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Articles du Vendredi : Sélection du 10 mai 2019


L’UE aura épuisé dès vendredi les ressources que la planète peut lui offrir pour l’année
Le Monde avec AFP
www.lemonde.fr/planete/article/2019/05/09/l-ue-aura-epuise-des-vendredi-les-ressources-que-la-planete-peut-lui-offrir-pour-l-annee_5459989_3244.html

La situation ne cesse de se dégrader. En 1961, ce « jour du dépassement » tombait le 13 octobre, selon le WWF. Dès vendredi 10 mai, l’Union européenne (UE) vivra « à crédit » : elle aura épuisé les ressources que la planète peut lui offrir pour l’année, alerte WWF (World Wildlife Fund – le Fonds mondial pour la nature) jeudi 9 mai, à deux semaines des élections européennes.

L’organisation non gouvernementale relève que ce « jour du dépassement » tombe plus tôt chaque année. « A partir de vendredi les Européens vivront à crédit. Cela signifie que si le monde entier vivait comme eux, l’humanité aurait consommé toutes les ressources naturelles que la planète peut renouveler en un an », souligne l’association, qui publie ce rapport avec l’ONG Global Footprint Network.

Pêche, agriculture, sylviculture, construction, empreinte carbone… si l’humanité consommait autant que les Européens, elle aurait besoin de 2,8 planètes bleues, note le rapport. Alors que l’Union européenne regroupe 7 % de la population mondiale, elle absorbe 20 % de la biocapacité de la Terre. La situation ne cesse de se dégrader : en 1961, ce « jour du dépassement » tombait le 13 octobre. Même si les cas varient selon les régions : cette année le Luxembourg a atteint ce cap dès la mi-février, quand la Roumanie y sera à la mi-juin. C’est « un déficit que nous continuons de creuser d’année en année, en empruntant des ressources à la Terre, aux autres pays et aux générations futures », déplore le WWF.

Les hommes consomment au-delà des capacités

A l’échelle mondiale, les hommes consomment aussi largement au-delà des capacités de renouvellement des ressources, et chaque année le « jour du dépassement » tombe plus tôt. En 2018 c’était le 1er août (en 1997 à la fin de septembre).

 « Nous appelons les décideurs politiques à prendre des mesures à la hauteur des enjeux : des solutions existent, mais elles doivent être mises en œuvre dès maintenant ! », a appelé la navigatrice Isabelle Autissier, présidente de WWF France. Parmi les actions prônées au niveau européen, l’adoption d’une politique agricole commune « qui préserve les ressources naturelles et favorise l’emploi », et d’un « plan contre la déforestation et la conversion des écosystèmes naturels ». L’ONG réclame aussi des règles de contrôle des flottes de pêche pour assurer la légalité et la durabilité des pratiques.

Un calcul contesté

Le « jour du dépassement », repris par les médias et commentés par les associations environnementales, qui plaident pour un mode de vie plus soutenable, suscite pourtant des questions d’ordre méthodologique. Obtenir un chiffre parlant pour l’opinion publique nécessite en effet bien souvent de faire des « raccourcis ».

En 2010, Leo Hickman, journaliste spécialiste de l’environnement, déplorait ainsi dans le Guardian, que cet indicateur agrège « des pommes et des poires », c’est-à-dire additionne des données de nature aussi différente que les émissions de gaz à effet de serre, les récoltes de maïs ou la perte de la forêt primaire.

Menaces sur la biodiversité : « Chacun de nous a deux cartes dans sa manche : la carte d’électeur et la carte de crédit »
Franck Courchamp, écologue et chercheur au CNRS
www.lemonde.fr/planete/article/2019/05/06/menaces-sur-la-biodiversite-l-ambition-francaise-doit-etre-a-la-hauteur-de-sa-responsabilite-dans-le-monde_5458963_3244.html

Franck Courchamp, écologue et chercheur au CNRS, a répondu à vos questions sur les façons d’agir face à l’extinction des espèces terrestres.

 

Un million d’espèces animales et végétales sont menacées d’extinction dans le monde : c’est l’alerte lancée, lundi 6 mai à Paris, par la Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques.

Le rythme actuel de disparition des espèces sauvages est sans précédent dans l’histoire de l’humanité et il s’accélère, avertissent les experts. Les causes, toutes d’origine humaine, en sont la destruction des habitats naturels, la surexploitation des ressources, le changement climatique, les pollutions multiples et les espèces invasives.

