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Articles du Vendredi : Sélection du 10 mai 2024

Climat : une grande majorité de climatologues redoutent un réchauffement dévastateur au cours du siècle, faute d’actions suffisantes
Margaux Lacroux
www.liberation.fr/environnement/climat/climat-une-grande-majorite-de-climatologues-redoutent-un-rechauffement-devastateur-au-cours-du-siecle-faute-dactions-suffisantes-20240509

Près de 80 % des scientifiques du Giec interrogés par le «Guardian» pensent que la température sur Terre aura augmenté d’au moins 2,5°C au cours de ce siècle par rapport à la fin du XIXe. La plupart pointent le manque de volonté politique comme principale raison de leur pessimisme.

En 2018, un rapport spécial du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) avertissait qu’une planète en surchauffe de +2°C par rapport à la fin du XIXe siècle serait bien plus inhospitalière qu’un monde à +1,5°C, tout en détaillant l’éventail des solutions permettant d’éviter que l’humanité ne sorte de sa zone de confort climatique. Mais aujourd’hui, peu de ces experts semblent encore croire à la possibilité de rester sous l’un de ces deux seuils, que les gouvernements se sont engagés à ne pas dépasser lors de l’accord de Paris en 2015. Un sondage réalisé par le Guardian et publié mercredi 8 mai révèle que près de 80 % des scientifiques ayant participé aux rapports du Giec pensent que la température sur Terre va augmenter d’au moins 2,5°C au cours de ce siècle, en comparaison avec la période préindustrielle (1850-1900).

«Les résultats montrent que bon nombre des personnes les plus compétentes de la planète s’attendent à des ravages climatiques dans les décennies à venir», commente le quotidien britannique. Car au-delà des 1,5°C, se profile le risque d’atteindre des «points de non-retour» tels que l’effondrement des calottes polaires ou la savanisation de la forêt amazonienne, et de ne plus pouvoir s’adapter au déferlement des événements extrêmes (pluies diluviennes, canicules, sécheresses…). La planète connaît déjà aujourd’hui un réchauffement de 1,2°C, attribué aux activités humaines, dont les effets se font amplement sentir sur tous les continents. Le Giec signale que chaque fraction de degré de réchauffement supplémentaire causera plus de souffrances, de morts et de dégâts matériels.

Un avenir «semi-dystopique»

Le Guardian a envoyé un formulaire à 843 scientifiques qui ont participé aux travaux les plus récents, depuis 2018, avec la question suivante : «De combien de degrés pensez-vous que le climat se réchauffera en 2100 ?» Demander l’avis des contributeurs du Giec était un pari risqué, car l’organisme tient à son image de neutralité, qui ne recommande rien mais résume l’état des connaissances. «Le fait qu’on écrive des rapports non prescriptifs n’empêche pas d’avoir une opinion. Quand on travaille sur un sujet depuis des dizaines d’années, on a forcément un avis», explique Gonéri Le Cozannet, géographe qui a écrit sur les impacts du changement climatique dans un des derniers rapports du Giec, publié en 2022. En revanche, il se souvient avoir été dérouté par la question du Guardian, car «il n’y a pas qu’une seule réponse, tout dépendra des politiques qui seront mises en œuvre». Il n’est pas certain d’être allé jusqu’au bout du formulaire.

Près de la moitié de ses pairs ont, eux, répondu de façon certaine. La majorité envisage un monde à +2,5°C, correspondant à un scénario de réduction des émissions de gaz à effet de serre intermédiaire. En l’état, les engagements pris par les gouvernements mènent à peu près à cette trajectoire. Mais encore faut-il que les Etats tiennent leurs promesses. Bon nombre des scientifiques du Giec semblent y croire, mais avertissent que cela sera loin d’être satisfaisant.

«Je suis extrêmement inquiète du coût en vies humaines», a par exemple déclaré Leticia Cotrim da Cunha, de l’université d’Etat de Rio de Janeiro, au Guardian. D’autres regrettent le fait que le grand public ne réalise pas encore l’ampleur des risques encourus. Même à court terme. «Je pense que nous nous dirigeons vers des perturbations sociétales majeures au cours des cinq prochaines années», a affirmé Gretta Pecl, de l’université de Tasmanie (Australie).

