Région montrait que près d’un logement sur deux à la location devrait être rénové pour continuer d’être loué en 2034.
La Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM) alerte depuis des mois sur « un risque d’hémorragie du parc locatif privé » à cause de ces contraintes.
Un calcul sans base scientifique
Au lendemain de la présentation de la planification écologique, fin septembre, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, s’était d’ailleurs déclaré en faveur d’un report du calendrier. « À titre personnel, j’y suis très favorable. Je considère que tout ce qui a été décidé avant la hausse des taux [d’intérêts – ndlr] mérite d’être regardé à l’aune de cette crise. Il faut se demander si on ne peut pas décaler les calendriers. »
Devant cette reculade un peu trop voyante, alors que le gouvernement venait de célébrer sa planification écologique, Bruno Le Maire avait finalement rétropédalé et expliqué que le gouvernement maintiendrait ce calendrier sans s’interdire de regarder s’il ne fallait pas « réétudier, reconsidérer » le DPE « pour voir si c’est vraiment les bons chiffres, les bonnes évaluations ».
Quelques mois plus tard et à la faveur d’un remaniement qui a mis à la tête du ministère du logement un défenseur résolu des propriétaires, le gouvernement a donc manifestement « réévalué » et « reconsidéré » les chiffres.
Comment a-t-il abouti à ce nouveau calcul qui offre un peu de répit aux propriétaires de passoires thermiques ?
« Les seuils du DPE étaient biaisés en défaveur des petites surfaces. C’est pour ça que 30 % des surfaces de moins de quarante mètres carrés étaient des passoires alors que c’est beaucoup moins pour l’ensemble des logements », indiquait lundi soir le cabinet de Christophe Béchu.
En cause, les dépenses d’eau chaude sanitaire qui plomberaient la consommation des petits logements et constitueraient un « biais statistique ».
La surreprésentation des petites surfaces parmi les passoires thermiques est un fait incontestable, connu depuis longtemps. L’Observatoire national de la rénovation énergétique pointait encore récemment le phénomène en rappelant que si l’Île-de-France compte la plus grande proportion de passoires thermiques, c’est aussi parce qu’elle compte la plus grande proportion de petits logements.
« Avec 21,7 % de passoires énergétiques et 47,5 % de logements classés de E à G parmi les résidences principales, l’Île-de-France présente la situation la plus défavorable. Cela s’explique notamment par la part importante des logements de petite taille dans cette région (43 % de logements de moins de 60 mètres carrés contre 27 % en moyenne), ces logements ayant les taux de passoires les plus élevés (31,3 % pour les moins de 30 mètres carrés ; 19,7 % entre 30 et 60 mètres carrés) », indiquait l’étude publiée en janvier 2023.
Grelotter l’hiver et cuire l’été
L’idée que les petites surfaces seraient indûment pénalisées par le DPE est un argumentaire fourni par la Fédération nationale de l’immobilier qui avait fait remonter au ministère du logement les chiffres de ses diagnostiqueurs. « Plus le ballon d’eau chaude est grand, et plus la note du DPE sera pénalisante pour un petit logement, même s’il est bien isolé et performant », indiquait dans un courrier au ministre la FNAIM en 2022.
Idem pour l’argument de la « compacité » plus grande de ces logements, également mis en avant par la FNAIM et qui ne change rien au fait que les petits logements sont plus énergivores au regard de leur surface.
S’agit-il d’un biais ? « Non, il n’y a aucun biais. C’est normal que ces petites surfaces aient une étiquette au DPE moins bonne car proportionnellement elles consomment plus », détaille l’ingénieur en physique Vincent Legrand, cofondateur de l’Institut négaWatt.