Selon les chercheurs, il est encore possible d’enrayer la perte de la biodiversité, à condition de changements rapides et profonds dans notre consommation de ressources tirées de la nature. Il en va, soulignent-ils, de l’avenir de l’humanité.

Aither : Quelle serait l’échéance avant un point de non-retour ? L’a-t-on déjà atteint ?

Franck Courchamp : Il est difficile d’y répondre précisément, car le point de non-retour est assez abstrait et multidimensionnel. Pour certaines espèces, il est déjà passé. Des centaines ont déjà disparu à jamais. Certains écosystèmes sont dégradés de manière permanente. Ainsi, plus de 400 zones marines (cumulées, elles représentent la taille de la Grande-Bretagne) sont totalement mortes (plus aucune vie ne s’y développe). 83 % des zones humides ont disparu et ne réapparaîtront pas d’elles-mêmes.

Mais sur le million d’espèces que l’on estime en voie d’extinction, il n’est pas trop tard pour en sauver une grande partie. La nature est extrêmement résiliente : elle peut rebondir rapidement dès qu’on relâche la pression. Les rhinocéros blancs d’Afrique australe sont passés d’une vingtaine dans les années 1970 à plusieurs milliers maintenant, grâce à un plan d’action volontaire et ambitieux. Pendant ce temps-là, on a perdu le rhinocéros noir…

Antoine : Y a-t-il, comme pour le climat, des scénarios prédisant l’impact de la chute de la biodiversité sur les sociétés humaines ?

Franck Courchamp : Oui, une part importante de ce rapport de 1 700 pages est consacrée aux scénarios et aux solutions possibles. Elles existent. La biodiversité apporte à l’humanité toutes ses sources de nourriture, beaucoup de matériaux (le bois pour se chauffer et cuisiner), les médicaments (70 % des anticancéreux sont directement ou indirectement tirés de la nature), la purification de l’eau et de l’air, la limitation du réchauffement climatique, la pollinisation (75 % de nos cultures sont pollinisées par des animaux), la fertilisation des sols, etc. Une chute de la biodiversité, en tant que service qu’elle rend à l’humanité ou pour les ressources qu’elle produit, engendrera des conflits et des déplacements de masse. A l’heure actuelle, plus de 2 500 conflits dans le monde sont liés directement aux ressources en eau et en biodiversité…

Alex : Quels sont les moyens en France de préserver la biodiversité ? Les agences françaises ont-elles les moyens de ces ambitions ?

Franck Courchamp : Les moyens, notamment économiques, sont totalement inadéquats. Il y a des institutions, une équipe de chercheurs, un secteur économique et d’innovation de premier plan. Mais les fonds ne sont pas encore – du tout – à la hauteur.

L’ambition française doit être à la hauteur de sa responsabilité dans le monde : cinquième pays en termes de richesse de biodiversité (avec les Territoires d’outre-mer), parmi les pays les plus riches, nous devons montrer l’exemple et mener le reste des pays en matière d’environnement. D’autant plus depuis que les Etats-Unis ont laissé la place libre de ce côté.

JYK : Je suis végétarien et j’ai la conviction que le végétarisme généralisé résoudrait l’ensemble des problèmes que nous rencontrons en termes de biodiversité. Qu’en pensez-vous ?

Franck Courchamp : On perd en déforestation l’équivalent du Portugal tous les ans, principalement pour l’élevage du bétail (en Amérique du Sud) et les plantations d’huile de palme (Asie du Sud-Est). La biomasse de tous les mammifères terrestres (la « masse cumulée » de tous ces animaux) se répartit comme suit : 36 % d’humains, 60 % pour le bétail et seulement 4 % d’animaux sauvages… Si chacun d’entre nous mangeait moins de viande – en se rappelant qu’on n’est pas carnivores, mais omnivores –, alors on aiderait à relâcher la pression sur la biodiversité. Et, en même temps, celle sur notre porte-monnaie et celle sur notre santé.

Mr Green : A-t-on besoin de toutes les espèces ?