«De nombreux scientifiques envisagent un avenir “semi-dystopique”, marqué par des famines, des conflits et des migrations massives, provoqués par des vagues de chaleur, des incendies de forêt, des inondations et des tempêtes d’une intensité et d’une fréquence bien supérieures à celles qui ont déjà sévi», écrit le Guardian. Un avenir noir sur lequel les scientifiques alertent de longue date, et qui devient de plus en plus plausible.

Les jeunes et les femmes plus pessimistes

Seuls six répondants disent encore espérer stabiliser le climat sous les +1,5°C. Mais ceux qui s’attendent à ce que la planète devienne invivable sont bien plus nombreux. Près de la moitié envisage un monde à +3°C. Ils sont 14 à «miser» sur les +4°C, sept sur +4,5°C et même quatre à +5°C et plus. Si les résultats varient peu d’un continent à l’autre, les jeunes et les femmes seraient plus pessimistes au sein du groupe.

Selon le Guardian, «de nombreux experts ont déclaré qu’ils se sentaient désespérés, furieux et effrayés». Parmi les causes principales de ce mal-être, «le manque de volonté politique a été cité par près des trois quarts des personnes interrogées, tandis que 60 % d’entre elles ont également pointé du doigt les intérêts des entreprises, comme l’industrie des combustibles fossiles. Beaucoup ont également évoqué les inégalités et l’incapacité des pays riches à aider les pauvres, qui souffrent le plus des impacts climatiques». Ulcéré par le manque d’actions, un scientifique sud-africain anonyme estime que «nous vivons à une époque de fous». Un autre déclare dans un article complémentaire : «Je suis soulagé de ne pas avoir d’enfants, sachant ce que l’avenir nous réserve».

«Ce sondage montre que les climatologues sont très inquiets de l’insuffisance de l’action des gouvernements, ce sentiment semble assez massif» malgré la grande diversité des profils, analyse Gonéri Le Cozannet. De son côté, il évoque une «forte insatisfaction voire une colère de voir que par exemple en France on n’arrive pas à protéger les aires marines des pratiques de pêche les plus destructrices comme le chalut. C’est scandaleux». Ces pratiques, en plus d’être très nuisibles à la biodiversité, participent à libérer du CO2 enfoui dans les océans en raclant les fonds marins. Même frustrés, les scientifiques restent cependant combatifs et appellent sans relâche à rehausser nos efforts de manière forte et urgente pour sauver ce qui peut l’être. «Si ce sondage peut donner une alerte avant les élections européennes…», espère encore Gonéri Le Cozannet.

 

L’artificialisation des sols se poursuit à un niveau élevé en France
Matthieu
www.lemonde.fr/planete/article/2024/05/08/l-artificialisation-des-sols-se-poursuit-a-un-niveau-eleve-en-france_6232132_3244.htm

Dans la loi Climat et résilience du 22 août 2021, la France s’est engagée à diminuer de moitié sa consommation d’espaces à l’horizon 2030 pour passer de 250 000 hectares à 125 000 hectares sur une décennie, avant d’atteindre la neutralité en matière d’artificialisation en 2050.

Un léger fléchissement mais toujours pas de baisse franche. Le 25 avril, le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), un établissement public qui relève du ministère de la transition écologique, a publié un bilan de la consommation foncière entre 2009 et 2023 en France. Pendant l’année 2022, 20 276 hectares d’espaces naturels, agricoles ou forestiers ont été consacrés à la construction.

Même si la consommation d’espaces a un peu diminué par rapport à 2021 (21 011 hectares), l’organisme préfère rester prudent. « La consommation d’espaces en 2022 reste du même ordre de grandeur que les années précédentes. De plus, cette baisse reste modeste et intervient après une augmentation lors des années précédentes, écrivent les experts dans une analyse détaillée. Ainsi, l’on retiendra davantage l’absence de reprise de la consommation d’espaces, l’année 2021 restant sur un niveau inférieur à la période 2016-2018. »

Dans le détail, 63 % de l’artificialisation de la période 2011-2023 a été destinée à l’habitat, 23 % à l’activité économique et le reste à des infrastructures. Les communes rurales au sens de l’Insee (très peu denses ou peu denses), qui accueillent 32,7 % de la population, ont consommé 68 % de ces espaces. A l’inverse, les communes denses (38 % de la population nationale et 48,3 % des emplois) représentent 7 % de la consommation d’espaces.

