La coupe du monde de foot manque son but climatique
Valéry Laramée de Tannenberg
www.journaldelenvironnement.net/article/la-coupe-du-monde-de-foot-manque-son-but-climatique,92176
Écologie : « oubliez les douches courtes ! »
Mariel Bluteau
www.franceinter.fr/idees/ecologie-oubliez-les-douches-courtes#xtor=EPR-5-[Meilleur06062018]
Déchets plastiques : la dangereuse illusion du tout-recyclage
Nathalie Gontard , Directrice de recherche, professeure, sciences de l’aliment et de l’emballage, INRA
https://theconversation.com/dechets-plastiques-la-dangereuse-illusion-du-tout-recyclage-90359
Féminisme et Ecologie – L’écoféminisme ou la lutte contre le capitalisme patriarcal
…
https://uneseuleplanete.org/Feminisme-et-Ecologie
Lucas Chancel : « Plus on est riche, plus on pollue » 1/2
Entretien avec Lucas Chancel / Propos recueillis par Hervé Kempf
https://reporterre.net/Lucas-Chancel-Plus-on-est-riche-plus-on-pollue
Ez deitu “borroka sektorialak”, oinarriak dira
Lander Arbelaitz
www.argia.eus/blogak/lander-arbelaitz/2018/06/12/ez-deitu-borroka-sektorialak-oinarriak-dira/
La coupe du monde de foot manque son but climatique
Valéry Laramée de Tannenberg
www.journaldelenvironnement.net/article/la-coupe-du-monde-de-foot-manque-son-but-climatique,92176
De prime abord, on pourrait croire que Russia 2018 sera un événement ‘neutre’ en carbone. Il en est, bien sûr, tout autrement. Revue de détails carboniques.
C’est parti! Dans quelques heures, les footballeurs russes et saoudiens fouleront la pelouse du stade Loujniki de Moscou pour disputer le match d’ouverture de la coupe du monde 2018. C’est entendu, l’événement aura une dimension mondiale: un milliard de téléspectateurs et un million de supporters qui ont fait le voyage jusqu’en Russie pour soutenir l’une des 32 équipes en lice.
Programme onusien
Première coupe du monde de ballon rond organisée en Russie, l’événement est encadré par la Fédération internationale (Fifa). Puissante et fortunée, elle est la première institution internationale sportive à avoir adhéré au programme Climate Neutral Now. Peu connu, ce dispositif onusien vise à ‘compenser’ les émissions de gaz à effet de serre générées par la compétition. Et il y a du boulot.
Entre les voyages des supporters, des équipes et des officiels, leur hébergement, la production de goodies et la logistique, la coupe du monde crache du CO2. Lors de l’édition sud-africaine de 2010, la compétition a contribué au relâchement de 2,3 millions de tonnes de GES (Mt éq.CO2). A quoi, il faut ajouter les émissions imputables à la construction des stades, des voiries et de nouveaux hôtels. Et les rejets carbonés des seules équipes de télévision: 24.000 t éq.CO2.
Qui émet quoi?
Les supporters et les équipes venus en avion: 1,1 Mt éq.CO2. Les supporters et les équipes voyageant en Russie: 357.000 t éq.CO2. L’hébergement de tout ce beau monde: 252.000 t éq.CO2. La construction de structures d’accueil temporaires: 84.000 t éq.CO2. La fabrication de gadgets: 63.000 t éq.CO2. Sans oublier le bilan carbone de la bière et des saucisses qui seront consommées par les supporters dans les stades: 105.000 t CO2.
Plus de 2 millions de tonnes de GES
Les premières estimations des rejets de GES de la coupe 2018 sont à peu près du même ordre. Les trois quarts de ces émissions seront le fruit des déplacements des supporters et des équipes. Cette fois, la Fifa entend compenser la totalité des émissions dont elle estime avoir la responsabilité, soit 243.000 t. A quoi elle ajoute 100.000 t qui seront émises par les fans. Sur le site de la Fifa, les acheteurs de billets (il en restait, ce mercredi 13 juin!) sont d’ailleurs invités à cocher la case compensation.
Pas de compensation pour tous
Mais toutes les demandes ne seront pas satisfaites. Loin s’en faut. La Fifa s’engage, en effet, à ‘annuler’ 2,9 t de GES par détenteur de billet. Son budget carbone ‘supporter’ étant fixé à 100.000 t, 34.500 voyages seulement seront compensés: 3% du total.
