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Articles du Vendredi : Sélection du 16 mars 2012

Changement climatique : les nouvelles simulations françaises pour le prochain rapport du GIEC


www2.cnrs.fr/sites/communique/fichier/dossierpressecmip_vdef_1.pdf – www2.cnrs.fr/presse/communique/2459.htm – 09.02.2012

Forum de l’eau à Marseille : aidons les multinationales à boire la tasse !

Maxime Combes
www.bastamag.net/article2199.html – 12.03.2012

Terres rares: plainte des USA, de l’UE et du Japon à l’OMC contre la Chine


www.lamontagne.fr/france-monde/actualites/economie-politique/eco-finances/2012/03/13/exportation-de-terres-rares-l-ue-va-se-joindre-a-la-plainte-americaine-contre-la-chine-1117575.html

Comment rendre efficace le droit de l’environnement

Stéphanie Senet
www.journaldelenvironnement.net/article/comment-rendre-efficace-le-droit-de-l-environnement,28038 – 14.03.2012

Durban, un bilan au-delà de l’arène officielle (1/2)-La justice climatique en quête d’une stratégie globale

Maxime Combes
www.mouvements.info/Durban-un-bilan-au-dela-de-l-arene.html – Mouvements, 28.02.2012

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Changement climatique : les nouvelles simulations françaises pour le prochain rapport du GIEC


www2.cnrs.fr/sites/communique/fichier/dossierpressecmip_vdef_1.pdf – www2.cnrs.fr/presse/communique/2459.htm – 09.02.2012

La communauté climatique française réunissant principalement le CNRS, le CEA, Météo-France, l’UPMC et l’UVSQ (notamment à travers l’IPSL1, le CNRM2 et le CERFACS3) vient de terminer un important exercice de simulations du climat passé et futur à l’échelle globale. Ces nouvelles données confirment les conclusions du dernier rapport du GIEC4 (2007) sur les changements de températures et de précipitations à venir. En particulier, elles annoncent à l’horizon 2100, pour le scénario le plus sévère, une hausse de 3,5 à 5°C des températures, et pour le plus optimiste, une augmentation de 2°C. Mis à disposition de la communauté internationale, ce travail sera utilisé par le GIEC pour établir son prochain rapport, à paraître en 2013. Il donne des indications et des tendances sur le climat futur à l’horizon 2100 mais également, fait nouveau, sur les trente prochaines années.

La mission du GIEC est de recenser et de résumer toute l’information scientifique sur le changement climatique, ses impacts et les solutions pour l’atténuer ou s’y adapter. Le premier volet de son 5e rapport, publié à la mi-septembre 2013, fera ainsi un nouvel état des connaissances accumulées au cours des dernières années. Comme pour l’édition de 2007, la communauté scientifique internationale s’est mobilisée, en particulier au travers du Programme mondial de recherche sur le climat (PMRC), pour concevoir et réaliser un exercice de simulations du climat passé et futur (CMIP-5).
Cet effort de recherche, très exigeant en termes de ressources humaines, de puissance de calcul et de stockage de données, rassemble plus d’une vingtaine de centres climatiques dans le monde ayant développé une cinquantaine de modèles numériques. En France, de nombreux organismes contribuent à ce projet, notamment à travers le CNRM, associé au CERFACS, et l’IPSL.
Le projet CMIP-5 présente un certain nombre d’innovations par rapport aux exercices précédents :

  • la prise en compte de scénarios incluant des politiques climatiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre
  • l’utilisation de modèles plus complexes (meilleure prise en compte de différentes perturbations comme les aérosols, le cycle du carbone, …) et plus précis (meilleure résolution)
  • une évaluation approfondie de la capacité des modèles à reproduire le climat passé et les mécanismes qui sous-tendent son évolution
  • la réalisation d’une série de «prévisions rétrospectives» du climat des cinquante dernières années et d’un exercice préliminaire de prévision pour la période 2010-2035.

