Bizi !

Articles du Vendredi : Sélection du 20 février 2015

A Bayonne, l’évasion forcée des sièges de HSBC

Michel Garicoïx
www.lemonde.fr/economie/article/2015/02/19/a-bayonne-l-evasion-forcee-des-sieges-de-hsbc_4579736_3234.html

Bizi ! vs. HSBC : où sont les priorités de la politique pénale ?

Plate-forme paradis fiscaux et judiciaires (Les Amis de la Terre – Anticor – Attac France – CADTM France – CCFD-Terre Solidaire – CFDT – CGT – CRID – Droit pour la justice –Observatoire citoyen pour la transparence Financière Internationale – Oxfam France – Justice et Paix – Réseau Foi et Justice Afrique Europe – Secours catholique Caritas France – Sherpa – Survie – Syndicat de la magistrature – Solidaires Finances Publiques – Transparency International France (www.stopparadisfiscaux.fr))
www.stopparadisfiscaux.fr/que-font-les-etats/la-france/article/2015-bizi-vs-hsbc-ou-sont-les?var_mode=calcul

Taubira veut inscrire le préjudice écologique dans la loi

AFP
www.goodplanet.info/actualite/2015/02/13/taubira-veut-inscrire-le-prejudice-ecologique-dans-la-loi/#sthash.vPtjBQL8.dpuf

En Alberta, l’or noir de la discorde

Manon Rescan
www.lemonde.fr/energies/article/2015/02/19/en-alberta-l-oir-noir-de-la-discorde_4579499_1653054.html

«Il faut cesser de séparer le climat du monde réel»

Stéphane Foucart
www.lemonde.fr/climat/article/2015/02/17/il-faut-cesser-de-separer-le-climat-du-monde-reel_4578024_1652612.html

Consommer moins mais consommer mieux : la consommation collaborative


www.goodplanet.info/actufondation/2015/02/10/consommer-moins-mais-consommer-mieux-la-consommation-collaborative/

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A Bayonne, l’évasion forcée des sièges de HSBC

Michel Garicoïx
www.lemonde.fr/economie/article/2015/02/19/a-bayonne-l-evasion-forcee-des-sieges-de-hsbc_4579736_3234.html

Bizi est une association basque altermondialiste qui, comme son nom l’évoque en langue basque, se pique d’interpeller la société pour des causes sociales ou environnementales. Mercredi 17 février, l’association a fait l’objet d’une perquisition inhabituelle. La police venait récupérer des fauteuils appartenant à la société HSBC.

C’est que jeudi 12 février, 17 militants de Bizi se sont emparés en plein après-midi et à visage découvert de huit sièges de l’agence bancaire HSBC, située dans le centre-ville de Bayonne. Motif de cette initiative surprenante ? « Quand nous avons lu le journal Le Monde du 10 février et les révélations du quotidien sur le rôle d’HSBC dans l’organisation de l’évasion fiscale en France, notre sang n’a fait qu’un tour, raconte Jean-Noël Etcheverry, son président. Nous devions faire quelque chose. »

Non-violence et humour

Bizi dénonce « l’organisation par cette banque d’un vaste système d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent sale ».

Toutefois Bizi se veut conciliant : « Le mouvement est disposé à rendre ces huit sièges, mais seulement après que la banque HSBC aura elle-même rendu les 2,5 milliards d’euros que son système a permis de dérober aux recettes publiques françaises. »

Cinq sièges ont été confiés à des associations, dont trois à Attac-France « afin que cette organisation bénéficie d’une meilleure assise dans sa lutte contre l’évasion fiscale et le pouvoir des banques ».

Depuis sa création en juin 2009 à l’approche du sommet de Copenhague, Bizi concentre ses actions autour du climat, « une urgence pour l’humanité », et sur la justice sociale « pour un égal accès aux ressources ».

D’où des dossiers et des opérations en faveur du vélo en ville ou contre les investissements polluants, tel celui de la Société générale dans le projet Alpha Coal en Australie. Lequel a d’ailleurs été gelé. Adepte de la non-violence et de l’humour, sinon de la dérision, Bizi privilégie la pédagogie de l’action : « Avant de quitter la banque avec le mobilier saisi, sous les applaudissements des passants et des ouvriers d’un chantier voisin, nos militants ont pris soin de remettre au responsable de la banque un exemplaire du Livre noir des banques », sourit Jean-Noël Etcheverry.