Autre problème: le Climate Neutral Now proprement dit. Pour annuler (comptablement mais pas physiquement) les émissions, le programme achète, avant de les détruire, des crédits d’émission générés par des projets encadrés par un autre système onusien: le mécanisme de développement propre (MDP). Hélas, en réalité, ces projets contribuent bien peu à la lutte contre le réchauffement. Selon une étude de l’Öko Institut allemand, seuls 2% de ces opérations et 7% des crédits carbone ainsi générés (baptisés URCE) évitent réellement des émissions de GES. Autrement dit, la Fifa compense les émissions de sa coupe avec de la monnaie de singe carbonique.
Des sponsors bien carbonés
Ce n’est pas tout. Car, à côté des engagements de la Fifa, il y a quelques réalités économiques. Le budget de la compétition est abondé par de généreux… sponsors. L’édition 2018 bénéficie des largesses de gros contributeurs au renforcement de l’effet de serre. Le premier d’entre eux n’est pas le moindre émetteur.
Premier exportateur mondial de gaz naturel, Gazprom rejette une centaine de millions de tonnes de GES par an. A côté du groupe dirigé par Alexeï Miller, un intime de Vladimir Poutine, Qatar Airways fait presque pâle figure: 18 Mt CO2 en 2017, en progression de… 45% par rapport à 2014. Premier consommateur mondial de viande bovine, McDonald’s fait beaucoup moins bien encore: 8,6 Mt éq.CO2 par an. Plus de trois fois mieux toutefois que le constructeur automobile Hyundai. Mais après tout l’essentiel, c’est que la planète foot tourne.
Écologie : « oubliez les douches courtes ! »
Mariel Bluteau
www.franceinter.fr/idees/ecologie-oubliez-les-douches-courtes#xtor=EPR-5-[Meilleur06062018]
Est-ce que les gestes écologiques individuels suffisent pour enrayer la destruction de la planète ? « Certainement pas », écrivait l’écrivain américain Derrick Jensen dans un texte provocateur en 2009. Faut-il alors baisser les bras ? « Non plus » répond l’écologiste Cyril Dion. Explications.
« Oubliez les douches courtes »
… ou « Forget Shorter Showers » en langue originale. Cet édito de l’activiste et écrivain américain Derrick Jensen a été publié dans Orion Magazine en 2009. Il y revenait sur le documentaire Une vérité qui dérange, sorti trois ans plus tôt, où on voyait l’ancien candidat à la présidence états-unienne, Al Gore, alerter sur le réchauffement climatique. Un documentaire qui, pour un problème bien réel, propose des solutions biaisées, selon Derrick Jensen : « avez-vous remarqué que toutes les solutions présentées ont à voir avec la consommation personnelle – changer nos ampoules, gonfler nos pneus, utiliser deux fois moins nos voitures – et n’ont rien à voir avec le rôle des entreprises, ou l’arrêt de la croissance économique qui détruit la planète ? »
Même si chaque individu aux États-Unis faisait tout ce que le film propose, les émissions de carbone ne baisseraient que de 22%. Le consensus scientifique stipule pourtant que ces émissions doivent être réduites d’au moins 75%.
Cyril Dion, qui était invité au micro d’Ali Rebeihi dans Grand bien vous fasse, revient sur ce constat :
« Si on se contente de dire « faites des petits gestes » (« prenez une douche plutôt qu’un bain », « éteignez la lumière », « prenez votre vélo ») et qu’on regarde l’impact que ça a en terme de chiffres, malheureusement, c’est très nettement insuffisant.
Par exemple, l’eau. Vous prenez tous les jours une douche très courte plutôt qu’un bain – voire même, vous ne prenez pas de douche tous les jours. Vous économisez l’eau à mort, vous faites la vaisselle avec des bassines… En réalité, l’eau que consomment les particuliers, c’est 9% [de la consommation globale]. L’essentiel de l’eau qui est consommée (et gaspillée), c’est l’agriculture et l’industrie.
Sur les déchets, vous êtes hyper zéro déchet. Vous allez acheter des fringues d’occasion, faire vos courses avec des tupperwares… Malheureusement les déchets domestiques, ce n’est que 8,5% en France »
Autrement dit : on a besoin de changements qui soient plus systématiques.
Quelle(s) solution(s) pour un avenir moins sombre ?
