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Articles du Vendredi : Sélection du 19 avril 2024

Climat : « Une défiance grandissante s’installe dans notre communauté scientifique vis-à-vis du pouvoir politique »
Collectif
www.lemonde.fr/climat/article/2024/04/18/climat-une-defiance-grandissante-s-installe-dans-notre-communaute-scientifique-vis-a-vis-du-pouvoir-politique_6228470_1652612.html

Malgré les menaces que l’humanité fait peser sur son environnement, le gouvernement tient des discours déconnectés du réel et pratique la course de lenteur, fustige un collectif de 260 scientifiques, dont le climatologue Jean Jouzel, dans une tribune au « Monde ».

L’humanité fait peser des pressions insoutenables sur son environnement, en particulier sur l’océan, qui occupe les trois quarts de la surface de notre planète. Leur liste est longue : réchauffement climatique, acidification des océans, désoxygénation, aménagements littoraux et hauturiers, déchets plastiques, pollutions, exploitation des ressources minières ou vivantes (surpêche).

Il en résulte des effets néfastes considérables pour la nature et les sociétés humaines qui vont s’aggraver si rien ne change. Deux tiers de la biomasse des poissons prédateurs (comme les thons) ont disparu en un siècle, et plus de la moitié de cette perte a eu lieu lors des quarante dernières années. En cent cinquante ans, la moitié des récifs coralliens a été rayée de la carte. Depuis le milieu du XXe siècle, des centaines de millions de tonnes de plastiques se sont accumulées dans l’océan. Un réchauffement climatique non maîtrisé conduirait à des disparitions d’espèces en grand nombre, avec des conséquences pour les écosystèmes tout entiers difficiles à anticiper. En bref, pratiquement tous les signaux sur l’océan et le climat sont au rouge.

Depuis des décennies, notre communauté travaille à identifier et alerter la société sur les dangers que ces pressions nous font courir. Face à ces menaces, il arrive souvent au gouvernement français de rappeler le constat scientifique et de manifester son ambition. La mise en place de la convention citoyenne sur le climat, exercice démocratique inédit, fut l’un de ces moments porteurs d’espoir venus d’un haut qui semblait vouloir faire confiance au bas. Espoirs largement justifiés au regard des 149 propositions de mesures concrètes, et lucides sur la nature et la gravité de nos difficultés présentes et à venir. Mais ces espoirs ont finalement été douchés : non-respect par le président de la République des engagements pris, propositions ignorées ou amoindries, et une loi Climat et résilience qui n’est à la hauteur ni du défi à relever ni des engagements initiaux.

(In) action publique

Dans un registre voisin, on pourra citer l’annonce d’une planification écologique, en septembre 2023, après des demandes insistantes du Haut Conseil pour le climat. Six mois plus tard, aucun signe concret d’un changement de méthode et la présentation de la nouvelle loi de programmation pluriannuelle de l’énergie à l’Assemblée nationale est sans cesse repoussée. Nous voilà donc dans une nouvelle course de lenteur, à rebours du volontarisme des annonces initiales.

Et puis il y a ces « Summits », vitrines de l’ambition de la France, par exemple sur la politique d’aires marines protégées (AMP) : à la pointe des nations, la France aurait déjà dépassé le seuil de 30 % de couverture des eaux françaises par des AMP. Dans le même temps, son gouvernement bataille à Bruxelles pour la poursuite du chalutage intensif dans la majorité d’entre elles. De fait, il est aujourd’hui démontré que la proportion des eaux nationales réellement protégées, avec un impact effectif sur la biodiversité, ne s’élève qu’à 1,6 % (et seulement 0,04 % dans les eaux métropolitaines, d’après des données de 2021).

Nous observons depuis des années, comme nombre de nos concitoyens, le clivage entre annonces et (in) action publique. A force de désillusions, nous prenons l’habitude de nous méfier. Nous nous permettrons donc, pour compléter le tableau, d’énoncer certains éléments bien connus qui menacent déjà le grand plan gouvernemental sur le plastique : horizon lointain (2040) pour la fin du plastique jetable ; liste d’exemptions sans fin ; absence de sanction en cas de non-respect ; faiblesse des actions concrètes en faveur d’alternatives sobres (le vrac, la consigne) ; absence de guidage des investissements industriels, etc.

Tragédies combinées

N’en jetez plus… La défiance grandissante qui s’installe dans notre communauté vis-à-vis du pouvoir politique ne devrait étonner personne. Il s’agit, au fond, d’appliquer au personnel politique certaines considérations élémentaires qui régissent nos vies professionnelles et personnelles.

