Taxe sur les transactions financières: les ONG mettent la pression sur le G20
L.EQ.
www.liberation.fr du 17.02.2011 1
«Les altermondialistes peuvent s’allier
avec des réformateurs»
Gus Massiah
www.regards.fr/article/?id=4662&q=category:1175 du 21.01.2011
Les énergies renouvelables pourraient couvrir 95% des besoins mondiaux en 2050
Sandra BESSON
www.actualites-news-environnement.com/25283-energies-renouvelables.html du 03.02.2011
Altermondialisme 2/2
Gustave Massiah – Economiste, membre du Conseil scientifique et ancien vice-président d’ATTAC, président du Centre de recherche et d’information pour le développement
Centre Tricontinental (CETRI) – 26.01.2011 – www.cetri.be/spip.php?article2060
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Taxe sur les transactions financières: les ONG mettent la pression sur le G20
L.EQ.
www.liberation.fr du 17.02.2011 1
Attac, Aides-Coalition Plus et Oxfam France lancent leur campagne de mobilisation, à la veille de la réunion des ministres des Finances du G20.
Nicolas Sarkozy sous surveillance de Robin des Bois. A la veille de la première réunion des ministres des Finances du G20 sous présidence française, Attac, Aides/Coalition Plus et Oxfam France font monter la pression sur l’un des principaux dossiers du chef de l’Etat: la mise en place d’une taxe sur les transactions financières pour financer l’aide au développement.
Le 25 janvier, lors de sa conférence de presse à l’Elysée, il l’avait vendu comme «la meilleure des formules pour trouver de nouvelles ressources pour le développement». Les ONG le prennent au mot. «Aux actes, Nicolas!», lancent leurs militants, ce jeudi, devant la place de la Bourse (Paris). L’un d’eux, campant le personnage du «prince des voleurs» qui «prenait aux riches pour donner aux pauvres», chapeau à plume et accent british: «Plus la pression sera forte, moins ils auront le choix.»
Alors que l’idée (ancienne) de cette fiscalité transnationale, façon Tobin, à hauteur de 0,05% sur les transactions financières, fait de plus en plus d’adeptes, l’idée est d’accélérer sur ce dossier pour aboutir, dès le sommet de novembre, à «des résultats concrets». «Il faut accoucher d’une taxe en 2011, ça ne nous intéresse pas que soit mis en place un groupe de travail qui courrait jusqu’en 2012», presse Khalil El Ouardighi, responsable du plaidoyer pour Coalition Plus. D’autant que le Mexique, successeur de la France à la tête du G20, est réservé sur la taxe. Blocage aussi du côté des Etats-Unis, du Canada, de la Corée du sud. Et «les collègues néerlandais ou suédois» ne sont pas plus enthousiastes, avait admis la ministre de l’Economie, Christine Lagarde.
Des blocages surmontables, selon les ONG, qui balaient l’argument d’une fuite des capitaux et plaident pour la mise en place, dans un premier temps, de la taxe au sein d’une coalition de pays favorables (France, Brésil, Afrique du sud, Allemagne, Belgique, Portugal, Espagne, Autriche, Luxembourg, etc.) «Sarkozy ne doit pas se cacher derrière l’idée qu’il faut une application unanime pour dire qu’il a les mains liées, c’est une idée fausse, explique Antoine Henry, de l’association Aides. La Grande-Bretagne a créé une taxe sur ses actions depuis 1984» qui rapporterait entre 4 et 6 milliards de livres par an. «Et les banquiers et financiers n’ont pas quitté la City», renchérit Sébastien Fourmy, porte-parole d’Oxfam France, qui ajoute que le FMI, dans un rapport de juin 2010, a conclu à la faisabilité d’une telle taxe, chiffrant à «266 milliards de dollars par an» la somme qui pourrait être récoltée.
Pour Aurélie Trouvé, co-présidente d’Attac France, la création de cette taxe innovante, rebaptisée taxe Robin des bois, d’abord à l’échelle de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni, serait déjà «un immense levier politique pour inciter les autres pays» à entrer dans la boucle et permettre de financer la lutte contre la pauvreté, l’adaptation au changement climatique, les politiques d’éducation et de santé (lutte contre le sida, notamment), et parer aux urgences sociales et environnementales. Seule solution pour espérer remplir les Objectifs du Millénaire pour le développement des pays les plus pauvres.