Lire aussi : « SwissLeaks » : révélations sur un système international de fraude fiscale

Bizi ! vs. HSBC : où sont les priorités de la politique pénale ?

Plate-forme paradis fiscaux et judiciaires (Les Amis de la Terre – Anticor – Attac France – CADTM France – CCFD-Terre Solidaire – CFDT – CGT – CRID – Droit pour la justice –Observatoire citoyen pour la transparence Financière Internationale – Oxfam France – Justice et Paix – Réseau Foi et Justice Afrique Europe – Secours catholique Caritas France – Sherpa – Survie – Syndicat de la magistrature – Solidaires Finances Publiques – Transparency International France (www.stopparadisfiscaux.fr))
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La plate-forme Paradis fiscaux et judiciaires veut envoyer un message de solidarité à l’attention de l’association «Bizi!» et appelle le gouvernement français à renforcer la répression pénale des organisateurs et des bénéficiaires de la fraude fiscale.

Txetx Etcheverry, co-fondateur de l’association altermondialiste basque Bizi !, a été convoqué pour «vol en réunion» au commissariat de Bayonne ce mardi 17, moins d’une semaine après que l’association a «emprunté» quelques fauteuils à l’agence HSBC de Bayonne, jeudi 12 février. Dès hier, mercredi 18 février, trois chaises ont été récupérées par la police à l’issue d’une perquisition chez « Bizi !».

La réactivité de la police française à l’encontre de l’association «Bizi!», auteur d’une action humoristique au service d’une cause d’intérêt général, contraste avec l’impunité pénale dont jouissent trop souvent les voleurs d’argent public et leurs complices.
HSBC a participé de façon très active, en « bande organisée », à détourner des fonds vers la Suisse. La collectivité, victime de ces pratiques, doit être justement indemnisée. Si une information judiciaire pour blanchiment de fraude fiscale est certes ouverte en France à l’encontre de HSBC, il a fallu les avertissements d’un lanceur d’alerte pour qu’elle soit initiée, et il n’est pas exclu qu’elle aboutisse à une transaction. Celui qui « emprunte » quelques fauteuils pourra-t-il transiger, lui aussi ?

Par son action, Bizi ! exprime publiquement la colère partagée des contribuables français à l’encontre des fraudeurs. En dépit des multiples scandales (McDonald’s, Amazon, Apple, Starbucks, Google…), aucune grande entreprise n’a eu à répondre récemment de ses montages fiscaux devant la justice française. Et rares restent les mises en cause pénales des intermédiaires, hormis UBS et… HSBC.

Malgré la menace de poursuites pour « recel de vol aggravé », plusieurs organisations membres de la plate-forme Paradis fiscaux et judiciaires (Attac, Solidaires Finances publiques, Les Amis de la Terre) ont répondu favorablement à la proposition de « Bizi ! » de mettre les sièges dérobés à HSBC à la disposition des militants contre la fraude fiscale, « jusqu’à ce que la banque ait rendu les 2,5 milliards d’euros qu’elle doit à la France » – selon les calculs de l’association basque.

Taubira veut inscrire le préjudice écologique dans la loi

AFP
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La ministre de la Justice Christiane Taubira présentera avant l’été un projet de loi visant à inscrire dans le code civil la notion de « préjudice écologique » et le principe de réparation de ce préjudice.

La garde des Sceaux s’est exprimée mercredi dans un message enregistré diffusé en clôture d’un colloque sur la criminalité écologique organisé par « Le Monde », a indiqué jeudi la chancellerie confirmant une information du quotidien.

Le texte qui comprend quatre articles prévoit le principe d’une réparation « par priorité en nature » du préjudice écologiste, c’est à dire l’idée d’une remise en état du milieu dégradé aux frais de celui qui en est jugé responsable, selon le principe du pollueur-payeur. A défaut, une indemnisation peut être envisagée en remplacement.