La confiance se mérite et s’entretient dans le concret. Du concret, la situation en appelle. Les occasions de redresser la barre ne manquent pas et nous en indiquons trois pour finir :

  • renouer, autour d’une loi Climat et résilience 2, avec l’esprit de la convention citoyenne pour le climat, avec les ambitions de ses mesures et le sérieux de sa méthode : implication de la population et justice sociale dans la transformation écologique, place du constat scientifique et de l’évaluation des effets des mesures proposées ;
  • assurer aux AMP françaises le niveau élevé de protection recommandé par l’Union internationale pour la conservation de la nature (au minimum l’interdiction de la pêche industrielle). Le 8 juin, Journée mondiale de l’océan, offrira à la France une occasion symbolique d’œuvrer en vue d’une protection réelle des océans, à commencer par ceux sous sa responsabilité ;
  • modifier la classification des plastiques et les intégrer aux entités dangereuses (polluants bioaccumulatifs et toxiques) sur la base de recherches récentes. Cette classification ouvrirait la voie vers un traité « plastique » (en cours d’élaboration) ayant un réel impact.

On pourra trouver le ton de cette tribune irrévérencieux et s’étonner de la vigueur des critiques. Alarmés par nos constats, nous sommes soucieux d’éviter à notre société les tragédies combinées d’un emballement climatique et de dégradations écologiques de grande ampleur. Comme scientifiques, nous pensons que ne pas participer à la légitimation de discours déconnectés du réel est une responsabilité éthique. Et toujours confiants dans l’élan qu’une nation comme la France pourrait insuffler à la transformation écologique, il nous paraît un devoir professionnel et citoyen de promouvoir des actions comme celles énumérées ci-dessus. Ne pas en tenir compte continuerait, pour nos dirigeants politiques, de faire monter les risques d’un échec collectif face à l’un des plus grands défis planétaires que l’humanité ait connus.

Premiers signataires : Olivier Aumont, chercheur océanographe ; Xavier Capet, chercheur océanographe ; Julie Deshayes, chercheuse océanographe ; Jean Jouzel, climatologue ; Sara Labrousse, chercheuse en écologie polaire ; Juliette Mignot, chercheuse océanographe ; Francesco d’Ovidio, chercheur océanographe ; Camille Richon, chercheuse océanographe ; Jean-Baptiste Sallée, chercheur océanographe ; Claire Waelbroeck, chercheuse en paléo-océanographie

Pacte vert européen : le maigre bilan de von der Leyen
Amélie Poinssot
www.mediapart.fr/journal/international/170424/pacte-vert-europeen-le-maigre-bilan-de-von-der-leyen

C’était l’engagement de la Commission pour la législature qui s’achève : une politique plus verte, pour mieux faire face aux désastres écologiques et climatiques. Le résultat est en demi-teinte, voire nul pour ce qui concerne le secteur agricole.

Ce devait être la politique des politiques au niveau européen. Le Pacte vert (ou Green Deal), lancé fin 2019 par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, avait pour ambition de faire du continent le premier de la planète à atteindre la neutralité carbone en 2050 et à prendre des mesures pour enrayer la chute de la biodiversité. Plus de quatre ans plus tard, qu’en est-il ?

Si les deux premières années du mandat ont vu le Parlement européen et la Commission légiférer dans un certain nombre de domaines, l’épidémie de Covid puis l’invasion russe de l’Ukraine sont venus percuter l’agenda écologique de Bruxelles. Puis certains États membres et certains groupes politiques comme l’extrême droite, une partie du camp libéral et la droite elle-même – à laquelle appartient pourtant Ursula von der Leyen – se sont mis à s’opposer de plus en plus vivement à cette politique qui vise à la fois à réduire les émissions de gaz à effet de serre et l’impact des Vingt-Sept sur les écosystèmes, et à s’adapter au changement climatique en cours. Au point de bloquer toute avancée dans la dernière ligne droite de la législature, et même de provoquer des reculs.

Le résultat est un étonnant paradoxe : le Pacte vert s’attire les foudres de tous côtés, entre les partis qui l’ont instrumentalisé pour le diaboliser et le rejeter en bloc, les lobbies agricoles qui sont parvenus à imposer l’idée qu’il était dommageable pour l’agriculture, et les partisans d’une politique ambitieuse, qui estiment qu’il n’est pas allé assez loin. À l’heure du bilan, celles et ceux qui étaient au départ le plus critiques des incohérences et des trous dans la raquette de cette feuille de route inédite la défendent aujourd’hui et espèrent son redémarrage au lendemain des élections. Tour d’horizon des points les plus emblématiques d’une politique qui s’est arrêtée au milieu du gué.