«Les altermondialistes peuvent s’allier avec des réformateurs»
Gus Massiah
www.regards.fr/article/?id=4662&q=category:1175 du 21.01.2011
A l’occasion du forum social de Dakar, début février, Gustave Massiah revient sur les principes et les enjeux du mouvement altermondialiste. L’économiste estime qu’il est nécessaire de voir loin, mais aussi de faire des propositions immédiates et concrètes. Entretien.
Gustave Massiah est une personnalité du mouvement altermondialiste. Economiste, il est président du Centre de recherche et d’information pour le développement (Crid). Son dernier ouvrage Une stratégie altermondialiste, vient de paraître. Ed. La Découverte, 18,50 €.
Certains parlent d’un essoufflement de l’altermondialisme. Comment se porte le mouvement à l’approche du forum social de Dakar ?
Gustave Massiah: Je ne pense pas que nous ayons connu d’essoufflement. Nous avons plutôt traversé une période d’approfondissement souterrain pendant laquelle nous étions moins visibles qu’au début. En 2003, le Financial Times expliquait que le monde se partageait en deux lignes, celle de Bush et celle du mouvement antimondialisation. On a assisté en 2009 à l’émergence de nouvelles problématiques lors du forum de Belem, au Brésil, notamment autour de l’écologie et de son rapport avec le social. Tandis que nous vivions une crise de civilisation, les peuples indigènes ont aussi posé la question de la modernité.
Le G20 de Londres a repris des propositions altermondialistes : interdiction des paradis fiscaux, contrôle du secteur financier et bancaire, nécessité de taxes financières mondiales. Ne craignez-vous pas qu’elles soient vidées de leur potentiel émancipateur ?
G.M.: C’est toute la question des récupérations. Le danger, c’est que ces propositions servent un but contraire au nôtre ou que personne ne tienne compte de ce que nous disons. Il faut donc montrer que, par-delà l’aspect déclaratif, nous avons remporté une victoire idéologique. Les analyses autour de la crise ont validé les propositions du forum. Le caractère subversif du mouvement altermondialiste tient à sa nature antisystémique. Nous ne restons pas sur le bord du chemin à dire que ce n’est pas bien. « Résister c’est créer », disait Deleuze. On construit déjà l’histoire quand on est dans la résistance. Nous sommes aujourd’hui dans une double crise emboîtée – une crise du néolibéralisme, mais aussi de la mondialisation capitaliste elle-même. La sortie de crise est donc porteuse d’un dépassement du néolibéralisme et du capitalisme qui durent respectivement depuis trente ans et cinq siècles. Mais cela pose une série de questions stratégiques.
Vous défendez une démarche très pragmatique, centrée sur des alliances avec les réformateurs du Green New Deal…
G.M.: Le mouvement altermondialiste est obligé de penser l’articulation entre l’urgence et la durée. Nous devons faire des propositions pour lutter immédiatement contre le chômage ou la pauvreté et, en même temps, des propositions de transformations structurelles fondamentales. Cela interroge la stratégie politique des alliances qui se pose en situation, dans chaque pays et région.
Le Green New Deal, autour de l’économiste Joseph Stiglitz, veut refonder le capitalisme en introduisant plus de redistribution, d’économie verte, etc. C’est une des options, moderniste, de sortie de crise. Or nous sommes aujourd’hui confrontés à trois orientations : celle-ci, ou alors une sortie réactionnaire fondée sur un conservatisme de guerre avec la montée de la xénophobie et la remise en cause des libertés ; ou encore le dépassement du capitalisme. Pour faire face au conservatisme de guerre, qui constitue le principal danger, une alliance large est nécessaire. Mais cela n’empêche pas de garder l’objectif d’un dépassement du capitalisme. Nous défendons des politiques publiques qui permettent l’égalité des droits, grâce à des services publics et à l’instauration d’un plancher et d’un plafond de revenus, par exemple. Une série de propositions qui ne sont pas révolutionnaires, mais anti-néolibérales. On peut aller assez loin dans la tolérance et l’humanisme avec des réformistes. Mais à un moment donné, on se heurte à des questions plus importantes autour des formes de propriété, de la marchandisation, des frontières… Le dépassement du capitalisme, ce n’est pas seulement l’amélioration des conditions immédiates.
