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Articles du Vendredi : Sélection du 15 novembre 2013 !

La concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère n’a jamais été aussi élevée

AFP
www.lemonde.fr/planete/article/2013/11/06/la-concentration-des-gaz-a-effet-de-serre-n-a-jamais-ete-aussi-elevee_3509026_3244.html

Climat : la Pologne, championne du charbon, accueille les négociations

Laurence Caramel
www.lemonde.fr/planete/article/2013/11/11/climat-la-pologne-championne-du-charbon-accueille-les-negociations_3511616_3244.html

L’AIE confirme ses noirs scénarios

Valéry Laramée de Tannenberg
www.journaldelenvironnement.net/article/l-aie-confirme-ses-noirs-scenarios,39018?xtor=EPR-9

Climat : « Il faut absolument aboutir à un accord en 2015 »

Propos recueillis par Aurélie Faure et Philippe Ricard (à Bruxelles)
www.lemonde.fr/planete/article/2013/11/13/climat-il-faut-absolument-aboutir-a-un-accord-en-2015_3513225_3244.html

Laurence Tubiana: « il faut renforcer l’idée du long terme dans nos institutions »


http://lesdebatsdudd.blog.lemonde.fr/2013/11/14/trois-questions-a-laurence-tubiana-renforcer-long-terme/

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La concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère n’a jamais été aussi élevée

AFP
www.lemonde.fr/planete/article/2013/11/06/la-concentration-des-gaz-a-effet-de-serre-n-a-jamais-ete-aussi-elevee_3509026_3244.html

Jamais la concentration des trois principaux gaz à effet de serre, à l’origine du réchauffement climatique, n’a été aussi élevée dans le monde qu’en 2012, a annoncé mercredi à Genève l’Organisation météorologique mondiale, une agence de l’ONU.

Entre 1990 et 2012, « le forçage radiatif de l’atmosphère par les gaz à effet de serre, qui induit un réchauffement climatique, a augmenté de 32 % », à cause du CO2 et d’autres gaz qui retiennent la chaleur, écrit l’OMM dans son bulletin sur les gaz à effet de serre.

Le forçage radiatif est la capacité ou non à absorber l’énergie du soleil. Un forçage radiatif positif, comme c’est le cas actuellement, indique donc un réchauffement de l’atmosphère. Lors de la précédente étude, concernant 2011, ce différentiel n’était que de 30 %.

« CONSÉQUENCES CATASTROPHIQUES »
Selon Michel Jarraud, secrétaire général de l’OMM, si le monde continue sur cette voie, « la température moyenne du globe à la fin du siècle pourrait dépasser de 4,6 degrés ce qu’elle était avant l’ère industrielle [1750], et même plus dans certains régions, les conséquences seraient catastrophiques ».

Le dioxyde de carbone est le principal responsable du réchauffement climatique. Sa concentration dans l’atmosphère a augmenté en 2012 de 2,2 ppm (parties par million), à comparer avec une hausse de 2,0 ppm en 2011. La hausse moyenne durant ces 10 dernières années était de 2,02 ppm, et les chiffres de 2012 montrent une « accélération de la tendance ».

Le CO2 « demeure dans l’atmosphère pendant des centaines voire des milliers d’années », explique l’OMM, « la plupart des aspects du changement climatique persisteront pendant des siècles même si les émissions de CO2 cessaient sur le champ ».

Climat : la Pologne, championne du charbon, accueille les négociations

Laurence Caramel
www.lemonde.fr/planete/article/2013/11/11/climat-la-pologne-championne-du-charbon-accueille-les-negociations_3511616_3244.html

« Le défi auquel nous faisons face n’est pas technique […], il est politique. » C’est ainsi que le secrétaire exécutif du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), l’Allemand Achim Steiner, a commenté le rapport annuel de l’ONU sur le réchauffement climatique publié avant la conférence annuelle sur le climat à Varsovie la semaine prochaine.