« Lorsque l’auteur du dommage a commis intentionnellement une faute grave, un juge pourra aussi le condamner à une amende civile qui ne pourra pas être supérieure à 2 millions d’euros, sauf s’il s’agit d’une personne morale. Dans ce cas, l’amende pourra être portée à 10% du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxe le plus élevé » réalisé lors d’un exercice précédent, précise le texte.

Le projet liste également les personnes qui auront qualité pour demander cette réparation parmi lesquelles figurent l’État, le ministère public, les collectivités locales et groupement des territoires concernés ainsi que les associations de protection de la nature.

Le texte fait également référence à un « fonds de réparation environnementale » qui pourrait être créé sur le modèle du fonds Barnier pour les catastrophes naturelles.

Ces dispositions s’inspirent d’un rapport de l’ex-conseiller d’État Yves Jégouzo remis en octobre dernier à Christiane Taubira et font suite à des consultations des acteurs et professionnels de l’environnement.

D’autres consultations sont prévues et le texte devra passer le filtre des arbitrages interministériels avant une présentation au conseil des ministres et un débat au parlement.

C’est la troisième fois que la ministre manifeste ainsi sa volonté de faire aboutir ce projet depuis que la Cour de cassation a confirmé en septembre 2012 la responsabilité de Total dans le naufrage du pétrolier « Erika » en 1999 au large des plages bretonnes.

Mais le projet bénéficie cette fois d’un contexte favorable avec la tenue à Paris de la 21e conférence pour le climat en novembre et décembre 2015.

La chancellerie travaille également sur un volet pénal et diffusera avant la fin février une circulaire aux parquets pour coordonner leurs actions dans les dossiers d’atteinte à l’environnement.

En Alberta, l’or noir de la discorde

Manon Rescan
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Repérer le sens du vent est à la portée du premier œil venu à Fort McKay : il suffit de suivre la direction des fumées. En cette matinée de février, alors que les températures descendent en dessous de − 20 0C dans le nord de la province canadienne de l’Alberta, les colonnes cotonneuses qui s’élèvent des cheminées des sites d’exploitation des sables bitumineux sont poussées vers le sud. Parfois, elles choisissent le nord, descendent le long de la rivière Athabasca et s’invitent dans cette réserve amérindienne, petit village de 700 habitants, cernée par l’industrie pétrolière.

Les autochtones de Fort McKay étaient installés là bien avant que, dans le courant des années 1960, l’Alberta ne commence à puiser dans l’or noir que renferme son sous-sol. Une partie du nord-est de la province abrite la troisième réserve mondiale de pétrole non conventionnel (168 milliards de barils), un bitume dense et visqueux mélangé à du sable, à de l’argile et à de l’eau. L’extraction de ces sables bitumineux a fait la prospérité de la région, et personne n’imagine son déclin malgré la chute des prix du pétrole.

La province continue, en effet, de chercher des débouchés pour les plus de 2 millions de barils quotidiens qu’elle peut produire. Même si le président américain Barack Obama devrait poser cette semaine un veto reportant de nouveau la construction de l’oléoduc Keystone XL, qui doit acheminer une partie des sables bitumineux vers le golfe du Mexique, l’industrie ne donne pas pour l’heure signe de ralentissement. Et ce malgré les nombreux constats alarmants quant aux impacts environnementaux massifs de cette production : elle émet de 3 à 4,5 fois plus de gaz à effet de serre que le pétrole conventionnel, a déjà rasé 800 km2 de forêt boréale, et menace le caribou de disparition tout en pompant d’énormes quantités d’eau dans une rivière qui a vu son niveau baisser au fil des années.

La forêt rasée, la chasse tarie

Sur les rives de l’Athabasca, Roddy Boucher désigne, de ses mains nues qui narguent le froid pinçant, les fumées qui s’élèvent d’au moins trois sites industriels à l’horizon. « La vue était plus belle avant », lâche-t-il, gagné, comme de nombreux anciens de la réserve, par la nostalgie d’avant l’industrie.

Les Premières nations de Fort McKay n’ont d’abord pas vu les retombées économiques de la ruée vers le pétrole mais ses conséquences, à l’image de ce qu’a vécu la province ces quarante dernières années. « Un jour, des habitants sont allés voir si les pièges à lapins avaient été efficaces. Ils n’ont trouvé ni lapin ni piège. La forêt avait été rasée », raconte Dayle Hyde, membre de la communauté qui en est aussi la chargée de communication. Peu à peu, l’installation des mines à ciel ouvert a coupé les lignes de trappe et fait chuter les revenus de la chasse au caribou. A 60 kilomètresau sud, la ville de Fort McMurray, capitale canadienne des sables bitumineux, connaissait le début d’un essor qui dure encore.