Résultats des simulations françaises

En accord avec les conclusions du GIEC en 2007, une tendance à l’augmentation des températures est observée à l’horizon 2100 pour tous les scénarios. Elle est plus ou moins marquée selon le scénario considéré : la hausse est de 3,5 à 5°C pour le scénario le plus sévère, de 2°C pour le plus optimiste, qui ne peut être atteint que par l’application de politiques climatiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre. De plus, il apparaît que la réponse aux seuls facteurs naturels ne permet pas d’expliquer le réchauffement moyen constaté à partir de la seconde moitié du 20e siècle.
Une intensification du cycle hydrologique5 se confirme, de même qu’une fonte rapide de la banquise Arctique qui, dans le cas du scénario le plus pessimiste, disparaît en été vers 2040 ou 2060 selon le modèle.
Les simulations réalisées en couplant le climat au cycle du carbone apportent des réponses nouvelles. Elles soulignent notamment qu’il faudrait rapidement diminuer les émissions anthropiques et atteindre des émissions «négatives» (qui correspondent à une action anthropique permettant de prélever directement du CO2 de l’atmosphère) d’ici la fin du 21e siècle.

Les analyses de cet ensemble de simulations combiné avec les simulations des autres groupes internationaux apporteront un nouveau regard sur le lien entre les activités humaines et le climat, à la fois au cours des dernières décennies et, surtout, dans les décennies et les siècles à venir.

 
Consulter le dossier de presse : www2.cnrs.fr/sites/communique/fichier/dossierpressecmip_vdef_1.pdf
Des images d’illustration sont disponibles sur demande aux services de presse et à la photothèque du CNRS. Une simulation est également à votre disposition.

Notes :

1 IPSL ou Institut Pierre-Simon Laplace regroupe six laboratoires en sciences de l’environnement dont quatre participent aux efforts de modélisation du climat : le LATMOS (CNRS / UPMC / UVSQ), le LMD (CNRS / ENS / UPMC / Ecole Polytechnique), le LOCEAN (CNRS / UPMC / MNHN / IRD) et le LSCE (CNRS / CEA / UVSQ).
2 CNRM-GAME, Météo-France / CNRS
3 Centre européen de recherche et de formation avancée en calcul scientifique (CNRS / CERFACS / Total SA / Safran / EDF/ EADS / CNES / Météo-France / ONERA)
4 Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat
5 Cela met en jeu les précipitations et l’évaporation à l’échelle planétaire

Forum de l’eau à Marseille : aidons les multinationales à boire la tasse !

Maxime Combes
www.bastamag.net/article2199.html – 12.03.2012

Suez, Veolia et la Banque mondiale ont rendez-vous cette semaine à Marseille pour un Forum mondial de l’eau. Leur objectif : tirer davantage profit de la crise mondiale de l’eau et des privatisations engagées depuis des décennies. Une dynamique qui commence à prendre l’eau, grâce à l’action de ceux qui se battent pour la reconquête de ce bien commun de l’humanité.

Du 12 au 17 mars, Marseille accueille la 6e édition du Forum mondial de l’eau (FME), organisé par le Conseil du même nom. Fondé notamment par Suez, Veolia et la Banque mondiale, ce Conseil mondial de l’eau, dont le siège est à Marseille, est dirigé par le PDG de la Société des eaux de Marseille. Comble de l’affaire, ce forum se tiendra au parc Chanot, concession de Veolia. De quoi faire de Marseille la capitale internationale de la privatisation de l’eau. Privatisation dont le monde entier reconnaît qu’elle a été inventée et généralisée en France. Veolia, Suez et Saur, trois des plus importantes multinationales de l’eau dans le monde, ne détiennent-elles pas 69 % de la distribution de l’eau et 55 % de son traitement en France ?

Imaginez donc un Forum international pour la paix dirigé et animé par les multinationales de l’armement qui dicteraient leurs résolutions aux États et aux institutions de l’ONU ! Impossible ? Non ! Veolia et Suez l’ont fait pour l’eau, s’arrogeant, avec le soutien des États, l’espace international de négociations autour de ce bien commun ! Et cela dure depuis quinze ans. Après Marrakech (1997), La Haye (2000), Kyoto (2003), Mexico (2006) et Istanbul (2009), voici Marseille. À chaque fois, y sont promues des mesures et recommandations qui renforcent les stratégies des grands groupes en leur permettant de tirer profit de la crise mondiale de l’eau.

