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Articles du Vendredi : Sélection du 19 mars 2021


Climat : « Une assemblée citoyenne mondiale va poursuivre le travail de la convention française »
Claire Legros
www.lemonde.fr/idees/article/2021/03/11/climat-une-assemblee-citoyenne-mondiale-va-poursuivre-le-travail-de-la-convention-francaise_6072716_3232.html

Le dispositif des 150 citoyens tirés au sort est une étape importante dans un mouvement plus global, affirme la politiste Hélène Landemore dans un entretien en « Monde ». Elle estime que l’articulation avec les instances représentatives doit être intégrée « en amont » du processus.

Hélène Landemore est politiste, elle étudie les dispositifs participatifs et a suivi, en France, la convention citoyenne sur le climat. Elle est l’autrice de plusieurs ouvrages sur la démocratie délibérative, et enseigne à l’université Yale (EtatsUnis).

En juin 2020, vous évoquiez un rendez-vous « historique » au sujet de la convention citoyenne sur le climat. Quel bilan faites-vous aujourd’hui, alors que l’évaluation des participants eux-mêmes n’est guère positive ?

Les notations finales des citoyens sont sévères pour le gouvernement et on peut le comprendre : face à l’urgence climatique, le but à atteindre est la diminution de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Or le projet de loi sur le climat n’est pas à la hauteur, donc certains des membres de la convention ont voulu marquer leur désaccord.

Mais cet échec ne concerne qu’une partie des objectifs. Un autre enjeu de la convention était l’amélioration de la vie démocratique en France, et, de ce point de vue, le bilan est positif. Elle a fait la preuve que des citoyens tirés au sort, venus d’horizons variés, et représentatifs d’une grande partie de la société française, peuvent parvenir à un consensus, afin d’imaginer des solutions à un problème que les politiques ne parviennent pas à résoudre. Les 150 citoyens ont rendu des propositions ambitieuses et permis aussi de médiatiser les enjeux climatiques : 70 % des Français disent aujourd’hui connaître ces propositions. Des parlementaires et ministres, qui levaient les yeux au ciel il y a un an, considèrent aujourd’hui la convention comme un acteur politique à part entière. Par ailleurs, si l’on prend un peu de distance et que l’on se place dans une perspective internationale, cette première assemblée citoyenne dans un pays de grande taille à la population multiculturelle est une étape importante dans un mouvement plus global.

De quelle façon ce mouvement se concrétise-t-il ?

Une future assemblée citoyenne mondiale sur le climat se prépare, qui va rassembler 1 000 personnes tirées au sort sur les cinq continents. Elle va poursuivre ce travail en élaborant des recommandations en marge de la COP 26 qui se déroulera à Glasgow en novembre 2021. L’idée des organisateurs, activistes et universitaires est de l’inscrire dans la durée et qu’elle devienne un autre pilier de la gouvernance mondiale, adossé aux COP, pour faire émerger des propositions plus démocratiques sur l’urgence climatique, indépendamment de la gouvernance officielle des Etats qui reste souvent oligarchique et opaque. De ce point de vue, la convention française est un cas d’école, dont il conviendra de tirer rapidement les leçons.

Justement, on a vu que l’articulation de ce nouveau dispositif avec les institutions représentatives reste un sujet complexe. Comment l’améliorer ?

L’articulation entre ministères, Parlement et assemblée citoyenne est essentielle. Or dans la pratique comme dans la littérature sur les expériences de démocratie délibérative, le suivi des propositions après la convention reste un impensé. Pourquoi ? Tout simplement parce que les assemblées de citoyens étaient jusqu’à présent le plus souvent consultatives, et que l’on demandait surtout aux citoyens tirés au sort, comme en Irlande, des recommandations sur des grandes valeurs morales – par exemple la dépénalisation de l’avortement – ou concernant des questions simples comme l’abaissement de l’âge du vote, soumises ensuite à référendum.

On est dans un tout autre cadre avec la convention citoyenne sur le climat en France. C’est la première fois, à un niveau national, que l’on demande à des citoyens d’aller jusqu’au bout du processus et de rédiger des quasi-projets de lois, qui impactent des pans entiers de l’économie et donc nécessitent des arbitrages. Lorsque les 150 citoyens proposent d’interdire les trajets en avion quand il existe une alternative en train de moins de quatre heures, il ne faut pas s’étonner que des lobbies puissants s’investissent pour démanteler une partie des textes.

Quelles leçons peut-on tirer de la difficulté à appliquer la promesse du « sans filtre » ?

Cette promesse était un signe d’engagement de la part du président de la République et elle a sans doute permis de mobiliser fortement les citoyens.

Malheureusement, elle était ambiguë et inapplicable dans son interprétation la plus extrême, donc, au final, contreproductive. Elle a généré des attentes fortes, notamment chez les citoyens eux-mêmes, qui ont fait le choix de transférer leurs propositions au Parlement plutôt que de les soumettre à référendum, en partie parce qu’ils pensaient que les parlementaires les voteraient plus ou moins telles quelles.

Cette promesse du « sans filtre » correspond par ailleurs à un impensé de la forme de la convention, qui n’a pas créé d’espace de collaboration entre citoyens, équipes des ministères, et parlementaires en amont du processus, ce qui aurait peut-être permis d’anticiper et d’aplanir les blocages.