Le Cerema se félicite également d’une tendance de fond : l’amélioration de l’efficacité de la construction avec des efforts croissants de recyclage et de densification urbaine. Après une légère baisse en 2020, l’efficacité est à nouveau à la hausse en 2021, dernière année disponible pour les données de construction. Ainsi, 1 hectare de terrain permet de construire 2 538 mètres carrés de bâti en 2021, contre 1 950 mètres carrés en 2011, soit + 30 % en dix ans.

« Injonctions contradictoires »

Si la diminution a été nette entre 2011 (31 002 hectares) et 2015 (21 046 hectares), la relative stabilité de ces dernières années illustre la hauteur de la marche pour tenir les objectifs du zéro artificialisation nette (ZAN).

Dans la loi Climat et résilience du 22 août 2021, la France s’est engagée à diminuer de moitié sa consommation d’espaces à l’horizon 2030 pour passer de 250 000 à 125 000 hectares sur une décennie, avant d’atteindre la neutralité en matière d’artificialisation en 2050. « On est en train d’accumuler de la consommation d’espaces en ce moment, ce qui veut dire que les efforts à faire dans les années à venir seront encore plus importants », résume Michel Jacod, spécialiste de cette question au sein du réseau France Nature Environnement (FNE).

A la lecture de ces chiffres, le défi s’annonce colossal, sachant que, depuis 1981, les terres artificialisées sont passées de 3 millions d’hectares à 5 millions d’hectares (+ 70 %), soit une croissance nettement supérieure à celle de la population (+ 19 %), selon une note de France Stratégie publiée en juillet 2019.

Politiquement, l’ambiance n’est pas du tout sereine autour de cet enjeu crucial de la préservation de la nature. Le ZAN est, depuis le début, source de tensions entre les élus locaux et l’exécutif. « On est face à ce que les maires dénoncent souvent, c’est-à-dire des injonctions contradictoires : on leur demande de construire plus de logements sociaux tout en diminuant l’artificialisation. Et, parfois, ils ne trouvent pas des réponses rapides et appropriées dans les préfectures », admet Jean-Marc Zulesi, député (Renaissance) des Bouches-du-Rhône et président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Pour apaiser les choses, le ministère de la transition écologique a révélé, le 10 avril, une liste de 167 projets d’« envergure nationale et européenne » (A69, canal Seine-Nord Europe, grand projet ferroviaire du Sud-Ouest…) qui ne seront pas comptabilisés dans l’enveloppe des régions. Elle totalise déjà près de 11 900 hectares sur une enveloppe de 12 500 hectares « réservés » à l’Etat. Ce n’est peut-être qu’un début.

« Je l’ai toujours dit, le forfait de 12 500 hectares pourra être dépassé. Il est évolutif et sera remis à jour chaque année pour intégrer les nouveaux projets. Je partage la vision de Bruno Le Maire [le ministre de l’économie] sur la réindustrialisation de la France, qui est bonne pour l’économie, mais aussi pour l’écologie : elle évite de délocaliser des émissions de gaz à effet de serre et crée la richesse qui permettra de financer la transition écologique », avait alors assumé dans Les Echos Christophe Béchu, le ministre de la transition écologique, tout en s’alarmant contre l’artificialisation, « première cause de perte de biodiversité ».

Un casse-tête supplémentaire

En juillet 2023, face aux attaques des opposants, le gouvernement avait fait voter une loi « ZAN » pour « renforcer l’accompagnement des élus locaux dans la mise en œuvre de la lutte contre l’artificialisation des sols ». A l’automne 2023, Laurent Wauquiez, président (Les Républicains) de la région Auvergne-Rhône-Alpes, annonçait qu’il se retirait du dispositif en dénonçant un ZAN « ruralicide », avant de le réintégrer en février.