Les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) seront de 8 à 12 milliards de tonnes au-dessus des objectifs en 2020, même si les pays étudiés adhèrent aux accords sur la limitation des émissions, selon ce document. Les scientifiques estiment que, si le réchauffement était contenu sous les 2 °C, les pires conséquences du changement climatique pourraient être évitées, mais, selon ce rapport, cela impliquerait de réduire les émissions de GES de 14 % d’ici à 2020.

 

L’actualité dramatique aux Philippines planera cette année encore sur la conférence annuelle de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques, qui s’est ouverte lundi 11 novembre, à Varsovie, pour deux semaines. Le typhon Haiyan, qui s’est abattu vendredi sur l’archipel, fait en effet écho à son prédécesseur Bopha, survenu en décembre 2012, alors que les négociateurs étaient réunis à Doha (Qatar).

En « solidarité » avec son pays et afin d’obtenir des avancées, le délégué des Philippines, Naderev Sano, a annoncé qu’il allait « volontairement jeûner » durant la conférence « jusqu’à ce que des résultats significatifs soient en vue ».

En 2012, il avait déjà rappelé au Monde ce que coûte aux pays vulnérables l’incapacité des grands pollueurs à parvenir à un accord :

« Le changement climatique avance très vite et quand nous voyons l’état des négociations, oui, la frustration et l’émotion montent. Quand je pense aux gens chez moi qui souffrent à cause des catastrophes naturelles, pas une fois mais plusieurs fois par an, je me dis que je dois continuer à me battre. Cela me brise le coeur de voir, d’un côté, toute la souffrance que provoque ce typhon qui a encore frappé mon pays et, de l’autre, le monde qui n’a pas trouvé la volonté politique d’agir contre le changement climatique comme il le devrait ».

« Le réchauffement climatique renforce la puissance des typhons »

« UNE MANIFESTATION DE L’
INDUSTRIE DU TABAC À CÔTÉ D’UN CONGRÈS SUR LE CANCER« 

Pour la deuxième année consécutive également, la conférence « climat » se tient dans un pays connu pour la dureté de ses positions. La Pologne a été jusqu’à organiser un Congrès mondial du charbon à deux pas du grand stade où se réunissent les délégations onusiennes.

Une façon très directe de rappeler qu’elle n’entend pas se passer de l’énergie la plus polluante au monde, dont elle dépend à 95 % pour ses approvisionnements. « La houille et le lignite, et bientôt le gaz de schiste, resteront pour nous les principales sources d’énergie », a récemment déclaré le premier ministre, Donald Tusk.

« C’est comme s’ils lançaient une invitation à une manifestation de l’industrie du tabac à côté d’un Congrès mondial sur le cancer », a dénoncé Jamie Henn, le porte-parole de la campagne internationale 350 ppm, en appelant la secrétaire exécutive de la convention, Christiana Figueres, à réclamer « la fin du charbon ».

De son côté, l’Union européenne (UE) tente de minimiser les écarts de ce membre de la famille plutôt gênant, alors qu’elle affiche toujours l’ambition de se montrer exemplaire dans la négociation. « La présidence d’une conférence climat a un rôle limité et les Polonais ne peuvent faire n’importe quoi. Ils sont tenus de respecter la position de l’Union, qui a été arrêtée en conseil des ministres le 14 octobre », se rassure un fonctionnaire bruxellois.

La réalité est que la Pologne, sur laquelle s’alignent les autres pays du groupe de Visegrad (Hongrie, République tchèque, Slovaquie), est un vrai problème pour l’UE. Un seul exemple : Varsovie ne souhaite pas dévoiler, avant 2015, ses engagements chiffrés de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui devront figurer dans l’accord. 2015 est la date butoir que se sont fixée les 195 pays membres à Durban, il y a deux ans, pour parvenir à un accord global, dont l’objectif reste de contenir l’élévation moyenne des températures à 2 C. Or toute la diplomatie de l’UE consiste à obtenir ces engagements chiffrés dès 2014, pour avoir le temps de les évaluer et de les discuter.