  • Fin des voitures thermiques en 2035

Dans dix ans, il ne sera plus possible, dans l’Union européenne (UE), de vendre des véhicules neufs à moteur essence, Diesel, ou encore hybrides. Cette avancée très concrète pour la population comme pour les fleurons de l’industrie européenne a failli ne pas passer : alors que le processus législatif était quasiment achevé, le gouvernement allemand a tenté l’an dernier de bloquer les choses et a réussi à obtenir une dérogation pour un certain type de voitures.

Les partisans de la transition voient au contraire dans la décision européenne une opportunité économique. Selon Neil Makaroff, auteur du rapport du think tank Strategic Perspectives sur les bénéfices du Pacte vert pour les entreprises et les ménages, le passage aux véhicules électriques générerait 20 000 emplois dans la seule région des Hauts-de-France.

  • Près de la moitié du mix énergétique composé d’énergies renouvelables en 2030

Dans moins de six ans, 42,5 % de l’énergie consommée en Europe devra être issue de renouvelables. Cet objectif − qui reste toutefois insuffisant pour atteindre celui de 50 % inscrit dans l’accord de Paris de 2015 sur le climat – a été augmenté par rapport à la cible initiale de l’UE ; il est l’un des seuls à avoir bénéficié de la période, la guerre en Ukraine ayant fait prendre conscience de la nécessité de se rendre indépendants du gaz russe.

La France a toutefois pesé, avant l’adoption formelle de cette nouvelle directive européenne, afin d’inclure le nucléaire et le gaz comme des énergies « de transition ». Un mauvais signal, qui introduit la confusion entre les énergies extractivistes et polluantes et les autres.

« Il faut voir le Pacte vert comme un moyen de s’affranchir de notre dépendance aux hydrocarbures, comme une solution face à la guerre en Ukraine, plaide Neil Makaroff. Il a créé une accélération sans précédent pour le solaire et l’éolien. » L’année dernière, les nouvelles infrastructures installées dans l’Union européenne ont produit 73 gigawatts d’énergies renouvelables, un record. Et la part du charbon dans le mix énergétique des Vingt-Sept a diminué d’un quart, d’après le think tank Ember. « On le voit peut-être moins en France que dans d’autres pays, mais l’effet du Pacte vert est déjà là. Si tout est adopté, on pourrait diminuer d’un tiers notre consommation de gaz d’ici à 2030, c’est l’équivalent de la consommation allemande de gaz avant la guerre en Ukraine. »

Caroline François-Marsal, responsable Europe à Réseau Action Climat (RAC), regrette toutefois une grande absente dans ce Pacte vert : la sobriété. « Il faut diminuer notre consommation de ressources naturelles et d’énergie, tout en satisfaisant les besoins essentiels de chacun. Sans ce levier-là, on ne pourra pas atteindre les objectifs climatiques européens. »

  • Les milieux naturels et la biodiversité légèrement mieux protégés

Deux règlementations du Pacte vert permettent quelques avancées en termes de protection des écosystèmes : l’interdiction de l’importation de produits cultivés sur des zones déforestées (soja, huile de palme, bœuf, café, caoutchouc), ainsi que la loi sur la restauration de la nature, adoptée dans une version minimaliste par le Parlement en février, qui contraint les États membres à prendre des mesures pour préserver 20 % des écosystèmes terrestres et marins.

La seconde n’est cependant pas encore entrée en vigueur : c’est à présent la Hongrie qui fait pression pour bloquer le texte. L’aboutissement du processus avant les élections européennes s’avère fort compromis.

  • Plus d’argent pour la transition

Désormais, 700 milliards d’euros – la moitié sous forme de subventions, l’autre sous forme de prêts – sont fléchés vers la transition écologique européenne.

Concrètement, pour la France, c’est le tiers du plan « France Relance » – soit 30 milliards d’euros – qui est conditionné à des investissements à visée environnementale ou à des projets d’économie circulaire. Remise en état de rames de train, rénovation énergétique des bâtiments, équipements vélos pour les entreprises… l’argent public a afflué dans de nombreux secteurs depuis trois ans.

Caroline François-Marsal estime cependant que ce plan n’a pas été « suffisamment étalé dans le temps pour faire de la planification écologique et attirer des investissements de long terme ». Les entreprises « ont besoin de visibilité », souligne l’experte.