Le nouveau texte voulu par le gouvernement assouplit les choses en garantissant à chaque commune « une surface minimale d’un hectare de consommation » sur la période 2021-2031, à condition qu’elles soient couvertes par un document d’urbanisme prescrit, arrêté ou approuvé avant le 22 août 2026. Un casse-tête supplémentaire alors que les schémas régionaux doivent intégrer et territorialiser l’objectif de baisse de la consommation d’espaces avant le 22 novembre 2024.

« Cela complique le travail des régions en ce moment avec les hectares de la garantie communale qu’il faut réserver alors que beaucoup de communes rurales n’en auront même pas besoin. Cela rend la loi inapplicable dans les faits », conclut M. Jacod, de FNE.

Au moment du vote de cette loi, FNE avait d’ailleurs produit une étude d’impact expliquant que la construction ne dépendait pas forcément du nombre d’hectares consommés. Selon ce document, 9 000 communes qui avaient consommé moins d’un hectare avaient réussi à réaliser au moins la moitié de leurs nouvelles constructions « dans l’enveloppe urbaine, souvent peu dense, sans nécessiter de foncier supplémentaire ».

Pour éviter l’artificialisation, le gouvernement devra lui aussi faire face à ses propres ambiguïtés. Quelques jours après la publication du Cerema, le ministre du logement, Guillaume Kasbarian, présentait, vendredi 3 mai, en conseil des ministres, son projet de loi destiné à « développer l’offre de logements abordables ». Dans une interview au Parisien, publiée le même jour, il ne disait pas un mot sur le ZAN, mais promettait, au contraire, des facilités. « Notre fil rouge, c’est de faciliter l’acte de construire, aucun des articles n’est contraignant pour les maires, tout est entre leurs mains. » Un objectif qui apparaît totalement contradictoire avec les ambitions affichées par le zéro artificialisation nette.

Un parc éolien voulu et porté par des habitants, c’est possible !
Laure Noualhat
https://reporterre.net/En-Charente-Maritime-un-parc-eolien-voulu-et-porte-par-des-habitants

Les habitants d’Andilly-les-Marais, en Charente-Maritime, ont mené à bien un projet citoyen d’éoliennes. Il va alimenter en électricité 10 000 foyers du secteur.

Bertrand, Karine, Pascale et les 376 sociétaires de la Coopérative d’énergies citoyennes et renouvelables (Coopec) sont ravis. Entre les petits fours et le bar à huîtres qui s’offrent à eux, ils se félicitent de leur pugnacité. Six ans après leur première réunion, elles sont enfin assemblées, gigantesques, et surtout puissantes, prêtes à injecter dans le réseau électrique le fruit de la récolte du vent. Nous sommes à Andilly-les-Marais (Charente-Maritime), une commune de 2 300 âmes au nord de La Rochelle, où trois éoliennes imposent leur silhouette au milieu des grandes cultures. Ici, les habitants ont désiré ces moulins à vent, ce qui ne va pas de soi par les temps qui courent.

Le parc est composé de trois machines d’une puissance de 5,6 mégawatts chacune, dont les pales font figure d’exception : elles sont longues de 80 mètres, les plus grandes en France à ce jour. Testées dès le printemps, elles vont commencer à produire dans les prochains jours l’électricité nécessaire à plus de 10 000 foyers. Jusqu’ici, rien de très original, sauf que le projet a été pensé avec et par des habitants.

