Articles du Vendredi : Sélection du 4 mai 2018

Droit du climat: 15 disciplines unies pour la recherche

Stéphanie Senet
www.journaldelenvironnement.net/article/droit-du-climat-15-disciplines-unies-pour-la-recherche,91534

Climat : les pays du Nord loin de leur promesse de mobiliser 100 milliards pour le Sud

Simon Roger
www.lemonde.fr/climat/article/2018/05/03/climat-les-pays-du-nord-loin-de-leur-promesse-de-mobiliser-100-milliards-de-dollars-pour-ceux-du-sud_5293558_1652612.html

La France alourdit régulièrement sa dette écologique

Valéry Laramée de Tannenberg
www.journaldelenvironnement.net/article/la-france-alourdit-regulierement-sa-dette-ecologique,91597

Macron, un an d’« imposture » agricole et environnementale, selon Attac

Émilie Massemin
https://reporterre.net/Macron-un-an-d-imposture-agricole-et-environnementale-selon-Attac

Hauspoari eraginez

Aiala Elorrieta Agirre
www.argia.eus/argia-astekaria/2597/hauspoari-eraginez

Droit du climat: 15 disciplines unies pour la recherche

Stéphanie Senet
www.journaldelenvironnement.net/article/droit-du-climat-15-disciplines-unies-pour-la-recherche,91534

Le premier groupement de recherche interdisciplinaire consacré au droit des changements climatiques a été lancé en janvier au sein du Centre national de la recherche scientifique (CNRS).  Sa directrice, Marta Torre-Schaub explique au JDLE les grands enjeux qui y seront abordés.

 

Vous déjà fondé, en 2016, un projet de recherche autour des contentieux climatiques soutenu par la Mission droit et justice. Quel est l’objectif de ce nouveau groupement ?

L’idée du groupement de recherche est de mettre en réseau différentes équipes de quinze unités de recherche travaillant sur les changements climatiques. Il permettra de créer des synergies nouvelles entre le droit, les autres disciplines des sciences humaines et sociales et les sciences dures, notamment les sciences de la nature et la climatologie, afin d’établir un dialogue fructueux et nécessaire, d’accroître la production scientifique et d’améliorer la visibilité des chercheurs associés, en France et à l’international.

Ce nouveau groupe de recherche, qui s’intitule Climalex, regroupe aussi bien des juristes que des historiens, des philosophes, des anthropologues, des géographes, des experts des sciences politiques et des sciences du climat, des économistes… Il va aussi s’appuyer sur le réseau de juristes que j’ai fondé en 2016 pour soutenir la constitution d’une communauté de chercheurs interdisciplinaires autour du droit et du changement climatique. Nous voulons donner à cette thématique et à cette communauté les moyens matériels et humains de mener des projets de recherche innovants, et de les faire connaître.

Quels sont vos principaux thèmes de travail ?

Le postulat de départ est d’apprendre à faire de la science ensemble. Cela se traduira par des propositions concrètes de législation, de régulation et d’évolution des politiques climatiques, et aussi par une réflexion sur l’usage de la science et de l’expertise dans la mobilisation du droit pour la cause climatique. Nous allons organiser un colloque de lancement d’ici à la fin de l’année pour préciser la façon dont nous allons travailler et pour faire connaître notre démarche collective.

Nous nous réunirons également de manière périodique dans le cadre de séminaires autour de problématiques ponctuelles, comme le plafond climatique des 2 degrés,  la vulnérabilité, l’irréversibilité, l’évaluation du risque, les contentieux, ou encore le lien de causalité. Nous ferons également des publications collectives interdisciplinaires.

De nombreux séminaires ont déjà été organisés dans le cadre du projet sur les contentieux climatiques de la mission droit et justice: la mobilisation du droit autour des contentieux climatiques, la place de la société civile et des normes dans les COP, la responsabilité climatique en Europe et aux Etats Unis, la construction du lien de causalité climatique et l’expertise scientifique. Prochain rendez-vous le 21 juin sur l’imputation des dommages climatiques aux entreprises.

Pour revenir sur la preuve de ce fameux lien de causalité, sur laquelle butent de nombreuses actions climatiques, y a-t-il de nouveaux espoirs ?