« A cette époque, les gens ont commencé à observer des changements dans la rivière », poursuit Dayle Hyde. Alors que des lésions apparaissent sur la peau des poissons, l’opprobre est petit à petit jeté sur l’industrie. Dans les années 1980, la réserve n’a pas l’eau courante et la chef de la communauté est prise de colère en apprenant qu’il y a eu une fuite toxique dans la rivière en provenance des installations voisines de Suncor. Le groupe pétrolier mettra trois semaines à avertir la population, durant lesquelles les habitants continueront de boire l’eau.

« On a commencé à s’opposer aux projets, mais on n’était jamais entendus », avance encore Dayle Hyde. Au milieu des années 1990, Fort McKay change d’attitude. « Puisque se battre ne menait à rien, on a décidé de négocier avec l’industrie. » Depuis, la communauté étudie minutieusement chaque nouveau projet de construction, évalue les moindres dommages faits à ses habitants et, quand ceux-ci sont inévitables selon l’industrie, négocie les compensations financières. Ces accords ont permis d’accélérer le développement de la communauté, aujourd’hui riche en infrastructures sociales et éducatives, mais aussi en habitations cossues. Mais cette prospérité, qui détonne avec la précarité des autres communautés autochtones canadiennes, fait grincer quelques dents.

Soupçons dans l’eau

« C’est le prix à payer pour nous tuer à petit feu », rumine Celina Harpe. Dans la communauté, elle est l’une de ceux qui ont le moins la langue dans leur poche. A bientôt 76 ans, elle ressasse les souvenirs de son grand-père dont elle aime à raconter qu’il l’avait avertie toute jeune déjà que ses petits-enfants auraient à acheter de l’eau en bouteille. Elle pointe du doigt la fontaine à eau dans sa petite cuisine, qui remplace celle du robinet. « L’eau est pourtant potable, assure Dan Stuckless, du service de développement durable de la communauté, mais les gens n’ont plus confiance. »

La suspicion s’est installée au fil des années. Plus personne ne pêche dans la rivière Athabasca et, depuis peu, l’inquiétude grandit quant à l’eau qui coule dans les douches et les lavabos. « L’eczéma ici est devenu endémique », observe le docteur John O’Connor, chef du service de santé de Fort McKay. Dans son cabinet, le médecin entend inlassablement la même histoire : la peau qui gratte, qui sèche et, quand le patient s’éloigne pour le week-end, les symptômes qui disparaissent. « Nous n’avons aucune certitude quant au fait que l’eau soit à l’origine de leurs maux », poursuit celui qui a déjà lancé l’alerte sur les possibles liens entre la pollution industrielle et un taux élevé de cancers rares observés à plusieurs centaines de kilomètres de là, dans une autre communauté autochtone qui se nourrissait de la pêche dans l’Athabasca.

Pour en avoir le cœur net, ces populations attendent depuis plus de dix ans le lancement d’une étude scientifique sur leur état de santé. Le gouvernement provincial est accusé de leur avoir « tourné le dos depuis deux ans », ne répondant plus aux sollicitations. Ce dernier élude et affirme « soutenir » le choix des communautés d’« opter pour une étude indépendante ». « On n’avait pas d’autre option », s’insurge le médecin, alors que les fonds manquants devraient finalement être apportés… par l’industrie.

A Fort McKay, on se méfie désormais autant du gouvernement que de l’eau du robinet. Il y a deux ans, la communauté s’est aperçue que le système d’évaluation de la qualité de l’air, loué par les autorités albertaines, ne filtrait que deux polluants atmosphériques, les dioxydes d’azote et de soufre, et non, par exemple, les particules fines. « On nous a menti », s’insurge John O’Connor, alors que la réserve est fréquemment envahie d’odeurs « d’œuf pourri ou de pipi de chat », parfois doublées d’une brume qui n’a rien de météorologique. La station a été remplacée par une autre, financée par le gouvernement fédéral cette fois. Si « la moyenne des taux d’exposition aux polluants n’est pas dangereuse pour la santé », assure Dan Stuckless, les dépassements ponctuels y sont quasi quotidiens selon les critères établis par l’Organisation mondiale de la santé.