Le rapport de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) publié le mois dernier estime en outre qu’il manque au niveau européen 406 milliards d’euros par an jusqu’en 2030 pour atteindre l’objectif central du Pacte vert – à savoir une baisse d’au moins 55 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Et l’argent mis sur la transition n’empêche pas l’Union européenne de continuer d’investir massivement dans les énergies fossiles, notamment par l’importation de gaz liquéfié et le financement du terminal du Havre.

  • L’impensé de l’agriculture

Le mandat de von der Leyen n’a permis aucune avancée en faveur de pratiques agricoles plus respectueuses de la biodiversité et moins émettrices de gaz à effet de serre. Le projet de révision du règlement « enregistrement, évaluation, autorisation et restriction des substances chimiques » (Reach) sur les produits chimiques dangereux a été abandonné en octobre par la Commission ; le projet de réduction de moitié des pesticides à horizon 2030 s’est heurté un mois plus tard à un mur au Parlement.

Avant cela, la politique agricole commune (PAC) allait déjà à contresens des ambitions affichées de l’exécutif européen. La forme actuelle du premier budget d’argent public européen avait été négociée à partir de 2018, autrement dit sous la mandature précédant celle de von der Leyen, et ses grandes lignes n’ont pas été modifiées par la suite, sous l’impulsion du Pacte vert. Les évolutions ont principalement porté sur le nom des enveloppes budgétaires, et seuls quelques États membres – ce n’était pas le cas de la France – ont renforcé les critères environnementaux de certaines aides.

Ces infimes avancées, à l’intérieur d’un cadre où la majorité des aides restent calculées en fonction de la surface des exploitations agricoles, sont en outre menacées depuis le surgissement des colères agricoles sur le continent. La négociation de la PAC a en effet été rouverte il y a un mois à travers une procédure expéditive, pour qu’elle puisse aboutir avant les élections. Si le vote est confirmé à Strasbourg la semaine prochaine, des subventions créées à l’origine pour favoriser des pratiques agroécologiques pourraient être transformées en aides accordées sans condition.

« Il est très surprenant de voir le Pacte vert montré du doigt par le secteur agricole alors qu’aucune réforme n’a touché pour l’instant à l’agriculture, observe Neil Makaroff. La FNSEA, qui a contribué à cette instrumentalisation, le sait très bien. L’approche des élections européennes a constitué pour elle une fenêtre d’opportunité : c’était le moment pour se faire entendre et étouffer dans l’œuf les futures réformes qui pourraient apparaître au cours du prochain mandat. »

  • Des incohérences persistantes

Comme la PAC, les accords de libre-échange constituent une incohérence majeure de la politique européenne. « Le Pacte vert est parvenu à réorienter les priorités de la politique européenne, sauf en ce qui concerne le commerce extérieur, resté sur un vieux logiciel, pointe Neil Makaroff. L’UE fait encore des accords de commerce à l’ancienne, aux impacts environnementaux désastreux. »

Autre décalage, celui entre feuilles de route européennes et échelon national. La France, à cet égard, fait partie des mauvais élèves : elle a annoncé la semaine dernière l’abandon de la loi de programmation énergie et climat, pour passer par la voie règlementaire. Ce recul pourrait conduire Paris à ne pas respecter « les objectifs européens 2030 de baisse des émissions de gaz à effet de serre ou de part d’énergies renouvelables dans la consommation », écrit Greenpeace.