Lorsque la convention a rendu ses propositions, il n’était pas prévu qu’elle intervienne sur la suite du processus. Résultat, les recommandations ont été diluées lors du passage par les ministères, et elles le sont aujourd’hui encore au Parlement. Il y a bien eu des tentatives de concertations entre certains citoyens et équipes ministérielles. Mais ces rencontres étaient improvisées et le rapport de force n’y était pas en faveur des citoyens. Il n’y avait pas d’accompagnement ou très peu, et le travail des citoyens impliqués s’est fait hors du cadre de la convention elle-même.

A l’avenir, cette articulation est sans doute l’un des aspects qu’il faudra renforcer. Le travail avec les institutions doit probablement être intégré beaucoup plus tôt dans le processus, et encadré. Cela veut dire négocier en amont, ce qui implique que les propositions seront sans doute moins radicales à l’arrivée. Mais je suis persuadée que l’on gagnera du terrain sur le résultat final.

Quelle peut être la place, au sein des institutions françaises, de ces processus délibératifs, s’ils doivent se généraliser ?

Aujourd’hui, la convention n’existe que par le bon vouloir du prince. Mais ce flou juridique pose de multiples problèmes, dont la question centrale de la légitimité de ce type d’assemblée. A l’avenir, il faudrait délimiter les domaines de responsabilités des différents corps afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté sur les suites à apporter à ces consultations. Ce qui se joue dans ces expériences de démocratie délibérative tient en une question : les citoyens tirés au sort peuvent-ils être des législateurs ? On leur a demandé d’élaborer très précisément des propositions de lois capables de réduire les émissions de CO2 dans un esprit de justice sociale. Constitutionnellement, on est obligé aujourd’hui de passer ensuite devant le Parlement afin qu’il ratifie ces propositions, mais il y a une profonde contradiction dans le fait que cette étape conduise à détricoter l’ensemble des mesures. Faut-il aller plus loin et laisser aux citoyens eux-mêmes le pouvoir de légiférer ? La question mérite d’être posée. Je suis favorable, de mon côté, à une nouvelle division du travail législatif entre le Sénat, l’Assemblée nationale, et une troisième chambre de citoyens tirés au sort, qui travaillerait sur les questions environnementales ou qui relèvent du temps long.

La réforme du Conseil économique, social et environnemental (CESE) prévoit d’impliquer des citoyens tirés au sort dans l’élaboration des avis. Peut-elle répondre à cet enjeu ?

C’est un premier pas mais qui reste insuffisant car le rôle des citoyens va y demeurer marginal. Il est prévu que le CESE organise des consultations régulières, dont les conclusions seront intégrées à ses avis, mais sans bousculer les structures existantes. Avec ce projet, on fait une petite place aux citoyens, mais ils ne sont pas chez eux, ils restent des invités.

La crise démocratique appelle une réforme plus profonde, avec la transformation du CESE en une véritable chambre des citoyens, autonome, qui ait la liberté d’auditionner des représentants de la société civile, afin d’intégrer leurs recommandations à ses propres avis. D’autant qu’on a vu, avec la convention citoyenne, que le risque de manipulation de l’agenda citoyen existe. Il n’y avait pas de raison, a priori, que les 150 citoyens s’intéressent à la réforme du CESE dans le cadre de leurs travaux sur le climat. Or, leur rapport final contenait des propositions remarquablement détaillées à ce sujet, qui visaient à renforcer le pouvoir du CESE dans une période où sa survie institutionnelle était en jeu. Il est difficile de ne pas voir un lien de cause à effet entre la présence de ces propositions et le fait que sept membres du CESE faisaient partie du comité de gouvernance de la convention.  Malheureusement, les travaux de ce comité n’étaient pas ouverts aux chercheurs, donc nous n’avons aucune idée des rapports de pouvoir et des conflits d’intérêts éventuels qui s’y sont joués.

Le temps de travail d’une assemblée citoyenne fait l’objet de discussions chez les théoriciens de la participation. Quelle serait pour vous la durée idéale ?

C’est une autre leçon à tirer de cette convention : dix-huit mois, c’est peut-être trop long, et le risque est grand de voir apparaître les travers individualistes, élitistes ou partisans que l’on constate dans la vie politique traditionnelle. L’un des citoyens l’a d’ailleurs exprimé en ces termes lors du weekend de conclusion, regrettant, chez certains, un penchant pour le « carriérisme ». Et c’est vrai qu’on a beaucoup vu sur les plateaux de télévision l’auteur d’un livre dont le titre − Moi citoyen – est l’antithèse du « Nous citoyens » porté par la convention.

Si l’on veut aller vers une démocratie approfondie, les médias doivent aussi s’interroger sur la mise en récit de ces processus, afin de ne pas retomber dans les travers dont cette convention a essayé justement de se défaire.

Le collectif citoyen sur la vaccination devrait rendre ses premières recommandations prochainement. Quel regard portez-vous sur cette initiative ?

C’est une bonne chose d’impliquer les citoyens sur les questions éthiques et pratiques soulevées par une campagne de vaccination, par exemple sur les questions relatives aux populations prioritaires, ou à l’attribution des doses surnuméraires qui risquent d’être périmées. Cependant, la création de ce groupe a lieu à un moment où l’essentiel des décisions sont déjà prises, et son rôle semble conçu comme un relais de la parole gouvernementale vers l’opinion publique. Par ailleurs, cet exercice se voulait une occasion pour les membres du CESE de travailler étroitement avec les citoyens. Mais, comme lors des expériences passées, on a l’impression pour le moment de deux logiques distinctes, l’une subordonnée à l’autre, sans doute en partie à cause du délai serré.