C’était justement l’objet d’un atelier que nous avons organisé le 5 avril dans le cadre du projet de recherches sur les contentieux climatiques. Cette manifestation a montré la grande difficulté d’apporter cette preuve, dans le cadre des actions menées contre les Etats ou contre les entreprises.

Les contentieux visant les Etats aboutissent au mieux à des injonctions de faire prononcées par le tribunal ou à des annulations de projets d’aménagement ou de permis d’exploitation.

En réalité, la responsabilité de l’Etat est rarement mise en cause directement et peu d’actions aboutissent. Les procès visant les entreprises, au civil, doivent démontrer un préjudice et un lien de causalité. D’où l’importance de s’appuyer sur des données scientifiques et sur des engagements politiques nationaux.

Dans de très nombreux pays, l’accord de Paris ne peut pas être invoqué directement devant un tribunal. En Europe, en revanche, c’est le droit communautaire, qui à mon avis, doit être mis en avant. Le 20 juin, nous organisons un deuxième séminaire consacré à l’imputation des dommages aux entreprises en matière climatique et agro-alimentaire. L’objectif est justement de réfléchir à la question de la preuve du dommage climatique et de la responsabilité des entreprises.

Quelles sont les données scientifiques retenues par les tribunaux ?

En général, les rapports publiés par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) sont plutôt bien acceptés. Reste à savoir comment les juges les interprètent. Par ailleurs, l’actualité récente a mis en exergue trois faits intéressants.

Dans une décision du 5 avril[1], la Cour suprême de Colombie a ordonné au gouvernement de stopper la déforestation en s’appuyant sur plusieurs travaux scientifiques dont ceux du climatologue James Hansen, de l’université Columbia de New York.

Ensuite, la Haute Cour des droits de l’homme des Philippines a appelé à la barre plusieurs scientifiques spécialistes du changement climatique pour examiner la plainte de la société civile contre 47 PDG d’industries fortement émettrices de CO2.

Enfin, un juge californien, William Alsup, a demandé début mars à recevoir, au tribunal, des cours sur les changements climatiques en vue de rendre un verdict éclairé sur l’action intentée par San Francisco et Oakland contre les majors pétrolières. Les deux villes demandent que la responsabilité de Chevron, CoconoPhilips, Royal Dutch Shell, BP et Exxon Mobil dans le réchauffement soit reconnue. Le juge a demandé à comprendre, quel que soit le temps que cela prendra.

 

[1] Lire l’analyse de Marta Torre-Schaub

https://theconversation.com/justice-climatique-en-colombie-une-decision-historique-contre-la-deforestation-95004

Climat : les pays du Nord loin de leur promesse de mobiliser 100 milliards pour le Sud

Simon Roger
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Alors que des négociations se déroulent à Bonn, l’ONG Oxfam publie, jeudi, un rapport sur « les vrais chiffres des financements ».

A chaque nouvelle session de négociations sa trouvaille linguistique. Le terme était apparu lors de la conférence climat de novembre 2017 (COP23), il entre en force dans le vocabulaire de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, la CCNUCC. Réunis à Bonn, en Allemagne, jusqu’au 10 mai, les délégués des 195 pays signataires de l’accord de Paris – destiné à contenir le réchauffement planétaire sous le seuil des 2 °C – devront dorénavant s’habituer au « dialogue Talanoa ».

L’expression forgée par les îles Fidji, qui supervisent les débats jusqu’en décembre, avant de passer le relais à la Pologne lors de la COP24, fait référence à l’approche polynésienne de la résolution des problèmes ; une manière « de partager nos histoires, dans un esprit d’empathie et de confiance », a tenté de résumer, mercredi 2 mai en séance plénière, l’ambassadeur fidjien Luke Daunivalu.

En attendant d’étrenner, dimanche 6 mai, ce nouveau format de discussion entre Etats et acteurs non étatiques, les quelque 4 000 accrédités du World Conference Center des bords du Rhin mettent à l’épreuve leur capacité d’écoute sur l’un des dossiers les plus crispants des négociations : les financements. Le rapport que publie, jeudi, l’ONG internationale Oxfam risque de faire chuter la cote de confiance que l’institution onusienne cherche à maintenir.