Des milliers de communes reviennent à une gestion publique de l’eau

Mais l’édifice prend l’eau. Le FME a réservé la grande majorité des hôtels de Marseille. Au point qu’il est aujourd’hui impossible de trouver une chambre pour la période. Mais, au final, la majorité restera vide. Sur les 20 000 à 25 000 congressistes payants annoncés, ils sont aujourd’hui moins de 4 000 inscrits. C’est un échec. À 700 euros l’entrée, c’est aussi un terrible manque à gagner. Qui règlera la note ? Les finances publiques, qui ont déjà aligné 16,9 millions d’euros ? Certains prédisent un désastre. Nicolas Sarkozy, dont la présence était prévue de longue date, ne devrait même pas s’y rendre. Le FME est boudé et fui. Le FME est-il fini ?

L’édifice prend l’eau, car sous les coups de boutoir de mouvements, de personnalités et de quelques États, l’ONU a été replacée au centre du jeu. En juillet 2010, à la suite de l’exigence de la Bolivie, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution reconnaissant le droit à l’eau et à l’assainissement. L’exigence des mouvements aujourd’hui est que sa mise en œuvre progressive soit faite par l’ONU. Pour cela, un nombre important d’associations et d’organisations de la société civile réclament que l’ONU organise un Forum mondial sur l’eau en octobre 2014, hors du lobbying des multinationales.

L’édifice prend l’eau, car après Buenos Aires et Atlanta, ce sont Munich, Berlin et Paris – sans compter les milliers de communes dans le monde – qui sont revenus à une gestion publique de l’eau. Tendance confortée par la victoire du « non » en Italie, lors d’un référendum d’initiative populaire sur question de la privatisation de l’eau, en juin 2011. Partout sur la planète, des luttes pour la préservation de l’eau, pour l’accès à l’eau potable de qualité, et contre la mainmise d’intérêts privés sur une ressource essentielle à la vie, changent la donne.

Que dégagent Veolia et Suez !

L’édifice prend l’eau, enfin, parce que la légitimité du FME sera remise en cause par le Forum alternatif mondial de l’eau (Fame), qui se tiendra en parallèle à Marseille du 14 au 17 mars. Organisé par des mouvements de la société civile de très nombreux pays, et sans aucun soutien du gouvernement français, le Fame s’oppose au «processus de mondialisation capitaliste des services de l’eau et de l’assainissement». Seront mises en exergue les pollutions de l’eau provoquées par l’extraction des ressources naturelles – dont les gaz et huiles de schiste – ou des complexes industriels, comme près d’El Salto au Mexique (voir ici). Seront également mises en avant et discutées les alternatives aux spoliations et mésusages de l’eau qui empêchent des centaines de millions de personnes d’avoir accès à de l’eau potable de qualité (voir ici pour une vidéo intitulée Du Nord au Sud, l’Amérique au fil de l’eau).

Le FME prend l’eau. Qu’il soit donc « occupé » ! Ou annulé ? Pas besoin d’un forum à la dérive qui s’échoue sur les récifs marseillais, venant obstruer la rade. Que dégagent donc Veolia, Suez et consorts ! Puisse l’eau, bien commun de l’humanité, s’extraire un peu plus des mailles serrées des filets des multinationales. Pour que Marseille ne résonne plus comme la capitale de la privatisation de l’eau, mais comme celle d’une étape essentielle de sa déprivatisation.

Terres rares: plainte des USA, de l’UE et du Japon à l’OMC contre la Chine


www.lamontagne.fr/france-monde/actualites/economie-politique/eco-finances/2012/03/13/exportation-de-terres-rares-l-ue-va-se-joindre-a-la-plainte-americaine-contre-la-chine-1117575.html

Les quotas imposés par la Chine sur ses exportations de terres rares sont « conformes aux règles de l’OMC », a indiqué mardi le ministère des Affaires étrangères en réponse à l’annonce par les Etats-Unis du dépôt d’une plainte commerciale contre Pékin.

Les restrictions de la Chine sur ses exportations de terres rares, des minerais indispensables à l’industrie, sont de nouveau au coeur d’un conflit devant l’Organisation mondiale du commerce avec une plainte mardi des Etats-Unis, de l’Union européenne et du Japon.

Washington, Bruxelles et Tokyo ont demandé des « consultations » sur le sujet, préalable à un jugement de l’organisation genevoise.

