Bizimugi

Articles du Vendredi : Sélection du 2 mai 2025

Ekofeminismoa eta antimilitarismoa batera doaz
Ingurumena
www.ela.eus/eu/ingurumena/albisteak/ekofeminismoa-eta-antimilitarismoa-eskutik-doaz

Gerrak, emakumeek eta aurrera atera behar dituzten haien familiek jasaten dituzte bereziki. Beraien bizitzak gero eta prekarioagoak dira, eta arrazakeria edo klasismoa bezalako beste zapalkuntza batzuek ere gurutzatzen dituzte. Ekofeminismoak patriarkatuaren, arrazakeriaren eta kapitalismoaren aurka borrokatzen du.

Ekoeminismoak ez du soilik planeta defendatzen, bizitza ere defendatzen du, horregatik da antimilitarista. Mundu osoan berrarmatzearen une honetan, inoiz baino beharrezkoagoa da ikuspegi hau. Ekofeminismoak patriarkatuaren, arrazakeriaren eta kapitalismoaren aurka borrokatzen du, ondasun naturalak, bioaniztasuna eta bizimoduak akabatzen ari direlako planeta osoan.

Gatazka armatu asko daude martxan, baliabideak eta lurraldea kontrolatzeko gerrak. Hauek ekosistemetan, biodibertsitatean eta planetaren erreprodukzio prozesuetan dituzten inpaktuek larriagotu egiten dituzte klima aldaketa eta elkarrekin lotuta dauden beste krisi batzuk, hala nola, krisi ekologikoa, ekonomikoa edo energetikoa. Horren ondorioz, gero eta zailtasun gehiago daude planetan bizirauteko. Gero eta pertsona gehiagok, milioika pertsonak, gero eta bizimodu prekarioagoa dute; gero eta pertsona zaurgarri gehiago daude.

Gerrak emakumeek eta aurrera atera behar dituzten haien familiek jasaten dituzte bereziki. Patriarkatuak emakumeak bihurtzen ditu giza bizitzaren sostengu eta natura eta gainontzeko izaki bizidunen mantenuaren arduradun nagusi, eta horregatik gerra egoeretan, beraien bizitzak gero eta prekarioagoak dira eta gainera beste zapalkuntza batzuek gurutzatzen dituzte, arrazismoa edo klasismoa kasu.

Zoritxarrez, borroka armatuak eta gerrak normalizatzen ari dira Estatuen, korporazioen eta enpresen jarduteko modu gisa, lurraldeak eta baliabideak okupatu eta kontrolatzeko asmoz. Etorkizuneko kolonialismoa da. Testuinguru horretan, urtero, ehunka emakume, lurraldearen defendatzaile, hiltzen dituzte planeta osoan, eta gero eta desjabetza eta militarismo handiagoko praktiken biktima izaten dira. Gobernuak eta enpresa handiak konplizeak dira eta, beraz, erantzukizuna dute.

ELAk antimilitarismoa aldarrikatuko du Maiatzaren 1 honetan. Gerrak sistema kapitalistaren ondorio direlako eta potentzia handiek gerraren bidez gero eta baliabide natural eta ekonomiko gehiago pilatzen ari diren korporazio handien interesak defendatzen dituztelako. Mehatxua dira demokraziarentzat eta giza eta gizarte eskubideentzat.

Il est urgent d’attendre
Martine Bouchet
www.enbata.info/articles/il-est-urgent-dattendre

Grâce à la mobilisation contre le projet d’extension du Centre européen de fret (CEF), les dernières barthes de Mouguerre ont été préservées. Il n’empêche : ces zones naturelles si précieuses sont toujours en danger.