Intitulé « 2018 : les vrais chiffres des financements climat », le document passe en revue les données publiées par les pays bailleurs pour la période 2015-2016 et s’interroge sur le chemin qui reste à parcourir par les nations du Nord pour tenir leur engagement de mobiliser conjointement 100 milliards de dollars (83 milliards d’euros) par an, d’ici à 2020, en faveur des pays du Sud.

« Tendances préoccupantes »

Le rapport s’ouvre sur un chiffre qui devrait faire tousser quelques délégués siégeant à Bonn. Selon les estimations d’Oxfam, le montant total des financements climat publics déclarés par les bailleurs s’élève à 48 milliards de dollars par an. L’ONG pousse l’analyse plus loin et considère que seuls 16 à 21 milliards de dollars aident réellement les pays du Sud, puisqu’une grande partie des fonds engagés par le Nord financent des projets dont le climat n’est qu’un volet d’action.

Dans un précédent exercice de comptabilisation, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) avait estimé, en octobre 2016, que ces financements publics pourraient représenter 67 milliards de dollars en 2020, la part restante des 100 milliards étant comblée selon l’OCDE par des capitaux privés. Mais il s’agissait là d’une projection, basée sur les engagements annoncés par plusieurs pays riches en 2015, et pas d’une photographie à l’instant T.

En publiant cette synthèse en pleine session de travail de la CCNUCC, l’ONG veut mettre l’accent sur des « tendances très préoccupantes pour les pays et les populations les plus pauvres dans le monde », argumente Armelle Le Comte. La responsable climat et énergie d’Oxfam France s’inquiète notamment de la faible augmentation de l’aide publique accordée sous forme de subventions : entre 11 et 13 milliards de dollars en 2015-2016 (sur le total de 48 milliards), contre 10 milliards sur la période 2013-2014.

Elle déplore la part modique des sommes consacrées à l’adaptation au changement climatique, qui représentent seulement 20 % des financements publics, contre 19 % en 2013-2014 (les politiques d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre captent la majeure partie des fonds). Seuls 18 % des financements comptabilisés en 2015-2016 ont bénéficié aux quarante-huit pays les moins avancés (PMA), relève par ailleurs la responsable d’Oxfam.

Le rapport de l’ONG n’élude pas la disparité des informations transmises par les Etats, qui rend cet effort de chiffrage délicat. Tous les pays ne précisent pas la part bilatérale et multilatérale de leurs fonds publics, n’intègrent pas de la même manière les flux financiers privés et n’affichent pas les mêmes ratios entre les prêts et les dons. Les Etats-Unis, qui ne cachent pas leur hostilité à l’égard de l’accord de Paris, n’ont pas indiqué de leur côté les sommes dépensées en 2016.

En fait, « il n’existe aucune définition des finances climat au sein de la CCNUCC, et cela ne changera pas, confie un fin connaisseur de la gouvernance climatique, le sujet est très compliqué techniquement et trop sensible politiquement ». Les négociateurs se veulent plus optimistes puisque l’accord de 2015 a ouvert la voie à deux groupes de travail : l’un sur les modalités de comptabilisation, l’autre sur la « prévisibilité » des financements des pays développés à destination de ceux du Sud.

Une occasion manquée

Ce deuxième point, qui avait paralysé les débats de la COP23, est pris très au sérieux à Bonn. « La prévisibilité est un enjeu crucial, analyse Lucile Dufour, du Réseau Action Climat. C’est ce qui doit permettre aux pays en développement de planifier leurs actions climatiques, c’est aussi une garantie de confiance entre le Nord et le Sud. »

La question de la comptabilisation des financements relève du rule book, c’est-à-dire des règles de mise en œuvre de l’accord conclu fin 2015 à Paris, qui doivent être adoptées en décembre en Pologne à Katowice, ville hôte de la COP24. Ce mode d’emploi aborde de nombreux sujets, comme le contenu des contributions nationales pour réduire les émissions polluantes de chaque pays, les règles de transparence des informations communiquées par les parties ou encore les contours du bilan mondial auquel va s’astreindre la communauté internationale, tous les cinq ans, à partir de 2023.