Le conflit porte sur 17 éléments chimiques appelés « terres rares » car ils sont difficiles à repérer et extraire, et sur deux autres métaux, le tungstène et le molybdène.

Le président américain Barack Obama a accusé mardi la Chine de violer les règles du commerce international en imposant des restrictions à ses exportations de terres rares.

« Si la Chine laissait tout simplement le marché fonctionner par lui-même nous n’aurions aucune objection, mais sa politique empêche actuellement cela et va à l’encontre des règles que la Chine a accepté de suivre », a déclaré M. Obama lors d’une intervention retransmise en direct à la télévision.

« Nous avons une relation économique constructive avec la Chine, et à chaque fois que cela est possible, nous nous engageons à travailler avec elle pour lui faire part de nos inquiétudes. Mais si nécessaire, je prendrai des mesures si nos travailleurs et nos entreprises font l’objet de pratiques illégales », a ajouté le président Obama.

« La Chine impose des quotas d’exportation à l’origine de distorsions » commerciales et « d’autres restrictions à l’exportation par le biais de ses procédures et règlements », avaient indiqué auparavant les services du représentant américain au Commerce extérieur, Ron Kirk.

« Les restrictions imposées par la Chine sur les terres rares et d’autres produits violent les règles du commerce international et doivent être supprimées. Ces mesures affectent nos producteurs et consommateurs au sein de l’Union européenne et dans le monde », a de son côté estimé le commissaire européen au Commerce, Karel De Gucht.

Pékin considère la plainte comme infondée. Les quotas d’exportation sont « conformes aux règles de l’OMC » car ils visent à « protéger l’environnement et permettre un développement durable », a assuré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Liu Weimin.

 

 

La Chine est aujourd’hui en situation de quasi-monopole avec plus d’un tiers (35%) des réserves accessibles et 97% du marché des terres rares, comme le cérium ou le lithium. Les propriétés chimiques et électromagnétiques de ces éléments sont mises à profit pour fabriquer éoliennes ou téléphones portables.

Cette affaire illustre les frictions entre Pékin, qui espère faire de ces ressources stratégiques un atout pour son développement, et les vieilles puissances industrielles qui comptent sur ces minerais extraits à bas prix en Chine pour nourrir leurs technologies de pointe (électronique, production d’énergie, motorisations hybrides, etc.).

La Chine a fixé des quotas d’exportation de 30.000 tonnes pour 2012, autant qu’en 2011. Mais en 2011, ses exportations de terres rares ont à peine atteint la moitié des quotas.

Le conflit pose aussi des questions écologiques. Les conditions d’extraction de certains de ces minerais sont régulièrement dénoncées comme catastrophiques, entre rejets de déchets toxiques, pollution des nappes phréatiques, gâchis de terres arables et manque de protection pour les ouvriers.

Ailleurs qu’en Chine, l’industrie minière est à la traîne. L’Amérique du Nord, notamment le Canada, est considérée comme un gisement d’avenir, mais le secteur des terres rares y reste très peu développé face aux besoins.

Dans une première affaire, l’OMC a fait pencher la balance en faveur des importateurs. La Chine a été condamnée à l’issue d’une procédure lancée en 2009 par les Etats-Unis, l’Union européenne et le Mexique. Le jugement en appel date du 30 janvier.

Ce dossier concernait la bauxite, le charbon à coke, la fluorite, le magnésium, le manganèse, le silicium métallurgique, le carbure de silicium, le phosphore jaune et le zinc, autant de minerais où la Chine est en position dominante.

Mais « la Chine n’a fait aucun effort pour lever ses autres restrictions à l’export. Cela ne nous laisse pas le choix », a expliqué le commissaire européen.

Comment rendre efficace le droit de l’environnement

Stéphanie Senet
www.journaldelenvironnement.net/article/comment-rendre-efficace-le-droit-de-l-environnement,28038 – 14.03.2012

Le préjudice écologique va-t-il entrer dans le Code civil ?

Le Club des juristes a rendu public, ce 14 mars, un rapport critique sur la responsabilité environnementale. Pour ce think tank, la réforme du Code civil s’impose, afin d’inscrire en toutes lettres l’obligation de réparer un dommage causé à l’environnement.

En cas de pollution, magistrats et avocats dégainent un vieil article du Code civil. Promulgué en 1804, l’article 1382 précise ainsi que «tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer».