Echec climatique

Constamment rappelés à l’ordre sur leur gestion de l’environnement, la province et l’industrie des sables bitumineux mettent en valeur leurs efforts. L’Alberta, fière de son marché du carbone, à l’efficacité pourtant discutée, a mis sur pied une toute nouvelle agence chargée de ces questions, dont l’indépendance reste, elle aussi, controversée. Elle affirme également mettre à jour sa législation en matière de lutte contre le changement climatique. De leur côté, les industriels mettent en avant la réhabilitation d’une poignée d’anciens sites miniers rendus à la nature, espérant que la biodiversité y reprenne ses droits. « Mais certaines choses, comme les tourbières asséchées par l’industrie, sont perdues à jamais », observe Amin Asadollahi de l’Institut Pembina, think tank canadien spécialisé dans les questions environnementales.

Les émissions de gaz à effet de serre par baril ont légèrement diminué dans les années 2000 pour atteindre entre 73 et 83 kg de CO2 par baril – contre 35,2 kg pour le pétrole conventionnel produit au Canada. Mais la production n’a cessé de croître, annihilant tout effet bénéfique sur l’environnement. « Les sables bitumineux vont être la cause principale de l’échec canadien en matière d’engagements climatiques », affirme M. Asadollahi tandis que le docteur O’Connor s’inquiète de la décision européenne, en décembre, d’ouvrir la porte à l’importation de ce pétrole non conventionnel. « De tels actes mettent les populations qui vivent ici encore plus en danger », prévient-il. A Fort McKay, il y a longtemps que la population, comme Roddy Boucher, n’imagine plus que le vent puisse tourner : « Ils sont là, on est là, ils sont plus forts que nous, on fait avec. »

«Il faut cesser de séparer le climat du monde réel»

Stéphane Foucart
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Voilà dix ans, le 16 février 2005, le protocole de Kyoto entrait en vigueur, imposant pour la première fois des réductions d’émissions de gaz à effet de serre aux pays du Nord. La première période d’engagement, qui s’est achevée en 2012, a bel et bien vu une baisse des rejets de certains pays développés, mais elle a connu dans le même temps l’explosion de ceux issus des pays émergents, Chine en tête. Dans un ouvrage publié ces jours-ci (Gouverner le climat ?, Presses de Sciences Po, 750 p., 23 euros) le sociologue Stefan Aykut et l’historienne des sciences Amy Dahan reviennent sur l’histoire du protocole, mais aussi sur deux décennies de négociations climatiques aujourd’hui enlisées et qui attendent un nouveau souffle lors de la conférence climat de Paris organisée en décembre.

Comment le protocole de Kyoto a-t-il été négocié ?

Amy Dahan : Les négociations qui ont abouti au protocole de Kyoto ont commencé à la fin des années 1980. Une étape majeure a été l’adoption de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques au Sommet de la Terre à Rio, en 1992. La communauté internationale commençait à considérer le réchauffement comme un problème sérieux et la réduction des émissions de gaz à effet de serre comme un fardeau qu’il allait falloir répartir. L’élément majeur du protocole est que les pays en développement ne sont pas soumis à des exigences de réduction d’émissions : seuls les pays du Nord y sont astreints, au cours d’une première période d’engagement, allant de 1990, l’année de base pour calculer les réductions, jusqu’à une période glissante de 2008 à 2012. Pour les pays du Sud, le protocole aura surtout été un moyen de se familiariser avec un problème auquel ils ne prêtaient encore que peu d’attention dans les années 1990.