Propositions face à la crise du logement
Txetx Etcheverry
www.enbata.info/articles/vivre-et-se-loger-au-pays-ii/

 

Vivre et se loger au Pays (II)

Suite de l’analyse de l’aménagement du territoire en cours d’adoption à la Communauté Pays Basque, avec un regard sur la mobilisation d’une résistance populaire alternative.  Face à la main invisible du marché, il nous faut activer le bras de fer de la mobilisation populaire. Il nous faut, notamment, répondre à la pression des résidences secondaires et au phénomène de l’habitat vacant.

L’analyse de la crise du logement et du foncier amorcée par divers militants dans les précédents numéros d’Enbata nous amène à tirer les enseignements suivants :

I) Les 4 dimensions importantes de cette crise

Cette question essentielle a quatre dimensions principales, qui peuvent mobiliser autant de secteurs différents de la population d’Iparralde :

Démocratique, politique et identitaire : le fait que le nombre de résidences secondaires puisse constituer jusqu’à 40% et plus des habitations de certaines communes du littoral Basque pose en effet un véritable problème de contrôle démocratique de leur destinée par leurs habitants. L’identité même du Pays Basque nord est en jeu si les classes populaires et moyennes locales, qu’elles soient composées de gens nés ici ou ailleurs, ne peuvent plus s’y loger à terme, du fait de prix leur devenant inaccessibles.

Sociale : se résigner à la construction de 20.000 résidences secondaires supplémentaires en Pays Basque nord entérine la primauté du droit d’avoir deux logements avant celui d’en avoir un. La nature même de biens communs caractérisant la terre et le logement plaide pour leur gestion publique ou collective, protectrice des moins riches et des moins puissants.

Environnementale et climatique : laisser la loi de l’offre et la demande, la fameuse main invisible du marché régir la question du foncier et du logement est lourd de conséquences sur le plan écologique. L’augmentation du nombre global de constructions, et son étalement sur le rétro-littoral et le Pays Basque intérieur va accroître l’artificialisation des sols, l’extension des réseaux (énergétiques, routiers etc.) et le développement d’une mobilité pendulaire (trajets quotidiens domiciles-travail ou école) déjà insoutenable en Iparralde. Le poids des maisons particulières, des locations saisonnières et des résidences secondaires viendra aggraver le sur-dimensionnement des équipements et aménagements collectifs.

Agricole et alimentaire : la croissance sans fin des nouvelles constructions de logements et d’infrastructures menace le foncier agricole et son accessibilité. Cela conditionne bien évidemment nos possibilités réelles de reconquérir demain notre souveraineté alimentaire. Si l’on renverse la perspective, c’est la capacité de notre territoire de nourrir sa population, dans une logique de relocalisation des productions et de souveraineté alimentaire, et pas la main invisible du marché immobilier, qui devrait guider les politiques publiques en matière d’estimation d’un nombre d’habitant·e·s que l’on peut prévoir d’accueillir dans les trente prochaines années !

II) Les 3 principaux niveaux d’intervention

La réponse à cette crise du logement et du foncier nous offre trois principaux niveaux d’intervention, avec pour chacun d’entre eux des acteurs et des possibilités différentes d’alliances et d’actions :

Les communes et la CAPB, qui ont dans leur mains des outils structurants et des possibilités réelles d’intervention sur ces questions (PLH, PLUi, SCOT, EPFL, service d’acquisition foncière, préemption, expropriation, procédure des “biens sans maîtres”, densification de l’habitat, production logement social, conditions d’accès à la propriété sociale et gestion Office HLM HSA, politiques de rénovation et de réhabilitation, surtaxe résidences secondaires etc.). C’est là un des principaux terrains où se jouent les batailles du foncier et du logement actuellement et dans les années à venir. C’est dire l’importance du rôle des élus communaux et intercommunaux, des techniciens, des programmes et propositions politiques à ce niveau. La réflexion des élus, et particulièrement celles et ceux d’EH Bai en pointe à ce niveau, les propositions des différents partis, le travail et les contributions du Conseil de Développement du Pays Basque ou d’Euskal Herriko Laborantza Ganbara, et le travail de plaidoyer et d’interpellation de divers acteurs sociaux (Atherbea, Pacte de métamorphose écologique de Bizi, Lurzaindia, ELB etc.) sont déterminants à ce niveau.

Le domaine législatif : tout le monde constate l’insuffisance de l’arsenal législatif actuel pour faire face à l’ampleur actuelle de la hausse des loyers et du prix du foncier dans des zones tendues comme la nôtre. La surtaxe sur les résidences secondaires, même portée à son maximum légal, ne suffit pas à les faire revenir sur le marché locatif. Il manque des outils en matière d’encadrement des loyers ; d’obligation à remettre sur le marché locatif des logements vacants ; de contrôle et d’encadrement des locations saisonnières et des plateformes de location internet ; de type de propriété du foncier ; de manières de financer la création et la réhabilitation de logement. Il faut donc faire évoluer rapidement la loi pour répondre à ce défi majeur pas seulement en Iparralde mais sur une bonne partie du territoire hexagonal (façades maritimes, grandes villes etc.). Les acteurs et alliances possibles ne manquent pas pour ce niveau d’intervention.

