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Articles du Vendredi : Sélection du 05 novembre 2010

Grève générale de la consommation le samedi 13 novembre

Des réseaux décroissants du net. Récupéra via ekosozinfo

5 actions top pour réduire tes émissions de GES

Frédéric Chomé
Edition de Terraeco.net datée du 18.10.10

« Il y a eu un essoufflement du Grenelle de l’environnement »

Gaëlle Dupont
Edition du Monde datée du 0211.10

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Grève générale de la consommation le samedi 13 novembre

Des réseaux décroissants du net. Récupéra via ekosozinfo

Les grèves et manifestations contre la réforme des retraites ont initié un mouvement de fond.
Nous relevons cependant que ce mouvement tend à pénaliser ceux qui y participent, plutôt que ceux-là même qu’il veut atteindre: le pouvoir financier qui continue de croître à un rythme effréné (la France est désormais le 3ème pays du monde en nombre de millionnaires) et dicte à nos gouvernants les lois garantissant, plus que jamais, le maintien de leurs privilèges.
Regardons la réalité en face: nous ne sommes plus dans un Etat de droit commun, mais dans un Etat où se fabrique du droit particulier au profit des intérêts privés de quelques uns.
Alors que le gâteau croît, nous sommes de plus en plus nombreux à n’en récolter que des miettes. Il est temps que soit restaurée la justice sociale, que chacun puisse contribuer à créer, et récolter, sa juste part -ni plus ni moins.
Or, si quelques uns s’octroient aussi impunément le gros du gâteau, c’est que s’est développée en France, comme dans le reste du monde, une collusion entre pouvoir financier, économique et politique. Les détenteurs du capital dictent leur loi aux opérateurs économiques, qui intiment au politique le passage de règlementations à leur avantage. C’est ce que nous tendons à appeler le « système ».
Ce « système », pour puissant qu’il est, n’est cependant pas aussi invincible qu’il y paraît. Comme Achille, il a un point faible, et c’est là qu’il nous faut décocher notre flèche si nous voulons restaurer une société de droit commun, élaboré au profit de l’intérêt général, et où chacun puisse (re)devenir maître de son destin, prendre goût à contribuer, et jouir de son existence.
Ce « système » repose en effet sur le fait que nous l’alimentons en permanence par notre consommation. Il n’existe pas en dehors d’elle. Chaque produit que nous achetons génère un profit qui ne rétribue plus le travail de celui qui a oeuvré à sa réalisation mais nourrit les dividendes d’un actionnaire au loin.
En cessant d’acheter des produits transformés, nous touchons le talon d’Achille du système. Nous lui indiquons sa faiblesse -et notre force. Nous refondons les conditions d’un dialogue social plus équitable, où notre voix et nos propositions peuvent se faire jour.
A cet effet, nous vous proposons de vous associer à une grève générale de la consommation,avec une première journée d’ (in)action le samedi 13 novembre 2010.
Ce jour-là, nous proposons:
* de faire la grasse matinée
*de partager nos réserves de nourriture avec nos amis et voisins autour d’une fête du partage
* de collecter des herbes et fruits dans la nature -c’est gratuit et ça nous rappelle combien la nature est généreuse à notre endroit.
*de chanter, danser, rire -ça ne coûte rien, et ça fait du bien
*de faire l’amour, d’embrasser nos parents, enfants, proches et amis.
*Si nous avons vraiment besoin de produits de première nécessité, de nous rendre au marché local et de n’acheter que des produits locaux directement aux producteurs.
Cette première journée sera suivie d’autres journées, voir de semaines sans consommation, selon l’écho que recevront nos propositions. Car nous avons des propositions. Quelles sont-elles?
Plutôt qu’une réforme du système des retraites, qui même plus équitable dans ses modalités, tendra toujours à répercuter dans le dernier âge de la vie les inégalités subies dans sa période active, nous demandons:
– la mise en place d’un revenu minimum d’existence, se substituant à tous les revenus sociaux et de réversion (pensions, retraites, allocations etc), et offrant, sans conditions, un revenu de base digne pour tout adulte et enfant, de l’ordre de 1000 euros par adulte et 250 euros par enfant.
Ce revenu minimum sera couplé à une économie de la contribution, où chacun pourra contribuer à l’économie générale en se consacrant aux activités selon son goût, de préférence dans le cadre de structures coopératives afin qu’il ou elle en conserve la maîtrise.
– en effet, afin que chacun puisse (re)devenir maître de son destin, et cesser de dépendre d’une poignée d’actionnaires ou de propriétaires -pour que s’accomplisse enfin l’émancipation individuelle et collective qui est, bien plus que la « richesse » nationale, le vrai indicateur d’une démocratie accomplie, nous demandons la généralisation des structures coopératives et autogérées (d’habitat, de travail, d’éducation, de formation, etc).
– enfin nous demandons, avec des économistes éclairés, la fermeture de la Bourse, qui est devenue une nuisance pour l’économie, dans le mesure où elle ponctionne les profits des entreprises qui auraient dû être réintégrés dans leur activité, impose une gestion à court terme dangereuse pour sa survie et celle de la planète toute entière, et exige des gains de rentabilité sur le dos de l’emploi. D’autres moyens, plus simples, plus efficaces, plus sûrs, de financer l’économie existent déjà ou sont à développer. La forme coopérative est l’un d’entre eux.
Le 13 novembre prochain, associons-nous à une grève générale de la consommation. Redécouvrons le plaisir gratuit d’être ensemble.
Oeuvrons à ce que nos propositions soient entendues et donnent lieu à un débat national.