  • Ce qui a manqué : pédagogie et mesures sociales

« On n’a pas suffisamment accompagné les ménages vulnérables, les agriculteurs et les agricultrices, la transformation des emplois, estime Caroline François-Marsal. Or ce sont des sujets primordiaux. C’est ce qui explique, par exemple, la colère agricole. » L’experte estime que les mesures compensatoires du Fonds social pour le climat – 7 milliards d’euros pour la France pour la période 2026-2032 – ne sont pas suffisantes et seront débloquées trop tardivement. Or le développement du marché carbone va peser sur les factures de chauffage et de carburant dès 2027. Les territoires dont l’économie est tirée par la production d’énergies fossiles font valoir des craintes similaires. Le Fonds pour une transition juste est censé y remédier ; c’est ainsi que la Pologne s’en tire bien, avec la nécessité de transformer la Silésie, la région la plus productrice de charbon en Europe. Mais la France ne touche dans cette enveloppe que 1 milliard d’euros, principalement pour les départements du Nord et des Bouches-du-Rhône.  Enfin, autre manquement, la pédagogie : « On ne dit pas assez que le Pacte vert apporte énormément de bénéfices pour notre indépendance énergétique, pour notre santé, pour la résilience de notre système alimentaire, et que, parallèlement à ça, le coût de l’inaction est explosif, souligne la spécialiste du RAC. Il y a un problème de narratif. » Au vu de toutes ces lacunes et de ces promesses inabouties, faut-il conclure que l’avenir du Pacte vert est compromis ? « Le Pacte vert est devenu un totem à abattre pour l’extrême droite », analyse Neil Makaroff, qui défend malgré tout un « bon bilan ». Tout dépendra, en réalité, du résultat des élections. « Si l’extrême droite sort renforcée du scrutin et que la droite s’aligne sur elle, la transition risque d’être suspendue. La plupart des règlements adoptés, comme l’arrêt des véhicules thermiques, contiennent en outre une clause de revoyure, donc pourraient être revus à la baisse. Cela entraînera, au-delà du sujet climatique, des risques économiques considérables pour les entreprises qui investissent aujourd’hui et orientent leur recherche et développement vers la transition. »

Un contexte bien différent de celui de 2019, où l’alliance entre conservateurs et sociaux-démocrates à la tête de la Commission européenne avait pu s’appuyer sur la poussée écologiste dans les urnes européennes.

Marienia : herri lurra
Maryse Cachenaut
www.enbata.info/articles/marienia-herri-lurra

C’est l’histoire du pot de terre contre le pot de béton. Bouygues envoie au tribunal des militants coupables de s’opposer à l’artificialisation de terres à haut potentiel agricole à Cambo.

Le 12 mars dernier nous étions venus nombreux au tribunal de Bayonne pour soutenir les militants accusés d’avoir, plusieurs mois auparavant, recouvert de terre une maquette représentant le projet immobilier de Bouygues à Marienia (Camboles- Bains). À l’occasion du procès les témoignages ont cependant souligné le paradoxe : pendant qu’une maquette est recouverte de terre (et non détruite !), Bouygues s’apprête à recouvrir une surface 10.000 fois plus grande (presque 4 hectares) de béton !… Dégradation qui ne sera pas éphémère celle-là mais bien définitive ! « Quatre personnes cueillies chez elles par les forces de l’ordre et amenées dans un commissariat pour avoir plusieurs mois auparavant symboliquement jeté de la terre sur une maquette représentant un projet qui détruit des terres agricoles, c’est quand même tout à fait disproportionné » a souligné de façon très pertinente Martine Bouchet du CADE, pendant le procès du 12 mars…

Chaque année depuis 35 ans, 250 hectares de terres sont artificialisés sur le territoire du Pays Basque. C’est d’une grande violence de devoir regarder de façon impuissante la destruction de notre outil de travail. Parce que la terre est l’outil de travail du paysan, et la terre permet de nourrir les citoyens ! Les terres de Cambo constituent une ressource rare ; et cela sera défendu auprès du tribunal administratif de Bordeaux qui devra (cette année) arbitrer sur la légalité du projet Bouygues à Marienia. Pour nous, ces terres ont un intérêt agricole et un potentiel agronomique indiscutable. L’aptitude des sols à la mise en valeur agronomique dépend de leurs caractéristiques physico-chimiques, biologiques, de la relation eau/sol et d’autres caractéristiques telles que le relief et la topographie. Sur le plateau de Marienia, la pente est faible, voire très faible, moins de 10 %. Les parcelles sont mécanisables avec du matériel agricole classique. À Cambo, il n’y a que 23 % des terres agricoles de la commune qui ont cette caractéristique de moins de 10 % de pente, précise EHLG dans une étude sur le potentiel de ces terres. Autrement dit, les terres de Marienia présentent un meilleur potentiel agricole que les trois quarts des terres exploitées de la commune ! Elles offrent donc les caractéristiques voulues pour y développer des productions animales tout comme des productions végétales. Situées en entrée de ville, les terres de Marienia pourraient former la ceinture verte de la ville qu’il faudrait absolument protéger et non pas bétonner !

Globalement sur le territoire Pays Basque, les productions végétales à destination de l’alimentation humaine sont déficitaires par rapport à la population résidente. À l’heure où la sobriété foncière s’impose pour faire face aux enjeux climatiques et pour répondre aux enjeux de sécurité alimentaire, la question de leur préservation est essentielle et ceux qui la défendent ont raison de le faire.