Commençons d’emblée par la bonne nouvelle : après la lutte victorieuse pour préserver les dernières barthes de Mouguerre, la liaison entre Cherbourg et le Centre européen de fret (CEF) par « autoroute ferroviaire » démarre en ce mois d’avril. C’est bien la preuve que l’artificialisation des barthes n’était pas nécessaire pour enclencher ce projet qui était pourtant présenté comme le fer de lance de l’extension du CEF sur les barthes. Le terminal permettant d’accueillir les trains spéciaux embarquant les camions en entier (et pas seulement leurs remorques) s’est construit sur la partie déjà artificialisée du CEF. Il permet de charger et décharger des trains au maximum de leurs capacités, à savoir 42 camions par train. La bonne nouvelle est donc que l’on peut concilier développement du fret ferroviaire et préservation de nos zones naturelles les plus précieuses. Malgré tout, ces dernières sont toujours menacées dans un avenir très proche…

Petit rappel des épisodes précédents…

Il est peut-être nécessaire de rappeler les épisodes précédents les plus marquants. La CAPB a voulu faire passer un premier projet d’aménagement qui nécessitait de remblayer douze hectares de barthes au motif du développement du fret (essentiellement pour l’autoroute ferroviaire mais également pour Novatrans, opérateur historique sur le site).

Mais elle en a profité pour y glisser l’implantation de l’entreprise Enovis sur trois hectares, en omettant de signaler par ailleurs que cette implantation se faisait sur une zone humide classée prioritaire et donc inconstructible. Le lièvre ayant été levé, la CAPB a dû retirer la totalité de son permis en mai 2024, et a trouvé un autre terrain à Enovis.

Les opérateurs peuvent se développer hors des barthes

Le projet d’autoroute ferroviaire porté par Brittany Ferries prévoit sept allers-retours par semaine mais seulement trois sont actuellement programmés. Il y a donc encore une grande marge pour augmenter le fret : en remplissant les trains et en augmentant le nombre de rotations. A noter que l’extension sur les barthes ne permettra aucune augmentation de capacité. Ce seront seulement des facilités de manœuvre, et également un parking pour 180 camions qui peut se traiter autrement (il existe des espaces encore disponibles dans le périmètre immédiat).

Par ailleurs, Novatrans n’a pas encore commencé à aménager la zone du CEF déjà remblayée qui lui est dédiée, et qui constitue la première étape de son projet d’extension. Cet opérateur de fret a déclaré lors du précédent permis d’aménager : « Dans une seconde étape, et après avoir convaincu le marché par notre offre de services, nous envisagerons des trains combinés plus longs et l’extension à l’est de notre cour à portiques actuelle. » Donc pour eux aussi, il est prématuré de remblayer les barthes qui se trouvent à l’est de leur zone actuelle d’activité.

Un nouveau projet d’aménagement prématuré

Cependant, il semblerait que la CAPB souhaite redéposer rapidement un nouveau permis, toujours sous le motif du ferroviaire, le seul possible au regard des dérogations demandées pour destruction des habitats des 58 espèces protégées vivant dans ces zones humides. Cette précipitation n’est pas compréhensible. Comme dit plus haut, les opérateurs ont encore des marges très importantes d’augmentation de capacité sans toucher aux barthes. Par ailleurs, de fortes contraintes sur le projet ne sont pas résolues : un plan de financement qui n’est pas bouclé, un coût faramineux pour les finances publiques de la CAPB (12 millions d’euros), et la capacité très limitée de la ligne qui dessert le CEF (Bayonne / Pau). Celle-ci va avoir du mal à absorber le trafic sans d’énormes travaux. Elle est en effet à voie unique (les trains ne peuvent pas se croiser entre Bayonne et le CEF), et elle doit par ailleurs permettre le développement du « RER basque ».

Alors, pourquoi vouloir dès aujourd’hui prendre le risque de remblayer les barthes ? D’autant que, dans le contexte actuel, le ferroviaire se doit également d’être vertueux vis-à-vis du foncier et réfléchir aux options d’aménagement les plus sobres. Outre l’optimisation des espaces existants à proximité des opérateurs pour les camions en attente, d’autres solutions sont possibles comme la mutualisation des voies des différents opérateurs plutôt que leur multiplication. Rien ne presse. Ne remblayons pas pour rien des zones humides qui nous rendent tant de services !

Urdaibai : une réserve de biosphère en danger
Lucie Leteurtre
www.surfrider.fr/actualites/urdaibai-une-reserve-de-biosphere-en-danger

Au nord de l’Espagne, dans la province de Bizkaia, se niche une réserve naturelle d’exception : la réserve d’Urdaibai.
Créée en 1984 par l’UNESCO et inscrite au réseau Natura 2000 ainsi qu’à la convention de Ramsar, cette zone est la seule réserve de biosphère de la communauté autonome du Pays basque. Son cœur écologique est constitué par l’estuaire de la rivière Oka, un ensemble unique d’écosystèmes côtiers : falaises maritimes, marais salants, herbiers marins, forêts de chênes, zones humides.
Ce site, d’une richesse écologique inestimable, est aujourd’hui menacé par un projet d’urbanisation d’envergure : l’extension du musée Guggenheim.