« Dans les appartements de petites surfaces, l’eau chaude provient très souvent d’un ballon électrique, dont la moitié de la consommation relève du maintien en température. Cela consomme beaucoup d’électricité. Donc, et c’est une donnée physique, ces appartements consomment beaucoup plus que les autres au mètre carré », précise-t-il encore. Pour ce spécialiste de la rénovation thermique, la décision ministérielle est un évident recul : « C’est dommage, car on se trompe de combat. Quand on a de la fièvre, ce n’est pas en cassant le thermomètre qu’on guérit. »
Questionné par Mediapart sur la manière dont le gouvernement avait construit ce chiffre de 140 000 logements, le ministère de la transition écologique a évoqué une « estimation », sans donner plus de détails.
Interrogé sur les études scientifiques ayant identifié ce « biais » de calcul, un membre du cabinet de Christophe Béchu nous a finalement répondu : « Je ne crois pas que les chercheurs se soient penchés sur le biais du DPE, mais j’invite évidemment l’ensemble des chercheurs de la communauté scientifique à s’y pencher… Honnêtement, le biais est assez convaincant », insiste le cabinet. Difficile de ne pas comprendre qu’un simple constat statistique, plutôt qu’un biais, donc – qui relève ainsi qu’il y a plus de passoires thermiques dans les petites surfaces –, a été à l’origine de cette décision très politique.
« Les statistiques sont une science. Si c’est statistique, c’est scientifique », répond un peu agacé le ministère. Trois jours après nous avoir promis de nous fournir des données techniques sur le sujet, le cabinet de Christophe Béchu nous a finalement transmis une note qui reprend presque mot pour mot l’argumentaire élaboré par la FNAIM. Un point que n’a pas contesté le cabinet.
« Au lieu de céder sous la pression des propriétaires bailleurs, le gouvernement devrait plutôt accélérer la rénovation performante des copropriétés, qui est une solution gagnant-gagnant », assure Vincent Legrand.
Pour le chercheur au Cired Lucas Vivier, qui analyse les politiques de rénovation énergétique, il n’est sans doute pas très efficace de cibler les petites surfaces en copropriété, avec des rénovations appartement par appartement, « puisque l’on sait que le plus efficace est de réaliser des travaux sur l’ensemble du bâtiment avec une isolation par l’extérieur ».
En attendant un coup d’accélérateur sur ce type de rénovations efficaces, 140 000 passoires thermiques vont sortir du calendrier d’obligation de rénovation, et leurs locataires vont continuer de grelotter l’hiver et cuire l’été.
Pour Isolde Devalière, qui pilote l’Observatoire national de la précarité énergétique, cette décision a un goût amer. « Je comprends qu’il y a un lobbying des promoteurs immobiliers et des représentants des propriétaires bailleurs sur le sujet, mais nous n’avons plus vraiment le choix. C’est un très mauvais calcul d’encore reporter ces rénovations au regard des enjeux écologiques mais aussi économiques. Le prix de l’énergie ne va pas baisser. »
Pour celle qui est aussi cheffe de projet à l’Agence de la transition écologique (Ademe), cette décision consiste également à donner une prime aux propriétaires qui ont subdivisé leurs biens en location pour maximiser leurs profits. « Il y a aussi une surreprésentation des petites surfaces en Île-de-France parce que beaucoup de propriétaires bailleurs ont découpé des appartements pour en faire des petits lots », souligne-t-elle. On rappellera aussi qu’à Paris, à Lyon ou à Marseille, 60 % des logements en location appartiennent à des propriétaires qui possèdent au moins cinq biens immobiliers.
Et ont donc, pour beaucoup, tout à fait les moyens de payer une isolation de leurs logements en location.
En France et en Europe, les gouvernements réduisent leurs dépenses « vertes », loin des ambitions écologiques
Matthieu Goar
www.lemonde.fr/planete/article/2024/02/21/en-France-comme-en-europe-les-investissements-ecologiques-ne-sont-pas-a-la-hauteur-des-ambitions_6217658_3244.html
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Tandis que Bercy a décidé de réduire plusieurs dispositifs, comme MaPrimRénov’ ou le leasing social pour les voitures électriques, un rapport chiffre le décalage entre l’objectif européen de réduction de CO₂ et les investissements réels.