Or ce texte montre lui-même ses limites, comme le rappelle le rapport du Club des juristes. Le dommage doit d’abord être causé «à autrui». Le fondement juridique de la réparation, tout comme ses modalités, ne sont ensuite pas précisés. Quelle est la nature d’un préjudice réparable? Qui peut agir en justice? C’est la jurisprudence qui doit le définir, sachant qu’elle adopte, selon Yann Aguila, qui préside la commission Environnement, «des solutions diverses, contradictoires, voire incohérentes».

A y regarder de près, il existe pourtant la loi du 1er août 2008 sur la responsabilité environnementale (LRE). Transposant notamment la directive européenne du 21 avril 2004 (qui applique le principe du pollueur-payeur et renforce la répression des pollutions en mer), ce texte mérite d’être révisé. «Il n’a quasiment jamais été appliqué à cause de son champ d’application, qui se limite aux dommages graves et qui comporte beaucoup d’exceptions, comme les pollutions diffuses», explique Yann Aguila.

Sur le papier, un exploitant peut être obligé à réparer en nature les dommages graves que son activité cause à l’environnement, lorsque sont en jeu la santé liée à la contamination des sols, l’état écologique des eaux, ou encore l’atteinte aux espèces et aux sites protégés par la directive Natura 2000. Dans les faits, de nombreux dommages sont exclus de la LRE.

Adossée à la constitution, la Charte de l’environnement rappelle quant à elle le principe de la responsabilité environnementale (art. 4), via la réparation des dommages causés. Mais elle ne règle pas le problème puisqu’elle renvoie à la loi le soin de définir les conditions de son application.

«Au final, tous les juristes s’accordent aujourd’hui pour dire qu’une nouvelle loi doit venir compléter le Code civil», estime l’ancien conseiller d’Etat, à la tête d’une commission composée d’une dizaine de membres de différents horizons: publicistes, privatistes, juges, avocats d’entreprises ou d’associations environnementales, ou encore universitaires. Selon lui, réformer la loi de 2008 serait plus difficile et moins adapté puisqu’elle est issue d’une directive européenne basée sur des pouvoirs coercitifs donnés aux préfets.

 

 

Cette réforme de la responsabilité environnementale civile avait déjà été suggérée par le rapport Lepage de 2010. Le Club des juristes propose de lui donner corps grâce à deux nouveaux articles. Le premier préciserait le dommage à l’environnement en toutes lettres, pour dépasser la limite actuelle du dommage à caractère personnel: «Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à l’environnement un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer» (Article 1382-1). Toute atteinte à l’eau, au sol, à l’air, à la biodiversité serait concernée.

Quant à la réparation, elle ne serait plus seulement financière mais aussi concrète, comme l’imagine déjà la loi LRE. Le think tank propose d’écrire que «la réparation du dommage à l’environnement s’effectue à titre prioritaire en nature, selon les modalités définies par les articles L. 162-6 et suivants du code de l’environnement».

Les juges judiciaires devraient alors bénéficier des pouvoirs conférés par la LRE aux préfets: évaluation de la nature et de l’étendue du dommage, choix des mesures de réparation, surveillance et contrôle des actions réparatrices. Celles-ci pourront consister en un plan de réhabilitation d’un site, en une dépollution des berges, en une implantation d’alevins, etc. Et à défaut d’action possible, des dommages-intérêts seraient affectés à un fonds dédié à la protection de l’environnement, dont la gestion serait confiée à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. «L’Ademe joue déjà un rôle dans la réhabilitation des sites pollués, en cas de sites orphelins. L’extension de ses compétences serait naturelle», précise l’ancien commissaire du gouvernement.

Qui pourrait agir? Le rapport est moins précis sur ce point. Il ouvre plusieurs pistes, comme les associations ou la puissance publique, dont les collectivités locales. «Le Brésil a adopté dans sa constitution une procédure intéressante. L’action publique civile environnementale permet au parquet ou à des associations de porter une action en réparation devant un tribunal civil», poursuit le professeur de droit public.

Sur le fondement juridique, enfin, le rapport préconise un régime de responsabilité pour faute «qui pourrait s’étendre selon les cas à une responsabilité sans faute, voire à des mécanismes de présomption, de plus en plus fréquents en droit de la santé», ajoute Yann Aguila.