Stefan Aykut : Le bras de fer qui a marqué le premier cycle de négociation s’est joué entre les Etats-Unis et l’Europe. Ce premier cycle, entre 1992 et 1996, a vu deux grandes approches s’opposer. L’une, notamment défendue par l’Europe – surtout l’Allemagne et la Grande-Bretagne – consistait à assigner « par le haut » des objectifs de baisse d’émissions à chacun ; l’autre, soutenue par des pays comme le Japon ou les Etats-Unis, consistant à laisser chaque Etat faire des propositions de réduction, le rôle de la gouvernance climatique étant alors simplement de les contrôler et de rappeler aux Etats leurs engagements à intervalle de temps régulier. Aujourd’hui, c’est cette approche « par le bas » qui revient en force dans la diplomatie climatique. Mais en son temps, le protocole de Kyoto a marqué la victoire de l’approche contraignante, « par le haut », celle voulue par l’Europe. Cette victoire n’a cependant été obtenue qu’au prix d’importantes concessions.

Quelles ont été ces concessions ?

  1. D. : Par exemple, l’Europe a cédé sur les instruments économiques utilisés. L’Union préférait une taxe sur le carbone, mais elle a été incapable de l’imposer en interne. Les Etats-Unis ont alors imposé des mécanismes flexibles, fondés sur le marché, comme la possibilité d’acheter ou de vendre des permis d’émission, ou la possibilité donnée aux pays du Nord de réduire leur facture de CO2 en investissant dans les pays du Sud, pour y développer des « projets de développement propre », peu émetteurs de gaz à effet de serre. Le problème est que les Etats-Unis, qui ont imposé ces instruments, ont certes signé le protocole, mais ne l’ont jamais ratifié. Tout le système onusien mis en place autour du climat n’a pas réellement pris acte de ce retrait des Etats-Unis. Il a considéré qu’ils allaient nécessairement revenir. En réalité, toute la gouvernance climatique en a été fragilisée, décrédibilisée.

Est-ce la seule faille de l’accord ?

  1. A.: Non, bien sûr. Jusqu’à présent, la gouvernance climatique n’a pas eu de prise réelle sur les causes profondes du problème climatique. Le réchauffement est le résultat d’une certaine forme de mondialisation et de libéralisation de l’économie qui s’est imposée dans les années 1980 et 1990, déterminant aussi la trajectoire des pays en développement. La question n’est donc pas de définir des limites d’émission en alignant des chiffres abstraits comme la limite des 2 °C. Mais plutôt d’essayer de penser et de définir une économie mondialisée et un mode de développement qui seraient sobres en carbone. Or, l’organisation de l’économie mondiale se joue dans des arènes comme l’Organisation mondiale du commerce (OMC) où il n’est pas question de climat…

Aujourd’hui, par exemple, il n’est pas possible de prendre des mesures protectionnistes pour des raisons climatiques. Autre exemple : alors qu’on parle aujourd’hui de ce qui sera décidé à la conférence de Paris en décembre, on discute parallèlement du traité transatlantique de libre-échange, qui ne se préoccupe pas du climat mais qui déterminera une part du réchauffement pour le siècle à venir ! Ce hiatus, nous l’avons appelé « schisme de réalité ». Il faudrait cesser de séparer la question climatique du monde réel.

  1. D.: On voit aussi que le protocole ne dissuade pas de sortir du processus. Le Canada l’a quitté en 2011 et n’a encouru aucune sanction. Plusieurs pays, comme le Japon ou la Nouvelle-Zélande, ne se sont pas réengagés pour la période 2013-2020, sans conséquence.

Le protocole de Kyoto a-t-il servi à quelque chose ?

  1. A. : Si on regarde les émissions de dioxyde de carbone au niveau mondial, il est clair qu’il a échoué à les réduire. Les réductions d’émissions des pays du Nord ont été largement compensées par celles des pays émergents, qui émettent aujourd’hui beaucoup plus, même si les émissions par habitant y sont encore inférieures au niveau du Nord. Cependant, le protocole de Kyoto et les conférences climatiques annuelles ont donné de la visibilité à la question climatique.

La question climatique a-t-elle contribué à redessiner la diplomatie mondiale ?

  1. D.: La manière dont elle a été posée, dès les années 1990, a contribué à scinder le monde en deux : le Nord d’un côté et le Sud de l’autre. C’était écrit noir sur blanc ! On voit qu’aujourd’hui encore, on a du mal à sortir de cette opposition, même si cette dernière a évolué : la Chine n’est plus ce qu’elle était dans les années 1990, mais elle continue dans une certaine mesure à orchestrer le ressentiment des pays les plus pauvres.