La mobilisation populaire : Peser de toutes nos forces de ce côté-là du balancier de la décision politique devient d’autant plus urgent et essentiel que les effets sociologiques de cette dérive du foncier et du logement pèsent et pèseront politiquement de plus en plus lourdement de l’autre côté du même balancier. Plus les prix montent et sélectionnent des habitants fortunés, et plus les maires seront tenus par un électorat issu des classes sociales aisées. Ces dernières seront bien entendu moins enclines à favoriser des politiques progressistes, solidaires, une part importante de logement social dans la commune etc. Mais l’objectif est également de produire des actions et des résultats directs sur l’évolution de la question foncière et immobilière en Iparralde. Face à la main invisible du marché ; il nous faut activer le bras de fer de la mobilisation populaire.

III) La résistance civile et les alternatives concrètes

Du pain sur la planche

Plusieurs éléments et conditions devront être réunis pour réussir à faire monter la mayonnaise de la mobilisation populaire.

a) Avoir un diagnostic partagé du problème et des propositions crédibles pour le résoudre : le travail réalisé toutes ces dernières années par de multiples structures ou acteurs locaux (Commission logement d’AB puis d’EH Bai, Conseil de développement du Pays Basque, EHLG, Audap et son observatoire des loyers etc.) en pose de nombreuses bases précieuses. Un Forum pourrait réunir les différents mouvements et organisations abordant les questions du foncier et du logement via différentes portes d’entrée : politique, sociale, écologique, agricole…. Il permettrait de partager un état des lieux et des objectifs communs. Il éviterait de poser des diagnostic erronés, pouvant être porteurs de dérives idéologiques et politiques (concept de colonisation de peuplement, voire approches virant à la xénophobie) et du coup de stratégies inefficaces et perdantes (chercher LA solution magique à un problème aussi complexe et multi-causal, céder à la tentation de stratégies du passé aujourd’hui inopérantes etc.).

b) Faire prendre conscience à la population des causes et de la nature réelle du problème, qu’elle ressent depuis longtemps déjà, et des solutions qui en découlent : il faut imaginer des campagnes et initiatives massives pour consulter la population sur cette crise du foncier et du logement, lui donnant la parole et l’incitant à s’emparer de cette question. Il faudra faire un travail de pédagogie de masse, en n’ayant pas peur d’expliquer un certain nombre de choses pas toujours les plus populaires (impact lourd des tendances actuelles à la décohabitation et solutions à y apporter, problème posé par le mythe de l’“etxe individuelle” dans l’imaginaire basque, besoin de densification par du logement collectif, nécessité de l’encadrement systématique de l’accession à la propriété sociale etc.).

c) Socialiser le problème, le faire descendre du débat entre “élites conscientes” (élus, techniciens, militant.e.s politiques et sociaux) jusque dans la rue, en fixant longtemps à l’avance une manifestation massive, dont la campagne d’appel, qui durerait des mois, aura pour rôle d’enraciner la dynamique de mobilisation dans chaque canton, commune, quartier.

La campagne pour le département Pays Basque de 1999, qui avait donné le jour à l’Appel du 9 octobre puis à la plateforme Batera pourrait largement nous inspirer au moment de penser les formes et le calendrier devant charpenter une dynamique de masse sur la question du logement et du foncier. Une telle manifestation massive et plurielle, servant d’échéance structurante à cette dynamique de mobilisation sur la question du foncier et du logement, devra marquer un avant et un après dans cette bataille. Elle devra lancer, avec l’énergie et le nombre suffisant, les bases du rapport de force et des batailles des années suivantes. Fixer la date de cette manifestation massive quelques jours ou semaines avant l’adoption du PLH par la CAPB pourrait donner un maximum de poids et de légitimité aux réserves et conditions posées par un certain nombre de communes pour cette adoption.

d) Créer des actes et moments de rupture, qui renversent le cours des choses et stoppent les évolutions mortifères, qui aient un effet dissuasif pour les divers acteurs s’apprêtant à aggraver ces évolutions et ces dérives. Bien évidemment, la question n’est pas simple car on peut se demander comment faire par exemple pour stopper la construction des 20.000 nouvelles résidences secondaires, si l’on se refuse à poser des bombes et à passer par la case, humainement très coûteuse et de toutes façons perdante à moyenne et long terme dans nos sociétés actuelles, de l’action violente et clandestine ? Heureusement, le répertoire de la non-violence déterminée et de la désobéissance civile regorge de possibilités et de pistes d’actions, qui peuvent entre toutes participer à construire des stratégies gagnantes sur ce terrain.

Si c’est vide, on occupe

Pour n’en donner qu’un exemple possible parmi bien d’autres imaginables, un ensemble d’organisations déterminées pourraient joindre leurs forces pour lancer un ultimatum à doter du maximum d’impact médiatique et de résonance locale et hexagonale. Toute résidence ou logement construit à partir de 2022 ou 2023 qui se révélerait être une résidence secondaire serait désormais la cible potentielle d’une occupation permanente par la coalition de ces mouvements. Les maisons ou appartements ainsi ouverts par ces mouvements seraient mis à la disposition de personnes et familles sans logement, mais également d’associations, d’alternatives concrètes ou de campagnes diverses : enseignement de l’euskara, centre culturel local, coopératives de production alternative, lieux de dépôt-vente de circuits courts alimentaires ou autres, espaces test agricoles, recycleries, ateliers vélo, gaztetxe, peñas etc.