Depuis l’arrivée de Gabriel Attal à Matignon, les défenseurs de l’environnement accusent le coup. Après l’épisode de la crise agricole, à laquelle le gouvernement a répondu en reculant sur des normes environnementales ou en « mettant sur pause » le plan Ecophyto, les économies budgétaires annoncées par l’exécutif puisent largement dans les « crédits verts ».
Dimanche 18 février, Bruno Le Maire, tout à sa volonté de trouver 10 milliards d’euros, a promis que tous les ministères seraient mis à contribution. Mais, en détaillant certaines coupes plus spécifiques, le ministre de l’économie a vite ciblé la planification écologique.
L’enveloppe du dispositif MaPrimRénov’ sera ainsi amputée de 1 milliard d’euros et le fonds vert pour le climat, qui permet aux collectivités d’investir dans des projets de transition écologique, sera réduit de 400 millions d’euros.
« Le réarmement financier de la France est indispensable pour nous préparer à toute éventualité dans l’avenir et pour nous permettre de financer notre modèle social », a expliqué Bruno Le Maire lors d’une rencontre avec la presse, laissant le soin à Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics, de défendre la rénovation thermique des bâtiments : « C’est une politique que nous avons profondément soutenue, que nous allons continuer à soutenir encore cette année, mais nous en revoyons l’ampleur. »
« Refroidir la machine »
Ces annonces sont un coup de canif dans la promesse gouvernementale d’augmenter considérablement le budget alloué à la transition bas carbone entre 2023 et 2024. A l’automne, les députés macronistes vantaient une hausse de 7 milliards d’euros de crédits de paiement (10 milliards d’euros d’autorisation d’engagement). Et ils se félicitaient surtout d’avoir obtenu une hausse de MaPrimRénov’ de 2,5 milliards à 4 milliards d’euros. Une mesure symbolique, selon eux, d’une « écologie populaire » qui ne serait ni « punitive » ni « dénialiste » (niant la réalité du réchauffement climatique).
Pour se justifier, Bercy explique qu’il fallait « refroidir la machine » alors même que 300 millions d’euros des crédits consacrés à ce dispositif n’ont pas été dépensés en 2023, faute d’artisans disponibles pour réaliser les travaux chez les particuliers. Idem pour le leasing social qui permet aux ménages les plus modestes de se procurer un véhicule électrique pour 100 euros par mois. Mi-février, après six semaines d’ouverture et environ 50 000 dossiers déposés, attestant de réels besoins, l’exécutif a confirmé qu’il mettait fin au dispositif pour cette année, là aussi pour des questions de financement.
« Les annonces du gouvernement actent des reculs sur la planification écologique présentée en septembre (…), alors même que les financements devraient être augmentés dans le prochain budget pour pouvoir réellement atteindre nos objectifs », a réagi le Réseau Action Climat.
Face à l’endettement et à l’augmentation des taux d’intérêt, la France n’est pas le seul pays du continent à sabrer ses dépenses « vertes ». En Allemagne, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe a interdit, en novembre 2023, le transfert de 60 milliards d’euros vers un fonds pour le climat et la transformation de l’économie. En quelques mois, la Suède a supprimé les subventions à l’achat de véhicules électriques puis a revu à la baisse la part de biocarburant dans le gazole et l’essence.
« Doubler les investissements »
Dans ce contexte, et à un peu plus de trois mois des élections européennes, un rapport de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE), publié mercredi, rappelle le niveau des investissements nécessaires pour que l’Union européenne (UE) tienne son engagement de baisse de 55 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport au niveau de 1990.
Selon ses calculs, les financements publics et privés liés au climat ont augmenté de 9 % entre 2021 et 2022, atteignant 407 milliards d’euros (2,6 % du produit intérieur brut de l’UE). Mais, pour espérer rester sur la voie de la neutralité carbone en 2050, les Vingt-Sept devraient y consacrer annuellement au moins 813 milliards d’euros (5,1 % du PIB).