Franck Courchamp : Non, bien sûr. On n’a pas besoin de tout, certaines espèces remplissent des rôles écologiques similaires à d’autres. Mais à partir de combien d’espèces perdues a-t-on un effondrement des systèmes ? Si un avion perd un boulon en vol, ce n’est pas trop grave, il y a d’autres boulons pour tenir l’ensemble. Un deuxième ou un troisième, c’est plus stressant.

A partir de combien de boulons perdus vous arrêtez de monter dans l’avion ? Autres questions : a-t-on besoin du beau papillon jaune vu dans notre enfance ? De girafes de Nubie (qui ont perdu 97 % de leurs effectifs en trente-cinq ans) ? Du Kilimandjaro ? Ne doit-on conserver que ce dont on a besoin pour survivre ? N’a-t-on pas aussi comme responsabilité d’arrêter de détruire les espèces vivantes, y compris celles dont on n’a pas « besoin » ?

Shimshim : Le mouvement Nous voulons des coquelicots réclame l’abandon de tous les pesticides. Un tel abandon serait-il rapidement suivi d’effets sur le plan de la biodiversité ? Pourquoi le lobby de l’agrochimie est-il si puissant en France ?

Franck Courchamp : La France est, je crois, la troisième nation mondiale pour l’agriculture, la première en Europe. Son pouvoir économique y est fortement lié et, donc, les lobbys de l’agriculture intensive (et de la pétrochimie) sont historiquement puissants. Mais les recherches montrent que l’agriculture intensive n’est pas la solution, ni pour l’environnement, ni pour la santé du consommateur, ni même pour le revenu de l’agriculteur.

Les rendements un peu moins faibles des agricultures raisonnée et biologique sont largement compensés par les économies en pesticides divers. Et on sait maintenant de quelle façon obtenir des rendements équivalents en mélangeant les espèces végétales, en réinstallant les haies qui sont des abris pour les prédateurs des nuisibles des champs, en réduisant le gaspillage des denrées alimentaires, etc.

Guillaume : Cinq mois que le pays est en crise à cause, à l’origine, de quelques centimes de plus à la pompe. Pensez-vous vraiment qu’il y ait un quelconque espoir alors que les décisions à prendre sont sans commune mesure avec ces quelques centimes ?

Franck Courchamp : Si l’on savait à quel point notre pouvoir d’achat sera amputé dans le futur proche par les répercussions de la baisse de la biodiversité, on réaliserait que c’est le combat n° 1 à mener. Tous les autres combats sont secondaires et tous découlent de celui-là. Les gens réagissent évidemment à ce qui les touche directement.

Il faut montrer à quel point nous dépendons de la biodiversité, à quel point on sera tous touchés directement par son effondrement.

Hugo : A quoi bon faire des efforts dérisoires quand 3 milliards d’humains vont s’ajouter au désastre déjà causé ?

Franck Courchamp : Les efforts ne sont pas dérisoires. Si des centaines de milliers de gens ne s’étaient pas mobilisés depuis des décennies pour la biodiversité et l’environnement, la situation serait bien pire. Nous aurions perdu bien plus d’espèces, d’écosystèmes. La question revient à dire : je suis dans un canot de sauvetage au milieu de l’océan et mon canot prend l’eau. A quoi bon écoper si tout le monde n’écope pas ? Je vois bien que mon voisin de gauche n’écope pas aussi vite que moi, ni celui de droite. Donc, s’ils ne font pas leur part du boulot, je n’écope pas, ça sert à rien. Non ! Même si je suis le seul à le faire, j’écope comme un fou ! Sans relâche, en criant aux autres qu’ils doivent aussi le faire si on veut s’en sortir tous ensemble. Aucun effort n’est dérisoire. Rappelez-vous du colibri de Pierre Rabhi… Sauf que nous sommes des milliards de colibris, et qu’ensemble nous avons un pouvoir extraordinaire.

Lulu : Je suis dévastée par ce genre de nouvelle. Que puis-je faire, de ma place de citoyenne, face à l’inaction coupable des dirigeants du monde ?

Franck Courchamp : Chacun d’entre nous a deux cartes dans sa manche. D’abord, la carte d’électeur : les politiciens font ce que les électeurs veulent s’ils veulent être élus. Votez pour ceux qui mettent l’environnement en premier lieu. Ensuite, la carte de crédit : vos choix de consommation font une différence énorme (moins de viande, moins d’emballages, moins d’huile de palme, etc.). Il faut juste qu’on se rappelle que, pour être heureux, il y a d’autres moyens que d’aller s’acheter une nouvelle paire de chaussures…

PapaB : Nos enfants sont continuellement confrontés à ces informations sur l’évolution dramatique de l’état de notre planète, de leur monde. Comment leur redonner espoir ?