Ce constat ne démoralise pas Cyril Dion : « ce qui nous a amené à cette catastrophe écologique, c’est un modèle de société, un récit. Ce qu’on peut faire, c’est changer ce récit , d’abord à l’intérieur de nous-mêmes. Si vous vous contentez de faire des petits gestes, c’est un peu comme si vous disiez « moi je travaille chez Total mais j’y vais a vélo, donc ça va, parce que quand je vais au vélo, je ne consomme pas de gaz à effet de serre ». Sauf que toute la journée, toute votre activité est consacrée à faire avancer la stratégie de Total, qui est une catastrophe sur la planète ».
Pour Cyril Dion, ces petits gestes sont intéressants à partir du moment où :
1 – Ils créent une conversation
… qui potentiellement ensuite peut amener à un changement d’imaginaire, un changement de représentation des choses. Quand vous dites que vous devenez végétarien, quand vous dites que vous allez en vélo au boulot, c’est l’occasion de raconter une histoire qui peut se propager, au point que des villes peuvent se dire « on va faire 1400 km de piste cyclables » et on va faire plus de place au vélo
2 – Ils sont le début de la révolution
J’arrête d’être prisonnier de ce système où je dois simplement aller travailler pour ramener un salaire (être un bon petit soldat de la machine productiviste et consumériste) et je me dis « Non je suis sur cette planète pour faire quelque chose qui me passionne, pour exprimer quels sont mes talents et pour faire quelque chose qui est utile et qui participe à construire un monde dans lequel j’ai envie de vivre ».
Et l’écologiste conclue, optimiste :
La meilleure façon de changer le monde, c’est de faire le truc qui nous passionne le plus.
Aller plus loin
- le texte de Derrick Jensen complet, traduit en français ici, et monté dans une vidéo, également en français, ci-dessous
- ÉCOUTEZ l’intégralité de l’entretien avec Cyril Dion
- ÉCOUTEZ Disparition d’espèces, biodiversité : sommes-nous déjà en route vers notre propre extinction ?
- VIDÉO – Cyril Dion invité du Grand Entretien de Nicolas Demorand : « Il faut remplacer le récit dominant actuel, matérialiste et consumériste »
Déchets plastiques : la dangereuse illusion du tout-recyclage
Nathalie Gontard , Directrice de recherche, professeure, sciences de l’aliment et de l’emballage, INRA
https://theconversation.com/dechets-plastiques-la-dangereuse-illusion-du-tout-recyclage-90359
En juillet dernier, le gouvernement présentait son plan climat ; parmi les mesures, un objectif de « 100 % des plastiques recyclés à l’horizon 2025 ». La France, avant-dernière des 28 pays de l’Union européenne en matière de recyclage du plastique, est pressée d’améliorer son piteux classement. Dans le même temps, la Chine, première terre d’accueil de nos détritus plastiques, ferme ses frontières aux déchets étrangers. Des vortex géants de plastiques s’installent au cœur de nos océans et, comble de malheur, d’invisibles particules de déchets plastiques s’invitent, c’est officiel, dans nos assiettes. Une question se pose dans un tel contexte : le recyclage intensif de ces déchets constitue-t-il vraiment une étape incontournable du déploiement de l’économie circulaire ? Ou n’est-ce qu’une couche supplémentaire à notre modèle consumériste, une sorte d’emplâtre sur une jambe de bois ?
Symbole de modernité au XXe siècle
Rappelons d’abord que le plastique constitua dans les années 1960 une formidable découverte de la chimie du pétrole. En 1963, deux co-prix Nobel sont attribués en chimie des plastiques pour la découverte de catalyseurs permettant la polymérisation des polyéthylène et polypropylène, aujourd’hui couramment utilisés dans les emballages, par exemple.
Le plastique est devenu depuis une source de richesse (27,5 milliards d’euros de contribution aux finances publiques dans les pays européens) et d’emplois (plus de 1,5 million d’emplois en Europe).
Il a révolutionné le quotidien dans tous les secteurs : bâtiment, automobile, électronique, aéronautique et surtout alimentation ; ici, utilisé comme matériau d’emballage léger et peu coûteux, il assure un progrès énorme en matière de sécurité alimentaire. L’emballage plastique constitue en effet l’élément essentiel de prévention des contaminations extérieures (chimiques ou microbiennes), de préservation de la qualité, de traçabilité des produits et de réduction des pertes et gaspillages en protégeant les aliments.
Un essor sans précédent
L’essor de la production de plastique au cours des 50 dernières années ne se dément pas et devrait doubler dans les deux décennies à venir ; 300 millions de tonnes sont produites chaque année dans le monde – dont plus de 60 en Europe. L’emballage absorbe la grande majorité des plastiques à courte durée d’utilisation (quelques heures seulement pour l’emballage plastique d’une baguette ou d’un steak haché) qui envahissent de façon consternante nos poubelles.