5 actions top pour réduire tes émissions de GES

Frédéric Chomé
Edition de Terraeco.net datée du 18.10.10

(Le livre {How To live a low carbon life de Chris Godall / Natural Collection)
Avec la sortie récente du Coach Carbone, on observe un engouement des citoyens pour mesurer de leurs émissions de gaz à effet de serre. N’ayez plus peur de parler de carbone aux repas de famille ! Voici actions faciles, pas chères et immédiatement réalisables pour réduire votre impact.
En sachant que les émissions de gaz à effet de serre (GES) de la Belgique calculées par habitant représentent environ 13 tonnes d’équivalent CO2 (tCO2e) par habitant et par an (9 tCO2e/hab/an en France) on obtient pour un ménage moyen les chiffres suivants [1] :
1 année d’électricité = 0,9 tCO2e
1 année de chauffage = 6 tCO2e
20 000 km en voiture = environ 4 tCO2e
1 téléviseur écran plat = environ 2 tCO2e à la fabrication
Par ailleurs, les émissions de GES des entreprises ramenées à l’employé varient entre 2 et 200 tCO2e/pers/an [2]
Au vu de ces chiffres, ce n’est probablement pas le fait d’éteindre la lumière en sortant qui va sauver la planète !
Dès lors, je vous propose ci-dessous cinq gestes essentiels pour réduire drastiquement votre empreinte carbone globale (qui risque de dépasser les 13 tCO2e/personne/an) :
1. Gérer son patrimoine mobilier avec raison environnementale
850 euros placés dans une banque classique (compte courant, épargne, assurances) ou en bourse, génèrent environ 1 tCO2e.
L’ensemble de vos avoirs mobiliers est probablement votre premier poste d’émissions de GES. Le Belge est « riche » de 86 500 € par personne en moyenne (et le Français un peu plus). Faisons le compte : ça fait quand même plus de 100 tCO2e par personne et par an en moyenne. Bien entendu, la moyenne ne reflète pas du tout la médiane dans les avoir financiers, puisque les distributions ne suivent pas du tout les courbes gaussiennes…. [3]
Placer au minimum 10 % de vos avoirs dans des entreprises dites à balance carbone positive (qui génèrent plus de réductions d’émissions de GES qu’elles n’en produisent) vous permet de « compenser » cet impact.
2. Choisir l’entreprise qui vous emploie et travailler dans des secteurs à balance carbone positive
Elle sont rares aujourd’hui, mais ça existe ! Si vous ne pouvez pas changer de job, soyez de ceux qui feront changer votre entreprise de métier, de secteur, de produits, de qualité. Réalisez l’empreinte carbone de votre boîte et passez à l’action.
L’empreinte carbone d’une entreprise par employé représente entre quatre et plusieurs centaines de tCO2e par an. Soit souvent un multiple de son impact à domicile !
Quelques exemples d’activités positive en carbone :