Des développeurs « arrivés comme des cow-boys »

Tout a démarré en 2015, lorsque des développeurs ont identifié la zone comme un couloir de vent prometteur. Ils sont arrivés « comme des cow-boys, négociant en catimini des baux avec les propriétaires terriens », raconte une élue. « Nous redoutions d’être mis devant le fait accompli, se souvient Sylvain Fagot, l’actuel maire. Alors, nous avons lancé un appel à manifestation d’intérêt [une rareté dans ce domaine] en insistant, dans le cahier des charges, sur l’aspect citoyen de l’affaire. »

Enercoop Bretagne« Nous devons et nous pouvons nous réapproprier le cycle de l’énergie »« Nous voulions que ce projet soit fait par et pour le territoire »

C’est ainsi que Valorem, acteur historique des renouvelables en France, a été retenu. Créée il y a trente ans par Jean-Yves Grandidier, personnage truculent et respecté du monde des renouvelables, l’entreprise multiplie les projets en coordination avec les habitants des territoires et souhaite partager la rente d’Éole. Résultat, après une instruction exemplaire et une association des riverains dans les moindres détails du projet, il n’y a eu aucun recours, malgré plusieurs centaines de messages négatifs lors de l’enquête publique.

Une concrétisation plus rapide que la moyenne

Entre le dépôt, l’instruction et l’obtention du permis, les planètes s’étaient alignées au-dessus d’Andilly. « En moyenne, un parc met environ huit années à sortir de terre. Ici, sans recours, il n’a fallu que six ans », se félicite Mathieu Bernard, responsable de l’agence Nouvelle-Aquitaine de Valorem.

Dans un projet classique, le développeur est aux manettes et prend ses décisions seul avec les instances locales.

Aucun citoyen, ni collectivité locale n’est au capital. Pas à Andilly. Une société de projet, baptisée Parc éolien d’Andilly-les-Marais, réunit trois actionnaires : Valorem, le développeur, qui détient 51 % des parts ; Terra Energies, le fonds d’investissement des renouvelables de la région, avec 18 % ; et une société coopérative d’intérêt collectif, la Coopec, avec 31 % des parts.

Cette dernière réunit 376 sociétaires, parmi lesquels 356 citoyens âgés de 6 mois à 80 ans, la communauté de communes, dix communes, quatre associations et cinq sociétés privées.

« Nous n’avons pas fait ça pour les intérêts, mais pour investir dans quelque chose qui a du sens »

Les 34 millions d’euros nécessaires à la construction du parc ont été financés avec une contribution de chaque actionnaire à hauteur du capital détenu. Les habitants ont ainsi réuni 1,2 million d’euros. D’abord en devenant sociétaires de la Coopec, à raison de 50 euros la part sociale, mais surtout, quand ils le pouvaient, en abondant des comptes courants d’associés permettant de verser une avance à la coopérative sous forme d’un prêt rémunéré sur six, douze ou vingt ans, à des taux de 3 à 5 %. Forts de leurs 1,2 million d’euros, les habitants-sociétaires sont allés voir des banques, permettant à la société de projet de contracter un prêt de 30 millions d’euros.

Les revenus issus de la vente d’électricité sont répartis entre les différents actionnaires. Comme les autres, la Coopec va percevoir la prime de développement qui sera redistribuée tout le long de la durée de vie du parc (25 ans). Ces 62 000 euros annuels, soit 1,55 million d’euros au total, sont à destination du territoire. Valorem et Terra Énergies ont voulu toucher leur prime de développement dès l’aboutissement du projet, soit un montant confidentiel de plusieurs millions d’euros.

, précise Bertrand Cardinal.

Ainsi, un simple citoyen qui rénove une passoire thermique ou un maire souhaitant isoler un bâtiment municipal peuvent prétendre à une aide, à condition toutefois d’être sociétaire de la coopérative. Chaque sociétaire est fier d’avoir placé son argent sans en attendre des dividendes mirobolants, car il s’agit avant tout de redistribuer les bénéfices générés par le vent. « Nous n’avons pas fait ça pour les intérêts, explique un couple de retraités, mais pour investir dans quelque chose qui a du sens. Notre argent est plus utile ici que dans une banque dont on ne sait où elle le placera. »

Des opposants convaincus

Autre particularité : si Valorem se charge de l’exploitation et de la maintenance du parc, les sociétaires de la Coopec sont associés à la gouvernance. « Valorem souhaitait rester majoritaire au capital, c’est normal, ils vivent de la vente d’électricité, mais la Coopec détient trois voix sur cinq au comité de pilotage », explique Bertrand Cardinal. Pour faire simple : à Valorem la majorité de la manne, mais aux citoyens la majorité de la gouvernance.