Aujourd’hui, le plastique providentiel s’est transformé en une bombe à retardement dont on découvre les effets à long terme sur notre santé et notre environnement. Il est visuellement présent partout autour de nous et tellement répandu dans toutes les couches et tous les compartiments géologiques qu’il est désormais étudié comme marqueur stratigraphique de l’Anthropocène, cette époque géologique post-XVIIIe qui se distingue par l’interférence de l’activité humaine avec les cycles naturels.
Synthétisés et utilisés massivement depuis une cinquantaine d’années, ces plastiques mettront plus de 100 à 200 ans à se dégrader en micro puis en nanoparticules. Une fois ces tailles atteintes – ce qui se produira massivement dès la fin du XXIe siècle –, les particules issues des plastiques accumulées auront alors toute latitude pour se répandre très largement et rapidement dans notre environnement et aussi dans tous les organismes vivants.
Les nanoparticules possèdent en effet la faculté de traverser les barrières tissulaires pour venir s’accumuler dans nos organes, tels que le foie, et d’en perturber à long terme le fonctionnement. Ces minuscules et invisibles fragments de plastique contamineront de façon invasive toute la chaîne alimentaire, avec des effets sur la santé très mal évalués à l’heure actuelle, car les méthodes de détection sont elles-mêmes encore à la peine. Il faut aussi signaler leur regrettable tendance à se lier facilement aux polluants organiques qu’ils rencontrent sur leur chemin puis qu’ils transportent et redistribuent.
Ces micro et nanoparticules ont déjà été repérés dans l’eau potable, le miel, le sel, les produits de la mer. Avis à celles et ceux qui, comme Saint Thomas le sceptique, ne sont sensibles qu’à ce que leurs sens peuvent percevoir ! Pour la même raison, on assiste à une mobilisation incroyable autour des plastiques flottant dans les océans, qui ne représentent pourtant qu’une toute petite partie (2 à 3 %, c’est-à-dire 8 millions de tonnes de déchets plastiques jetées annuellement dans les mers sur les 300 consommées) de l’iceberg des plastiques dont l’infinie majorité est enfouie dans les décharges.
Que deviennent ces déchets ?
Nous utilisons et jetons chaque année l’équivalent de notre poids corporel en plastique (résultat obtenu par un ratio moyen consommation/population : 40 kg/an au niveau mondial en 2015, 63 en Europe et 68 en France) ; 90 % de ces déchets persisteront longtemps après notre propre disparition.
35 à 50 % des plastiques usagés sont dispersés de façon incontrôlée dans notre environnement. 20 à 40 % sont regroupés dans des stations d’enfouissement où, mélangés à d’autres déchets, ils temporairement retenus dans des géotextiles… eux-mêmes en plastique. Quand ces derniers seront dégradés, nos plastiques enfouis seront libérés. Au total, plus des trois quarts (en masse) des plastiques usagés finissent leur vie dans nos terres, nos eaux douces et nos océans.
Le quart restant est réparti entre recyclage et incinération. Selon les sources, entre 9 et 14 % sont incinérés pour être transformés en énergie, en composés volatils et résidus solides qui viendront grossir le rang des déchets toxiques persistants dont on ne sait que faire.
Venons-en au recyclage : 14 % en moyenne des plastiques usagés sont collectés pour être recyclés (les sources concordent sur ce chiffre). Sur ces 14 %, 4 % sont perdus au cours du processus de recyclage et rejoignent donc le rang des déchets dispersés. 8 % sont recyclés en circuit ouvert, c’est-à-dire pour des applications différentes – par exemple, pour faire un pull qui une fois usé ne sera plus recyclable. Les fibres du pull usagé étant chargées de nombreux additifs, colorants, contaminants, etc., la dégradation du polymère les rend en effet impropres pour un recyclage visant un usage similaire. Il convient ici de parler de décyclage plutôt que de recyclage.
Le mirage du recyclage
Il faut donc se rendre à l’évidence : moins de 2 % des plastiques usagés sont recyclés idéalement en circuit fermé, c’est-à-dire récupérés pour produire un matériau utilisable comme un plastique neuf et indiscernable de ce dernier.
Recycler en circuit fermé signifie collecter, trier, décontaminer et repolymériser un plastique qui se dégrade au cours du procédé de recyclage. Les contraintes logistiques de collecte sont importantes, la consommation d’énergie des multiples étapes se discute et sa probabilité de contamination dangereuse également. Aussi, le nombre maximal de cycles de décontamination est limité et le plastique recyclé doit être mélangé à du vierge.