Franck Courchamp : Les générations plus jeunes semblent bien plus informées que nous. Et c’est évidemment celles qui sont le plus concernées. Nous leur laissons une planète dévastée, n’ayons pas peur des mots, et leur génération sera dans une situation inédite dans l’histoire de l’humanité. Soit parce qu’ils seront ceux qui trouveront la solution pour sortir de ces crises environnementales, soit parce qu’ils seront ceux qui en souffriront le plus…

Mais il y a des milliers de génies, des centaines de milliers de surdoués, des millions de gens compétents, pleins de ressources et particulièrement courageux, et la nouvelle génération a le savoir de l’humanité dans son smartphone : je suis optimiste, la génération d’avant moi a réussi à aller sur la Lune, il n’y a pas de défis qui ne soient à la portée de la génération d’après moi.

Logiciels, semences, éducation : à la rencontre des activistes du « Libre », pionniers d’une société de partage
Rédaction
www.bastamag.net/Logiciels-semences-education-a-la-rencontre-des-activistes-du-Libre-pionniers-d

Tous connectés ! Tous captifs ? Deux logiques s’affrontent au cœur de la technologie : les principes émancipateurs du logiciel libre s’attaquent à ceux, exclusifs, du droit de la propriété intellectuelle. La révolution du partage ne concerne pas que le numérique : des pratiques collectives « non propriétaires » essaiment dans l’alimentation avec les semences libres, dans la santé avec des médicaments « open source », ou dans l’éducation grâce au libre accès à la connaissance… Le nouveau documentaire de Philippe Borrel, « Internet ou la révolution du partage », part à la rencontre de celles et ceux qui, de l’Inde aux Etats-Unis en passant par l’Europe, expérimentent ces outils d’émancipation. Diffusé le mardi 7 mai à 23h55 sur Arte, retrouvez sur Basta ! une série de bonus.

 

L’informatique est désormais au cœur de presque toutes les activités humaines. A-t-il contribué à faire de nous des citoyens plus autonomes ? Ou plutôt les consommateurs passifs d’un marché́ devenu total ? Il semblait parfaitement impossible il y a 20 ans que des acteurs non-industriels ou non-étatiques puissent parvenir à̀ produire collectivement un système d’exploitation informatique ou une encyclopédie. De nombreux défis pourraient être relevés par l’humanité́ toute entière, grâce aux modèles expérimentés par les activistes du « Libre ».

Logiciels libres, semences libres, médicaments libres, connaissances libres… Des objets, des appareils, des machines, des concepts, sont reproductibles et modifiables, à partager à l’infini entre toutes celles et ceux qui le souhaitent grâce à la libre diffusion de leurs plans. Les principes juridiques fondateurs du logiciel libre servent aujourd’hui d’exemple : celui d’un combat gagné contre le modèle dominant de propriété́ intellectuelle.

Logiciels libres : redonner de l’autonomie et du pouvoir aux utilisateurs

Dans son documentaire, « Internet ou la révolution du partage » (la version longue s’intitule « La bataille du Libre »), Philippe Borrel part à la rencontre de figures anonymes ou de personnalités hors-normes de ce monde encore marginal du « Libre », et de ses opposants, en Inde, en France, en Suisse et aux États-Unis. Le film nous conduit notamment à Gorges, dans les Pays de la Loire où des citoyens ont décidé de reprendre en main leur Internet. L’association Gullivigne organise ce jour-là un atelier avec des utilisateurs de logiciels libres : utiliser une messagerie libre en chiffrant ses communications, apprendre à gérer ses mots de passe, passer à un fournisseur d’accès à internet associatif… Autant de moyens pour éviter les fouilles de données personnelles.

Les logiciels libres s’enseignent aussi dès l’école élémentaire. C’est ce qu’il se passe à Fontaine, une commune d’Isère qui, dès 2001, a équipé les 600 ordinateurs municipaux de logiciels libres. « Je n’étais pas quelqu’un de convaincu a priori, je n’étais pas un militant du libre. C’est parce que ça marchait, parce que j’ai mesuré cette stabilité, que j’ai été convaincu de l’utilité du libre », témoigne le directeur du service informatique de la ville.