Pour lire le rapport : http://www.leclubdesjuristes.com/notre-expertise/a-la-une/rapport-sur-la-responsabilite-environnementale-la-question-de-droit-civil-du-xxieme-siecle

Durban, un bilan au-delà de l’arène officielle (1/2)-La justice climatique en quête d’une stratégie globale

Maxime Combes
www.mouvements.info/Durban-un-bilan-au-dela-de-l-arene.html – Mouvements, 28.02.2012

Beaucoup a déjà été dit et écrit sur la dernière conférence internationale sur le climat qui s’est tenue à Durban (Afrique du Sud – COP17) en décembre dernier. Principalement, voire quasi-exclusivement à partir des négociations entre les pays. Dans les commentateurs pris globalement, il y a ceux qui, dans la continuité de la position officielle de l’Union Européenne et de la France, se satisfont une nouvelle fois du compromis final, «le maximum de ce que l’on pouvait obtenir», et ceux qui dénoncent des négociations incapables d’infléchir le cours des choses en prenant des décisions, notamment de réductions d’émissions, qui soient à la hauteur des défis climatiques auxquels nous sommes confrontés (1). Dans les deux cas, et bien qu’étant partie prenante de cette seconde catégorie, de telles analyses font la part belle à l’arène officielle, délaissant les dynamiques à l’oeuvre dans la société civile et, qui plus est, dans les sociétés. Si ce texte n’a pas la prétention d’éclairer l’ensemble de ces dynamiques, il a pour objectif de relater quelques-uns des éléments saillants des initiatives de la société civile qui se sont déroulés à l’extérieur des négociations officielles, à Durban et ailleurs, afin de discuter quelques hypothèses de compréhension et quelques propositions déjà sur la table. Ce texte ne prétend pas épuiser ce travail d’analyse et de réflexion. Il est absolument nécessaire de l’approfondir. Ce d’autant plus qu’année après année, les critiques sur l’intérêt de participer à de telles conférences de l’ONU, souvent légitimes et parfois justifiées, se font plus fortes.

Au-delà de la manifestation traditionnelle !

A chaque COP sa manif, voire ses manifs. Partie immergée des initiatives de la société civile, la manifestation est généralement traitée par la presse, souvent de manière routinière. Près de 100 000 personnes à Copenhague (2). Deux manifs quasi simultanées de 3 à 4 000 personnes à Cancun (3). Environ 10 000 personnes à Durban (4). Et sans doute très peu l’année prochaine à Doha (Qatar). Pourtant, l’exemple de Durban montre qu’énumérer le nombre de manifestants est largement insuffisant pour caractériser ce qu’exprime une manifestation. Si la manifestation lors du sommet de Copenhague, présenté en son temps comme « celui de la dernière chance », fut sans nul doute la plus massive, c’est bien la manifestation de Durban qui fut la plus populaire et la moins éloignée de notre quotidien. Bien-entendu, les slogans pour la justice climatique, des financements climat et des véritables réductions d’émissions de gaz à effets de serre, ou contre les marchés carbone et les dispositifs REDD n’avaient pas disparu. Ce sont pourtant ceux réclamant des « climate jobs », l’accès à l’énergie pour le plus grand nombre et la dénonciation des coupures de courant qui compliquent la vie de millions de sud-africains, la défense des paysans ou des « waste pickers », contre les pollutions vécues au quotidien par les populations les plus exposées, etc. qui ont impulsé le rythme de la manifestation. Les politiques énergétiques étaient au cœur des cortèges : rejet du nucléaire, slogans contre les « énergies sales » ou « pour les énergies renouvelables », revendications pour laisser le pétrole le charbon et le gas dans le sol, etc… Par leurs chants, leurs danses et leurs slogans – notamment Amandla le cri de ralliement des opposants à l’apartheid – paysans, travailleurs des déchets, syndicalistes, femmes, jeunes, ont fait de cette manifestation une manifestation populaire, déterminées et dynamique. Contrastant avec l’atonie, l’inertie et l’entre-soi des négociations officielles.