A quoi ressemblerait un monde postcapitaliste ?
G.M.: Pour certains, le dépassement du capitalisme doit passer par l’élaboration d’une autre société, pour d’autres, par la construction de pratiques d’émancipation concrètes. Il n’y a pas de contradiction entre les deux, mais ce sont des options différentes. Une chose est sûre, le forum n’est pas le lieu de construction d’un modèle dogmatique. Ce n’est ni une nouvelle religion ni une nouvelle internationale. Je me suis moi-même interdit de dessiner un programme. Ce qu’on peut faire dépend des situations. En France, la bataille sociale porte sur la question de la protection sociale et du chômage, dans d’autres pays, sur autre chose. La manière dont se construisent des propositions est très liée aux bases sociales qui les portent. Si nous disons qu’il faut un contrôle citoyen du système bancaire, plutôt que des nationalisations, c’est parce que les mouvements brassent ces idées.
D’où l’absence de leader dans vos rangs ?
G.M.: Le mouvement altermondialiste est porteur d’une culture politique nouvelle, en rupture avec l’avant-gardisme. Les partis d’avant-garde, qui prétendent diriger les luttes et les masses, sécrètent des leaders. Ils véhiculent une vision militaire de la révolution. Le mouvement altermondialiste préfère l’horizontalité à la verticalité, le consensus à la hiérarchie. Le premier principe de la charte est celui de la diversité. Il est dit que personne n’a le droit de parler au nom de tout le monde. Mais tout le monde peut parler à partir du forum. Cela n’a l’air de rien, mais les implications sont fortes. Concrètement, les forums ne font pas de déclaration. On peut rapprocher ce principe de la manière dont le mouvement des femmes a cheminé en se construisant sur l’idée que toutes les luttes contre l’oppression ont la même importance. Il n’en est pas de secondaires qui se trouveraient résolues mécaniquement une fois la révolution effectuée.
Quelles évolutions historiques l’altermondialisme a-t-il connues ?
G.M.: Ce mouvement émerge en 1980 avec l’apparition d’une nouvelle phase, néolibérale, de la mondialisation. Il commence dans les pays du Sud, car dès 1977 ceux-ci sont visés par une offensive géopolitique qui se traduit notamment par le recyclage des pétrodollars et la crise de la dette. La deuxième phase commence en1989, au moment de la chute du mur de Berlin, de la guerre du Golfe, de la montée en puissance de l’hégémonie des Etats-Unis et des luttes sociales contre la précarité et le chômage. Elle dure jusqu’à la bataille de Seattle en 1999. Puis, alors que débute le processus des forums sociaux mondiaux à Porto Alegre, le mouvement jusqu’alors qualifié d’antimondialisation devient altermondialiste. Depuis l’année 2008, marquée par l’ouverture officielle de la crise, nous sommes entrés dans une nouvelle ère.
Quel rôle joue la société civile ?
G.M.: La société civile rassemble des formes d’organisation sociale non gouvernementales, associations ou groupements de citoyens, qui ne se réduisent pas à la société politique. Il est nécessaire de s’organiser en dehors de l’Etat pour permettre sa démocratisation. Car si le changement social passe aussi par l’Etat, celui-ci porte en germe deux dimensions contradictoires, l’intérêt général et celui des dominants. Par ailleurs, cette société civile est contrainte d’agir à l’échelle mondiale, dans la perspective de construire de l’universel et eu égard à l’existence de nouveaux droits qui possèdent une dimension internationale, autour de l’écologie et des migrants par exemple.
Vous dressez le constat d’une crise de civilisation. Quelles conséquences a-t-elle selon vous en terme de croissance ?
G.M.: La civilisation dominante, avec le marché mondial des capitaux, est en cause. Pour sortir de cette dimension de la crise, il faut changer de modèle de production et de consommation et remettre en cause le principe d’une modernité du capitalisme et d’une croissance productiviste fondée sur l’idée que le progrès économique permet le progrès social qui permet à son tour le progrès politique. L’historien Fernand Braudel avait trouvé comment résumer le problème : pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, expliquait-il, le système monde se heurte aux limites de l’écosystème planétaire. Si certains estiment qu’il suffit de maîtriser la croissance, d’autres la refusent complètement. Cela me rappelle une phrase magnifique de Gandhi : « Vivre simplement pour que d’autres simplement vivent. » Il faut aussi, en effet, que les comportements individuels changent. Mais pour y parvenir, il faut rendre ces changements désirables.