Bilan des courses : seuls les plastiques de type bouteilles en PET (polyéthylène téréphtalate) – qui ne représentent qu’un pourcentage très faible des plastiques consommés – peuvent se plier aux contraintes du recyclage en boucle fermée et être régénérés pour une utilisation identique.
Or si une bouteille en PET sur deux en Europe est recyclée, moins d’une sur 10 redeviendra bouteille. Pour des raisons de sécurité du consommateur (risque de contamination) et technologiques (propriétés différentes du polymère vierge), le taux de recyclage en boucle fermée s’avère ainsi extrêmement faible ; il peut théoriquement atteindre un maximum de 5 % des plastiques usagés.
Soulignons ici que le recyclage d’une matière ne s’inscrit dans un principe d’économie circulaire que si la boucle peut être reproduite à l’infini, ce qui est quasiment le cas pour le verre ou le métal. Les matériaux biodégradables se situent naturellement dans le cycle biologique de la matière organique, qui leur assure un renouvellement illimité (à condition cependant que la vitesse de consommation reste compatible avec celle de production).
Le recyclage du plastique n’est donc un pas un sésame pour épargner à notre écosystème terrestre les méfaits potentiels de ses déchets, même s’il peut modestement contribuer à les retarder.
Comment expliquer alors que le recyclage soit devenu une mesure phare ? La circularité consiste ici à recycler la valeur économique du plastique en créant une économie du plastique usagé. Le monde du plastique se renouvelle, mais son modèle productiviste reste le même : tenter de résoudre le problème, c’est-à-dire résorber les déchets plastiques accumulés en créant des activités économiques, de la richesse et de l’emploi.
Un autre maillon consumériste est ici ajouté à la chaîne déjà bien longue du plastique… Et « l’écocitoyen » se désencombre ainsi de sa responsabilité dans la production de son propre déchet en le jetant dans la bonne poubelle, au risque d’un aveuglement collectif.
Que faire ?
Si le tri de nos déchets reste un geste précieux, ne nous laissons pas aveugler par le mirage du tout-recyclage, qui ne peut résoudre à lui seul le gros problème de gestion post-usage des déchets plastiques.
Il n’existe qu’une seule et unique solution : remettre à plat le cycle complet des matériaux plastiques dans un contexte plus général de bioéconomie circulaire, où le devenir des déchets sera un élément clé de nos choix de consommation. Et coordonner nos efforts à l’échelle internationale, car les petites particules de déchets ne respectent pas les frontières !
L’interdiction de la mise en décharge des déchets plastiques pour les diriger vers les stations de recyclage ou d’incinération (option cependant peu recommandée qui nécessite une étape de purification) est un premier pas que la France devra franchir d’ici 2025.
D’autres mesures sont attendues et doivent faire l’objet d’un soutien sans réserve et sans délai comme, par exemple, la réduction efficace de notre consommation de plastiques puis leur retrait graduel du marché. Citons également leur substitution autant que possible par des alternatives biodégradables (à ne pas confondre avec les plastiques biosourcés ou compostables) dont la fabrication ne doit cependant pas influencer négativement la production agricole destinée à la consommation humaine ni porter atteinte à l’environnement. Enfin, ne garder que les plastiques irremplaçables et effectivement recyclés en boucle fermée, comme c’est potentiellement le cas pour les bouteilles en PET.
Féminisme et Ecologie – L’écoféminisme ou la lutte contre le capitalisme patriarcal
…
https://uneseuleplanete.org/Feminisme-et-Ecologie
Entrevue avec Yveline Nicolas, coordinatrice de l’association Adéquations, elle travaille et milite depuis vingt-cinq ans dans des associations et réseaux français de solidarité internationale, de protection de l’environnement, de droits humains et de développement durable.
EG : D’où vient l’écoféminisme ?
A partir des années 70, il y a eu des convergences entre militantes du mouvement féministe et écologistes. Elles ont fait un lien entre l’exploitation de la nature et l’exploitation des femmes, notamment de leur travail domestique gratuit et de leur fécondité. A l’origine du terme « écoféminisme », la française Françoise d’Eaubonne crée le groupe Écologie et féminisme au sein du Mouvement de Libération des Femmes. L’écoféminisme combine une réflexion critique sur le mode de développement focalisé sur la croissance et les exclusions et des pratiques militantes sur le terrain où vivent les femmes et les communautés.