« Comme souvent, on peut voir le verre à moitié plein, il y a une progression, mais aussi le voir à moitié vide car il faut encore doubler les investissements, résume le politiste Thomas Pellerin-Carlin, directeur du programme Europe de l’I4CE, un des auteurs de ce rapport. C’est une estimation conservatrice car certains secteurs ne sont pas quantifiables par manque de données ou parce qu’il n’y a pas d’objectifs européens, comme avec le nucléaire. »
Dans le détail, seuls deux secteurs sur vingt-deux expertisés par l’institut, l’hydroélectricité et les batteries, ont bénéficié d’assez de crédits. Mais, alors que l’UE veut atteindre 42,5 % d’énergie renouvelable dans son mix en 2030, d’autres secteurs sont toujours à la peine. C’est notamment le cas de l’éolien, qui souffre d’un déficit d’investissements de l’ordre de 74 milliards d’euros (15 milliards d’euros d’investissements réels alors que les besoins sont de 89 milliards d’euros). Ce montant est au plus bas depuis… 2009. Le solaire souffre d’un déficit de 5 milliards, et les bornes de recharge pour véhicules électriques de 4 milliards d’euros.
« Pour atteindre les objectifs de l’UE, nos recherches estiment qu’environ 225 milliards d’euros, soit 1,4 % du PIB de l’UE, devraient être investis dans le système énergétique de l’économie européenne, chaque année jusqu’en 2030 [contre 103 milliards en 2022] », peut-on lire dans le rapport.
Une somme colossale
Pour les bâtiments, sujet d’actualité en France, la Commission européenne compte au moins doubler le taux de rénovation d’ici à 2030. Selon les experts de l’I4CE, les investissements annuels devraient être d’au moins 335 milliards d’euros (soit 2,1 % du PIB de l’UE). Une somme colossale, alors que seulement 198 milliards d’euros ont été investis en 2022.
« L’Union européenne a son destin entre les mains si elle choisit d’aligner ses politiques publiques avec ses objectifs climatiques, poursuit M. Pellerin-Carlin. Mais le contexte est important et nous sommes dans un moment où il y a la tentation de dire “l’écologie, ça commence à bien faire”. Rien ne serait pire que de faire du “stop and go” en annonçant X milliards puis de mobiliser moins d’argent car cela n’incite pas les entreprises et les ménages à avoir un cap clair et à aller dans le bon sens. »
En France, pour justement donner de la visibilité aux acteurs économiques, des députés Renaissance de l’Assemblée nationale ont réussi à convaincre l’exécutif de mettre en place une stratégie pluriannuelle des financements de la transition écologique. Ce débat sans vote doit avoir lieu après l’été, à un moment où les défenseurs de la planification aimeraient voir les budgets monter en puissance.
Un espoir partagé par le secrétariat à la planification écologique, placé sous l’autorité de Matignon. Ce dernier estime qu’à terme les investissements de l’Etat en matière de planification écologique devraient se situer dans une fourchette comprise entre 12 milliards et 15 milliards d’euros chaque année afin d’amplifier la mobilisation du privé et des collectivités locales. Une ambition qui risque pour l’heure d’être revue à la baisse.
« Traktoreekin atera diren asko ados egongo dira gure proposamen batzuekin, baina desintentsifikazioarekin ez »
Estitxu Eizagirre
www.argia.eus/albistea/traktoreekin-atera-diren-asko-ados-egongo-dira-gure-proposamen-batzuekin-baina-desintentsifikazioarekin-ez
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Traktoreek kaleak hartu dituzte, eta erakundeak eta herritarrak interpelatu gaituzte. Gai hori lantzeko Etxalde mugimendukoa den Gotzone Sestorain elkarrizketatu du Eli Pagolak Egonarria saioan. Honek azaldu ditu laborantzako arazoaren muinean zer dagoen, eta kalera atera dena « koktel » bat dela, oso aldarrikapen ezberdinak dituena. Bere hitzetan, laborantza ereduari buruzko eztabaida bat eman behar du gizarteak, krisitik ateratzekotan. 140 eragilek Nafarroako Gobernuari aurkeztu dizkioten proposamen zehatzak ere azaldu ditu, zeinaren helburua den laborantza desintentsifikatzea eta agroekologiara bidea egitea.