 

 

Dès avant la COP, des initiatives qui changent la donne

Plusieurs initiatives en amont et pendant la COP ont permis d’articuler des réalités et préoccupations locales ou régionales aux enjeux internationaux et faciliter une mobilisation populaire. Par exemple, la Via Campesina avait décidé d’organiser des caravanes depuis le Mozambique pour assurer une importante et visible présence de petits paysans. Pari gagné si l’on en croit la mobilisation réussie pour la souveraineté alimentaire organisée dans les rues de Durban le 5 décembre (5). Par ailleurs, une nouvelle alliance africaine pour la souveraineté alimentaire a été lancée (6) à Durban. Sûr que le mouvement international pour la souveraineté alimentaire en sort renforcé pour s’opposer aux propositions inacceptables visant à intégrer l’agriculture dans les dispositifs de marché carbone et le projet de « climate smart agriculture » de la Banque Mondiale (7).

Autre réussite, l’organisation par la branche sud-africaine des Amis de la Terre d’une semaine des énergies sales juste avant la COP17. Avec la participation d’une quinzaine d’organisations africaines et internationales, cette semaine a suscité « une véritable synergie » entre celles et ceux qui venaient à Durban pour s’opposer avec force à « l’exploitation d’énergies sales et aux fausses solutions telles que les marchés carbone ». Durant cette semaine, il a été souligné que les institutions internationales et les gouvernements devaient être tenus responsables de leurs actes et de l’exploitation des énergies sales, telles que les gaz et pétrole de schiste, les sables bitumineux, le pétrole lourd, les grands barrages, etc. (8). Prolongés par de nombreux autres ateliers et actions de rues pendant les 15 jours de la COP, ces débats ont permis de renforcer les alliances et convergences entre organisations, réseaux, communautés, qui travaillent et se mobilisent pour des alternatives aux grandes orientations énergétiques mondiales actuelles. De nombreuses actions de solidarité et de soutien aux communautés locales victimes des agissements des multinationales pétrolières, gazières ou minières ont été organisées pendant la COP17, démontrant par-là que les logiques sont les mêmes partout sur la planète et que la consommation d’énergies fossiles ou de ressources minières ici a de graves répercussions sur le climat, mais aussi sur des populations locales à différents endroits sur la planète.

Un sommet de la société civile utile et remarquable…

Malgré des désaccords politiques parfois assez profonds au regard de la situation en Afrique du Sud, un comité de la société civile pour la COP17 (C17), très large, comprenant des représentants de 16 organisations sud-africaines (mouvements sociaux, syndicats, organisations pour la justice environnementale, ONG, organisations confessionnelles) a pu organiser et faciliter l’existence d’un seul espace de la société civile, au sein duquel chaque composante était en mesure de mener ses propres activités. Par exemple, une « tente des femmes rurales » a offert un espace ouvert quasi en continu à des organisations et femmes venues de nombreux pays, notamment africains, pour partager leurs luttes, échanger, se former, construire de nouvelles campagnes. Organisé à l’université de Kwazulu-Natal, cet espace ouvert et inclusif proposait de nombreuses activités culturelles. Il a joué un véritable et très intéressant rôle de brassage thématique, géographique et politique qui ne recoupe pas totalement celui réalisé par le processus des Forums sociaux, et renforçant très clairement l’extension géographique du mouvement altermondialiste et pour la justice climatique. Autre manière de percevoir cette articulation : les activités du Forum Social Mondial de Dakar en février 2010 sur la justice climatique ont été très utiles pour préparer Durban à l’échelle africaine et il ne fait guère de doute que la réussite du Forum Social Mondial de Dakar a également été source d’inspiration et de continuité pour organiser cet espace unique et réussi de la société civile à Durban.

Au sein de cet espace, la campagne pour 1 million de « climate jobs » fut sans doute la plus visible. A l’initiative d’une coalition de syndicats britanniques, cette campagne s’exporte désormais en Afrique du Sud par l’intermédiaire notamment de la Cosatu, principale centrale syndicale sud-africaine. Les conférences et ateliers sur ce thème ont été particulièrement suivis, avec une très forte participation locale, démontrant combien l’articulation entre les syndicats et le mouvement pour la justice climatique et environnementale est possible. Et qu’il est souhaitable de le renforcer. Mais pas à n’importe quel prix. Si cette campagne a choisi le terme de « climate jobs » et non de « green jobs », c’est que les dynamiques à l’oeuvre autour de ce qui est appelé « l’économie verte » ne correspondent pas aux exigences portées par cette campagne. Par « climate jobs », il s’agit de promouvoir les emplois qui font partie de la solution pour une réduction drastique des émissions de gaz à effets de serre : énergies renouvelables, transports collectifs, efficacité énergétique, etc. Et pas seulement de repeindre en vert des activités intrinsèquement problématiques du point de vue des exigences climatiques (9), de la préservation des ressources naturelles et de la satisfaction des besoins et exigences sociales.