« Non seulement ça fonctionne, confirme le maire de Fontaine, « mais ça nous fait faire des économies entre 80 000 et 100 000 euros par an ». « On peut s’émanciper d’un monopole, on peut lutter avec nos modestes moyens et à notre modeste niveau contre la toute puissance des multinationales américaines », appuie l’adjoint à la culture de la ville. Voici comment une commune de 19 000 habitants lèvent les freins culturels vis à vis du Libre.

Des pratiques qui mettent l’accent sur la liberté́, la coopération et le partage

Les pratiques collectives et contributives du « Libre » essaiment aujourd’hui dans bien d’autres domaines que les logiciels libres. A Nantes, un FabLab – espace partagé de fabrication – a été mis en place. « Ce qui se joue ici c’est de la création collaborative plutôt que de la création individuelle, explique Vladimir Ritz, spécialiste de la propriété intellectuelle. L’intérêt de ces lieux là c’est que si tu ne sais pas faire des choses, il y a peut-être quelqu’un qui va t’aider à le faire, et si toi tu sais faire d’autres choses, tu vas peut-être lui être utile ». Comme le rappelle le chercheur Olivier Ertzscheid, « aucune société humaine ne s’est construite à l’abri du partage ni de la copie. Pour qu’une société existe, il faut toujours qu’on puisse copier, s’inspirer, reprendre et partager ce qu’on a copié. Sinon c’est une société qui est stérile et qui est morte. Il faut que la connaissance reste libre, accessible publiquement, gratuitement. »

La connaissance aussi peut et doit être en accès libre. Dans le 14e arrondissement de Paris, l’université populaire des Grands Voisins ouvre ses portes chaque mercredi. « A travers la notion de « Communs », il y a vraiment quelque chose de neuf et de formidablement porteur d’espoirs pour l’avenir. Il est possible de construire des formes institutionnelles durables à la fois économiquement efficientes et représentant dans de nombreux cas un progrès de la démocratie », relève l’économiste Benjamin Coriat.  « L’enjeu pour l’humanité c’est une remise en question de la logique propriétaire telle qu’elle a fonctionné depuis des siècles » résume le professeur de philosophie Pierre Dardot.

Les territoires oubliés inventent d’autres façons d’habiter le monde
Damien Deville
https://reporterre.net/Les-territoires-oublies-inventent-d-autres-facons-d-habiter-le-monde

La marche forcée du progrès a détruit la diversité territoriale, explique l’auteur de cette tribune. Pourtant, dans l’ignorance des métropoles, certains de ces « petits pays » réinventent des façons de vivre et d’habiter qui entrelacent culture et nature. Damien Deville est géoanthropologue, coprésident de l’association Ayya, qui sensibilise à la pensée de l’écologie relationnelle.

De ce petit pays qui a compris mon cœur, il est des histoires fiévreuses. Les Cévennes, davantage qu’une région, furent la contestation même de la symbolique de l’État nation : terres à la fois d’exil et d’accueil, elles n’ont eu de cesse de s’inventer par ce que certains appellent la résistance. Des communautés protestantes venues trouver dans les vallées et les cavernes un havre religieux, des enfants juifs cachés dans les auberges de crêtes lorsque l’enfer frappa l’Europe, aux récents néoruraux fuyant les prisons du capitalisme, l’habiter cévenol semble s’être construit autour de la liberté. La liberté de se dédouaner de ce qui parait être établi, la liberté de réinventer les identités individuelles et collectives, la liberté d’écrire soi-même les histoires de sa vie.

Pourtant, les petites cités cévenoles semblent aujourd’hui s’éroder. La liberté disparaît. Les Cévennes ont essayé de suivre à couteau tiré les cycles du progrès. Il y a eu les heures de gloire : celles des industries marchandes du bas pays qui expédiaient tout droit dans la bouche des pays européens l’acier et le charbon. Mais voilà, le monde a changé, les industries ont fermé. L’économie française s’invente aujourd’hui par la compétitivité de ses pôles urbains. Trop ruraux, trop enclavés, les petits pays sont aujourd’hui marqués par la fuite et le chagrin : des lieux marginaux où les opportunités et les espoirs semblent manquer. Les jeunes partent, attirés par la gloire des villes qui s’inventent par l’international. A vouloir s’évader, ils en oublient trop souvent que leur existence est liée à une terre et aux fantômes qui ont su la porter. Les cimetières cévenols ne sont plus entretenus, les anciennes châtaigneraies ne sont plus exploitées et la diversité des écosystèmes disparaît.