Tentative d’extorsion par Bouygues
Martine Bouchet
www.enbata.info/articles/tentative-dextorsion-par-bouygues/

Sommations, gardes à vue, tribunal, demandes de réparation exorbitantes, Bouygues ne recule devant rien pour tenter d’imposer son projet immobilier de Marienia.

Intimider les opposants est de toute évidence la stratégie utilisée par Bouygues Immobilier à Cambo, sur le projet de Marienia. La preuve la plus spectaculaire en a été donnée ce mardi 12 mars. Ce jour-là, le tribunal correctionnel de Bayonne juge quatre militants d’Ostia qui ont recouvert symboliquement avec de la terre une maquette du projet de Bouygues, afin de protester contre la bétonisation de plus de trois hectares des belles terres agricoles de Marienia.

La plainte de Bouygues leur avait valu d’être cueillis par les forces de l’ordre chez eux au petit matin pour être amenés en garde-à-vue au commissariat de Bayonne, puis de se retrouver en ce 12 mars au tribunal.

Bouygues Immobilier est représenté par un avocat, arrivé le jour même de Paris, qui réclame la somme mirobolante de 24.000 euros de dommages et intérêts pour le nettoyage de la maquette de 1,5 mètre carré. La procureure réduit l’amende à 1.000 euros dont 500 avec sursis. Le juge rendra sa décision le 14 mai. La disproportion entre d’une part, les faits reprochés et d’autre part, la plainte, les conditions de garde-à-vue et les dommages demandés est telle, qu’il ne s’agit évidemment pas de demander une juste réparation, mais bien d’intimider pour tenter de museler une opposition forte et qui ne faiblit pas.

Les abords du tribunal étaient d’ailleurs envahis de militants venus soutenir les inculpés. Le ridicule ne tuant pas, à l’audience et devant la presse, l’avocat de Bouygues se permet ce conseil : si vous êtes contre le projet, il faut utiliser les procédures légales pour contester le permis de construire devant le tribunal administratif. Une sommation interpellative pour faire renoncer aux recours administratifs Le cynisme de ce conseil ne trompe pas grand monde. Car même dans ce domaine de procédures administratives, Bouygues utilise des méthodes peu glorieuses d’intimidation, beaucoup moins visibles qu’une plainte au pénal, mais potentiellement redoutables.

Voici en effet ce qui s’est passé. En 2021, le CADE (Collectif des Associations de Défense de l’Environnement) s’apprête à contester le permis de construire du promoteur auprès du tribunal administratif. Bouygues envoie alors de manière impromptue un huissier au domicile du président du CADE pour lui remettre une « sommation interpellative ». Ce courrier de Bouygues affirme que leur permis de construire « s’avère totalement conforme aux règles d’urbanisme ». Surtout, il profère cette menace : si jamais le CADE se risque à déposer un recours au tribunal administratif, Bouygues attaquera pour « recours abusif » et réclamera 240.000 euros correspondant aux frais qu’il aurait déjà engagés. Bouygues laisse au CADE 48 heures pour renoncer à porter l’affaire devant la juridiction administrative. Malgré l’ampleur de la somme annoncée, le CADE ne cède pas et dépose son recours au tribunal. Et c’est le CADE qui gagne : le juge administratif reconnaît le permis de construire de Bouygues illégal. Les trois immeubles dépassent en effet les dimensions permises par le PLU de Cambo. Le juge laisse cependant à Bouygues la possibilité de déposer un permis modificatif, cette affaire n’est donc pas terminée. Notons au passage que la maquette aspergée de terre représentait donc un permis illégal, qu’elle était trompeuse pour les futurs acquéreurs… et qu’elle pouvait donc aller directement à la poubelle.

Tentative d’extorsion par contrainte morale A l’annonce des garde-à-vues puis du procès des militants d’Ostia, le CADE a décidé de ne pas laisser impunément Bouygues utiliser son influence, son pouvoir et son argent pour tenter de faire taire des opposants. Faire renoncer sous la pression à utiliser un droit, en l’occurrence pour le CADE le droit d’agir devant le tribunal administratif, constitue une extorsion répréhensible pénalement. Le CADE a donc décidé de donner suite à la sommation interpellative en portant plainte contre Bouygues pour « tentative d’extorsion par contrainte morale ». Faire connaître les méthodes de Bouygues, les dénoncer et montrer le vrai visage de ce promoteur est essentiel pour que de telles pratiques n’aient plus cours. Les opposants leur font peur, car ils savent légitimes les revendications portées pour la préservation des terres agricoles. La solidarité des opposants est essentielle pour contrer les manoeuvres d’intimidation et de menace. C’est tous ensemble que l’on gagnera à Marienia.