Isolation des bâtiments (en rénovation plus qu’en construction neuve) : vitres, ouvrants, matériaux isolants, pose…
La construction avec une superstructure bois (non issu de la déforestation)
Efficacité énergétique au sens large : maintenance, optimisation énergétique, augmentations de rendement…
Energie renouvelable décentralisée : remplacement de chaudières aux hydrocarbures par des chaudières biomasse
Agriculture raisonnée, élevage extensif faisant appel à la prairie
Seconde main au sens large : réparer, rénover, réutiliser, remettre au goût du jour, entretenir, fournisseur de pièces détachées…
Recyclage des déchets en matière première réutilisables dans les processus de production
Tous les métiers de la location et de la mise à disposition de biens sur des périodes nécessaires à leur utilisation en lieu et place de la possession

Le tourisme de proximité, le Woofing, les échanges de logements (avec trajets autres qu’en avion entre les deux)
Les ONG environnementales
L’artisanat à base de matériaux qui stockent du carbone et pour fabriquer des biens de longue durée de vie
Finance environnementalement positive : qui soutient exclusivement des entreprises dont l’activité restaure l’environnement
Sauvegarde et entretien des espaces naturels et des puits de Carbone
etc. [4]
3. Réduire fortement la consommation de biens neufs
Privilégiez les biens existants, la réparation pour prolonger la durée de vie, et l’achat de seconde main
Louez ce qu’il n’est pas nécessaire d’acheter.

Ne succombez pas aux « offres exceptionnelles » pour renouveler vos équipements alors qu’ils fonctionnent encore.

Tous les équipements qui font appel à de l’électronique émettent plus de 80% de leurs émissions de GES lors de la fabrication. Acheter un bien neuf (télé, Hi-fi…) ne sera que très rarement compensé par les économies de consommation que vous réaliserez lors de son utilisation. Sauf pour les bâtiments, les congélateurs et les frigos, ainsi que pour les véhicules… à condition de réduire les émissions d’au moins 60g de CO2/km par rapport à votre ancien véhicule).
4. Manger bas carbone
Il est assez simple de diviser par un facteur 5 à 8 l’empreinte carbone de sa nourriture, tout en améliorant globalement sa santé et celle de notre environnement, en mangeant moins de viande rouge et plus de viandes blanches ou de protéines végétales (haricots, pois, lentilles, etc. appelés « la viande du sage »). Evitez cependant le soja en trop grandes quantités (déforestation en vue si l’origine est brésilienne dans un cas sur deux), sauf celui qui est clairement certifié comme provenant de zones non déboisées.
5. Redéfinir la notion de richesse et de plaisir
Repenser notre notion au temps : on n’est pas né sur Terre pour travailler comme des brutes en vue d’espérer « vivre » une fois à la pension… Ni pour se comparer en permanence à son voisin, beau-frère ou collègue en luttant sur le paraître et les biens matériels. Vivre simplement, a aussi des côtés positifs (si si si) et la philosophie ne fait de mal à personne.
Exemples non limitatifs : réinvestissez le terrain social, partez à la recherche de l’autre, tentez de faire du bien autour de vous, investissez vous dans la vie de l’école de vos enfants, dans des mouvements associatifs qui se battent pour des causes que vous défendez, acceptez de donner de votre temps, de ralentir, de choisir volontairement d’effectuer des activités non rémunératrices et à l’inverse des activités gratuites (qui deviennent de plus en plus rares en raison de la marchandisation de la société).
Bonne méditation !
[1] (relativement identiques en France si ce n’est une moindre impact carbone pour l’électricité)
[2] expérience personnelle sur base de plusieurs bilans carbone
[3] Selon le lien, les 10% des personnes les plus riches détiennent 83% de la richesse mondiale… Égalité quand tu nous tiens !
[4] Merci de compléter cette liste non exhaustive avec vos idées de secteurs à empreinte carbone positive
Les ONG déplorent aussi « l’absence de mesures climat sur l’agriculture » (21 % des émissions), la défiscalisation pour les filières industrielles d’agrocarburants, et les « deux EPR programmés »…
Elles notent cependant « quelques avancées », comme les plans climat-énergie que les collectivités territoriales devront avoir adoptés pour le 31 décembre 2012.