La marche forcée du progrès est en train de détruire la diversité territoriale

Que l’histoire ne se répète pas ! Il y a cinquante ans, le sociologue Henri Mendras écrivait dans des chapitres poignants La fin des paysans et la dissolution des valeurs sociales que ces derniers portaient. Vivons-nous aujourd’hui la fin des territoires ? Car dans ce monde où tout doit aller fort et vite, dans ce monde qu’est maintenant le nôtre, chaque territoire doit aujourd’hui être plus puissant que le voisin, plus attractif que la capitale. Encouragées par les pouvoirs publics qui piétinent sur l’autel de la compétitivité la diversité dont les territoires sont l’héritage, les métropoles sont aujourd’hui des villes-royaumes qui centralisent en leur sein opportunités et flux. L’un dans l’autre, une partie croissante de la population voit s’effriter sa capacité à vivre de manière belle et juste dans un territoire choisi.

Car construire l’habiter sur l’accélération, c’est laisser nécessairement sur le bas côté toutes les entités qui ne peuvent ou ne veulent suivre cette vitesse : les villes de vallées qui se méritent par le dédale de petites routes entrelacées, les villages et hameaux où s’inventait une paysannerie solidaire, le front de l’Est qui voit aujourd’hui ses populations partir pour les chaleurs de l’Ouest, les régions forestières périphériques où l’hiver est long et rude. Tous ces petits pays — pourtant magnifiques à qui sait observer — sont aujourd’hui marqués par le sceau de la subalternité. Comment, dès lors, vivre dans un territoire qui nous prive ? Comment vivre dans un territoire où l’absence sacrifie la présence ? Comment vivre dans un territoire où la carte du monde ne fait qu’apparaître des chemins noirs et des bosquets interdits ?

 

Les Cévennes, en septembre.

La marche forcée du progrès est en train de détruire la diversité territoriale. Aujourd’hui, les espaces sont dévorés par le béton et les esprits cimentés par l’urbanisation. Les campagnes deviennent des lieux de loisir et de consumérisme pour les proches populations métropolitaines. Les grandes villes dictent leurs lois, centralisent, assassinent, y compris en leur propre sein. Pensées comme des zones compétitives, comme des espaces à partir desquels se pensent une modernité préétablie par des politiques nationales, les métropoles ont tendance à assoir toutes les mêmes trajectoires de développement : la construction de centres universitaires, le développement de filières du numérique, un tourisme dynamique sur l’arrière-pays, une vie marchande qui ne s’endort jamais. Partout en France, les métropoles sont l’exact miroir d’elles-mêmes : à Strasbourg, Marseille, Lille, Bordeaux, Brest ou Montpellier, les citadins vivent exactement au cœur des mêmes trajectoires de développement. En dehors des vieux centres-ville muséifiés et des petits villages labellisés, la France aux mille territoires est en train de devenir plate comme un champ de betteraves.

Qui sait écouter entend des individus engagés qui se lèvent

Malgré tout, dans les pays les plus reculés des territoires français, des rencontres laissent présager un renouveau extraordinaire. Ces rencontres, ce sont des entrepreneurs assez fous pour miser sur la ruralité, ce sont des artistes qui puisent dans les couleurs des roches les inspirations les plus sincères. Ce sont ceux et celles qui, contre vents et marées, sont restés. Ce sont ceux et celles qui, nageant à contre-courant, sont arrivés des convictions plein la tête. Ces personnes ont un regard qui réinvite la diversité dans la conversation, le regard dur des peuples libres, le regard rempli de savoirs territoriaux. Le regard qui donne davantage d’importance à la santé des anciens noyers qu’aux données statistiques.