EG : Quelles dénonciations et quelles propositions sont issues de ce mouvements ?
La critique du système « patriarcal » est au cœur de ces croisements entre les questions environnementales, sociales, économiques. Cette domination s’est traduite par l’accaparement du pouvoir par des hommes, la division sexuée du travail et la dévolution des femmes à la fonction « reproductive ». Elle a conduit à une séparation culture/nature, hommes/femmes, esprit/corps, etc. entraînant une attitude prédatrice, colonisatrice à l’égard de la nature, des sociétés non occidentales et des femmes. Les écoféministes proposent de se réapproprier les modes d’expression et d’organisation qui ont été dévalorisés, le pacifisme, les territoires, les biens communs.
EG : Y a-t-il beaucoup de mouvements écoféministes dans le monde ?
Au Nord, les écoféministes se sont engagées dans l’occupation de sites nucléaires civils et militaires, contre des déchets toxiques dans les quartiers défavorisés. Au Sud, au sein de mouvements comme Chipko en Inde, les femmes se sont opposées à l’exploitation commerciale des forêts – en entourant les arbres de leurs bras pour empêcher la coupe. Partout dans le monde, des réseaux de femmes développent des initiatives, pour l’agroécologie, la conservation de semences, la biodiversité, l’énergie solaire… Parfois, la division du travail (les « petites » cultures vivrières aux femmes, les « grandes » cultures commerciales aux hommes) se retourne en avantage pour des femmes, face à la faillite du modèle productiviste qui entraîne la ruine de paysan·ne·s, l’érosion des terres et la pollution des eaux. En Amérique Latine, des luttes contre l’économie extractiviste font le lien entre l’exploitation de la nature et les violences contre les femmes.
EG : Comment sont entendus ces mouvements par les institutions décideuses ?
Actuellement, des femmes – notamment paysannes ou issues des communautés autochtones – sont en première ligne dans des luttes contre l’accaparement des terres, la déforestation ou les forages pour les gaz de schiste. Ces défenseuses des droits affrontent à la fois le sexisme et le capitalisme. Plusieurs d’entre elles ont été assassinées, comme Berta Flores Càceres, du Conseil citoyen des organisations des peuples amérindiens du Honduras. A un niveau plus institutionnel, les mouvements se font entendre dans les conférences internationales, comme sur les Objectifs de Développement Durable ou les Conférence des Parties (COP) sur le Climat.
EG : Comment rejoindre ces mouvements en France ?
Ici, l’approche écoféministe reste incomprise, notamment parce qu’elle a été assimilée à l’essentialisme, qui veut que les femmes soient dotées de qualités naturelles les prédisposeraient à des activités de « care » (prendre soin d’autrui et de l’environnement) alors que ce sont des aptitudes construites socialement – mais qu’il ne faut pas pour autant dévaloriser… Sans se qualifier d’écoféministes, des groupes font le lien entre transition écologique et genre, analysent les dominations multiples, s’investissent contre les « GPII » (grands projets inutiles imposés), contre l’exploitation des animaux et pour le veganisme… Il faut prospecter pour trouver une sensibilité qui nous convienne.
Lucas Chancel : « Plus on est riche, plus on pollue » 1/2
Entretien avec Lucas Chancel / Propos recueillis par Hervé Kempf
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Les inégalités ont augmenté partout dans le monde depuis trente ans : c’est un des constats établis par le Laboratoire sur les inégalités dans le monde, que co-dirige l’économiste Lucas Chancel. Entretien.
Lucas Chancel est chercheur en sciences sociales, spécialisé en économie des inégalités et en sciences de l’environnement. Il co-dirige le Laboratoire sur les inégalités dans le monde et a publié le Rapport sur les inégalités mondiales
Reporterre – Où en sont les inégalités dans le monde ?
Lucas Chancel – Elles sont plus élevées qu’il y a quarante ans. Elles augmentent partout, mais pas au même rythme. Les trajectoires peuvent être différentes selon les pays ou les blocs régionaux, ce qui montre qu’il n’y a pas de fatalité à la hausse de ces inégalités, pas de tendance déterminée par les nouvelles technologies ou la mondialisation. En fait, ce sont des choix politiques qui provoquent, ou non, cette hausse des inégalités.