Gotzone Sestorainen hitzetan, traktoreen protesta « koktel bat da, aldarrikapenez betetako eltze bat, eta nik uste dut mugimendu horietan parte hartzen ari den jendea era askotakoa dela. Nafarroakoan traktorista handiak badira, etxalde handiak dituztenak; baina baita ere hurbiltzen ari dira abeltzaintza estentsiboan dabilen jendea, eredu iraunkorragoetan, ekologikoan ari den jendea… denetatik. Sekulako nahaste borrastea dago. Argi dago badagoela haserre orokor bat, ezinegona. Bizitza duin bat eraman ahal izateko nekazartitzatik gero eta zailagoa da. Baina hau ez da oraingo kontua, hau da aspalditik datorren zerbait ».
Zein dira oinarrian dauden arazoak?
Sestorainek gogoratu du hemengo laborantza azken hamarkadetan Europako Nekazaritza Politika Bateratuak gidatu duela eta honek laborantzaren eredu produktibista edo industriala bultzatu duela: « Urte askotan saldu digute ongi bizitzeko eredu produktibista jarraitu behar genuela. Hau da, asko eta merke ekoiztu behar genuela. Hori da behin eta berriz zabaldu digutena. Batzuk sartu dira bide horretan, beste batzuk saiatu gara horri ihes egiten edo bide alternatibo batzuk lantzen…. Baina zein da kontua?
Gaur egun ekoiztea gero eta garestiagoa dela, eredu horretan erregai fosilekiko izugarrizko menpekotasuna dagoelako, eta kanpo insumoekiko ere bai: izan ongarri kimikoak, izan pestizidak, edo abeltzaintzan kanpoko pentsuen dependentzia. Hori garestitzen joan da, batetik, merkatu espekulatibo bat dagoelako, eta bestetik lehorteak egon direlako tartean, beste arazo geoestrategiko batzuk ere bai (Ukrainako gerra) eta horrek ekarri du are gehiago larritzea jende askoren egoera. Horri gehitu behar zaio Europako Nekazaritza Politika Bateratuak dakarren burokrazia karga guztia ».
« Sistemak goia jo duela » azpimarratu du, Jenofa Berhokoirigoinen ARGIAko artikulua aipatuz: » Europako Nekazaritza Politika Bateratua asmatu zen ustez, helburua zen elikadura segurtasuna bermatzeaz aparte kontsumitzaileak elikagai merkeak izatea, eta gaur egun ikusten ari gara hori ere ez dela betetzen. Eta nekazariok bizi baldintza duin batzuk izatea, eta hori ere ez da betetzen ».
Beste elementu hauek ere nabarmendu ditu: « Eredu honek ekarri dituen ondorioak ingurumen arloan. Lurrak antzututa daude, urak kutsatzen ari dira, bultzatu diren sistemek ur kontsumo ikaragarriak behar dituzte eta horri gehitu zaizkio larrialdi klimatikoa, biodibertsitate galera eta horiek guztiak ».
Erakundeek saihesten duten eztabaida, eta agroindustriak kapitalizatzen duen mugimendua
Sestorainek argi du irtenbidea: « Momentu hau erabili behar da benetako azterketa eta eztabaida emateko ». Gizarte mailan erantzun beharreko galderak zein diren zehaztu du: « Zer elikadura eredu nahi dugu gure herriarentzat? Hori da lehenbiziko galdera. Eta bigarrena, elikadura eredu horri lotuta: ze nekazaritza eredu nahi dugu? Horri zintzoki erantzun beharra diogu ». Baina Sestorain penetan da « ez gaudelako oraindik momentu horretan, zeren eta ikusten ditut hemengo instituzioak partxeak jartzen. Ea nekazariei zer goxoki eman pentsatzen, beren kexuak alde batera utzi ditzaten. Betikoan jarraitu dezagun, deus ere edo gauza handirik mugitu gabe ».