Ces rencontres montrent aux quotidiens que les silences campagnards n’ont de cesse d’être habités. Qui sait écouter entend des individus engagés qui se lèvent, bien décidés à brandir de nouveau les emblèmes d’une fierté depuis trop longtemps oubliée. En refusant le récit de la compétitivité économique, en misant sur les spécificités de chaque territoire, sur les histoires entrelacées entre nature et culture qui fondent le caractère de chaque lieu, sur les mythes et les talents qui composent le profond de chaque intimité, ces citoyens construisent des montagnes. Ils sont assez comédiens pour déployer des caravanes sillonnant les villages, assez conteurs pour crier à raison que leur pays mérite d’être vécu, assez peintres pour réinventer le tissu paysager dont ils sont les héritiers, assez sages pour construire eux-mêmes des politiques de solidarité. Inventant leur trajectoire de développement, se réappropriant les espaces délaissés de la république, cette énergie citoyenne questionne la place de l’État nation. Ce dernier, dans sa forme actuelle, n’est-il pas dépassé pour penser aujourd’hui un monde juste et libre ? Ces citoyens invitent à réfléchir à de nouveaux agencements territoriaux : en imposant de véritables agendas distributifs aux régions et aux métropoles, en permettant à la ruralité de s’inventer par elle-même, en misant sur des projets innovants qui valorisent la singularité de chaque lieu, une nouvelle voie de sagesse s’ouvre : celle d’un pays qui pourrait enfin abriter plusieurs pays.

Klima aldaketaren munduko 100 arduradun nagusien artean, Josu Jon Imaz euskalduna
Lander Arbelaitz Mitxelena
www.argia.eus/albistea/munduan-klima-aldaketa-eragiten-ari-den-top100ean-josu-jon-imaz-gipuzkoarra

Jordan Engel mapagileak klima aldaketaren erantzukizunik handiena duten 100 enpresa eta hauen arduradun nagusiak mapa batean kokatu ditu. Bertan da Josu Jon Imaz euskalduna, EAJko Euzkadi Buru Batzarreko lehendakari ohia, egungo Repsoleko presidentea.

 

Decolonial Maps proiektuaren bultzatzaile nagusiak, klima aldaketaren eragile nagusiak mapa batean kokatu nahi izan ditu izen-abizenekin. “Lurra ez da hiltzen ari, hiltzen ari dira, eta hiltzen ari diren horiek izenak eta helbideak dituzte ». Utah Phillipsen aipu horrekin hasten du artikulua.

« 100 enpresa munduko berotegi gasen %70 baino gehiagoren arduradun dira, 1988tik. Konpainia hauek gidatzen dituzten tipoak (sic) –gehienak tipoak dira– aberastu egin dira munduko bizitzari literalki bizkar emanez. Beren negozio ereduaren oinarria da gizakiak sekula ezagutu duen etxe bakarraren suntsipena. Bitartean, gure haserrea gaizki bideratzen dugu gure auzokide, lagun eta senideen aurka, plastikoa erabiltzeagatik edo ez birziklatzeagatik. Norbaitek merezi badu 7.500 milioi lagunen haserrea, mapako 100 pertsona horiek dira. Denak batuta, munduko mineral gehienen eskubideak kontrolatzen dituzte –oraindik lurpetik atera gabeko petroleo, gas eta ikatza esplotatzeko « eskudidea »–. Jakin behar dute ez ditugula bakean utziko erabakitzen duten arte Lurrean Utziko Dituztela [azken urteetako desobedientzia ekimen ekologistek usu darabilten Keep It In The Grownd leloa erabitzen du ingelesez]. Ez soilik beren konpainiek, baizik eta beraiek. Gauza pertsonala bilatu da dagoeneko ».

Kartograma honek herrialdeak ordezkatzen ditu, eta herrialdeen tamaina industrializazioaz geroztik jaurtitako karbono dioxido emisioen araberakoa da. Azpian ikus daiteke, adibidez, Europako partea handituta.

« Gure ohiturak aldatuz eta produktu berde gehiago erosiz klima aldaketa gera dezakegula dioen mitoari erantzun bat da mapa hau. Guk gure hondakinak bereizi ala ez, korporazio hauek planeta izorratzen jarraituko dute, guk geratzen ez ditugun bitartean. Konpainia hauetan erabaki nagusiak hartzen dituztenek anonimotasun erlatiboaren pribilegioa daukate, eta mapa honekin hori apurtu nahi dugu eta beraiei oihu egin. Tipo hauek sentitu behar dute planeta salbatzeko ardura, guk denok sentitzen dugun bezala ».