Devant cette pile de dossiers qui s’amoncellent sur la table des négociations, le secrétariat de la CCNUCC envisage d’ajouter une session de travail supplémentaire, début septembre, à Bangkok. Cofacilitateur du groupe sur la comptabilisation des financements climat, l’ambassadeur malien Seyni Nafo esquisse un calendrier : « Nous avons beaucoup de notes informelles, il faut désormais préparer un texte clair pour Bangkok, qui rendra possibles les arbitrages au moment de la COP24. »

D’autres étapes vont jalonner cette année. Les nations industrialisées sont invitées (sur une base volontaire) à transmettre d’ici à septembre à la Convention-cadre la feuille de route de leurs financements climat jusqu’en 2020. Un exercice auquel pourrait se plier la France.

Les pays du Nord vont ouvrir, fin 2018, le chantier de la recapitalisation du Fonds vert pour le climat, dont le premier cycle (2015-2018) arrive à échéance. Ils devront compter sans les Etats-Unis, Donald Trump ayant décidé de bloquer 2 milliards de dollars promis au fonds par son prédécesseur Barack Obama.

La promesse des 100 milliards de dollars est elle aussi une occasion manquée, estime Seyni Nafo. « C’est un minimum qui n’existe pas aujourd’hui, commente le porte-parole du groupe Afrique au sein de la CCNUCC, et on a fait l’erreur d’annoncer des engagements avant de se mettre d’accord sur des règles ! » A l’horizon 2050, le coût du changement climatique pour les pays en développement devrait dépasser les 1 000 milliards de dollars par an, même avec une hausse de la température moyenne inférieure à 2 °C, avancent les experts d’Oxfam.

La France alourdit régulièrement sa dette écologique

Valéry Laramée de Tannenberg
www.journaldelenvironnement.net/article/la-france-alourdit-regulierement-sa-dette-ecologique,91597

Dès le 5 mai, la France aura consommé plus de ressources naturelles que son territoire ne peut lui en apporter. En 2008, ce jour du dépassement était le 25 avril.

La date tombe mal pour une opération de communication. Dès samedi 5 mai, début d’un long pont, les Français vivront à crédit écologique, nous dit le WWF. Plus exactement, à partir de demain, nous consommerons plus de sols, de prairies, de bois, de poissons et de carbone que l’environnement n’est capable de produire ou de stocker (pour le CO2). Pas sûr que nos concitoyens s’en préoccupent beaucoup à la veille de la célébration de la fin de la Seconde guerre mondiale.

Si les grands pays gaspilleurs que sont les Etats-Unis, le Canada ou l’Australie commémorent leur ‘jour du dépassement’ dès le mois de mars, la France n’est pas pour autant une bonne élève.

4,5 Terres nécessaires aux Américains

Car la plupart de ses grands partenaires dépassent la ‘biocapacité’ de leur territoire plus tard dans l’année: le 7 mai pour le Royaume-Uni, le 23 mai pour l’Italie, le 15 juin pour le Portugal. «En 2018, si toute l’Humanité consommait comme les Français, elle aurait exploité l’équivalent des capacités de régénération de 2,9 Terres», résume l’ONG au panda. Ce n’est pas bien. Mais nous sommes encore loin derrière l’empreinte américaine: 4,5 Terres.

De quelle façon martyrisons-nous notre environnement? «Deux tiers de l’empreinte écologique d’un Français provient de son alimentation, des dépenses d’énergie de son logement et de ses déplacements», répond Pascal Canfin, directeur général de la branche française de l’organisation.

Allégeons-nous notre empreinte écologique? Tout dépend de la période observée. En s’appuyant sur les données du Global Footprint Network, le WWF s’inquiète de voir notre bilan écologique se dégrader d’année en année depuis 2015. Pour autant, chaque Français ‘consomme’ chaque année à peu près ses 5 ‘hectares globaux’ depuis 1981.

Appétit constant

Globalement, notre appétit pour les sols ou les ressources animales et végétales est à peu près constant depuis trois décennies. Ce qui varie, c’est l’empreinte carbone. Celle-ci fluctue selon les cours du pétrole, la demande d’énergies fossiles (deux facteurs intrinsèquement liés), la météorologie, les produits importés.

Et c’est bien là le problème. Les facteurs qui dressent les contours de notre empreinte écologique sont d’ordre économique et climatique. Malgré les Grenelle, les lois sur la transition énergétique ou sur la protection de la biodiversité, aucune réforme structurelle ne nous a permis de stopper la consommation d’espaces naturels (avec les effets sur la biodiversité que cela implique), réduire régulièrement nos émissions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre, diminuer les besoins en mobilité, assainir les pratiques agricoles, baisser notre consommation d’énergie, etc.