Une zone essentielle pour le climat, la biodiversité et les populations locales

Les prés salés et herbiers de zostères de l’estuaire d’Urdaibai représentent des écosystèmes de carbone bleu à haute valeur écologique. Ils stockent le carbone, atténuent les effets de l’érosion, protègent contre les inondations, filtrent l’eau, et offrent un habitat crucial à de nombreuses espèces, notamment des échassiers migrateurs. Parmi les plus emblématiques : la spatule blanche (*Platalea leucorodia*), le butor étoilé (*Botaurus stellaris*), le balbuzard pêcheur (*Pandion haliaetus*) ou encore le vison d’Europe (*Mustela lutreola*), un petit mammifère carnivore en danger critique d’extinction.

L’estuaire abrite également la plus grande superficie d’herbiers marins du Pays basque : 19,8 hectares de *Nanazostera* (zostère naine) ont été recensés en 2012. Quant aux prés salés, ils accueillent une grande diversité de végétation typique des zones humides, dont des joncs maritimes, de la spartine maritime ou encore de la salicorne rougissante.

Mais au-delà de ces dimensions scientifiques, Urdaibai est un espace de reconnexion à la nature pour les communautés locales. Surf, observation des oiseaux, balades dans les marais sont autant d’activités qui participent au bien-être des habitants et à la valorisation d’un patrimoine naturel commun.

Un projet culturel aux lourdes conséquences

Depuis 2008, le projet d’une extension du musée Guggenheim de Bilbao dans la réserve refait régulièrement surface. Il prévoit la construction de deux bâtiments distants de cinq kilomètres, reliés par une passerelle sur pilotis traversant la zone protégée.

– Le premier site, à Gernika, se situerait sur l’emplacement d’une ancienne usine industrielle.
– Le second s’implanterait sur les terrains de l’entreprise navale Astilleros de Murueta, en pleine zone humide, là où des dragages passés ont déjà causé d’importantes perturbations écologiques.

Si ce “grand projet” n’a pas encore été officialisé, des mesures ont déjà été prises pour qu’il puisse voir le jour, telle qu’une réduction exceptionnelle de la servitude de protection littorale – de 100 m à seulement 20 m – a été adoptée. Cette décision est aujourd’hui contestée en justice par plusieurs ONG, dont Greenpeace.

La fréquentation prévue de 144 000 visiteurs par an, concentrée entre juin et septembre, risque également d’aggraver la pression touristique déjà forte dans cette zone. Cette surfréquentation menace l’équilibre écologique d’Urdaibai et ses ressources naturelles, comme l’approvisionnement en eau.

Une mobilisation croissante de la société civile

Face à cette menace, la mobilisation locale s’intensifie. Depuis la création de la plateforme Guggenheim Urdaibai Stop en février 2023, plusieurs manifestations ont rassemblé des milliers de personnes, notamment à Gernika en octobre 2023 et octobre 2024.

De grandes organisations environnementales espagnoles comme SEO/BirdLife, Greenpeace, WWF, Ecologistas en Acción ou Amigos de la Tierra ont pris position pour l’abandon pur et simple du projet.

Pourquoi Surfrider s’oppose au projet

Résolument engagée pour la préservation et la restauration des écosystèmes marins et côtiers à travers l’Europe, Surfrider Foundation se joint aux associations ayant déjà pris position et s’oppose fermement à ce projet qui menace directement des écosystèmes de carbone bleu. Il met en péril un patrimoine naturel, culturel et social essentiel à la lutte contre le changement climatique, à la préservation de la biodiversité et au lien quotidien entre les populations et la nature.

Nous considérons que les investissements publics annoncés devraient être redirigés vers la restauration écologique de la réserve, et non vers sa transformation.

Urdaibai n’est pas à vendre. Préservons-la.