…servant de base arrière à de nombreux mouvements pour intervenir dans la COP17

Cet espace de la société civile a également servi de base arrière à l’alliance internationale des récupérateurs de déchets, ces travailleur-se-s qui vivent et meurent de nos poubelles (10). Organisés en associations locales et nationales, ces travailleur-se-s se battent contre les projets d’incinérateurs de multinationales financés par la Banque Mondiale ou par l’intermédiaire des mécanismes de développement propre (MDP). Mouvement de base par excellence, ils portent une critique radicale des modèles de développement d’infrastructures inutiles et dangereuses qui vont à l’encontre de leurs intérêts vitaux et des intérêts de la majorité de la population. Prônant le « réduire, réutiliser, recycler », ils portent leurs critiques et alternatives jusqu’au coeur des négociations, avec un certain succès et intérêt médiatique. En décentrant le regard sur les négociations climatiques, ce mouvement ramène l’observateur attentif aux réalités que vivent les populations.

L’arène officielle peut également parfois faire résonner plus fort des réalités vécues par les populations locales et relatées lors d’ateliers ou conférences qui se tiennent dans l’espace de la société civile. Prenons un exemple. Comme déjà énoncé plus haut, les énergies sales et les immenses installations industrielles qu’elles nécessitent pour être extraites, traitées, acheminées et utilisées ont largement été dénoncées à Durban par les populations qui en vivent les conséquences. Ce 30 novembre 2011, ces réalités ont été l’objet d’un écho important à l’intérieur même des négociations, en raison de la présentation d’un rapport (11) des organisations Urgewald (Allemagne), GroundWork et Earthlife Africa Johannesburg (Afrique du Sud), et du réseau international Banktrack. Sans doute en mal d’informations nouvelles, les médias présents ont fortement relayé les conclusions de ce rapport portant sur les portefeuilles des plus grandes banques mondiales et les classant sur la base de leurs financements dans l’industrie du charbon. Source très importante d’émissions de gaz à effets de serre, les centrales à charbon, dont les projets Medupi et Kusile (12) fortement décriés en Afrique du Sud, se sont donc retrouvées sous le feu des projecteurs. Tout comme certains acteurs majeurs des crises financières et économiques actuelles, les banques JP Morgan Chase, Citi, Bank of America, mais aussi BNP Paribas, Crédit Agricole et Société Générale, côté français, dont les investissements « climaticides » ont été livrés à la vindicte publique !

P.-S.

1) Voir ici par exemple : http://climat.blogs.liberation.fr/d…
2)http://climatjustice.org/2009/12/11…
3) http://alter-echos.org/justice-clim…
4) http://alter-echos.org/justice-clim…
5) Voir la déclaration de la Via Campesina issue de l’Assemblée des opprimés organisée ce jour-là : http://viacampesina.org/fr/index.ph…
6) http://www.africanbiodiversity.org/…
7) Les sols et pratiques agricoles, pour peu qu’elles soient favorables à la capture et au stockage du CO2, deviendraient éligibles aux dispositifs de compensation carbone. Monsanto et d’autres multinationales pourraient ainsi valorisé les brevets déposés sur certaines de ces techniques, semences, etc.
8) Voir ici par exemple : http://www.groundwork.org.za/Press%…
9) Voir par exemple cette interview où Rehana Dada présente cette distinction : http://www.youtube.com/watch?v=_Yzv…
10) Voir cet article : http://alter-echos.org/voir-et-lire…
11) http://www.amisdelaterre.org/Qui-fi…

12) Projets qui ont obtenu des prêts du Crédit Agricole, de BNP Paribas, de Société Générale et du CIC, ainsi que de l’État français au travers d’une garantie de la Coface et d’un prêt de la Banque Mondiale.