Moins de viande et plus de bio

Pour renverser vraiment la vapeur, le WWF propose de soutenir les «modes de consommation responsables». Et par exemple, de favoriser la baisse de la demande de viande, dont la production est émettrice de GES et consommatrice d’espaces.

Profitant du vote en cours de la loi Alimentation et de la réforme annoncée de la politique agricole commune (PAC), l’ONG milite aussi pour le développement de l’agriculture bio, le maintien des prairies et la généralisation de pratiques agricoles favorisant le stockage du carbone dans le sol: cultures sans labour et agroforesterie.

Autre proposition: la mise en place d’un cadre décourageant les importations de bois et de soja tropicaux. Une bonne solution pour lutter contre l’érosion de la biodiversité, favoriser le développement d’une agriculture résiliente dans des pays où frappe déjà lourdement le changement climatique.

Macron, un an d’« imposture » agricole et environnementale, selon Attac

Émilie Massemin
https://reporterre.net/Macron-un-an-d-imposture-agricole-et-environnementale-selon-Attac

Dans « L’imposture Macron », Attac et la Fondation Copernic dressent un bilan catastrophique de la première année d’Emmanuel Macron à l’Élysée. Ceta, reculs sur la loi hydrocarbures et le glyphosate, nouvelles autoroutes… Ses mesures agricoles et environnementales ne valent guère mieux, observent Aurélie Trouvé et Maxime Combes, qui ont contribué à cet ouvrage.

 

« Ce qui caractérise Macron, c’est le contraste entre les beaux discours et les actes. Et sa tentative de faire croire à un libéralisme heureux. C’est pour ça qu’on dit qu’il s’agit d’une imposture. » Aurélie Trouvé, agronome et maîtresse de conférence en économie, porte-parole d’Attac, a participé à la coordination de l’ouvrage collectif L’imposture Macron. Un business model au service des puissants. Fruit d’une collaboration entre Attac France et la fondation Copernic, il brosse un sombre tableau de la première année de mandat du président de la République. Notamment sur les questions agricoles et environnementales.

L’auteure du livre Le business est dans le pré (éd. Fayard, 2015) pointe ainsi la suppression des aides au maintien dans l’agriculture biologique, annoncée le 20 septembre 2017 par le ministre de l’Agriculture Stéphane Travert. Et la déception causée par les états généraux de l’alimentation, dont la cérémonie de clôture, le 21 décembre 2017, a été boycottée par le ministre de la Transition écologique et solidaire Nicolas Hulot. Le projet de loi qui en est issu a été adopté vendredi 20 avril par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. Il est largement dénoncé par les syndicats agricoles : la Confédération paysanne s’est emportée contre un texte qui ne prévoit aucun mécanisme contraignant de partage de la valeur entre producteurs, industries agro-alimentaires et distributeurs, ni de définition précise d’un « prix abusivement bas » ; et la Coordination rurale regrette que le projet de loi ne garantisse « toujours pas des prix d’achat au minimum au niveau des coûts de production ». « Après avoir alimenté les espoirs en promettant une réduction des marges des distributeurs pour assurer des revenus décents aux agriculteurs, la montagne a accouché une souris », analyse Aurélie Trouvé.

« Au niveau européen, le gouvernement, emprisonné dans sa politique ultralibérale, soutient les accords de libre-échange dont on sait qu’ils sont mortifères pour les paysans », poursuit l’économiste. En France, le débat au parlement sur la ratification du traité de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et le Canada (Ceta) est prévu au deuxième semestre 2018, pour une ratification qui pourrait avoir lieu à l’automne 2018. « Sachant que le gouvernement a nommé un groupe d’experts qui a rendu un avis très critique sur les aspects agricoles et environnementaux de l’accord », souligne Aurélie Trouvé. Parmi les risques évoqués, une « harmonisation vers le bas » des limites maximales des résidus de pesticides dans les produits agricoles et alimentaires et l’importation en France de produits canadiens « autorisés en vertu d’une réglementation ne prenant pas en compte le principe de précaution ». Autre sujet d’inquiétude pour les paysans, un projet d’accord commercial entre l’UE et les quatre États du Mercosur, le marché commun d’Amérique du sud, « auquel Macron ne s’est pas opposé », dénonce Aurélie Trouvé. D’après la Confédération paysanne, il pourrait entraîner l’importation en UE de 100.000 tonnes de viande bovine et de 90.000 tonnes de viande de volaille de qualité douteuse, fragilisant un peu plus les filières européennes. « Macron a réussi à se mettre à dos tous les syndicats agricoles. Pourtant, il persiste et signe », conclut l’économiste.