Une pétition lancée par Birdlife a déjà réuni plus de 30 000 signatures. Vous pouvez la signer ici pour soutenir cette lutte :  signez la pétition (https://seoactua.org/peticion/reserva-urdaibai)

De l’Espagne à l’Inde, le black out, expérience des violences climatiques
Mickaël Correia
www.mediapart.fr

Lundi 28 avril, la totalité de la péninsule Ibérique était paralysée durant une dizaine d’heures par une mégapanne d’électricité. Auprès de Mediapart, des Portugais·es et des Espagnol·es ont rapporté leur peur de manquer en eau, les incertitudes anxieuses quant à leurs proches, notamment en situation de vulnérabilité, ou encore les queues devant les magasins alimentaires. 

À Lisbonne, coupure d’Internet oblige, les habitant·es se sont rué·es vers les boutiques tenues par les communautés indiennes afin d’acheter des transistors à piles, la seule source d’information en plein black-out étant la radio publique portugaise.

Victimes depuis plusieurs mois d’attaques de la part de l’extrême droite portugaise, les Indien·nes, les Pakistanais·es ou les Népalais·es de Lisbonne ont grâce à leurs petits commerces, comme en a témoigné le comédien et humoriste lisboète Diogo Faro, « été essentiels pour fournir des radios ou encore pour faire crédit aux gens qui ne pouvaient pas acheter à manger car ils n’avaient pas de liquide sur eux ».

Ce geste de solidarité des communautés exilées durant le black-out dévoile que cette expérience de la mégapanne électrique n’est pas l’apanage des Espagnol·es et des Portugais·es. Du 14 au 15 avril, dans certaines régions du Pakistan, le mercure a grimpé jusqu’à 49 °C. Et New Delhi, en Inde, a dépassé les 40 °C à plusieurs reprises en avril, soit jusqu’à 5 °C de plus que la moyenne saisonnière. « Cette arrivée précoce et inhabituelle de la canicule a pris beaucoup de monde au dépourvu, les habitants subissant des coupures d’électricité pouvant durer jusqu’à seize heures, ce qui a exacerbé l’impact de la chaleur extrême », peut-on lire dans le bulletin de ClimaMeter. Cette plateforme de collaboration universitaire sur le climat estime que « les anomalies de température ont atteint jusqu’à + 12 °C » au Pakistan et en Inde.
Cette vague de chaleur exceptionnelle s’est aussi abattue le 26 avril, à Bassora, métropole irakienne de 2 millions d’habitant·es, où 46,1 °C ont été enregistrés. Le lendemain, Dammam, en Arabie saoudite, étouffait avec une température de 47,6 °C, ainsi que le nord des Émirats arabes unis, avec 46,6 °C mesurés.
Les scientifiques de ClimaMeter avancent que cette canicule « met à rude épreuve les limites humaines, repoussant les seuils de survie » et touche de manière « disproportionnée » les femmes enceintes et les enfants.
Un rapport de l’Unicef d’août 2023 a calculé qu’en Asie du Sud, trois enfants sur quatre sont exposés à des températures extrêmement élevées, contre un enfant sur trois au niveau mondial. Et cette même année, trois chercheuses américaines ont quant à elles publié une étude démontrant que le nombre de mariages forcés d’enfants augmente à la suite des catastrophes climatiques, notamment en Inde, au Pakistan ou au Bangladesh.

Ces canicules hors norme sont attisées par la combustion des énergies fossiles, qui composent encore 80 % du mix énergétique mondial. Car derrière ces événements climatiques extrêmes qui frappent les habitantes et habitants du Sud global, se cache l’addiction encore gigantesque des pays du Nord au charbon, au pétrole et au gaz.

Le 9 avril, Donald Trump a signé un ensemble de décrets destinés à « doper » l’extraction de charbon aux États-Unis afin de stimuler la production d’électricité nécessaire au boom de l’intelligence artificielle. Première source du réchauffement planétaire, la combustion de charbon pour produire de l’électricité engendre plus de 40 % des émissions mondiales de CO2. Et selon un rapport de l’Agence internationale de l’énergie publié le 10 avril, la consommation électrique des centres de données va être multipliée par deux d’ici à 2030, entraînant des émissions annuelles en 2035 qui pourraient être équivalentes à celles de la France.