La comparaison entre l’Europe et les Etats-Unis est intéressante, parce que ces deux blocs ont à peu près la même taille, à peu près le même niveau de technologie, et avaient à peu près le même niveau d’inégalité en 1980. On parle bien de l’Europe entière, en prenant en compte les disparités entre Europe de l’est et de l’ouest. Donc, dans le cas américain, les 1% les plus riches s’accaparent 10 % du revenu en 1980 mais 20 % quarante ans plus tard. En Europe, on est passé de 10 % en 1980 à seulement 12 -13 % en 2016.
Il y a donc une augmentation des inégalités, mais beaucoup plus faible en Europe.
Oui. La part des hauts revenus dans le revenu total a augmenté en Europe, mais nettement moins qu’aux Etats Unis où il s’est produit une explosion des riches et un effondrement des classes populaires. Le phénomène est extrême aux Etats-Unis : les 1 % du haut ont connu une croissance entre 1980 et aujourd’hui de plus de 200 %. Quand les 50 % du bas, eux, ont connu une croissance de 0 % à peu près : il n’y a quasiment pas eu d’augmentation du revenu pour la moitié du bas de la population.
Et qu’est-il arrivé aux 49 % du haut ?
Ils ont vu leurs revenus augmenter, aux Etats-Unis, mais pas très vite.
Et en Europe ?
Là, c’est différent : il y a un léger décrochage de la part du revenu reçu par les 50 % du bas. Mais ce décrochage est très faible, c’est-à-dire que le rythme de croissance est à peu près le rythme de la moyenne. Voilà vraiment la grande divergence entre Etats-Unis et l’Europe.
Cela ne veut pas dire que l’Europe ne doit pas réfléchir à sa propre trajectoire inégalitaire, puisque il y a une perception très forte des inégalités chez les classes populaires et les classes moyennes en Europe. C’est lié au fait que les Trente glorieuses, même en Europe, se sont arrêtées pour les classes populaires et classes moyennes, mais qu’elles ont continué pour les très, très riches.
Ils se sont enrichis largement ?
Moins qu’aux États-Unis mais beaucoup plus vite que les 90 % du bas, en France ou en Allemagne, par exemple.
Y a-t-il un moyen de mesurer la perception qu’ont les gens de l’inégalité ? Parce qu’il y a deux choses : mesurer l’inégalité objectivement, et puis savoir si la société s’en rend compte ou pas.
C’est un champ de recherche en développement. Juste un point sur les données : pourquoi fait-on tout ce travail ? Parce que les administrations officielles utilisent des données qui sont issues d’enquêtes qui floutent complètement ce qui se passe au sommet de la distribution des revenus. Précisément là où l’action s’est passée au cours des 40 dernières années. C’est comme si on regardait un phénomène avec une lunette qui ne permet pas de voir là où l’action se passe.
Et c’est là que vous zoomez ?
Et c’est là qu’on zoome. Mais on ne va pas oublier ce qui se passe en bas. Le déclin des classes populaires et des classes moyennes aux États-Unis, il faut absolument le prendre en compte, en combinant différentes sources de données, fiscales mais aussi les informations issues des fuites telles que les « Paradise papers » ou les « Panama papers ». Ces données vont nous permettre de rehausser les revenus ou les patrimoines des plus riches. Parce qu’une partie est évadée, donc n’est pas visible dans les données fiscales.
Mais pour revenir à votre question sur le ressenti des inégalités, une étude très intéressante a été menée il y a quelques années par des sociologues de la Harvard Business School. Elle montrait un décalage extrême entre l’inégalité ressentie et l’inégalité réelle. Les gens ne se rendent pas compte du niveau d’inégalité existant. Je pense qu’il est difficile de déconnecter les votes sur le Brexit en Angleterre, ou pour Trump aux États-Unis, ou même la présidentielle française, de la question des inégalités.
« Pourquoi, alors qu’on observe une nette hausse des inégalités, n’y a-t-il pas davantage de désir de redistribution ? »
La question est-elle de savoir si les pauvres s’abstiennent aux élections, alors que les classes les plus riches votent davantage ?
Non. Plutôt de savoir pourquoi, alors qu’on observe une nette hausse des inégalités, on n’observe pas davantage de désir de redistribution. Selon la théorie la plus classique en économie et en sciences politiques – les spécialistes énoncent le théorème de « l’électeur médian » -, il devrait y avoir plus de demande de redistribution, en démocratie. Cela ne se produit pas, on peut supposer qu’il y a un paradoxe.
Est-on encore en démocratie, quand 1 % de la population s’arroge une part disproportionnée du revenu et du patrimoine global et dispose donc de puissants moyens pour influencer l’opinion publique ?