Deux coups d’éclat en début de mandat, puis plus rien

Pourtant, difficile de s’opposer frontalement au président de la République, observe Maxime Combes, économiste et membre d’Attac, qui a rédigé la partie de l’ouvrage consacrée à sa politique environnementale. Et pour cause : « À son arrivée au pouvoir, Emmanuel Macron a réussi deux coups. Premièrement, il a fait entrer Nicolas Hulot au gouvernement, ce qu’avaient échoué à faire ses prédécesseurs. De nombreuses associations et ONG ont alors pensé qu’elles pourraient obtenir des choses.

Deuxièmement, il a réagi très fort à l’annonce faite par Donald Trump de la sortie des États-Unis de l’accord de Paris. Il est ainsi devenu, aux yeux de nombreux écologistes étrangers, un anti-Trump. Conformément à son ambition de faire de la France le porte-drapeau de la lutte contre les changements climatiques ». D’où un dilemme pour ses opposants : « Soit adopter d’emblée une position critique radicale, au risque de rompre le dialogue avec une partie des écolos ; soit prendre chacun des engagements au mot et veiller scrupuleusement à leur mise en œuvre. »

Lui a opté pour la seconde tactique. Un an après, il a ajouté de nombreux tirets à la liste des renoncements d’Emmanuel Macron et Nicolas Hulot. Exemple avec la loi sur la fin de l’exploitation des hydrocarbures, « sachant qu’il s’agissait d’une loi symbolique puisqu’1 % seulement des hydrocarbures consommés en France sont français » : « Au début, la loi était 100 % nickel, à la hauteur des enjeux. Mais au fur et à mesure, des exemptions ont été introduites pour que cette production puisse perdurer au-delà de la date butoir de 2040. » Ainsi, l’Assemblée nationale a approuvé une dérogation pour permettre la poursuite de l’exploitation du soufre du bassin de Lacq, dans les Pyrénées-Atlantiques. « Et des exemptions ont été introduites pour que les entreprises qui n’auraient pas rentabilisé les investissements engagés pour extraire des hydrocarbures puissent poursuivre leurs activités », s’indigne l’auteur de Sortons de l’âge des fossiles ! Manifeste pour la transition (éd. Le Seuil, 2015). Résultat, une loi au rabais.

« C’est cette logique qui se joue et qu’on retrouve dans tout un tas de mesures », poursuit Maxime Combes. Autre exemple, l’interdiction du glyphosate. « Quand ce pesticide a été réautorisé pour cinq ans par l’UE, Macron a fait mine de s’insurger et a déclaré que la France l’interdirait au bout de trois ans. Puis, en février, Nicolas Hulot a évoqué des exceptions. Et cette promesse de sortie du glyphosate en trois ans a mystérieusement disparu du nouveau plan de réduction des pesticides du gouvernement, présenté le 25 avril », reconstitue l’économiste.

Pour Maxime Combes, Emmanuel Macron veut bien tenir de beaux discours sur l’écologie, à condition de ne pas toucher au cœur de sa politique économique libérale. L’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes illustre bien cet état d’esprit. « Il aurait pu marquer la volonté d’une décision forte sur l’écologie. Mais, dans son discours du 17 janvier, le Premier ministre, Édouard Philippe, n’a parlé ni de biodiversité, ni de climat, ni de zones humides. Aujourd’hui, le gouvernement essaie de casser ceux qui tentent d’inventer un nouveau monde. Il envoie des blindés contre des cabanes qui n’ont jamais emmerdé personne. Et continue de construire des autoroutes à Strasbourg et à Rouen. »

Hauspoari eraginez

Aiala Elorrieta Agirre
www.argia.eus/argia-astekaria/2597/hauspoari-eraginez

Bost urte bete ditu Euskoak eta dagoeneko gutxi falta zaio Europako lehen tokiko moneta izateko. Euskal Moneta Euskal Herri kontinentalean arrakasta ikaragarria izaten ari den ekimena dugu eta pozgarria iruditzen zait prozesu horrek izan duen behetik goranzko norabidea. Gainera, alternatibak eraiki eta abian jartzeko bidean, urrats oso garrantzitsua izan da: jendartetik abiatuta beronen zerbitzura prestatzen den tresna erabilgarri bat. Pentsatu globalki eta ekin lokalki leloari denboraren dimentsioa gehitzerik badago: orain. Etorkizuneko plan estrategikoen martxa itxaron gabe, orainean bertan ekiteko erreminta bat ere badelako.