De même, la Commission européenne et le Parlement européen ont débuté le détricotage de textes clés du plan climat de l’Union européenne, qui vise une baisse des émissions de 55 % d’ici à 2030. Quant à la France, elle marque ses premiers signes de ralentissement dans la lutte contre le changement climatique, avec une baisse de ses émissions de 1,8 % en 2024, alors que l’an dernier elles avaient diminué de 5,8 %.

À l’heure des replis nationalistes, les violences climatiques que subissent celles et ceux qui habitent le Sud global nous rappellent brutalement que depuis le Nord, les impacts de nos modes de vie insoutenables comme de notre inaction climatique n’ont pas de frontières.

Comment Donald Trump tente de détruire la science du climat pour mieux faire dérailler la transition écologique
Audrey Garric
www.lemonde.fr/planete/article/2025/05/02/comment-donald-trump-tente-de-detruire-la-science-du-climat-pour-mieux-faire-derailler-la-transition-ecologique_6602269_3244.html

En cent jours, l’administration du milliardaire républicain a particulièrement ciblé les scientifiques et agences travaillant sur le climat. Une attaque contre la production de connaissances, mais aussi contre la sortie des énergies fossiles.

Sortie de l’accord de Paris sur le climat, coup de frein à la transition écologique, licenciements massifs de scientifiques, coupes budgétaires dans les agences environnementales, suppression de mentions du changement climatique sur les sites du gouvernement… Depuis l’investiture de Donald Trump, le 20 janvier, chaque jour, ou presque, a connu une attaque de l’administration du 47e président américain contre l’action climatique et les sciences du climat. La croisade du républicain climatosceptique est à la fois méthodique et inédite dans sa brutalité.

« Donald Trump est le président le plus anti-science du climat de l’histoire », juge l’historien des sciences américain Robert Proctor, professeur à l’université Stanford (Californie), qui prévient que les Etats-Unis « entrent dans un âge d’or de l’ignorance ». La climatologue Valérie Masson-Delmotte, ex-coprésidente du groupe 1 du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), dénonce, quant à elle, de l’« obscurantisme » et une « obstruction sans précédent de l’action climatique », pire que dans les années 1990, quand l’industrie des combustibles fossiles finançait massivement le climatoscepticisme.

Dernier coup en date porté par la Maison Blanche, le gouvernement a congédié, lundi 28 avril, les auteurs de la prochaine évaluation nationale du climat, prévue en 2027. Ce rapport de référence, rédigé par des centaines de scientifiques et publié tous les cinq ans, analyse depuis 1990 l’impact du réchauffement climatique aux Etats-Unis dans l’ensemble des domaines : santé, agriculture, transports, etc. Son équivalent pour la nature avait également vu sa production stoppée fin janvier.

La recherche « décimée »

L’administration Trump a également supprimé 4 millions de dollars (3,5 millions d’euros) de financement à un institut de recherche lié à l’université de Princeton, estimant que son travail sur le réchauffement climatique, la montée du niveau de la mer et les inondations expose les étudiants à l’« anxiété climatique » et à l’« exagération des menaces climatiques », selon le New York Times. Et la National Science Foundation, l’un des principaux bailleurs de fonds de la recherche universitaire, dont le directeur vient de démissionner, a mis fin à des centaines de subventions, notamment sur la base de mots-clés interdits – autour du genre, mais aussi du climat et de la justice environnementale.

Les agences fédérales environnementales font partie des premières cibles de cette campagne antiscience. L’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA) a déjà perdu plus de 2 000 employés, soit environ 20 % de ses effectifs. Selon un document interne, consulté par Science, la direction envisage des coupes budgétaires massives au sein de l’institution, qui impliqueraient la fermeture de son centre de recherche. L’Agence de protection de l’environnement (EPA), qui a enregistré un millier de départs, vient quant à elle de licencier près de 200 autres employés dans sa division sur la justice environnementale. Elle prévoit en outre d’éliminer son plus grand département, le bureau de la recherche et du développement. La saignée touche aussi la NASA : l’agence spatiale américaine a mis fin aux fonctions de sa scientifique en chef, Katherine Calvin, par ailleurs interdite de participer à une session du GIEC – une première.