« Tout l’aspect concertation a été partagé, confirme Mathieu Bernard. Valorem apportait des éléments techniques et des idées, mais les décisions se prenaient de manière collégiale. C’est ainsi que l’on a décidé ensemble du dimensionnement du parc, du choix de l’implantation et de la hauteur des machines. »

« L’éolien, je n’en pensais rien avant de mettre le nez dedans »

Toutes les parties prenantes le disent : ce parc est exemplaire parce qu’il a intégré les habitants en amont. Même le préfet qui craignait l’aspect « kolkhozien » de la chose le prend en exemple. Les élus et les riverains ont planché des centaines d’heures sur les aspects techniques, législatifs, environnementaux des moulins à vent.

Sylvain Fagot, maire d’Andilly, l’avoue : « L’éolien, je n’en pensais rien avant de mettre le nez dedans ! C’est en travaillant sur des aspects techniques que nous nous sommes fait une idée, assez éloignée des idées reçues. » Celles-ci sont tenaces : baisse du prix de l’immobilier ; recyclage nul et pollution sonore maximale ; massacre de rapaces

« Certes, les éoliennes tuent les oiseaux, c’est vrai, mais entre les chats, les surfaces vitrées, l’agriculture intensive… Ce ne sont pas les éoliennes qui posent vraiment problème, soutient Bertrand Cardinal, président de la Coopec. Par ailleurs, elles ne se situent pas sur des couloirs de migration. »

« Le seul projet sous cette forme-là »

Sur la commune, des opposants se sont carapatés après avoir vendu leur maison « en ayant réussi une belle culbute », assure Sylvain Fagot. Le maire en est persuadé : « Les gens s’accommodent des poteaux électriques ou des châteaux d’eau. Bientôt l’éolienne dans le paysage ne sera plus un sujet. »

, tempère Mathieu Bernard de Valorem. C’est un engagement chronophage, car les personnes doivent monter en compétence. » Et en affection pour leur parc : la nuit où les pales sont arrivées, une cinquantaine d’habitants stationnaient en bordure de rond-point, dans le froid, pour applaudir les transporteurs.

C’est ce qui ravit et émeut Guy Martin. « Tout le monde peut agir, apporter des compétences ou simplement donner du temps, les talents sont multiples et certaines personnes se sont révélées. Elles partaient de zéro et, trois ans plus tard, elles tiennent des discours stupéfiants sur la sobriété ! » Reste à entretenir la flamme, en soufflant dessus autant que le vent, car le parc est présent pour un quart de siècle.

Des projets photovoltaïques en développement

En 2024, l’association Energie partagée comptabilisait près de 351 projets à gouvernance locale, dont 236 en fonctionnement. Au total, 18 projets éoliens citoyens tournent en France. Ils permettent d’allier développement d’un territoire et déploiement des renouvelables et d’investir dans un projet qui correspond à leurs valeurs tout en participant à l’activité économique de leur région.
Si ces projets citoyens sont aujourd’hui principalement tournés vers l’éolien, et même l’éolien offshore à l’étranger, d’autres projets similaires se développent également autour du photovoltaïque. La Coopec d’Andilly-les-Marais développe d’ailleurs deux projets photovoltaïques au sol.

 

Nerea Zuluaga eta Hodei Rodriguez: «Energia berriztagarrien zabalpen demokratiko bat bultzatu behar da»
Iñaut Matauko Rada
www.berria.eus/euskal-herria/energia-berriztagarrien-zabalpen-demokratiko-bat-bultzatu-behar-da_2124655_102.html

Klima larrialdia saihesteko sistema errotik aldatu behar dela uste dute Zuluagak eta Rodriguezek, baina nabarmendu dute bitartean erreformak ezinbestekoak direla.

Larunbatean aurkeztu zuten Jauzi Ekosoziala, eta talde horretako bozeramaileak dira Nerea Zuluaga (Deustu, Bilbo, 1994) eta Hodei Rodriguez (Getxo, Bizkaia, 1994). Duela bi urte baino gehiago hasi zuten hausnarketa prozesu batetik sortu zen taldea, eta ingurumenak gaur egun dituen mehatxuak, izan klima larrialdia edo biodibertsitatearen galera, ikuspuntu global batetik landu nahi dituzte.