Bien entendu, ce mouvement massif et original d’occupation / mise à la disposition serait confronté à la répression, mais celle-ci se révélerait vite contre-productive, offrant chaque fois plus de procès-tribunes et d’inculpé. e.s-porte-paroles d’une cause qui deviendrait incontournable et omniprésente. L’objectif serait de créer peu à peu un effet dissuasif pour les acheteurs potentiels des futures 20.000 résidences secondaires. Ils doivent intégrer que cette acquisition constituerait une sorte de loterie, et que le long processus d’emmerdements qu’ils risquent en achetant en Pays Basque n’en vaut pas la chandelle.

Développer les alternatives

e) Renforcer en parallèle les nombreuses alternatives existantes, anciennes ou plus récentes, qui réalisent un travail aussi exceptionnel qu’innovant (Lurzaindia, Etxalde, Maillâges, COL etc) et impulser celles qui manquent. Là encore, donnons un exemple pour permettre de visualiser la richesse du répertoire possible d’intervention, en faisant une proposition parmi beaucoup d’autres imaginables, celle d’un “Lurzaindia du logement vacant”. On compte en effet aujourd’hui un peu plus de 12.000 logements vacants en Iparralde, dont plus de 40% sont concentrés sur les trois communes du BAB (où malgré l’explosion de la demande non satisfaite, ce problème est aussi important, voire plus qu’en Pays Basque intérieur). Ces logements sont aujourd’hui vacants pour des raisons multiples : le départ en maison de retraite, la non-organisation des héritages, des problèmes de solvabilité pour rénover un logement, les freins affectifs à la vente, etc. Les remettre sur le marché locatif est un enjeu majeur, permettant d’éviter autant de constructions, de limiter l’étalement urbain et la création de nouveaux réseaux etc. Aujourd’hui, il apparaît nécessaire de créer une structure, un outil citoyen qui permette de reconquérir ces logements. Comment ? Déjà en identifiant et localisant les logements vacants. Ensuite, cette structure assurerait toute l’ingénierie pour débloquer les situations, convaincre les propriétaires et surtout les aider à remettre les logements sur le “marché”, par exemple en proposant des baux à réhabilitation. La structure citoyenne devra sécuriser ces propriétaires, en assurant la réhabilitation et la rénovation énergétique des logements, mais aussi la gestion locative. Cela nécessitera une ingénierie financière et la mobilisation d’un fond d’investissement citoyen.

Effet levier

En s’appuyant résolument sur ces alternatives, la future campagne populaire pour vivre et se loger en Pays Basque renforcera sa légitimité en montrant qu’elle ne se contente pas de dénoncer et de s’opposer, mais qu’elle propose et qu’elle construit dans le même temps.

En multipliant les mobilisations et les actes de résistance ou de désobéissance civile, cette campagne installera la question du logement et du foncier au centre de l’agenda et du débat public, elle formera et multipliera le nombre de volontaires prêts à s’investir dans les différentes alternatives concrètes. Les deux dynamiques, de résistance et d’alternative, s’auto-alimenteront de manière permanente et croissante.

Enfin, cette mobilisation populaire est indispensable pour pousser au maximum d’ambition et de volontarisme les élus pouvant agir au niveau communal et intercommunal et pour donner le maximum d’écho et de légitimité aux propositions qui pourront être plaidées au niveau législatif.[1]

(3è et dernière partie de cette réflexion dans le prochain Enbata)

Écologie, féminisme, décolonisation : des pensées et des luttes communes
Baptiste Lanaspeze et Marin Schaffner
https://reporterre.net/Ecologie-feminisme-decolonisation-des-pensees-et-des-luttes-communes

En réponse à la catastrophe écologique, les pensées multiples de l’écologie sont, selon les auteurs de cette tribune, des outils pour nous libérer des dominations multiples qui ont la même racine.

Baptiste Lanaspeze et Marin Schaffner sont les éditeurs des Pensées de l’écologie : un manuel de poche (Wildproject, 5 mars 2021).

Il est devenu commun d’affirmer que la reconfiguration écologique de nos sociétés est l’enjeu du siècle, que le patriarcat est un problème social et culturel profond, et que la République française est pleine d’impensés coloniaux. Il y a une dizaine d’années, ces idées étaient marginales, et vouaient celles et ceux qui les exprimaient au mépris ou à l’ostracisme.

Cela fait pourtant plus de cinquante ans que des auteurs et des autrices ont opéré ce triple constat critique. Ces œuvres multiples, qui tentent de refaire monde par-delà le partage moderne entre nature et culture, composent selon nous le corpus de ce qu’on appelle « les pensées de l’écologie ».

La révolution écologique en cours

À bien des égards, l’écologie opère une recomposition de nos connaissances et de nos pratiques aussi vaste et importante que ce qu’ont pu être, à d’autres époques la Renaissance ou les Lumières [1]. Certains auteurs, en référence à l’anglais Enlightenment, ont ainsi pu parler, à propos de l’écologie, d’un « Enlivenment » (signifiant à la fois des pensées qui reprennent vie, et le fait que la vie trouve une place nouvelle dans la pensée).

Historiquement, le dualisme entre humanité et nature a donné au projet « civilisateur » industriel une justification et une légitimité. Critiquant et dépassant ce dualisme, les pensées de l’écologie ne constituent donc pas seulement un courant de pensée neuf et stimulant, mais aussi un élément de réponse à la crise écologique : pour mettre fin au désastre, nous avons besoin de nouveaux outils et de nouveaux récits [2].