Cette purge, au-delà d’installer un « climat de peur » au sein de la communauté scientifique, est en train de « décimer » la recherche américaine, alertaient 1 900 scientifiques américains, dans une lettre ouverte publiée fin mars. L’onde de choc se répercute sur la recherche mondiale dans laquelle les Etats-Unis ont un rôle prépondérant.

« Ces actions sont toutes profondément préjudiciables au public américain, puisque le changement climatique d’origine humaine nuit à la santé et à l’économie, rappelle Rachel Cleetus, directrice des politiques du programme climat et énergie de l’Union of Concerned Scientists. Mais elles nuisent aussi au reste du monde, alors que les Etats-Unis sont le plus grand émetteur historique de gaz à effet de serre et la plus grande nation riche. »

Projets solaires et éoliens abandonnés

Cette offensive tous azimuts contre la production de connaissances va de pair avec celle contre la décarbonation. Lee Zeldin, l’administrateur de l’EPA, a annoncé, mi-mars, déréguler 31 normes environnementales, par exemple sur l’encadrement des émissions des centrales à gaz et au charbon. « L’EPA fournit aux pollueurs de multiples échappatoires pour éviter de se conformer aux réglementations », dénonce Rachel Cleetus, indiquant que l’agence a même créé une adresse e-mail permettant aux industriels de demander une dérogation présidentielle aux normes sur la pollution.

Le gouvernement Trump tente aussi de s’attaquer à l’Inflation Reduction Act (IRA), le plus vaste programme américain en faveur du climat, mis en place en 2022 par Joe Biden. Certains de ses prêts et subventions ont été suspendus – donnant lieu à des batailles juridiques –, mais les crédits d’impôts fonctionnent toujours, tant qu’ils ne sont pas abrogés par le Congrès. « De nombreux membres du Congrès font pression pour que le financement de l’IRA, très populaire, y compris dans les Etats républicains, reste intact », assure Rachel Cleetus.

Fidèle à la doctrine de Donald Trump « drill, baby, drill ! » (« fore, chéri, fore ! »), l’administration américaine encourage et facilite la production de gaz et de pétrole, et multiplie les obstacles à la production d’énergies renouvelables.

Sept projets solaires et 11 projets éoliens ont été annulés depuis le 20 janvier, selon Shannon Baker-Branstetter, directrice pour le climat national au cercle de réflexion Center for American Progress. Le président américain s’est également attaqué aux véhicules électriques accusés de « tuer » l’industrie automobile américaine, même s’il a depuis annoncé vouloir acheter une Tesla.

Les politiques du milliardaire républicain rendent « virtuellement impossible » l’atteinte des objectifs climatiques américains, prévient Shannon Baker-Branstetter. Les Etats-Unis, qui ont stoppé leurs financements internationaux en faveur du climat, viennent également de supprimer le poste d’envoyé spécial américain pour le changement climatique et le bureau qui supervise les négociations internationales sur le climat au sein du département d’Etat. De quoi entraver la lutte mondiale contre le réchauffement, à six mois d’une conférence climat cruciale, la COP30 à Belem, au Brésil.

Ces habitants créent leurs institutions pour combler l’absence de l’État
Nicolas Celnik
https://reporterre.net/Ces-habitants-creent-leurs-institutions-pour-combler-l-absence-de-l-Etat

Sur le plateau de Millevaches, dans le Limousin, les habitants se sont organisés pour assurer leur autonomie, dans des domaines aussi différents que l’agriculture, la gestion des forêts ou l’accueil d’exilés.

Quand Marc [1] se remémore les deux ans et demi qu’il a passés au centre d’accueil de demandeurs d’asile (Cada) de Poitiers, il se souvient qu’il se sentait « enfermé » et qu’il n’était pas loin de « péter les plombs ». Il évoque aussi Paris — « c’était dur » — et les moments où il a « traîné dans la rue ».

Alors, ici, il se sent « épanoui ». Il regarde les collines boisées du plateau de Millevaches : « C’est calme », euphémise-t-il en décrivant le cœur de la Montagne limousine, l’un des territoires les moins densément peuplés de France, à cheval sur la Creuse, la Corrèze et la Haute-Vienne.