Nondik sortu da Jauzi Ekosoziala?

HODEI RODRIGUEZ: Kontua duela bi urte eta erditik dator. Euskal Herriko hainbat eragile eta norbanako biltzen hasi ginen, ikusi genuelako krisi ekologiko sakon batean gaudela eta sistema honek kolapso ekologiko batera garamatzala. Ikusi genuen bazeudela tokiko eragile ekologistak, bazegoela jendea antolatuta tokian tokiko arazoei aurre egiteko, baina saiatu behar genuela jauzi kualitatibo bat egin eta behintzat Hego Euskal Herri mailan egituratzen, jende gehiago batzeko borroka ekosozialera eta sistema honen aurka alternatiba bat proposatzeko.

NEREA ZULUAGA: Horretarako, bilera batzuk egin ziren talde ekologista batzuen artean, eta azken fasean 2022ko ekotopaketak egin genituen, eta hor erabaki zen tresna berri bat behar zela Euskal Herri mailan, mugimendu ekologistak beste zerbait behar zuela. Hortik beste dinamika bat abiatu genuen, eztabaidatzeko ea zer zen sortuko zen hori, larunbateko aurkezpenera arte.

Zer ondorio atera duzue prozesu horretatik?

ZULUAGA: Orain arte, mugimendu ekologista herrietan egon da gehienbat, proiektu jakinen aurka; beti izan da oso erantzunezko edo erresistentziazko mugimendua, eta pentsatu genuen zerbait proposatzaileagoa sortu behar zela.

RODRIGUEZ: Ez da nahikoa eustea; ondo dago azpiegitura txikitzaileak gelditzen saiatzea, baina egin behar duguna da benetan aurrerapauso bat eman sistema hau aldatzeko, normalitateak berak hondamendi ekologikora garamatza eta. Beraz, ez da nahikoa proiektu txikitzaileak amaitzearekin: aurrerapauso bat eman behar dugu sistema aldatzeko. Horregatik, garrantzitsua da aldaketa kultural hori. Sistema kapitalistak lortu du guk zoriontasuna lotzea energia kontsumo handiago batekin, eta horri buelta ematea lortu behar dugu. Kontsumismoa da horren adibide nagusia: sistemak horretara eramaten gaitu, baina guk dioguna da ezetz, sistema aldaketa bat beharrezkoa dela gu hobeto bizitzeko, baina gutxiago kontsumituz.

«Baliabideak murriztuko badira, lehia bat egongo da, eta desberdintasuna areagotu egingo da. Kontua da neurriak hartzea desberdintasunak ez areagotzeko».

NEREA ZULUAGAJauzi Ekosozialeko bozeramailea

Uste duzue posible dela desazkundea sistema kapitalistaren barruan?

ZULUAGA: Zientifikoki badaude datuak esaten dutenak desazkunde hori gertatuko dela; kontua ez da posible den edo ez, gertakari bat da. Gero eta ondasun gutxiago izango dugu, petrolio gutxiago, gas gutxiago… garestiagoa ere izango da; beraz, eskuragarritasuna ere murriztuko da, eta orokorrean gure bizitzaren kalitate hori aldatu egingo da. Kontua ez da desazi edo ez, kontua da nola egin nahi dugun. Noski, baliabideak murriztuko badira, lehia bat egongo da, eta desberdintasuna areagotu egingo da. Kontua da neurriak hartzea desberdintasunak ez areagotzeko.

Gaurkotasun handiko gaia da klima larrialdiarena.

ZULUAGA: Gure lanketetako bat da, eta uste dugu CO2 isuriak murriztu behar ditugula, gehien kutsatzen dutenek batez ere. Eta Euskal Herrian Repsol eta Iberdrola dira. Horregatik egin izan dugu Repsolen aurkako ekintzaren bat. Uste dugu gehien kutsatzen duten horiek ordaindu behar dutela trantsizio ekosozial hau, haiei zergak handituz eta diru horren bidez trantsizioa ordainduz, bidezko trantsizio bat egiteko.