Apparue à la fin du XIXe siècle comme « science des relations et des conditions d’existence », puis reconnue branche autonome de la biologie au début du XXe siècle, l’écologie est devenue à partir des années 1960 un mouvement social, politique et philosophique, qui a bientôt touché toutes les sciences humaines et sociales. Au début des années 2000, l’ethnographe australienne Deborah Bird Rose proposait ainsi de parler d’« humanités écologiques » [3] pour désigner ces pensées qui, à la croisée de nombreuses disciplines, invitent à décentrer nos relations au monde et à situer nos savoirs.

En réponse à la crise écologique, les pensées de l’écologie sont ainsi des outils pour favoriser tout à la fois la vie des écosystèmes, la justice des sociétés humaines et la santé de notre raison.

Complémentarité des luttes : l’unité dans la diversité

À l’aide de ces pensées de l’écologie, on peut lire sous un autre jour la revitalisation en cours de trois grands mouvements, à la fois théoriques et militants : les mouvements écologistes, les mouvements féministes et les mouvements décoloniaux – dont le dynamisme actuel rappelle l’effervescence et les volontés d’émancipation des années 1970.

En effet, si de nombreuses militantes et militants s’accordent sur l’importance de relier ces luttes complémentaires, on pointe rarement l’unité de ces trois enjeux. Pourtant, violences écologiques, violences coloniales et violences faites aux femmes ont une origine commune : le monde capitaliste globalisé s’est construit au prix de la domination systématique du vivant, des femmes et des indigènes.

La destruction accélérée de la vie sur Terre (souvent euphémisée en « réchauffement climatique » ou « anthropocène ») est probablement le phénomène majeur de notre temps.

L’épuisement des « ressources naturelles » – projet extractiviste aujourd’hui défendu par les multinationales et par les États-nations – s’appuie sur une exploitation croissante de tous les êtres vivants. Or, l’un des emblèmes historiques de cette « administration de la mort » (ou « nécropolitique » selon la notion de l’historien camerounais Achille Mbembe) est la plantation coloniale : ce lieu de monoculture intensive, non vivrière, créé et dirigé à des fins de maximisation de profit commercial, et reposant sur le travail d’esclaves non-blanc·hes.

Interroger l’État-nation contre les plurivers

En mettant un terme à la conception scientiste et mécaniste, au profit d’une vision organique et relationnelle de la vie [4], les pensées de l’écologie bouleversent le cosmos et la société des modernes, et offrent des bases renouvelées à toutes nos luttes. Pour plusieurs penseuses et penseurs décoloniaux, comme le romancier indien Amitav Ghosh dans son essai Le Grand dérangement (2021), l’État-nation est inapte à répondre à la crise climatique : non seulement parce que « sa nature même est de poursuivre les intérêts d’un groupe particulier de personnes » – et non des humains ou des vivants en général –, mais parce que sa genèse impérialiste est indissociable du monde qui détruit aujourd’hui la vie sur Terre. La militante et chercheuse indienne Vandana Shiva, de son côté, invite depuis plusieurs décennies à sortir des « monocultures de l’esprit » – qui détruisent à la fois la diversité biologique et les alternatives au capitalisme. La fin du monde impérialiste, patriarcal et industrialiste peut ainsi être pensée comme l’aube du pluriversalisme : une prolifération de mondes, unis dans leur diversité. C’est dans la mesure où elles sont historiquement enchevêtrées aux combats féministes et décoloniaux que les pensées de l’écologie constituent une critique radicale de l’État-nation moderne et de son monde, et qu’elles appellent, de façon intersectionnelle, à une profonde transformation écologique et sociale.

[1On citera notamment l’anthropologue Philippe Descola qui affirmait récemment : « Le défi absolument central de ce siècle semble être de trouver des formes d’articulation entre des façons locales d’habiter le monde et leur intégration à des systèmes institutionnels qui les fédéreraient sans détruire leurs particularités. Une sorte de fédéralisme du local, dont la mise en place demande un effort conceptuel considérable, du même ordre d’ampleur, par exemple, que ce qu’ont accompli les penseurs des Lumières au XVIIIe siècle ou du socialisme au XIXe. » (Extrait de l’entretien « Pourquoi la ZAD recompose des mondes », dans Un Sol commun : lutter, habiter, penser, Marin Schaffner (dir.), Wildproject, 2019).

[2Dans le sillage de nombre d’auteurs et d’autrices des pensées de l’écologie, nous entendons par « modernité » : l’aire culturelle marquée par « deux idées nouvelles, celle du mécanisme et celle de la domination et la maîtrise de la nature » (Carolyn Merchant, La Mort de la nature, 1980) – une aire culturelle apparue en Europe occidentale au XVIe siècle avec la colonisation, la « révolution scientifique » et la Réforme protestante.

[3Deborah Bird Rose, Vers des humanités écologiques, Wildproject, 2019.

[4Outre les notions d’« écosystèmes », de « relations constitutives » et d’« interdépendances », l’écologie scientifique a irrigué toutes les humanités écologiques avec la notion de « symbiose ». Comme l’a montré la biologiste étasunienne Lynn Margulis, l’évolution de la vie sur Terre, depuis les premières bactéries jusqu’aux mammifères, s’est principalement faite par symbioses successives – et non par une simple compétition permanente entre des individus. Voir notamment Lynn Margulis et Dorion Sagan, L’Univers bactériel, Points, 2002 (1987).