Soudeur-chaudronnier pendant quinze ans en République du Congo, il aimerait travailler le métal, n’importe où en France. En attendant, il reprend des forces grâce à un logement temporaire qu’il a obtenu à Tarnac (Corrèze), par l’intermédiaire du Syndicat de la Montagne limousine, une organisation née en 2019 afin de fédérer les initiatives d’habitants et construire des institutions en dehors de l’État pour offrir une vie digne à tout le monde.

« Des besoins qui n’étaient pas assurés par l’État »

« En 2015, lorsque la “jungle” de Calais a été expulsée, plusieurs Cada ont ouvert dans les environs », raconte Manon, musicienne et maraîchère, qui habite la Montagne limousine depuis une vingtaine d’années. Plusieurs associations se sont mobilisées contre les conditions de vie déplorables dans ces centres, dont les membres de ce qui deviendra le Groupe exilés, l’une des branches du Syndicat de la Montagne limousine. « On est partis des besoins des exilés, qui n’étaient pas assurés par l’État, explique Manon. Ils n’ont pas de travail, pas d’argent, et ne peuvent pas être régularisés. »

Le Syndicat a donc accompagné l’ouverture d’une antenne d’Emmaüs, qui, grâce à l’agrément Organisme d’accueil communautaire et d’activités solidaires, pourra accompagner la réinsertion des cinq exilés qui y sont accueillis et peuvent participer aux diverses actions associatives locales. Ils se partagent entre activités de maraîchage, de traiteur et, prochainement, une conserverie, utilisant principalement des produits locaux. Comme tous les autres collectifs, le Groupe exilés se reconnaît comme une des parties du Syndicat, sans y adhérer officiellement : c’est que le Syndicat est une structure encore très diffuse.

« Une tentative de surnager ensemble »

On s’installe au « MGT », le Magasin général de Tarnac, avec plusieurs membres fondateurs du Syndicat pour essayer de définir les contours de cette association loi 1901 non déposée en préfecture. Saint Augustin (354-430) disait du temps que l’on sait intuitivement ce que c’est, mais qu’on est incapable de le décrire quand on nous le demande : il en va un peu de même du Syndicat, qui s’étend sur un rayon d’une cinquantaine de kilomètres et implique environ 2 000 personnes, bien qu’il soit difficile de le quantifier précisément.

Michel, l’un des cofondateurs, propose : « C’est un réseau formalisé d’individus, de groupes, de collectifs, qui voulaient se doter d’un outil pour défendre les enjeux du territoire. C’est à la fois une bouée de sauvetage, un acte de résistance et une manière de s’organiser. » Pas de président ni de trésorier…

Le Syndicat organise tous les trimestres une réunion à laquelle participent une trentaine de volontaires — bureau officieux de l’association — pour discuter des grandes orientations.

Mais attention, prévient Michel, ce n’est « pas une superstructure » : chacun des groupes thématiques (sur l’agriculture, les forêts, le soutien psy, l’internationalisme, le grand âge, les exilés…) est autonome. Parmi les groupes existants, l’un se consacre à la lutte contre l’exploitation industrielle des forêts, et à la proposition de modèles alternatifs ; un autre aide à l’implantation de paysans sur le plateau et soutient la production et la transformation de produits d’élevage.

C’est une « tentative de surnager ensemble », dit Yann, qui apporte de l’assistance administrative aux personnes pour qui l’État est synonyme de « violence et de solitude ». Katell, maraîchère arrivée sur le plateau alors que naissait l’initiative, souligne que « dans une perspective de très long terme, le Syndicat vise à répondre à une question : comment s’autonomiser à l’échelle d’un territoire ? »

« Ce qui est riche, c’est moins toutes ces associations que les liens qui existent entre elles »

Pour elle, c’est l’une des rares options « politiquement enthousiasmantes » face à la progression de l’extrême droite dans les territoires ruraux. Autonomie matérielle, via l’agriculture et la transformation du bois, mais aussi institutionnelle, en imaginant des « contre-institutions révolutionnaires ». « Se réunir autour de bases politiques claires permet de dire qu’on se reconnaît comme force commune d’autodéfense d’habitants », dit Katell.