Eztabaida hori saihesten den bitartean, Sestorainen ustez, traktoreen protesta « kapitalizatzen ari den indarra agroindustria eta agronegozioa da ». Azaldu duenez, « Europan eman den eztabaidaren ondoren, ikusten zen eredua goia jotzen ari zela, eta norabide aldaketa baten abiapuntuan geunden. Hor kokatzen dira Baserritik mahaira estrategia edo biodibertsitate estrategia bezalakoak, eta hainbat aldaketa proposatzen ziren, ingurumen arloan zuzenketa batzuk emateko ». Sestorainen hitzetan, aldaketa horiek gainkarga bat ekartzen dio nekazariari eta honetaz baliatzen ari da agroindustria, « bere aldarrikapenak eta presioa sartzeko ». Horrela ulertzen da Europak traktoreen presioaren aurrean onartu duen lehen neurria pestiziden erabilera %50era mugatzea zekarren araua aldatzea izan dela.
Nafarroan 140 eragilek sinatu duten manifestuan Nafarroako Gobernuari eskatu diote Europako Baserritik Mahaira estrategia martxan jartzea. Baina Sestorainek nabarmendu du « pedagogia egin behar dela eta hori ezin dela baserritarraren esku utzi ». Izan ere, hainbeste urtean sektorea ohitu denean norabide batean lan egitera, eredua aldatzeko bidelaguntza behar dela azpimarratu du: « Beharrezkoak dira akonpainamendua, formakuntza, diruz lagundua izatea… orain artean Nafar Gobernuak ez du jarri bitartekorik helburu horiek lortzeko”. Manifestuan 60 neurri zehatz proposatu dituzte “nekazaritza eta abeltzaintza industrialari berehala muga jartzeko eta desintentsifikazio prozesua abiatzeko ». Abelburuak 2050era begira erdira gutxitzea jarri du helburu manifestuak. Sestorainen ustez, duten zailtasunik handiena hauxe da: « Ea nola lortzen dugun gizartea, nekazariak eta erakundeak horrelako aldaketa baten alde jartzea. Errepidera traktoreekin atera diren asko eta asko ados egongo dira proposamen batzuekin, baina desintentsifikazioarekin ez. Eta indar korrelazioak ez ditugu alde: proposatzen dugun neurrietako bat da azokak indartzea. Udalak alde ditugun herrietan erraz egin daiteke, baina Lizarran adibidez arazo handiak ditugu honekin”.
« Bertako beharrak asetzeko ekoiztu behar dugu nekazariok, ez merkatu global horretarako »
Egonarria saioan zehar, merkatuan eman den liberalizazio prozesua salatu du Sestorainek: merkataritza askeko itunak batetik, eta merkatu mailan eman den desarautze prozesua bestetik. « Bai Euskal Herrian eta bai Europan eragile batzuk eskatzen ari garena da elikadura ateratzea merkataritza libreko itun horietatik guztietatik ». Merkataritza libreko itunek dakartzaten ondorioen adibidea jarri du, bera artzaina den aldetik: « Zeelanda Berritik ekartzen badute ardikia edo esnekiak, hemengoa baino askoz prezio baxuagoetan ekarri behar dituzte.
Horrek dakar hemen merkatuko prezioak erabat jaistea, hondoratzea, eta ondorioz abeltzainari ez pagatzea kostuen araberako prezio bat. Hori da dumping-a esaten dena, eta guk ere eragiten diegu beste herrialde batzuei, hemendik ere asko esportatzen delako. Hori merkataritza askearen ondorioa da, horregatik esaten dugu elikadura merkatuetatik atera behar dela eta elikadura burujabetzaren bidea garatzen hasi behar dela. Bertako beharrak asetzeko ekoiztu behar dugu nekazariok, ez merkatu global horretarako”.