Les énergies renouvelables pourraient couvrir 95% des besoins mondiaux en 2050
Sandra BESSON
www.actualites-news-environnement.com/25283-energies-renouvelables.html du 03.02.2011
Les besoins en électricité au niveau mondial pourraient être satisfaits à hauteur de 95% par les sources renouvelables d’énergie d’ici 2050, à condition de changer nos comportements en la matière.
Pas moins de 95% des besoins énergétiques du monde pourraient être satisfaits en utilisant des sources renouvelables d’énergie d’ici 2050, d’après ce qu’indique un rapport réalisé par le groupe de défense de l’environnement WWF et par le groupe de consultants en énergie Ecofys, et publié jeudi.
En 2050, la demande totale en énergie pourrait être 15% moins importante que celle de 2005 du fait des ambitieuses mesures d’économies d’énergie mises en place dans le monde, bien que la population, la production industrielle, le fret et les voyages augmenteront, ajoute le rapport.
Actuellement, plus de 80% des de l’énergie utilisée au niveau mondial provient des carburants fossiles mais le rapport affirme que l’énergie nucléaire, les carburants fossiles et la biomasse pourraient être presque entièrement abandonnés d’ici 2050.
Pour atteindre cet objectif, la consommation d’électricité pour le chauffage des bâtiments doit être réduite d’au moins 60% grâce à l’efficience énergétique, l’utilisation de l’énergie solaire et de la chaleur géothermique.
Le réseau électrique doit être amélioré, des réseaux intelligents doivent être installés et les transports électriques doivent être introduits 1a grande échelle au niveau mondial, d’après le rapport.
«L’énergie renouvelable et la meilleure interconnexion du réseau avec l’Europe ont le potentiel de satisfaire tous nos besoins en énergie de manière très durable» a indiqué Nick Molho, directeur de la politique énergétique pour WWF Royaume-Uni.
Les incitations financières pour la production d’énergies renouvelables pourraient jouer un rôle important pour promouvoir l’utilisation des sources renouvelables d’énergie.
La consommation de viande par personne devrait également être divisée par deux d’ici 2050 dans les pays industrialisés et augmenter de 25% partout ailleurs, préconise le rapport.
La population devrait par ailleurs marcher, faire du vélo ou utiliser davantage de transports en commun, et remplacer les voyages aériens par des voyages en train lorsque c’est possible.
D’ici 2050, près de 4000 milliards de dollars devraient être économisés chaque année grâce à l’efficience énergétique et la réduction des cous du carburant.
Cependant, les dépenses d’investissement devront augmenter en premier lieu pour installer de nouvelles capacités de production d’énergies renouvelables, pour moderniser le réseau électrique et améliorer l’efficience énergétique.
Ces dépenses devront augmenter au cours des 25 prochaines années pour atteindre 3500 milliards d’euros par an pour 1000 milliards actuellement. Les investissements devraient commencer à être rentabilisés en 2040 environ lorsque les économies commenceront à dépasser les coûts, ajoute le rapport.
L’Europe aura besoin de dépenser 2900 milliards d’euros, soit 25% du PIB de l’Union Européenne au cours des dix prochaines années pour satisfaire la demande en technologies émettant peu de dioxyde de carbone, d’après ce qu’indique un autre rapport publié par Accenture and Barclays Capital.
Altermondialisme 2/2
Gustave Massiah – Economiste, membre du Conseil scientifique et ancien vice-président d’ATTAC, président du Centre de recherche et d’information pour le développement
Centre Tricontinental (CETRI) – 26.01.2011 – www.cetri.be/spip.php?article2060
Dakar accueille, du 6 au 11 février, le Forum social mondial. Un rendez-vous qui marque le dixième anniversaire d’un mouvement altermondialiste mobilisé dans la réflexion et l’action pour l’édification d’un autre monde. Un mouvement arrivé à un moment où des ruptures sont nécessaires pour mieux orienter et accompagner les processus d’émancipation et de renouvellement historique. Un processus que Gustave Massiah interroge à travers douze hypothèses.