Zein erlazio du klima aldaketaren aurkako borrokak klase borroka eta mugimendu feministarekin?
Unai Garcia Martinez – Ingurumen Teknikaria (Grunver Sostenibilidad), Marta Fantova – Mugimendu feminista

www.naiz.eus/eu/hemeroteca/gaur8/editions/gaur8_2021-03-13-06-00/hemeroteca_articles/zein-erlazio-du-klima-aldaketaren-aurkako-borrokak-klase-borroka-eta-mugimendu-feministarekin

Edozein krisialditan gertatu ohi denez, klima aldaketaren ondoriorik latzenak egoera ahulenean dauden pertsonek jasango dituzte: mundu mailan, herrialde txiroenek; estatuen barnean, emakume*, migratu eta langileek. Horregatik behar du klima aldaketaren aurkako borrokak gainerako aldarrikapen sozialak barneratzea eta erdigunera ekartzea bizitza, zaintza eta elkartasuna. Pandemiaren ondorioak denok jasan ditugula errepikatu da askotan. Izurriteak herrialde eta biztanle guztiok maila berean jarri gaituela. Hala ere, birusa munduko eremu guztietara heldu bada ere, txertoa aberatsenetan ari da jartzen lehenengo. Nahiz eta patogenoak ez duen klasearen araberako bereizketarik egiten, maila ekonomiko baxuagoa (eta, beraz, osasun txarragoa, komorbilitate handiagoa, etab.) duten pertsonek jasan dituzte kalterik larrienak. Denok saiatu gara geure burua eta gainontzekoak zaintzen, baina ordaindu gabeko zein soldatapeko zaintza lan gehienak emakumeek* hartu dituzte euren gain beste behin ere. Ekonomiaren beherakadak langile guztiak kaltetuagatik ere, prekarizatutako lanak suntsitu dira gehien, batez ere pertsona migratuak eta gazteak langabezian utziz. Askatasun murrizketak denok bete behar izan ditugun arren, konfinamendua gogorragoa izan da etxebizitza txikietan bizi diren langile familientzat, edo erasotzaile batekin giltzaperatzera behartutako emakumeentzat*.  Bistakoa da krisialdi garaiek ez gaituztela denok berdin kaltetzen. Berez, maila berean jarri beharrean, herrialde, klase sozial eta generoen arteko aldeak areagotzen dituzte. Hala izan zen 2008ko krisialdi ekonomikoan, hala ari da izaten covid-19ak eragindakoan, eta berdina ari da gertatzen jada bizi dugun klima krisialdian.

Nola eragiten digu gizakioi klima aldaketak?

Sarritan erleen irudiak, hartz polarrak edo glaziarren aztarnak erabiltzen dira klima aldaketa irudikatzeko, animalia edo landare batzuei soilik eragiten dien kanpoko fenomeno bat balitz bezala.

Klima aldaketaren aurkako borrokaren helburua ez da, ordea, koralak bizirik mantentzea edo poloetan izotz pixka bat gordetzea, egunero milioika pertsonaren biziraupena mehatxatzen duen fenomenoa gelditzea baizik. Industria aroa hasi zenetik, Lurraren tenperatura 1 °C inguru igo da (IPCC, 2018), atmosferara isuritako berotegi efektuko gasen ondorioz. Beroketa horrek eragiten ditu klima aldaketaren beste ondorio guztiak. Batetik, tenperaturaren igoerak bero boladak eta lehorteak eragiten ditu zuzenean, giza osasunean kalteak eraginez eta laborantza lurrak degradatuz. Bestetik, muturreko fenomeno meteorologikoen maiztasuna areagotzen du, itsasoko uraren lurrunketa arinagoak eta atmosferako aire masen arteko tenperatura gradiente nabarmenagoak ekaitzak, urakanak, euri jasak eta hotz boladak eragiten baititu. Gainera, planetaren beroketak izotz masa kontinentalen urtze abiadura areagotzen du, itsasoaren maila igoz eta bizitzeko edo landatzeko eremuak urperatuz. Azkenik, azken urtean bistaratu den bezala, fenomeno horien eraginez ekosistemak suntsitzeak gizakiaren eta animalia basatien arteko kontaktua areagotzen du, eta tenperaturen igotzeak gaixotasunen bektore diren animalien hedapena bultzatu, animalietatik gizakionganako patogenoen transmisioa erraztuz. Klima aldaketak muturreko tenperaturekin lotutako osasun arazoak, hondamendi naturalak, izurriteak eta ur eta elikagai eskasia eragiten ditu; gosea, guduak, migrazioak, sufrimendua eta heriotzak, beraz.

Nork jasaten ditu klima aldaketaren ondoriorik latzenak?