La question se pose. Peut-on être en démocratie s’il y a des écarts de revenus et de richesses trop importants, et si une partie de la population est proche du seuil de pauvreté ou sous le seuil de pauvreté ? Et puis, deuxième question, peut-on appeler démocratie un système où l’inégalité de richesse se transforme en inégalité politique et médiatique ? Cela constitue un cercle vicieux de l’inégalité dans le sens où, une fois que les plus aisés ont accaparé le pouvoir politico-médiatique, ils ne vont pas faire des réformes permettant de réduire les inégalités, mais plutôt des réformes augmentant les inégalités.
Est-ce encore une démocratie quand il y a un tel niveau d’inégalités ?
On est dans une démocratie de basse intensité.
Le concept de l’oligarchie est-il approprié pour désigner cette situation ?
En ce qui concerne la concentration du monopole de la parole médiatique par quelques oligarques du monde des médias, on peut tout à fait parler d’oligarchie des médias.
Suite et fin vendredi prochain (…)
Ez deitu “borroka sektorialak”, oinarriak dira
Lander Arbelaitz
www.argia.eus/blogak/lander-arbelaitz/2018/06/12/ez-deitu-borroka-sektorialak-oinarriak-dira/
Nola borrokatu abiadura izugarrian eta inongo konplexurik gabe, Bruselatik hasi eta gure herrietaraino ezartzen ari diren politika neoliberalak? Nola geratu herritarren txirotzea, eskubideen etengabeko murrizketak, gure bizitzen espektakularizazioa?
EAJk, PSOEk eta PPk, hemengo eta hango oligarkiarekin bat eginda, disidentzia politikoa inoiz baino kontrolatuago dutela irudikatzen duten egunotan, erronka handia dute egoerarekin ados ez dauden herritarrek. Nola gerarazi denaren gainetik pasatzen ari diren arrabola pisutsua?
Legeak, poliziak, epaileak, bankuak, hedabide publiko eta pribatu nagusiak… boterearen tresna guztiak eskura dituenari aurre egitea ez da erraza. Isunek, kolpeek, estigmek, kartzelak beldurra sortzen dute, nola ez. Baina horren aurrean zer? Nola aldarrikatu errebeldia, nola biderkatu borrokarako grina hamarkada luzez sufrimentuak eta errepresioak kolpatutako herri honetan? Nola ireki agertoki berriak Euskal Herriko politikagintzan?
Pistaren bat eman lezakete Urkullu lehendakariak El Diario Vascon orain bi urte egindako adierazpenek:
“Ardurarik gabeko mugimendu sozialek Katalunia baldintzatzeak asaldatzen nau”.
Proiektuen konfrontazioa beharrezkoa dela erabaki dutenen artean, borroka molde ez-biolentoen inguruko esperimentazioa etengabea izaten ari da. Izan atxiloketen aurkako herri harresiak, fabrika hutsen okupazioa, greba feministak, makro-proiektuen aurkako kanpaldiak, etxe kaleratzeen aurkako mugimendu desobedienteak, informazio kanal propioen sustatzea, injustu gisa hartzen diren legeen urraketa kolektiboak, langile borroka praktikan jartzeak, pentsio duinen aldeko mobilizazio etengabeak, erabakitzeko eskubidearen aldeko giza kate jendetsuak… Kalea bizirik dago ikusi nahi duenarentzat.
Herri mugimenduek nola eman dezakete eraginkortasunean jauzi kualitatibo bat? Sistema kapitalista honetan ia denak etengabe logika bera elikatzen duen gisan, sistema neoliberalari aurre egiten ari den trintxera bakoitzak nola elika dezake elkar? Nola joan indarrak bateratzen, agendak partekatzen, kontrapuntuak eraikitzen? Nola ulertu feminismoa, euskaltzaletasuna, ekologismoa, langile borroka eta abar luze bat ez direla “borroka sektorialak” edo ertzak, baizik eta borroken artean hierarkizaziorik onartu ezin duen proiektu komun baten oinarriak?
Izan ere, Marina Garcesek orain gutxi ARGIAn zioen gisan: “Borroka konkretu bakoitzean guztia dago jokoan”.
Orain gutxi norabide horretan egin nahi izan du ekarpena Bizitza Da Handiena dinamikak, borroka sozialen astea aurrera eramanez. Dozenaka eta dozenaka eragile, bakoiza beretik, eredu hegemonikoari aurre kalean egiten aritu dira. Sindikatu eta herri mugimenduak elkarren ondoan, sinergiak sortzeko prest.