 

IL NE FAUT PAS S’ATTENDRE À DES ANNONCES SPECTACULAIRES

De quoi parlera-t-on à Varsovie ? De tout, car aucun des dossiers devant composer le futur accord n’est réglé. Pour autant, les Nations unies, pour ne pas laisser cours à de fausses attentes, ont pris soin de préciser qu’il ne s’agirait que d’une conférence « d’étape ». Il ne faut donc pas s’attendre à des annonces spectaculaires.

Sur le Fonds vert, par exemple, promis aux pays en développement pour les aider à financer leur politique de lutte contre le changement climatique, on peut tout au plus, semble-t-il, espérer l’adoption d’une date pour une première levée de fonds. En 2009, lors de la conférence de Copenhague, les pays industrialisés se sont engagés à verser 100 milliards de dollars (74,7 milliards d’euros) par an d’ici à 2020.

Les pays les plus vulnérables au changement climatique se saisiront sans doute de la catastrophe philippine pour réaffirmer leur demande de création d’un mécanisme de compensation pour « pertes et dommages » qui leur donnerait les moyens de s’adapter à la récurrence des événements climatiques extrêmes, ou bien à la perte de territoire dans le cas des petites îles.

Pour la France, qui a pris la lourde responsabilité d’accueillir la conférence de 2015, l’important sera d’obtenir la signature d’une « feuille de route » cadrant la négociation jusqu’à Paris. De manière à se donner une chance de déminer, étape par étape, les points de désaccords. Sans attendre, comme cela avait été fatal à Copenhague, le dernier moment pour constater qu’un compromis serait impossible.

Au cours des derniers mois, les Etats-Unis et la Chine ont montré leur volonté de collaborer dans la lutte contre le changement climatique, notamment à travers un projet visant à éliminer les gaz à effet de serre à courte durée de vie, mais à très fort pouvoir de réchauffement, comme le méthane ou les gaz HFC. C’est un signal positif, car il n’y aura pas d’accord en 2015 sans entente entre les deux premières puissances mondiales.

Pour autant, les divergences restent immenses et aucun négociateur ne se risquerait aujourd’hui à parier qu’un échec semblable à Copenhague peut être écarté.

Une hausse possible de 4,8 ºC d’ici à la fin du siècle

Le cinquième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), publié fin septembre, a confirmé l’origine anthropique du changement climatique. Il évalue à 0,85 ºC le réchauffement moyen depuis 1880 et estime que les trois dernières décennies sont « probablement » les plus chaudes depuis mille quatre cents ans.

En fonction des scénarios de développement économique (du plus sobre au plus émetteur), les modèles climatiques prévoient une élévation de températures de 0,3 ºC à 4,8 ºC d’ici à la fin du siècle.

Seul le scénario le plus sobre, et aussi le plus improbable, a une chance supérieure à 50 % d’éviter de dépasser le seuil de 2 ºC, jugé dangereux par les experts.

L’AIE confirme ses noirs scénarios

Valéry Laramée de Tannenberg
www.journaldelenvironnement.net/article/l-aie-confirme-ses-noirs-scenarios,39018?xtor=EPR-9

Publié ce mardi 12 novembre, le rapport annuel de l’Agence internationale de l’énergie confirme un réchauffement de 3,6°C d’ici la fin du siècle. Si nous ne faisons rien de plus, évidemment.

Les années se suivent et se ressemblent. L’adage vaut particulièrement pour la futurologie énergétique, un peu, et surtout climatique. Comme chaque année à pareille époque, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) publie son rapport de prospective. Pesant ses quelque 700 pages, la mouture 2013 n’est pas plus rassurante que la précédente.