« Il y a eu un essoufflement du Grenelle de l’environnement »

Gaëlle Dupont
Edition du Monde datée du 0211.10

HI : Diriez-vous que le bilan du Grenelle est « globalement » positif ? Qu’en disent les associations ?
Gaëlle Dupont : Cela dépend beaucoup des associations. En fait, elles sont à peu près toutes d’accord pour dire que l’existence du Grenelle est en soi un grand progrès, et que si l’on compare ce qui se passe maintenant à ce qui se passait avant octobre 2007, il y a eu un changement d’échelle.
En revanche, si on revient sur les engagements d’octobre 2007 et qu’on examine les résultats aujourd’hui, il y a de la déception chez beaucoup d’associations.
C’est aussi parce que l’espoir avait été considérable, et que le discours de Nicolas Sarkozy avait marqué une rupture dans la façon de considérer l’écologie. Il l’avait vraiment placée au cœur de sa politique, il avait parlé d’un « new deal écologique ».
Donc forcément, quand on met la barre aussi haut, on risque de décevoir quelques années plus tard.

Cassandre : Que pensez-vous du rapport de suivi présenté ce matin, élaboré avec l’aide du cabinet Ernst & Young ?
C’est un rapport (PDF) qui a une vision plutôt optimiste des choses, puisqu’il considère que 18% des engagements du Grenelle sont réalisés et que 60% sont en cours de réalisation sans difficultés particulières à ce jour.
Ce qui pose problème, c’est que les échéances sont lointaines, et qu’il est difficile de dire aujourd’hui qu’un objectif à 2020 est en cours de réalisation, puisque tant de choses peuvent intervenir d’ici là. Et certains dossiers, par exemple la diminution de 50% des pesticides d’ici à 2018, sont classés dans cette catégorie « en cours », bien que la majeure partie du monde agricole le remette en question.
La personne chez Ernst & Young qui a coordonné le rapport est quelqu’un qui croit dans le Grenelle et qui affirme avoir travaillé objectivement. Mais il souhaite que ce rapport soit l’occasion d’une remobilisation, donc il n’a pas voulu gonfler les obstacles qui se présentent. Les associations écologistes considèrent que le rapport est un peu trop optimiste et ne fait pas preuve de suffisamment d’esprit critique.
Il faut aussi signaler que le rapport est endossé par quatre anciens présidents de groupes de travail du Grenelle.

luba : Nicolas Sarkozy a-t-il tenu ses promesses de candidat ? Notamment par rapport au pacte de Nicolas Hulot ?
Oui, parce que dans le pacte de Nicolas Hulot, il y avait notamment la création d’un ministre d’Etat n°2 du gouvernement chargé de l’écologie. Dans le précédent gouvernement, le ministre de l’écologie était au 13e rang du protocole, il est passé au 2e rang.
Mais dans le pacte écologique, il y avait la taxe carbone, pour laquelle Nicolas Hulot s’est énormément battu, et la taxe carbone, qui a été mise à l’étude à l’issue du Grenelle, a finalement été abandonnée. Donc sur ce point, Nicolas Sarkozy n’a pas tenu sa promesse.
Le Grenelle était inattendu, le chef de l’Etat ne s’était pas engagé à aller aussi loin pendant sa campagne. Il a lancé cette idée et ça a fonctionné, mais je n’ai pas le souvenir qu’il ait dit : « Je vais faire la révolution écologique. » Ce n’est en tout cas pas là-dessus qu’il s’est fait élire.
Et les écologistes ont eux-mêmes été très surpris quand ils ont été invités à l’Elysée quelques jours après l’élection de Nicolas Sarkozy.
Marlène : L’abandon de la taxe carbone n’est-il pas révélateur des engagements non tenus ? Est-il question de la relancer ?
Pour l’instant, non. L’abandon de la taxe carbone a été l’événement qui a focalisé la déception sur le Grenelle, car c’était une mesure pour laquelle Nicolas Hulot s’était énormément battu, et qui est considérée comme structurante, de nature à vraiment changer les comportements des gens au quotidien pour consommer moins de ressources.
Donc c’est vrai que c’est à partir de l’abandon de la taxe carbone qu’il y a eu la montée du discours sur l’abandon des promesses, le renoncement du gouvernement, parmi les associations écologistes et à gauche.