Euskal monetaren helburuak anitzak dira oso eta horretan datza hein handi batean bere arrakasta: birtokiratzea, euskara, trantsizio energetikoa, ekologikoa, gertuko merkataritza… Helburuak bezain anitzak dira baita ere euskoaren erabiltzaile eta defendatzaileak. Errealitate horretatik abiatzen da Dante Edme Sanjurgo, elkarteko zuzendari orokorra euskoaren emaitzetako bat goraipatzerako orduan: jendarteko sektore oso desberdinen artean zubiak eraikitzeko gaitasuna du monetak.

Honekin batera, euskoaren beste ekarpen handi bat nabarmendu nahiko nuke: tokiko monetaren bitartez, ekonomia gizartera gerturatu egiten dela. Hau da, ekonomia berriz gizartean txertatzen laguntzen duela: moneta, merkatua eta ekonomia bera jendartearen zerbitzura ekarriz.

Euskal Herriko zenbait udaletan, Hendaian edo Uztaritzen esate baterako, tokian tokiko administrazioek ekimen honekin bat egin dute euskoaren kide eginez. Are gehiago, beraien aldetik ere urratsak eman dituzte, hala nola igerilekuek eta mediatekek euskotan ordaintzeko aukera eman ere. Udalerrien arteko aliantza honek, zalantzarik gabe, balioz bete egiten du Euskal Moneta.

Euskoa izaten ari den ibilbidea ikustea zirraragarria da. Maila teorikoan defendatzen duguna, praktikan badabilela ikusteak bizipoza ematen du. Baionako Udalak euskoarekin akordio bat sinatu zuen 2017ko udan. Hitzarmen horren bitartez, udalerriak zenbait gastu eusko bidez ordaintzeko aukera ireki zuen

Euskoa izaten ari den ibilbidea ikustea zirraragarria da. Maila teorikoan defendatzen duguna, praktikan badabilela ikusteak bizipoza ematen du. Baionako Udalak euskoarekin akordio bat sinatu zuen 2017ko udan. Hitzarmen horren bitartez, udalerriak zenbait gastu eusko bidez ordaintzeko aukera eman zuen: hautetsien ordainsariak, elkarteentzako diru-laguntzak edota zenbait faktura. Baionako Udalak hartutako erabaki hau ongi baloratu beharra dago. Are gehiago, Jean-René Etchegaray auzapeza Euskal Hirigune Elkargoaren lehendakaria ere badela kontuan hartzen badugu.

Baionako Udalak urrats hori eman baldin badu, Euskal Monetari dagokion balioa antzematen diotelako izan da. Edo bestela, euskoak indartu nahi dituen baloreekin bat egiten dutelako.

Zorionez edo zoritxarrez, ez dakit, Frantziako Estatua ere ohartu da euskoaren botereaz: Hexagonoko zaindariek Baionako Udala eta euskoaren arteko hitzarmena Paueko epaitegietara eraman dute. Ez da harritzekoa: batzuontzat garaipena dena, beste batzuentzat deserosotasun iturria da.  Zorionez (orain bai) euskoa garaile irten da, Paueko jujeak baieztatu berri duelako akordioaren legezkotasuna. Oraingoz, badago zer ospatua baina Paueko prefetak kasua Bordeleko epaitegietara eraman nahi du.

Bitartean, euskoak  egunetik egunera bere bidea egiten jarraitzen duen heinean, asko ari gara ikusi eta ikasten. Moneta burujabetzaren aldeko urrats batek posible egiten du burujabetzaren beste hainbat dimentsiotan ere aurrera egitea. Noiz gertatzen da hori? Moneta oztopo baino hauspo bilakatzen denean.