Malgré les engagements des uns et des autres à améliorer son efficacité énergétique, réduire sa consommation de kilowattheures ou de tonnes équivalent pétrole (TEP), et d’alléger son empreinte carbone, l’avenir de la planète reste désespérément noir de carbone.

Une consommation qui augmente d’un tiers

L’appétit d’énergie reste croissant. Entre 2011 et 2035, l’AIE prévoit une hausse de 30% de la consommation, toutes énergies confondues. L’essentiel de cette hausse (90%) provient du fort développement de l’Asie (Chine et Inde, en tête) et du Moyen Orient. A ce propos, l’institution parisienne estime que cette dernière région sera le second consommateur mondial de gaz, dès 2020, et le troisième consommateur de pétrole, 10 ans plus tard.

La satisfaction des besoins grandissant de la Chine et de l’Inde, le développement rapide de l’autoconsommation des pays du Golfe et le déclin accéléré (6%/an) des champs ayant passé leur pic de production vont nourrir le besoin d’exploiter les hydrocarbures non conventionnels. Leur production devrait doubler d’ici 2035. Ils fourniront alors un tiers de la production d’huile, contre 20% actuellement.

Cette recherche à tout crin de gisements nouveaux va dynamiser les activités d’exploration. Cette année, affirment les statisticiens de l’organisation de l’OCDE, les compagnies pétrolières consacreront 700 milliards de dollars (521 Md€) à percer des trous. Un record qui devrait être battu ces prochaines années, rappelait récemment une étude de l’Institut français du pétrole et des énergies nouvelles.

37 milliards de tonnes de CO2 par an

Les compétences des géologues seront aussi très précieuses aux compagnies minières. Car malgré sa mauvaise presse, le charbon restera l’énergie reine pour la production d’électrons. Certes, sa part dans le mix diminuera (de 41% à 33% de la production de courant), mais sa production mondiale doit croître de 17% pour satisfaire les besoins des électriciens.

Les énergies décarbonées prospéreront, elles aussi. Le nucléaire devrait maintenir ses positions actuelles: 12% de l’énergie électrique produite dans le monde. En revanche, les énergies vertes devraient contribuer pour 31% du mix planétaire, contre 20% en 2011. Ce qui supposera probablement de leur transférer une partie des subventions accordées pour la consommation d’énergies fossiles (544 Md$ -405 Md€- en 2011).

Avec cette chronique d’une noirceur annoncée, notre bilan carbone va sérieusement s’alourdir. Dans le meilleur des cas, les émissions du secteur énergétique devraient progresser de 20%, culminant à plus de 37 milliards de tonnes par an à l’horizon 2035.

Dit autrement, nous sommes sur la voie d’un réchauffement de 3,6°C d’ici la fin du siècle. Ce qui ne semble pas avoir ému les milliers de participants au 19e sommet climatique mondial, qui s’est ouvert ce matin à Varsovie.

Profitant de l’ouverture de la conférence de Varsovie, CDC Climat publie son traditionnel Chiffres clés du climat. Petite nouveauté: l’édition 2014 présente l’évolution des émissions tricolores, en prenant en compte les importations. Instructif. Globalement, les émissions tricolores ont diminué de 13%, entre 1990 et 2011, indique l’opuscule. A moins, bien sûr que l’on intègre les émissions des produits made in ailleurs, tout en déduisant celles des biens fabriqués dans l’Hexagone puis exportés. Là, tout s’inverse. En prenant cette approche «Empreinte», la France voit ainsi ses rejets de GES progresser de 14,2% entre 1990 et 2007. Trop d’importations, sans doute.

Climat : « Il faut absolument aboutir à un accord en 2015 »

Propos recueillis par Aurélie Faure et Philippe Ricard (à Bruxelles)
www.lemonde.fr/planete/article/2013/11/13/climat-il-faut-absolument-aboutir-a-un-accord-en-2015_3513225_3244.html

La commissaire européenne au climat, Connie Hedegaard, espère des progrès lors de la 19e conférence de l’ONU sur le changement climatique, à laquelle elle participera du 18 au 22 novembre, à Varsovie.