Steph : Comment expliquer que ces objectifs n’aient pas été atteints ? Irréalisables car trop ambitieux, manque de volonté de certains acteurs ?
Je pense qu’il est normal qu’il y ait un décalage entre des objectifs qui étaient très ambitieux – c’était justement l’intérêt du Grenelle – et leur mise en œuvre, puisqu’il y a toujours un moment où on revient au réel et où les obstacles apparaissent. C’est inévitable.
Et le temps a passé, le Grenelle, c’était il y a trois ans. La dynamique était très forte au début, et puis la crise est arrivée, le sujet est passé au second plan, et il y a eu sans doute un défaut de mobilisation des acteurs du Grenelle côté gouvernement.
Il aurait sans doute fallu faire un grand bilan qui aurait servi à relancer la dynamique, peut-être tous les ans. C’est vrai qu’on a senti un essoufflement, dû à la fois à la lourdeur des sujets, car ce sont de très grands chantiers, et au fait qu’il y a beaucoup de gens que cela dérange de remettre en cause leurs habitudes.

Thoupi : Quel a été le poids des lobbys dans la mise en œuvre des décisions ?
Pour chaque mesure, il y a forcément des gens qui étaient contre. Ensuite, le front du refus est plus ou moins important et plus ou moins efficace. Et la capacité de passer au travers de Jean-Louis Borloo et des gens du ministère est variable selon les sujets.
Par exemple, sur la taxe carbone, le front du refus l’a manifestement emporté, et le ministre a été isolé au sein du gouvernement. Sur les questions agricoles, on a bien vu que le ministre de l’agriculture, le premier ministre étaient assez réceptifs aux contestations du monde agricole.
Sur les projets d’infrastructure, les élus locaux ont continué à pousser des dossiers d’autoroute ou d’aéroport, et ont remporté pas mal de batailles.
Il y a d’autres dossiers sur lesquels cela s’est mieux passé pour le ministère de l’écologie, sur les OGM par exemple. Le moratoire sur le maïs transgénique Monsanto 810 est passé, alors que c’est un sujet extrêmement difficile et polémique.
Sur le thon rouge, c’est vrai que la France a échoué à faire passer l’interdiction du commerce international lors de la conférence internationale qui devait en décider, mais la France a quand même défendu cette interdiction, ce qui était inimaginable il y a un an.
Donc c’est difficile d’avoir un jugement global, c’est sur chaque dossier qu’on peut avoir une appréciation du respect des promesses.

Paul : Construction de nouvelles autoroutes, projet d’aéroport à Nantes, les annonces du Grenelle n’étaient-elles que de la poudre aux yeux ?
Ce sont des questions très importantes, puisque ce sont des dossiers sur lesquels se battent des associations de terrain depuis des années. Et les associations de terrain, qui font vivre l’écologie au jour le jour, sont les plus critiques sur le Grenelle, puisque sur ces dossiers emblématiques, elles n’ont pas l’impression qu’il y a eu un changement.
La défense de Jean-Louis Borloo est de dire que les projets qui avaient été décidés avant le Grenelle ne pouvaient pas être remis en question. Mais cet argument n’est pas entendu, car beaucoup de gens sur le terrain considèrent que ces projets sont justement très datés, et qu’il aurait fallu saisir l’occasion pour les revisiter.
Les élus locaux, en outre, y tiennent beaucoup, car ils veulent du désenclavement, du développement, du passage, des infrastructures.

Steve : On entend dire que le budget 2011 détricote bon nombre de mesures du Grenelle, au même titre que celui de 2010. Vrai ou faux ?
Oui, beaucoup de dispositifs qui visaient à encourager les économies d’énergie sont revus à la baisse.
Dans certains cas, il s’agit aussi de faire face à des bulles. Par exemple, pour l’éolien et le solaire photovoltaïque, il y avait une telle explosion des demandes qu’il a fallu revoir les dispositifs à la baisse, car ça allait coûter beaucoup trop cher.
Et dans le cas du bonus-malus, c’est vrai qu’on a une réduction de la voilure.