Oihanen kolapsoa saihestu dezakeen bioaniztasun globala nola zaindu?
Nicolas Goñi
www.argia.eus/argia-astekaria/2867/oihanen-kolapsoa-saihestu-dezakeen-bioaniztasun-globala-nola-zaindu

Ekosistema askok itzulera gabeko puntuak dituzte, hau da, estresa maila berezi bat pairatuz gero –izan klima aldaketa, kutsadura edo kalte fisiko zuzenarengatik– desagertzen ahal dira, eta ekosistemak haien artean konektatuak izanez gero hurrenez hurren elkar erorarazi dezakete. Halere, oihanen azterketek erakusten digute muturreko eguraldiei aurre egiteko hainbat ekosistemaren gaitasuna bioaniztasun mailari lotua zaiola. Baina biosferaren oreka globalean eragina duten ekosistemak zaintzeko ereduak oraindik sortzeke dira.  

Giza jarduerak industrializatzen hasi zirenetik mundua hainbat modutan aldatu da, edo zehazkiago erranik, munduaren aldaketa asko azeleratu da. Azeleratze global horren erru nagusiak nahiko eta gehiegi ezagutzen ditugu: erregai fosilen erabilera, hainbat molekula sintetikoren ekoizpen masiboa eta hainbat ekosistemaren hondatzea edo artifizializazioa. Baina konkretuki, aldaketa global horrek maila eta mota ezberdineko hainbat aldaketa barne hartzen ditu, horietarik batzuk jarraituak, eta bertzeak, aldiz, bat-batekoak.

Jarraituak dira atmosferan berotegi efektuko gasen kontzentrazioaren igoera edo uren eta airearen kutsaduraren emendatzea. Bat-bateko aldaketak dira egoera batetik bertzerako aldaketa suposatzen dutenak. Kasu horietan estresak eragindako erantzuna ez da jarraia: lehen denboraldi batean, estresa emendatu ahala erantzun guti ikusten da, baina estresak maila berezi bat gaindituz gero, orduan sistema erabat aldatu eta bertze egoera batera pasako da.

Ahalezko aldaketa horietarik potoloena aipatu genuen ARGIAren 2843. aleko Ozeanoen korronte sistema uste baino egongaitzagoa izan daiteke, eta beraz klima ere bai erreportajean, baina mota horretako kolapsoak gerta daitezke tokian tokiko hainbat ekosistema handi edo txikiagotan, ekosistema bakoitzak biosferaren oreka globala bere neurrian bermatzen duelarik.

2023ko abenduan COP28aren karietara argitaratu zen Global tipping points (Itzulera gabeko puntu globalak) txostenak arrisku horiek aztertzen ditu. Montpellierreko unibertsitatean ikerketa zuzendaria den Sonia Kéfik txosten horretan parte hartu du, eta horrela laburbiltzen du arrisku horien auzia: « Lurreko sistema osoa marraztu dezakegu haien artean konektaturiko entitate sare erraldoi baten gisara. Itzulera gabeko puntuek, dominoen gisan, hurrenez hurren elkar erorarazi dezakete. Gainera, biosferaren zati bat neurri aski handian erortzeak kliman eragiten du eta loturak alderantziz ere balio du. Horrez gain, giza jarduerak ekosistemen menpe izateak ondorioak ditu sistema ekonomiko, sozial eta politikoetan ».

Aniztasuna ez da soilik apainketarako

Ekosistemen erorketaren eta klimaren arteko loturaz hitz egin dugu, baina klima aldaketari aurre egiteko ekosistemen sendotasun edo hauskortasun mailak zeren araberakoak dira? Eremu lurtarretan ekosistema garrantzisuenetarikoak oihanak ditugu, eta klimaren aurrean duten sendotasuna bioaniztasunari lotua dela berretsi dute bi ikerketa berrik. Batak, nagusiki Txinako ICBR erakundetik eramanak, emaitza nagusia bere tituluan laburbiltzen du: Biodiversity mitigates drought effects in the decomposer system across biomes (Bioaniztasunak lehortearen eraginak baretzen ditu bioma ezberdinetako biomasa usteltze sistemetan). Orokorrean gutiegi ikertuak dira biomasa hila jaten duten lurzoruko izakiak –zizareak kasu–, nahiz eta izaki horiek hektareako ehundaka kilo izan eta bai nitrogeno baita karbono zikloan ere garrantzi handikoak izan.