Dans un entretien à un groupe de journaux, dont Le Monde, elle réitère la volonté de l’Europe d’aboutir à un accord international en 2015 à Paris.

Qu’attendez-vous de la conférence des Nations unies sur le changement climatique à Varsovie ?

Connie Hedegaard : Je n’attends pas d’annonce majeure, mais j’espère que cette conférence permettra de progresser dans la voie d’un accord mondial. Nous devons avancer sur différents sujets pour avoir une chance de trouver un compromis lors de la conférence de Paris en 2015. Il nous faut limiter le réchauffement climatique en dessous de 2 degrés par rapport aux températures du début du XXesiècle.

Pensez-vous que les Polonais, qui organisent la conférence alors qu’ils rechignent à lutter contre le réchauffement climatique en Europe, sont en mesure de piloter les discussions ?

La Pologne, pays hôte, a, dans ce cadre précis, une fonction de conciliateur. Si j’étais à la place des Polonais, je tiendrais à montrer au reste du monde que je préside la conférence de manière irréprochable, sans chercher à défendre mes intérêts nationaux ! Je suis certaine que les autorités polonaises seront soucieuses de montrer qu’elles assurent la présidence de manière optimale.

Les désastres provoqués aux Philippines par le typhon Haiyan ne viennent-il pas rappeler aux politiques l’urgence d’agir pour le climat ?

Il est prématuré d’affirmer que cet événement est le résultat du changement climatique. J’attendrais les conclusions des scientifiques pour m’assurer qu’il y a un lien entre les deux événements. Cependant, il est clair que les scientifiques nous alertent sur la multiplication des événements climatiques extrêmes. C’est un exemple de plus.

Avec la multiplication de ces événements climatiques extrêmes, ne faudrait-il pas promouvoir des politiques d’aide aux victimes ?

Nous ne souhaitons pas fédérer les pays donateurs autour d’un système de compensation des victimes. Nous réfléchissons à la façon dont nous pourrions intégrer les compagnies d’assurance, sans entrer dans un véritable mécanisme de prise en charge public. Pour cela, nous avons besoin de connaître les besoins des pays demandeurs d’aide. Lors de différentes réunions entre responsables politiques, nous avons demandé aux pays concernés ce qu’ils attendaient précisément. Ils n’ont malheureusement pas été assez précis. Nous attendons qu’ils reviennent vers nous en exprimant clairement leurs besoins.

La mise en place des fonds prévus pour aider les pays sous-développés à lutter contre le changement climatique prend du retard. Pourquoi ?

Lors des précédentes conférences climatiques de Copenhague (2009) et Cancun (2010), nous avions promis un montant de 100 milliards de dollars [ 74,5 milliards d’euros] par an à partir de 2020. La communauté des donateurs s’est réunie en avril à Washington afin de convenir des moyens d’accélérer ces financements avec la participation des grandes institutions financières comme la Banque mondiale. L’ensemble des intervenants réfléchit au moyen de financer ces fonds avec un effet de levier de l’argent privé sur le financement public. En Europe, 20% de l’aide au développement prévue dans le budget des sept prochaines années est destiné à la finance climatique.

Avec la crise économique, les efforts pour le climat ne passent-ils pas au second rang ?

Nous devons en être convaincus : il n’y a pas de contradiction entre discipline économique et politiques environnementales. Parmi les pays européens les plus résistants à la crise économique, figurent les pays qui ont le plus investi dans les renouvelables : Suède, Danemark, Allemagne et les Pays-Bas. Dans le contexte de la crise, qui amène à vouloir réduire les dépenses dans de multiples domaines, il ne faut pas réduire nos efforts et nos investissements pour la lutte contre le changement climatique.