SEPTIEME HYPOTHESE
Le mouvement altermondialiste, formé par la convergence des mouvements sociaux et citoyens, met en avant une culture politique fondée sur la diversité et l’horizontalité.
La diversité résulte de la légitimité de tous les mouvements qui luttent contre l’oppression et qui inscrivent cette lutte dans un projet d’émancipation. Le mouvement a mis en place un processus, celui des forums sociaux mondiaux ; ils sont organisés à partir des principes d’activités autogérées, de refus des autorités autoproclamées, de recherche des consensus et de démocratie participative. La référence à « un autre monde possible » exprime le refus de la fatalité, des théories de « la fin de l’histoire », de « la guerre des civilisations » et de la prétention néolibérale « there is no alternative ».
HUITIEME HYPOTHESE
Les bases sociales de l’altermondialisme et ses alliances dépendent des enjeux de la période, des issues qui se présentent à la crise : le néoconservatisme de guerre ; la refondation du capitalisme à travers le « green new deal » ; le dépassement du capitalisme.
Les bases sociales, dans le cas du néo-conservatisme de guerre, concernent tous ceux qui veulent lutter contre la barbarie, la répression, les régimes autoritaires et les guerres. Le néo-conservatisme de guerre se présente comme une des issues pour tous ceux qui voudront maintenir, coûte que coûte, les privilèges du néolibéralisme. Les bases sociales et les alliances par rapport à la refondation du capitalisme et au « green new deal » sont formées par tous les mouvements qui luttent pour l’accès aux droits pour tous à l’échelle mondiale. Les bases sociales pour le dépassement du capitalisme sont formées par les parties des mouvements qui sont engagés dans les luttes pour l’égalité des droits. Dans l’urgence, les alliances regroupent ceux qui sont opposés au néoconservatisme de guerre. Les principes généraux se définissent à l’échelle de la crise, de la mondialisation. Les alliances concrètes dépendront des situations des nations et des grandes régions. Dans la durée, et si le danger du néo-conservatisme de guerre peut être évité, la confrontation opposera les tenants du green new deal et ceux du dépassement du capitalisme.
NEUVIEME HYPOTHESE
Le débat continue dans le forum sur plusieurs questions stratégiques, particulièrement sur les questions du pouvoir et du politique. Le pari est d’inventer de nouvelles formes de rapport entre la question sociale et les mouvements, et entre le politique et les institutions. L’impératif démocratique est au centre de cette réinvention.
L’interrogation porte en premier lieu sur la nature contradictoire de l’Etat, entre le service des classes dominantes et l’intérêt général, sur la crise de l’Etat-Nation et sur le rôle de l’Etat dans la transformation sociale. Elle porte aussi sur la nature du pouvoir et sur le rapport au pouvoir. Dans les processus engagés, notamment par rapport à la violence, les modalités de la lutte pour le pouvoir peuvent l’emporter sur la définition du projet et marquer profondément la nature de la transformation sociale. La culture démocratique est sur ce plan déterminante. La remise en cause de la domination passe par la confrontation pour l’hégémonie culturelle. Toute transformation sociale est confrontée à la remise en cause du pouvoir dominant. Il n’y a pas de changement social sans rupture, sans discontinuité dans les formes du politique et du pouvoir. Cette rupture et sa maîtrise possible constituent le pari fondateur de tout changement social. Le débat sur les orientations générales et les applications dans des situations spécifiques est au centre des débats du mouvement altermondialiste.
DIXIEME HYPOTHESE
La crise globale ouvre des opportunités pour le mouvement altermondialiste. Ces opportunités articulent, dans l’urgence, un programme d’améliorations immédiates, et dans la durée, un espace de transformation radicale.