Consommer moins mais consommer mieux : la consommation collaborative


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En France, près d’une personne sur deux pratique la consommation collaborative, même si seulement 15% des Français connaissent ce nouveau terme, souvent synonyme de consommation durable.

Mais que recouvre le concept de « consommation collaborative » ? En quoi consistent ces nouveaux services ? Quels sont leurs avantages et leurs limites ? La Fondation GoodPlanet décrypte pour vous cette nouvelle tendance.

Le saviez-vous ?

Avec des « partages » aussi variés que le transport, le logement, le bricolage ou encore le financement de projets, nous sommes pleinement entrés dans l’ère du collaboratif. Le magazine Forbes a d’ailleurs estimé, qu’en 2013, l’économie collaborative pesait environ 2,6 milliards d’euros, soit 3,5% du PIB mondial.

Mais qu’est-ce que la consommation collaborative ?

Apparu dans les années 2000, ce terme désigne un modèle de consommation où l’usage prédomine sur la propriété. La consommation s’effectue non plus seulement par l’achat de biens et services, mais par le troc, l’échange, la location, le prêt ou encore le don.

Pourquoi pratiquer la consommation collaborative ?

Tout d’abord, pour des raisons sociales : le moteur principal de cette économie est né du désir de recréer du lien social même si, paradoxalement, son outil principal est dématérialisé : Internet. En effet, la croissance de l’économie collaborative – +25% de revenus pour les particuliers de 2012 à 2013 – est conditionnée par la mise en relation rapide des individus.

D’autre part, pour des raisons économiques : échanger, louer, prêter, donner et récupérer permet indiscutablement de réduire ses dépenses, et parfois même de compléter ses revenus. Le covoiturage permet ainsi à certains de ne pas investir dans l’achat d’une voiture et à d’autres d’amortir le coût de leurs trajets.

Enfin, pour des raisons environnementales : le covoiturage, par exemple, permet de réduire d’environ 40% les émissions de gaz à effet de serre par voyageur.

Autres exemples consommation collaborative

– Les Banques Alimentaires qui luttent quotidiennement contre le gaspillage alimentaire tout en venant en aide aux plus démunis. L’association s’approvisionne auprès de la grande distribution, des industries agroalimentaires et des producteurs agricoles qui mettent à leur disposition des produits avec des défauts d’emballage ou d’étiquetage, des fruits et légumes mal calibrés ou encore des surplus. Quand on sait que la production d’un kilogramme de pommes nécessite plus de 700 litres d’eau ou qu’un kilogramme de bœuf émet autant de gaz à effet de serre qu’un trajet de 220 kilomètres en voiture, on comprend vite l’intérêt environnemental de ces nouveaux modèles économiques.

– Le prêt d’outils de bricolage : avec un temps d’usage cumulé de 12 minutes sur l’ensemble de sa durée de vie, l’achat d’une perceuse illustre bien les limites de la notion de propriété. Louer, emprunter ou prêter sa perceuse permet ainsi d’éviter l’extraction de nombreuses matières premières nécessaires à la production de ces outils que nous utilisons que très rarement.

Focus sur le financement participatif

Le crowdfunding, vient littéralement de « crowd » : la foule et de « funding » : le financement. Appelé également financement participatif, c’est une technique de financement de projets (personnels, associatifs, entrepreneuriaux, etc.) utilisant Internet comme canal de mise en relation entre les porteurs d’un projet et des personnes souhaitant investir leur argent.

Les fonds apportés peuvent être alloués sous différentes formes : le don sans contrepartie, le don avec récompense, le prêt ou l’investissement en capital.

 

Le crowdfunding connaît un essor considérable depuis plusieurs années car il est un levier qui permet aux citoyens de soutenir financièrement et collectivement des idées qui les séduisent. Plusieurs sites Internet permettent ainsi de financer des projets solidaires, comme Hello Asso, Ulule ou encore KissKissBankBank.

Comment devenir un consommateur collaboratif ?

Avec déjà des centaines de sites de consommation collaborative existants en France, les Français peuvent maintenant s’échanger entre eux toutes sortes de biens et services, et ce sans l’intermédiaire d’une entreprise. En voici quelques exemples :

Connaître toute la liste.

En savoir plus : Choisir c’est agir