Si le Syndicat est parvenu à rayonner dans ce territoire hyperrural, c’est en partie en raison de la dynamique propre au plateau de Millevaches, marqué par un fort tissu associatif et l’arrivée fréquente de nouveaux habitants à la recherche de formes de vie alternatives. Terre de communisme rural au siècle dernier, il a accueilli des soixante-huitards, puis des projets ruraux de toutes sortes : Michel s’y est installé en 1984 avec une bande de scouts protestants, avec lesquels il vit toujours en collectif ; une station de radio (Radio Vassivière) et de télé (Télé Millevaches) associatives communiquent sur les initiatives locales et diffusent vers l’extérieur ce dynamisme.

« Si on s’en remettait à l’État, il n’y aurait déjà plus aucun service »

« On s’inscrit ici dans une filiation politique », se réjouissent Étienne et Alice [2], deux militants antibassines des Deux-Sèvres croisés par hasard, qui se sont installés sur le plateau depuis deux ans. Faux-la-Montagne, l’un des villages les plus peuplés des environs (460 habitants), a même reçu le prix de Cité vive récompensant son dynamisme associatif. « Ce qui est riche, c’est moins toutes ces associations que les liens qui existent entre elles, dit Michel. Le Syndicat est un outil pour que le lien ne se fasse pas qu’au hasard des rencontres. »

Pourquoi ne pas s’en remettre aux institutions pour dynamiser le territoire ? La question fait sourire Michel : « Si on s’en remettait à l’État, il n’y aurait déjà plus aucun service à Faux. » Il ne s’agit pas pour autant de se positionner contre l’État : « Je m’inscris dans le cadre institutionnel républicain, sinon, je ne serais pas devenue maire », affirme Catherine Moulin.

La sexagénaire à la voix douce et au geste calme ne fait pas partie du Syndicat, même si elle y est étroitement liée : elle appartient à la bande arrivée avec Michel, initialement autour d’une entreprise de transformation du bois, qui emploie aujourd’hui une vingtaine de salariés. Elle est maire de Faux-la-Montagne depuis plus de quinze ans, au cours desquels elle a utilisé l’échelon communal pour proposer des services adaptés au territoire. « Du cousu main » : agence postale, bibliothèque, gîtes communaux, station-service communale, école, cantine, crèche et maison médicale.

Institutions méfiantes

Ce succès d’institutions hors de l’État suscite la méfiance de la préfecture et d’un certain nombre d’élus locaux. Il faut dire que le plateau de la Montagne limousine est surveillé comme du lait sur le feu par les renseignements territoriaux, notamment depuis 2008 et « l’affaire Tarnac », lorsque plusieurs habitants avaient été détenus dans le cadre d’une vaste enquête pour association de malfaiteurs. Ils ont finalement été relaxés.

« Nous, on n’est pas anti-État. C’est plutôt l’État qui est anti-nous »

Depuis, Le Point, Le Figaro et Gérald Darmanin se sont relayés pour le présenter comme « la base arrière de l’ultragauche française et européenne ». « Nous, on n’est pas anti-État. C’est plutôt l’État qui est anti-nous », dit Katell, en évoquant les hélicoptères survolant le barnum qui accueille chaque année la Fête de la Montagne limousine. Les actions de défense contre des coupes rases dans le bois du Chat ont apporté de l’eau au moulin du député ciottiste Bartolomé Lenoir, élu en juillet 2024 sur l’une des circonscriptions du plateau, qui promettait « une initiative forte contre l’extrême gauche en Creuse ».

Malgré ce contexte, le Syndicat de la Montagne limousine continue de se développer et d’inspirer des groupes à travers la France.

Avant de le fonder, plusieurs membres du plateau sont partis en « voyage d’étude » à Barcelone, auprès des communautés autogestionnaires, et y ont puisé des inspirations. À leur tour de servir de modèle : d’ici à quelques semaines, d’autres organisations similaires au Syndicat doivent éclore, dans le Périgord ou la montagne Noire.

Le Syndicat abrite par ailleurs un Groupe internationaliste, qui a notamment participé à la rédaction du manifeste Révolutions de notre temps (La Découverte, 2025) : de quoi faire bientôt des émules dans d’autres pays ? Ce serait bien la première fois qu’un syndicat deviendrait une multinationale.