Klima aldaketaren ondorioak planeta osoan antzematen dira, baina eragindako kalteak ez dira herrialde guztien artean berdin banatzen. Tenperatura igoerarik bortitzenak ekuatorearen inguruan ari dira erregistratzen (Afrikan, Erdialdeko Amerikan eta Hego Amerikan eta Asiako hego-ekialdean), eta aldeak oraindik eta nabariagoak izatea espero da mende amaieran. Ironikoa badirudi ere, beroketan gutxien parte hartu duten herrialdeak dira kaltetuenak. Herrialde aberatsek muturreko fenomeno meteorologikoei aurre egiteko azpiegiturak dituzte, eta janari eta ur hornidura ziurtatzeko baliabideak. Termostatoari eraginez egin diezaiekete aurre bero eta hotz boladei, hirietako eraikinek zutik irauten dute ekaitz eta uholdeen aurrean, eta uztak hondatzen badira beste nonbaitetik inportatu ditzakete elikagaiak. Aldiz, hegoalde globaleko herrialdeetan, 2.600 milioi pertsona bizi dira egunean 2 dolar baino gutxiagorekin, eta horiexek dira, hain zuzen ere, mendekotasun handiena dutenak baliabide naturalekiko. Beraien osasuna, segurtasuna eta bizimodua zuzenean mehatxatzen dituzte muturreko tenperaturek, uholdeek, suteek, lehorteek eta goseteek.  Gainera, herrialde horietan emakumeek* jasaten dituzte klima aldaketatik eratorritako ingurumen arazo eta tentsio sozial eta ekonomikoen ondoriorik larrienak. Emakumeak dira eskola uzten lehenak; ura, erregaia eta jakiak bildu eta garraiatzeaz arduratzen direnak; zaintza lanen zama guztia bereganatzen dutenak; ur eta saneamendu eskasia dagoenean osasun arazoak izateko aukera gehien dutenak; eta baliabide mugatuek sortzen duten presio egoeretan biolentzia gehien jasaten dutenak. 2013ko Haitiko tifoiaren ostean emakume salerosketa hirukoiztu zen. 2019an, 25 milioi pertsonak migratu behar izan zuten hondamendi naturalen ondorioz (UNHCR, 2019). Horietatik, %80 emakumeak izan ziren (Instituto de la Mujer, 2020). Dena dela, herrialdeen artean ez ezik, klima aldaketak eragindako ondorioen klase, arraza eta genero desparekotasuna estatu aberatsen barnean ere nabaria da. 2018an, Kaliforniako suteek 66 pertsona hil, 600 baino gehiago desagerrarazi eta 1.000 eraikin kiskaltzen zituzten bitartean, inguruko luxuzko urbanizazio eta hoteletako jabeek suhiltzaile pribatuak kontratatu zituzten euren etxaldeak babesteko. Era berean, “Harvey” eta “Katrina” urakanek Houstoneko auzo txiroenak hondatu zituzten, urperatzeko joera handiagoa duten eremuetan eraikita baitzeuden. Klima aldaketak eragindako bero boladak nabariagoak dira gure hiri eta herrietako ekonomikoki deprimitutako eremuetan, iturri, gerizpe eta berdegune gutxiago dituztelako. Muturreko tenperaturek, bestalde, kalean bizi edo lan egiten duten pertsonei erasaten diete bereziki, eta osasun ahulagoa duten biztanleen osasuna arriskuan jarri. Halaber, muturreko fenomeno meteorologikoek zuzenean baldintzatzen dute nekazarien zein langileen etorkizuna edo egunero lantokira joan behar dutenena, besteak beste. Era berean, klima larrialdiak eragindako depresio ekonomikoko testuinguru batean, zapaldutako kolektiboek jasaten dituzte ondoriorik latzenak, kontraturik gabe lan egitera behartuak ikusten diren pertsona migratuak edo etxeko langileak diren emakumeak*, esate baterako. Emakumeek*, gainera, soldata arrakalaren ondorioz pobrezia energetikoa pairatzeko probabilitate handiagoa dute ere. Hala ere, kaltetuenen artean izan arren, klima aldaketarekin erlazionatutako erantzukizunezko postuen %20 bakarrik okupatzen dute emakumeek*, eta nazioarteko batzarretan oinarritzat erabiltzen diren ikerketa zientifikoko taldeen buruen %5 dira (Genero Berdintasunerako Europako Institutua).

Klima aldaketaren aurkako borroka, klase borroka eta borroka feminista

Egoera ahulean dauden pertsonek sufritzen dituzte gehien planetaren beroketaren ondorioak, baina arazoa, neurri handi batean, pribilegiatuenek sortzen dute. Munduko %10 aberatsenak guztira emititzen diren berotegi efektuko gasen (BEG) erdia eragiten du, %50 txiroenak, berriz, soilik %7 (Oxfam, 2020). Gainera, bakarrik 100 enpresa dira emisio gordinen %71ren erantzule. Klima aldaketa moteltzeko emisioak drastikoki moztu behar dira, baina egungo produkzio sistema bateraezina da murrizketa horiekin, etengabeko hazkuntza ekonomikoa, lurren eta bizitzen ustiapena eta kapitalaren metaketa beharrezkoa dituelako bizirauteko. Generoei erreparatuz, hainbat ikerketak baieztatu dute herrialde garatuetako gizonei emakumeei* baino BEG emisio gehiago esleitu dakiekeela, maskulinitate tradizionalari atxikitako jarrera eta kontsumo patroien ondorioz –ibilgailuaren erabilera edo haragi kontsumo handiagoa, adibidez– (Räty & Carlsson-Kanyama, 2010). Genero rolak kaltegarriak dira klimarentzat, boterean eta dominazioan oinarritutako maskulinitateak natura konkistatzea eta etengabeko hazkuntza dakartzan heinean. Horregatik ezinbestekoa du klima aldaketaren aurkako borrokak klase eta genero ikuspuntua barneratzea, eta horregatik integratu behar du klase borrokak eta mugimendu feministak klima aldaketaren aurkako borroka. Egiturazko zapalkuntzen aurrean bizitzak erdigunean jarriko dituen eredua aldarrikatzen dutelako; eta klima aldaketa sintoma bada, gaixotasuna kapitalismoa eta patriarkatua direlako.