L’Europe peut-elle encore prétendre jouer un rôle moteur dans les négociations mondiales ?

L’Europe joue toujours un rôle précurseur dans la mise en œuvre des politiques climatiques, et certains pays, comme la Chine, nous envient. Nous avons investi dans les renouvelables et dans l’efficacité énergétique sans que cela n’affecte notre compétitivité. Bien sûr, nous n’arriverons jamais à la situation dont disposent les Etats-Unis avec le gaz de schiste. L’Europe est plus densément peuplée, les citoyens sont plus réticents à de telles évolutions, et les règles environnementales plus contraignantes.

Cependant, il faut reconnaître que notre dépendance aux énergies fossiles continue de croître. Comme le rappelle l’Agence internationale de l’énergie, les énergies fossiles ont coûté l’an dernier 545 milliards d’euros à l’économie mondiale. Il n’y a, dès lors, qu’une solution : se tourner vers les renouvelables et accroître notre efficacité énergétique. L’Europe reste à la pointe, comme le montre les décisions prises pour soutenir le marché européen des certificats de CO2, à travers un gel temporaire des quotas pour en augmenter la valeur. Cela a pris du temps, mais, je l’ai dit dès le début : cette mesure est absolument indispensable.

Qu’en est-il de la proposition faite par l’Europe d’aller vers 30 % de réduction de CO2 en 2020, en cas d’engagement similaire des autres régions ?

En effet, l’Union européenne a proposé de rehausser son objectif de réduction des émissions de 20 % à 30 %, dans l’hypothèse où les pays les plus émetteurs s’engageaient sur des objectifs chiffrés. D’ici à 2020, il est très probable que nous dépasserons notre objectif de réduction des émissions de 20 %. Nous devrions atteindre environ 24-25 %. Mais l’engagement des grands pays pollueurs est nécessaire.

L’Europe n’est-elle pas un peu seule à l’avant-garde ?

Certaines voix disent que l’Europe ne devrait pas être force motrice dans les négociations, parce que les autres pays ne participent pas aux efforts. C’est une incompréhension à mon sens. L’Europe n’est pas seule à l’avant-garde. Je pense, notamment, à la Chine et aux Etats-Unis, qui font à leur manière des efforts substantiels depuis quelques années.

Laurence Tubiana: « il faut renforcer l’idée du long terme dans nos institutions »


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De nombreux intervenants seront avec nous le 9 décembre pour parler alimentation du futur et démocratie écologique. Afin de nourrir les débats, nous les avons interrogés en amont et commençons aujourd’hui une série de courts entretiens avec chacun d’entre eux.

Pour ouvrir le bal, Laurence Tubiana. Fondatrice de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), elle dirige la Chaire Développement durable de Sciences Po et fait partie du comité de pilotage du Débat National sur la Transition Energétique.

Comment concilier temps politique et urgence écologique aujourd’hui ?

Le temps politique est considéré dans nos démocraties comme un temps court car il est rythmé par les élections, encore accéléré par la médiatisation de l’action politique qui privilégie l’instantanéité. Or, l’environnent se réfère au long terme comme la lutte contre le changement climatique ou contre l’érosion de la biodiversité qui suppose des transformations profondes et continues des manières de produire et de consommer et donc des actions qui se poursuivent au-delà des échéances électorales. Il y aurait donc incompatibilité entre le temps long de l’environnement et le temps court de l’action politique.

Pour autant cette opposition est aussi fallacieuse: en effet de grands choix déterminants pour l’environnement comme les infrastructures énergétiques et routières, le développement industriel ou agricole, l’urbanisation environnementaux  se prolongent et perdurent d’une échéance électorale a l’autre d’un gouvernement à l’autre. Il y a bien un temps long de l’action politique.