Les opportunités permettent de dégager, dans plusieurs grandes directions, les améliorations immédiates possibles, d’une part, et les transformations radicales en termes de nouveaux rapports sociaux, de fondements des nouvelles logiques et de lignes de rupture. La régulation publique et citoyenne permet de redéfinir les politiques publiques ; elle ouvre la discussion sur les formes de propriété et sur l’évolution fondamentale du travail. La redistribution des richesses et le retour du marché intérieur redonnent une possibilité de stabilisation du salariat, de garantie des revenus et de la protection sociale, de redéploiement des services publics ; elle ouvre à l’égalité d’accès aux droits et sur la relation entre le statut social du salariat et son évolution en tant que rapport social. L’urgence écologique nécessite des mesures immédiates pour la préservation des ressources naturelles, particulièrement l’eau, la terre, et l’énergie, de la biodiversité et du climat ; elle ouvre la discussion sur une mutation du mode de développement social. Le modèle de représentation politique nécessite la redéfinition de la démocratie, le refus de la discrimination et de la ségrégation sociale ; il ouvre la réflexion sur les nouvelles formes du pouvoir et du politique. Le rééquilibrage entre le Nord et le Sud définit une nouvelle géopolitique du monde ; elle ouvre une nouvelle phase de la décolonisation. Une nouvelle régulation mondiale redéfinit le système international ; elle ouvre la régulation de la transformation sociale à l’échelle de la planète et la perspective d’une citoyenneté mondiale.
ONZIEME HYPOTHESE
Les analyses et les propositions discutées dans les Forums sociaux mondiaux ont été validées, depuis l’ouverture de la crise, dans la bataille des idées. Mais elles ne se sont pas imposées dans les politiques mises en œuvre. Le mouvement altermondialiste, à côté des recommandations immédiates, avance de nouvelles propositions qui articulent la sortie du néolibéralisme et le dépassement du capitalisme.
La crise globale est aujourd’hui reconnue comme crise du néolibéralisme ; la discussion sur la crise du système capitaliste est ouverte dans l’espace public. Les recommandations immédiates (contrôle du système bancaire, régulation publique et citoyenne, suppression des paradis fiscaux, taxes internationales, etc.) s’imposent dans le débat mais sont édulcorées, voire ignorées, pour ne pas heurter les intérêts des classes dominantes. Dans les forums sociaux mondiaux, plusieurs questions font le lien entre de nouvelles orientations susceptibles de réformes immédiates et d’alliances larges, et de nouvelles ouvertures vers des alternatives radicales. Parmi ces questions, citons celles des biens communs, de la gratuité, du bien-vivre, de la démarchandisation, des relocalisations, de l’hégémonie culturelle et du pouvoir politique, de la démocratisation radicale de la démocratie, de la construction d’un « universalisme universel », du statut politique de l’Humanité, etc.
DOUZIEME HYPOTHESE
Le mouvement altermondialiste est engagé dans une réflexion globale, celle du renouvellement de la pensée de la transition et dans la recherche de solutions politiques correspondant aux différentes situations. Il propose d’articuler les réponses en fonction du temps, de l’urgence et de la durée ; de l’espace, du local au global ; des formes d’intervention. Il mène de front les luttes et les résistances, l’élaboration intellectuelle, la revendication de politiques publiques visant à l’égalité des droits, les pratiques concrètes d’émancipation.
Au niveau des échelles d’espace, les interdépendances existent entre le local, le national, les grandes régions, le global et le planétaire. Chacune des propositions se décline à ces différents niveaux, ainsi de l’hégémonie culturelle, des rapports internationaux, économiques, géopolitiques et écologiques, de la démocratisation, des équilibres économiques et géoculturels, du pouvoir politique, des Etats et des politiques publiques, des pratiques concrètes d’émancipation et de la relation entre population, territoire et institutions. Au niveau des formes d’intervention, le mouvement altermondialiste mène ses actions à travers quatre modalités articulées qui seront illustrées dans la dernière partie du livre. Les luttes et les résistances permettent de se défendre et de créer. L’élaboration permet de comprendre le monde pour le transformer. Les politiques publiques sont un espace des conflits et des négociations. Les pratiques concrètes d’émancipation, à tous les niveaux, du local au national, aux grandes régions et au mondial, construisent des alternatives et préfigurent de nouveaux rapports sociaux.
Comme tout système, le capitalisme n’est pas éternel. Il a eu un début et il aura une fin. Son dépassement est d’actualité. Il est nécessaire dès aujourd’hui d’esquisser et de préparer un autre monde possible.