Pierre : La raison économique a-t-elle en quelque sorte mis fin à « l’utopie » écologique?
Les questions budgétaires ne sont pas les seules en cause. Il y a beaucoup de choses dans le Grenelle qui ne coûtent pas d’argent. Mais c’est vrai qu’il y a chez pas mal d’acteurs du Grenelle, notamment chez les syndicats et dans le patronat, des gens qui regrettent que l’écologie n’ait pas été davantage considérée comme un levier de relance par le gouvernement.
On a l’impression que la vision ancienne a perduré, c’est-à-dire que l’écologie, c’est quelque chose qui coûte de l’argent, et pour avoir de la croissance, on ne peut pas faire d’écologie. Alors que l’idée de ces gens est qu’on peut en faire une source de richesse. Cela rejoint le fait que le ministre de l’écologie est resté globalement assez isolé au sein du gouvernement. Il a mené sa barque, bien, de l’avis assez unanime, mais un peu seul.

Art : Jean-Louis Borloo a-t-il fait mieux ou moins bien qu’un autre à ce poste ? A-t-il présenté un intérêt particulier pour ces questions d’environnement ?
Jean-Louis Borloo est toujours assez apprécié par tous les acteurs du Grenelle. Il y a vraiment peu de notes discordantes.
On lui reconnaît d’avoir mis beaucoup d’énergie dans le Grenelle et d’avoir contribué à sa réussite à l’époque, et que ses qualités humaines et de négociateur ont beaucoup fait pour que ça marche.
Les difficultés du Grenelle sont en général imputées à d’autres que lui, c’est-à-dire aux lobbies, à la majorité et au reste du gouvernement.
Quand il est arrivé au ministère, il ne s’intéressait pas beaucoup à l’écologie. C’était d’ailleurs un lot de consolation, puisqu’il devait être à l’économie. Mais il s’y est très vite mis, il a beaucoup lu, et il a été convaincu. Il a démontré qu’il considère que ces sujets ont de l’importance.

KLM : A votre avis, Jean-Louis Borloo a-t-il démontré que la droite pouvait être crédible sur des questions environnementales ou est-ce que le débat ne se pose pas en ces termes ?
La question droite-gauche est difficile sur l’écologie, puisque la droite a un handicap d’image en la matière, tandis que la gauche apparaît plus écolo parce que plus proche des Verts, parce qu’il y a eu la gauche plurielle.
Mais en fait, j’ai regardé les grandes mesures écologiques qui étaient passées par la droite et par la gauche, et la droite a fait plus de choses. Elle a été plus longtemps au pouvoir, c’est vrai, mais elle a quand même été marquée par de très grandes lois – comme celle de 1976 ou la charte de l’environnement – alors que le bilan de la gauche apparaît plus modeste.

Gilles C. : En France, en quoi les « valeurs » prônées par, respectivement, les politiques des deux partis majoritaires sont-elles compatibles avec une avancée réelle vers une meilleure protection de l’environnement ?
La gauche s’estime mieux placée sur le plan des valeurs, puisque pour protéger l’environnement, il faut de la régulation, et la gauche est plus régulatrice que la droite.
Mais récemment, il y a eu une offensive à droite sur le thème des valeurs, l’idée étant que la protection de l’environnement peut produire de la croissance et de la richesse.

Martin : Le Grenelle de l’environnement est il une simple opération de « greenwashing » ?
Cela dépend de ce qui va se passer maintenant. Il y a eu quand même des mesures, des avancées depuis trois ans. Mais si on en reste là, le résultat sera très en deçà de ce qui avait été annoncé. Il faudra voir aussi quelle place prendra l’écologie dans la prochaine campagne présidentielle, et comment le Grenelle sera porté, notamment à droite, puisque l’écologie n’est toujours pas très populaire pour la majorité des élus de droite.
Ils ont l’impression que cela ne leur rapporte pas électoralement, et vont peut-être être tentés de ne pas en faire un sujet important.

Guest : Les associations qui ont participé au Grenelle sont-elles favorables à Jean-Louis Borloo au poste de premier ministre ?
A vrai dire, je pense qu’elles seraient plutôt satisfaites, car elles auraient au poste de premier ministre quelqu’un dont elles connaissent l’intérêt pour l’écologie. Mais on sent chez elles l’attente d’une remobilisation autour de ces thèmes-là, qu’un nouveau ministre de l’écologie soucieux d’imprimer sa marque pourrait peut-être donner.