Uztartzeko modukoak al dira erreforma eta sistemaren aldaketa?

RODRIGUEZ: Nik esango nuke arazorik gabe uztar daitezkeela. Historikoki, iraultza sozialistan langile mugimenduaren helburua zen sistema aldatzea, baina ez zegoen nolabaiteko erloju bat muga bat ipintzeko. Aldiz, krisi ekologikoaren aurrean ikusten duguna da urgentzia egoera bat dagoela. Egoera larria da, horregatik urgentzia hori, eta hor erreformek ere garrantzi handia dute, horien bitartez denbora irabazi dezakegulako. Isurtzea saihesten dugun CO2 tona bakoitza garaipen bat da.

«Klima larrialdiaren soluzioa ez da teknologikoa, baizik eta politikoa, antolamenduarena».

HODEI RODRIGUEZJauzi Ekosozialeko bozeramailea

Estrasburgok eman berri duen epaiak esperantza sortzen dizue instituzioen inguruan?

RODRIGUEZ: Nik egia esanda ez daukat konfiantza handiegia instituzio horietan; ulertu behar dugu horiek enpresa handien menpe daudela gaur egun. Salaketa ipini duen jendearengan, ordea, bai. Uste dut hori dela bidea: ahal dugun egitasmo guztien bidez presioa egitea benetako trantsizio ekosozial baterako, baina, horretarako, antolatu egin behar dugu herri sektoreek, langileek eta orokorrean zapalduek.

Zer iritzi duzue Eusko Legebiltzarraren trantsizio energetikorako legeari buruz?

ZULUAGA: Legeak zabaldu du bide bat, nahiz eta oso orokorra izan eta mugarik ez jarri. Adibidez, ez du argitzen nola egingo duen CO2 isurien %30eko murrizketa hori. Atea zabaltzen du enpresek proposamenak egiteko, baina ez ditu mugak jartzen, eta hori beharrezkoa dela uste dugu, baita debekuak jartzea ere: enpresei esatea zer ezin duten egin. Eta hori ez dago.

Gizartearen zati handi baten haserrea piztu du legeak.

RODRIGUEZ: Xehetasunak alde batera utzita, legearen filosofia bera nahiko okerra da, planteatzen delako klima larrialdiari aurre egin diezaiokegula soluzio teknologiko baten bidez. Kontrolik gabe emango zaie bultzada energia berriztagarriei, eta badirudi horrek klima larrialdia konponduko duela. Eta guk dioguna da benetan gizartean aldaketak ez baditugu sortzen soluzio horiek beste arazo batzuk sortu ditzaketela, arazoa ez baita soilik klima aldaketarena, baita biodibertsitatearen galerarena ere, eta energia berriztagarrien makroinstalazioek kalte handia eragin dezakete. Klima larrialdiaren soluzioa ez da teknologikoa, baizik eta politikoa, antolamenduarena.

Makroproiektu horiek errealitatea dira gaur egun.

RODRIGUEZ: Enpresa handiek agintzen dute oraindik ere; orain arte euren negozioa mundua kutsatzea izan da, horrekin aberastu dira, eta orain saldu nahi digute eurek salbatuko gaituztela. Horrek ezin du horrela izan. Gure ustez, energia berriztagarriak bultzatu behar dira, behar ditugu, baina ezin da edozein eratan bultzatu hori. Energia berriztagarrien zabalpen demokratiko bat bultzatu behar da, herritarron kontrolpean egongo dena, eta betiere biodibertsitatea babestuz. Orain ikusten duguna kontrakoa da.

ZULUAGA: Kapitalismoaren eta lehiaren logika honetan saltzen dena da presa dagoela, eta berriztagarriak azkar zabaltzen ez baditugu ez garela lehiakorrak izango, eta txarto kokatuko garela eta atzean geratuko garela. Eta hori da gaur egun Eusko Jaurlaritzak daukan bidea. Presa dagoenez, egin dezagun hau lehenbailehen. Baina benetan beharko litzatekeena da ongizate ereduaren eraldaketa sakon bat egitea.