Le problème c’est que la continuité des décisions joue encore souvent contre la protection de l’environnement. Le modèle dominant qui consomme trop de ressources naturelles et qui est trop polluant profite d’un effet d’inertie à la fois politique et technico économique. La protection de l’environnement est de ce point de vue une contestation, une remise en cause, le changement est plus compliqué que la continuité.

C’est pour cela qu’il est souvent difficile de prendre des décisions qui pourraient être gagnantes à court terme mais qui se heurtent à l’inertie du système, les algues vertes en Bretagne en sont un bon exemple. Mais ce n’est pas une fatalité,  des responsables politiques ont de tout temps, pris des décisions  qui n’étaient pas forcément payantes à court terme (politiquement ou économiquement) mais qui relevaient d’une certaine vision de la société, du « sens » de l’histoire de l’humanité (exemple de l’esclavage ou de l’abolition de la peine de mort en France).

Croyez-vous en la possibilité de trouver des solutions démocratiques aux défis actuels ?

On ne voit pas bien ou serait l’alternative ?! Tout d’abord il ne faut pas confondre « solution démocratique » et « solution avec laquelle tout le monde est d’accord« ! (ex : instituer une éco taxe poids lourds n’est pas anti-démocratique, pas plus que le déploiement des forces de sécurité pour protéger les portiques… Évidemment les « perdants » vont protester, mais c’est le jeu démocratique). Au-delà de ces évidences il faut renouveler le dialogue entre la sphère politique, la sphère technique et les citoyens à travers deux types de mécanismes:

La consultation des citoyens : depuis l’instauration de la Commission Nationale du Débat Public en 1995, et de manière plus systématique depuis le Grenelle Environnement en 2007, les citoyens, à travers leurs représentants (employeurs, syndicats, ONG, collectivités territoriales), sont de plus en plus consultés sur les grandes décisions politiques sensées affecter leur environnement. Si ces pratiques constituent en soi des avancées démocratiques, en ce qu’elles permettent notamment de lutter contre une possible dérive technocratique, elles présentent cependant une limite importante.

Ces innovations ont permis d’instaurer un dialogue entre des communautés qui ne se parlaient guère auparavant, mais elles n’ont pas permis d’instaurer un dialogue à double sens entre ces communautés et l’État. Le flux d’information reste souvent à sens unique lors de ces consultations (depuis les citoyens vers l’État), et les administrations en charge d’organiser ces consultations sont encore réticentes,  pour donner des informations aux citoyens et leur permettre d’évaluer la portée et l’impact de leurs contributions dans la formulation des politiques publiques. Ce retour d’information est une avancée nécessaire pour la démocratie écologique et les nouvelles institutions crées pour cela en France vont dans le bon sens (CESE, CNDTE…)

Il faut aussi revenir sur l’idée de planification: depuis la fin des années 80, la planification a quasiment disparu de l’action publique, du fait de l’imprévisibilité grandissante du monde post- guerre froide, de la montée des individualismes et de la recherche de rentabilité sociale, politique et économique à courte échéance. Si le terme est aujourd’hui dévalué par les responsables politiques, la planification survit à différentes échelles (Agendas 21 locaux, Plans Climat, European Framework Programme). Or cet outil d’action publique -une fois adapté- est utile pour répondre à des enjeux de développement durable : il faut refonder une vision de long terme, débattre des scénarios d’évolution et une pratique nouvelle de planification.

Comment faire évoluer notre système politique pour une meilleure efficacité décisionnelle?

Il faut renforcer l’idée du long terme dans nos institutions: par exemple avec le rôle du le Sénat qui deviendrait une chambre du long terme. Il faut utiliser a plein les nouvelles institutions qui représentent ces intérêts du long terme et qui font une place aux générations futures, aux organisations qui représentent l’environnement. Il faut aussi instaurer des mécanismes d’évaluation et de revue des politiques publiques qui comparent les orientations de long terme –qu’il faut expliciter- avec les résultats obtenus et débattre des corrections ou adaptations nécessaires.