Lan berri honek erakusten digu izaki horien aniztasuna gakoa dela oihanetako biomasa hilaren usteltzea baldintza lehorretan ere gertatzeko. Biomasa hilaren usteltzea ezinbertzeko prozesua da lurzoruan karbonoa harrapatzeko, eta orokorrean oihanen biziraupenerako, basoek dituzten albo-onura guziekin. Bertze ikerketa, Microclimate modulation: An overlooked mechanism influencing the impact of plant diversity on ecosystem functioning (Mikroklima modulazioa: ekosistema funtzioamenduan landare aniztasunak duen eragina moldatzen duen mekanismo gutiegi ezaguna) iDiv Alemaniako bioaniztasun ikerketa zentrotik burutu dute. Horretan, 2002 urtetik hainbat ekosistemaren mikroklimaren bilakaera aztertu dute. Tenperatura aldaketek oihan eta larreko mikroklimetan eragindakoa ikertu nahi izan dute, landare aniztasunaren arabera ere aztertuz fenomenoa. Landare aniztasuna are eta handiagoa izateak gero eta gehiago baretzen ditu muturreko tenperatura aldaketak eta prozesu ekosistemikoak ere erraztu egiten ditu, bertzeak bertze, biomasa hilaren usteltzea. Funtsean, berotzen eta desorekatzen ari den klimaren aurrean, oihan anitzagoek dute hobe biziraunen eta horiek dute karbonoa harrapatzen jarraituko.

Bertze muturrean, monolandaketak hauskorragoak dira, eta egoera lehor edo beroetan zaluago utziko diote karbonoa harrapatzeari, nahiz eta zuhaitz landaketa masiboa ustezko konponbidetzat baliatzen den, ARGIAren 2864. aleko CO2a atmosferatik kentzeko ingeniaritza: lurra ustiatzen segitzeko aitzakia? erreportajean azaldu bezala.

Amazoniaren –eta gure– geroa

Bi ikerketa horien emaitzek munduko oihan enblematikoenarentzat –eta bertan dagoen munduko ibai handienarentzat– ere berdin balio dute: Amazoniak biziraunen badu, ahal bezain anitza izaten jarraitu beharko du. Gaurko egoeran, Amazoniak bere ur zikloa sortzen du, zuhaitzek eta landareek lurrinketa sortuz eta horren ondorioz tokian tokiko euriak eraginez eta hortik sasoien arteko eurite aldaketak leunduz.

Gainera, Amazonian bertan baino eskualde zabalago batean ematen dira Amazoniak sorturiko euriak, Kolonbiatik Uruguaira, eskualde haietako hainbat giza jarduera bermatuz. Baina klima aldaketaren ondorioz euriak murriztu daitezke Amazonian, zuhaitzen zati bat hil eta horren ondorioz bertako euri gutiago sorraraziz. Horrek zuhaitzen heriotza dinamika bat abiaraziko luke, atmosferara karbono isurketak emendatuz eta finean, klima aldaketa are gehiago larrituz.

Berotzen eta desorekatzen ari den klimaren aurrean, oihan anitzagoek dute hobeto biziraunen eta horiek dira karbonoa harrapatzen jarraituko dutenak

Gurpil zoro hori saihesteko gisan funtsezkoa da beraz Amazoniaren bioaniztasuna ahal bezainbertze babestea eta sendotzea. Horrek erran nahi du, noski, mozketa masiboak etetea. Amazoniaren %63 Brasilek kontrolatzen du, eta zuhaitz mozketari dagokionez egoera larritu zen Jair Bolsonaroren kargupean, 2019an jadanik. Harek gainera Brasilgo burujabetza aldarrikatzen zuen mozketak justifikatzeko gisan, interdependentzia globala eta horretan zuen ardura erabat ukatuz. Zorionez, deforestazioa nabarmen gelditu zen Luiz Inázio Lula Da Silvak azken hauteskundeak irabazirik, aurkako neurriak hartu zituenean 2023an. Mundu osoaren egonkortasuna laguntzen duen ekosistema baten ia bi herenen zoria estatu bateko hauteskundeen emaitzaren menpekoa izateak zorabioa ematen du. Egoera prekario eta desorekatu hori azken mendeotan nagusiki Europan sorturiko erakundeei eta erabakitzeko ereduei lotua zaie, eta gero eta nabarmenagoa da zaharkiturik daudela. Bada garaia burujabetza zehazteko modu berriak asma ditzagun.